Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TFD-161

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 28 ans (le « plaignant ») survenu à la suite d’une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 mai 2021, à 22 h 16, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES du décès du plaignant et donné le rapport suivant:

Le 22 mai 2021, à 21 h 03, des agents du SPT se sont rendus au 1815, rue Yonge pour une personne en détresse émotionnelle (PDE) [maintenant déterminée comme étant le plaignant]. Le SPT disposait de peu de détails. Un agent de police [maintenant déterminé comme étant l’agent impliqué (AI)] de la division 53 a fait feu sur le plaignant. Le plaignant a été transporté au Centre Sunnybrook des sciences de la santé (« l’hôpital Sunnybrook ») où il a succombé à ses blessures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 22 mai 2021 à 22 h 33

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 22 mai 2021 à 23 h 40

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 28 ans, décédé


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 25 mai et le 30 juin 2021.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 3 juin 2021.


Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 23 mai et le 9 juin 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans le corridor du troisième étage du 1815, rue Yonge, à Toronto. Il s’agit d’un immeuble en condominium à plusieurs étages situé à l’angle sud-est de la rue Yonge et de la rue Merton.

Le 23 mai 2021, à 0 h 45, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux et se sont rendus au troisième étage. Le corridor du troisième étage, à proximité de l’appartement du plaignant, avait été correctement sécurisé et était gardé par des agents de police du SPT. La porte de l’appartement était entrouverte. Elle ne présentait aucun signe d’entrée forcée. À l’intérieur, par terre devant la porte, il y avait des preuves du déploiement d’un pistolet à impulsions, dont des étiquettes AFID (identification anti-félon) et une porte de cartouche. Le reste de l’appartement ne présentait aucun signe de désordre.

Il y avait un pistolet à impulsions dans le corridor, près de la porte de l’appartement. Il montrait des signes de déploiement, car une cartouche avait été déchargée. D’autres AFIDs, des portes blindées et une sonde ont également été trouvées à proximité et le long du corridor.

Il y avait une grande tache de ce qui semblait être du sang par terre, à mi-chemin dans le corridor. Une seule douille a été trouvée sur le sol. Tout le corridor était jonché de déchets médicaux des services médicaux d’urgence (SMU). Il y avait un couteau de cuisine au-delà de la tache de sang, devant la porte d’un autre appartement.

À 1 h 49, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a commencé à photographier les lieux.

Entre 2 h 15 et 3 h, les enquêteurs ont prélevé des éléments de preuve.

Ils ont pris des mesures pour tracer un schéma des lieux.



Éléments de preuve matériels

Figure 1 - Le couteau du plaignant



Figure 2 – Pistolet à impulsions dans le corridor du troisième étage


Figure 3 - L’arme à feu de l’AI


Équipement de police du SPT

Arme à feu de l’AI

L’arme à feu de l’AI était un Glock modèle 22 Gen4. Une cartouche a été retirée de la culasse de l’arme à feu. Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a saisi l’arme à feu et son chargeur qui contenait 12 cartouches.

Un spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a photographié l’uniforme que portait l’AI au moment de l’incident ainsi que sa ceinture de service.

Gilet pare-balles de l’AT no 4

À 4 h 37, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a reçu le gilet pare-balles de l’AT no 4. Une photographie du gilet a été prise où on peut voir le gilet lui-même et un défaut au milieu du dos. Le gilet a été rendu au SPT.



Éléments de preuves médicolégaux

Soumissions et résultats du Centre des sciences judiciaires (CSJ)

Les éléments suivants ont été remis à l’Unité des armes à feu et des traces d’outils du CSJ aux fins d’examen et d’analyse :

Pièce 3 – douille prélevée sur les lieux, aux fins de comparaison;
Pièce 17 – arme à feu de la police utilisée sur les lieux, aux fins de comparaison et de détermination de la distance;
Pièce 17B – chargeur d’une arme à feu de la police à utiliser avec une arme à feu de la police;
Pièce 17C – 12 cartouches d’un chargeur à utiliser avec une arme à feu de la police;
Pièce 19 – T-shirt blanc [déterminé comme étant celui du plaignant] pour l’analyse de résidus de décharge d’arme à feu et détermination de la distance.

La description et les résultats des essais et analyses effectués par le CSJ n’avaient pas encore été reçus à la date du présent rapport.


Données téléchargées de pistolets à impulsions

Le 23 mai 2021, les données de trois pistolets utilisés lors de cet incident ont été téléchargées. En voici un résumé :


Pistolet à impulsions de l’AI – modèle X2

• 22 mai 2021 – 21 h 12 min 13 s [1] – Pression sur la gâchette pendant 5 secondes avec déploiement de la cartouche 1 par l’AI.

Pistolet à impulsions de l’AT no 1 – modèle X2

• 22 mai 2021 – 21 h 12 min 27 s – Pression sur la gâchette pendant 4 secondes avec déploiement de la cartouche 1 par l’AT no 1.

Pistolet à impulsions de l’AT no 4 – modèle X2

• 22 mai 2021 – 21 h 13 min 58 s – Pression sur la gâchette pendant 5 secondes avec déploiement de la cartouche 1 par l’AT no 4.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies


Enregistrements des communications de la police

Le SPT a fourni les enregistrements des communications liées à l’appel au 1815, rue Yonge le 22 mai 2021. Ce qui suit en est un résumé.

20 h 26 min 5 s : la TC no 3 appelle le 9-1-1 et demande à parler au service d’ambulance. On transfère l’appel au service d’ambulance et la TC no 3 dit que son fils [maintenant déterminé comme étant le plaignant] souffre de schizophrénie et l’a frappée. La TC no 3 donne l’adresse d’un appartement au troisième étage de l’immeuble situé au 1815, rue Yonge. Elle a dit à l’opérateur qu’elle n’est pas dans l’appartement et qu’elle rencontrera les ambulanciers paramédicaux en bas. La TC no 3 explique que le plaignant a traversé un épisode de cris et de hurlements et lui a donné un coup de poing sur le côté gauche du visage. Le plaignant a déjà été violent dans le passé en menaçant un voisin avec un couteau d’office.

20 h 29 min 8 s : le répartiteur de la police annonce sur le réseau radio de la police qu’il y a deux nouveaux appels à la 53e division. L’un porte sur une agression au 1815, rue Yonge : une femme, la TC no 3, a appelé au sujet de son fils, le plaignant, qui a reçu un diagnostic de schizophrénie et l’a frappée. Le plaignant n’a pas d’arme, mais a accès à des couteaux de cuisine.

20 h 41 min 50 s : la TC no 3 appelle de nouveau le 9-1-1 et demande qu’on envoie à la fois la police et une ambulance car elle a demandé une ambulance plus tôt et les ambulanciers ne sont pas encore arrivés. Elle dit que le plaignant est maintenant dehors. L’opérateur lui dit que la police et une ambulance sont en route. La TC no 3 attend à l’extérieur de l’immeuble.

20 h 50 min 21 s : des unités du SPT [maintenant déterminées comme étant l’AI, l’AT no 4, l’AT no 1 et l’AT no 3) sont envoyées au 1815, rue Yonge au sujet d’un appel pour PDE.

20 h 50 min 31 s : le répartiteur de la police avise que la TC no 3 est sur place avec le plaignant. Le plaignant criait et hurlait et a frappé la TC no 3. Le plaignant refuse de partir avec son père, le TC no 4. Aucune arme n’est impliquée, mais le plaignant a accès à des couteaux dans son logement. Le plaignant a des antécédents de violence. La TC no 3 attendra à l’extérieur de l’immeuble. Une ambulance se rend aussi sur les lieux.

20 h 52 min 26 s : le répartiteur de la police demande s’il y a un sergent à l’antenne qui est disponible pour l’appel.

20 h 53 min 12 s : le service d’ambulance appelle la police et demande si des agents se rendent au 1815, rue Yonge; les ambulanciers font une évaluation de la sécurité.

20 h 55 min 21 s : le répartiteur de la police dit qu’un homme de 28 ans atteint de schizophrénie a frappé sa mère et agressé son père. Il ajoute que le plaignant fait l’objet d’une mise en garde dans les dossiers de police pour des infractions liées à la violence et aux armes. Le plaignant n’a pas d’armes. Il a toutefois des antécédents de violence et les agents doivent faire preuve de prudence en sa présence.

21 h 03 min 5 s : l’AI et l’AT no 4 s’adressent par radio au répartiteur. Le répartiteur leur conseille d’attendre avant d’intervenir.

21 h 04 min, un homme dit qu’une ambulance est sur les lieux.

21 h 11 min 45 s : le répartiteur demande à l’AI et à l’AT no 4 où ils se trouvent.

21 h 11 min 56 s : le répartiteur demande à l’AI et à l’AT no 4 de procéder.

21 h 12 min 3 s : le répartiteur dit à l’AI et à l’AT no 4 de procéder. Il leur demande s’il y a une autre unité avec eux et les avise qu’ils ont changé la priorité.

21 h 12 min 54 s : on entend un homme [qu’on pense être l’AI] dit sur le réseau radio de la police dire qu’un homme [maintenant déterminé comme étant le plaignant] s’est avancé vers eux avec un couteau et a tenté d’attaquer son partenaire [maintenant déterminé comme étant l’AT no 4], et qu’il y a eu un coup de feu. Le répartiteur demande s’il y a des blessés.

21 h 13 min 25 s : le répartiteur demande à l’AI et l’AT no 4 s’il y a des blessures.

21 h 13 min 26 s : l’AT no 1 et l’AT no 3 disent qu’aucun autre agent n’a été blessé.

A 21 h 14 min 34 s : une deuxième ambulance est demandée.

21 h 15 min 45 s : le répartiteur demande si une unité sur place peut dire si un coup de feu a été tiré.

21 h 16 min 55 s : l’AT no 5 dit qu’un coup de feu a été tiré dans le corridor du troisième étage. Deux ambulances ont été demandées.

21 h 19 min 10 s : un homme annonce une urgence pour le suspect (le plaignant). Une ambulance est demandée pour un policier.

21 h 20 min 4 s : l’AT no 5 dit qu’un agent a été blessé. Il demande que l’AT no 6 accompagne le suspect à l’hôpital.

21 h 27 min 25 s : l’AT no 5 dit que tous les agents sont recensés et qu’il va déterminer qui sont les agents témoins puisque l’UES va enquêter.

21 h 34 min 49 s : l’AT no 5 dit que l’AI, l’AT no 4, l’AT no 1 et l’AT no 3 vont à l’hôpital.

21 h 36 min 12 s : l’AT no 6 est à l’hôpital Sunnybrook.

À 00 h 07 min 34 s : l’UES arrive sur les lieux.


Enregistrements de vidéosurveillance – 1815, rue Yonge – hall et ascenseur

Le 26 mai 2021, l’UES a reçu une clé USB contenant des images de vidéosurveillance du hall et de l’ascenseur enregistrées le 22 mai 2021 et relatives à l’incident. Il n’y avait pas de vidéosurveillance au troisième étage. Ces vidéos ont capturé ce qui suit.

Hall d’entrée

20 h 36 min 36 s : un homme [vraisemblablement le plaignant] se dirige vers les ascenseurs.

20 h 43 min 35 s : des ambulanciers paramédicaux arrivent à l’extérieur du 1815, rue Yonge et parlent à la TC no 3 et au TC no 4.

20 h 53 min 10 s : trois ambulanciers, la TC no 3 et le TC no 4 entrent dans l’immeuble et se dirigent vers les ascenseurs.

20 h 54 min 20 s : la TC no 3 se dirige vers le hall depuis la zone des ascenseurs.

20 h 57 min, des voitures de police arrivent au 1815, rue Yonge.

20 h 57 min 58 s : deux agents de police [vraisemblablement l’AI et l’AT no 3] entrent au 1815, rue Yonge.

20 h 58 min 20 s : deux agents de police [vraisemblablement l’AT no 1 et l’AT no 4] entrent au 1815, rue Yonge et se dirigent vers les ascenseurs.

21 h 06 min 45 s : le TC no 4 traverse le hall et sort de l’immeuble.

21 h 08 min 30 s : la TC no 3 et le TC no 4 se dirigent vers les ascenseurs.

21 h 10 min 10 s : la TC no 3 et le TC no 4 reviennent dans le hall.

21 h 10 min 18 s : trois agents de police entrent dans l’immeuble et se dirigent vers les ascenseurs.

21 h 11 min, deux agents de police entrent dans l’immeuble et se dirigent vers les ascenseurs.

21 h 11 min 21 s : la TC no 3 et le TC no 4 sortent de l’immeuble par la porte principale.

21 h 12 min 23 s : l’AT no 4 et un autre agent sont dans le hall. L’AT no 4 s’assied sur un canapé.

21 h 14 min 20 s : des ambulanciers paramédicaux et des agents de police sortent du bâtiment avec une civière.

Ascenseur

20 h 54 min 30 s : trois ambulanciers paramédicaux et l’AT no 4 entrent dans l’ascenseur avec une civière. La TC 3 no se dirige vers les ascenseurs, sans y entrer.

20 h 58 min 10 s : la TC no 3 et le TC no 4 se dirigent vers les ascenseurs.

20 h 58 min 31 s : l’AT no 1 et l’AT no 3 rejoignent l’AI et l’AT no 4 aux ascenseurs. Les agents enfilent des gants.

20 h 59 min 45 s : l’AI, l’AT no 4, l’AT no 3 et l’AT no 1 entrent dans l’ascenseur.

21 h 02 min 16 s : l’AT no 3 sort de l’ascenseur et se dirige vers la réception de l’immeuble.

21 h 06 min 35 s : le TC no 4 sort de l’ascenseur et va dans le hall.

21 h 08 min 31 s : un agent de police entre dans l’ascenseur.

21 h 08 min 44 s : la TC no 3 et le TC no 4 se dirigent vers les ascenseurs et y entrent.

21 h 09 min 57 s : la TC no 3 et le TC no 4 sortent de l’ascenseur et se dirigent vers le hall.

21 h 14 min 1 s : trois ambulanciers paramédicaux et deux agents sortent de l’ascenseur avec une civière.

21 h 16 min 16 s : l’AT no 5 et un autre agent de police entrent dans l’ascenseur.


Vidéo enregistrée par la caméra à bord du véhicule de l’AT no 1 et de l’AT no 3

Cette séquence provenait de la caméra de la voiture de police de l’AT no 1 et l’AT no 3. La vidéo proprement dit n’avait aucune valeur probante. Ce qui suit est un résumé des communications audio pertinentes de l’enregistrement sonore correspondant.

21 h 06 min 56 s : le répartiteur tente de communiquer avec deux unités.

21 h 11 min 17 s : on entend des voix crier à quelqu’un de se mettre à terre.

21 h 11 min 20 s : on entend un claquement [vraisemblablement la décharge d’un pistolet à impulsions].

21 h 11 min 22 s : on entend un claquement [vraisemblablement la décharge d’un pistolet à impulsions].

21 h 11 min 25 s : on entend un claquement plus fort et des voix qui crient [traduction] : « Lâche ça maintenant ».

21 h 11 min 52 s : on entend une tonalité d’urgence. Le répartiteur demande deux unités de communiquer.

21 h 12 min 50 s : on entend une voix masculine dire : « Un homme s’est avancé vers mon partenaire avec un couteau, un coup de feu. »

21 h 12 min 57 s : le répartiteur demande s’il y a des blessés. L’AT no 1 dit qu’aucun agent n’est blessé.

21 h 14 min 56 s : le répartiteur demande la confirmation que des coups de feu ont été tirés.

21 h 16 min 15 s : le répartiteur dit qu’un homme armé d’un couteau [maintenant déterminé comme étant le plaignant] s’est avancé vers son partenaire. Le répartiteur attend la confirmation que des coups de feu ont tirés.

21 h 16 min 45 s : l’AT no 5 dit qu’un coup de feu a été tiré dans le corridor du troisième étage. On demande d’envoyer deux ambulances. L’AT no 5 va s’enquérir de la situation.


Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPT a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 25 mai et le 7 juin 2021 :
• Enregistrements des communications;
• Empreintes digitales du plaignant ;
• Système Intergraph de répartition assisté par ordinateur - rapport d’événement (x2);
• Vidéos de caméra à bord d’un véhicule;
• Notes de l’AT no 1;
• Notes de l’AT no 4;
• Notes de l’AT no 2;
• Notes de l’AT no 5;
• Notes de l’AI;
• Notes de l’AT no 6;
• Notes de l’AT no 3;
• Feuille de service de la division 53 ;
• Rapport d’incident;
• Politique relative aux personnes barricadées;
• Politique relative aux pistolets à impulsions
• Politique relative aux personnes en détresse émotionnelle;
• Politique relative aux armes à feu de service;
• Politique relative au recours à la force.


Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants auprès d’autres sources entre le 26 mai et le 20 juillet 2021 :
• Vidéo de caméras de surveillance du 1815, rue Yonge;
• Dossiers médicaux de l’hôpital Sunnybrook;
• Dossiers médicaux des SMU de Toronto.

Description de l’incident

Les principaux événements en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, qui comprenaient des entrevues avec l’AI, avec trois autres agents qui étaient présents au moment du tir et de plusieurs civils qui ont été témoins de certaines parties de l’incident.

Dans la soirée du 22 mai 2021, la mère du plaignant – la TC no 3 – a appelé le 9-1-1 pour demander de l’aide pour son fils. Elle a expliqué que le plaignant souffrait de schizophrénie, était agité et venait de la frapper. Lorsqu’on lui a posé la question, la TC no 3 a dit que le plaignant n’avait pas d’armes, mais qu’il avait accès à des couteaux dans son appartement. Des ambulanciers paramédicaux et des agents ont été envoyés à l’adresse –un condominium situé au 1815, rue Yonge.

Une équipe de trois ambulanciers paramédicaux est arrivée en premier sur les lieux. À ce moment-là, le père du plaignant – le TC no 4 – était également sur place, attendant les secours avec la TC no 3 à l’extérieur de l’immeuble. Il a accompagné les ambulanciers jusqu’à l’appartement de la TC no 3. Le chef d’équipe des ambulanciers – le TC no 6 – a frappé à la porte et a entendu des pas à l’intérieur, mais la porte est restée fermée. Sachant que le plaignant avait agressé sa mère, les ambulanciers ont décidé d’attendre l’arrivée des policiers avant de tenter à nouveau de joindre le plaignant.

Quatre agents sont arrivés à l’appartement du troisième étage vers 21 h : l’AI, l’AT no 1, l’AT no 3 et l’AT no 4. Ils ont brièvement parlé avec le TC no 6, puis ont pris position dans le corridor devant la porte verrouillée. L’AI était à gauche de la porte tandis que l’AT no 4 était plus près du côté droit, du côté opposé à la poignée. L’AT no 3 était derrière l’AI et l’AT no 1 derrière l’AT no 4. L’AI a frappé à la porte, a annoncé que c’était la police et a demandé à parler au plaignant pour s’assurer qu’il allait bien. Personne n’a répondu.

Après avoir passé quelques minutes à essayer d’attirer l’attention du plaignant, les agents ont craint que ce dernier puisse se faire du mal et ont décidé d’entrer dans l’appartement. Le TC no 6 a remis la clé que lui avait fournie le TC no 4 à l’AI, qui l’a utilisée pour déverrouiller la porte. L’AT no 4 a d’abord légèrement entrouvert la porte, mais n’a vu personne à l’intérieur. Il a ensuite ouvert un peu plus la porte, a fait un pas à l’intérieur et a vu le plaignant. Le plaignant a dit aux agents de sortir; il tenait un couteau dans la main droite. Il a avancé rapidement en direction des agents, les empêchant de refermer la porte alors qu’ils battaient en retraite. Les agents ont crié au plaignant de se mettre à terre et de lâcher le couteau.

Le plaignant a continué d’avancer vers les agents, restant imperturbable, même lorsque l’AI a déchargé son pistolet à impulsions sur lui. Il a brandi son couteau en direction de l’AT no 4. L’AT no 4 a levé ses bras pour se protéger et a été poussé en arrière contre le mur du corridor. L’agent a perdu l’équilibre et s’est retrouvé accroupi, repoussant toujours le plaignant qui continuait de lui donner des coups de couteau. L’AT no 1 a dégainé son pistolet à impulsions et l’a déchargé sur le plaignant, en vain. Peu après, un coup de feu a été entendu. Il était alors environ 21 h 11.

L’AI avait fait feu. Voyant le plaignant au-dessus de l’AT no 4 avec un couteau, l’AI a tiré dans le dos du plaignant, craignant pour la vie de son collègue. Le plaignant s’est effondré. Comme il tenait toujours le couteau, l’AT no 4 a déchargé son pistolet à impulsions sur lui. L’AT no 3 a ordonné au plaignant à plusieurs reprises de lâcher le couteau, ce qu’il a fini par faire, après quoi l’AT no 3 et l’AI l’ont menotté.

Après l’arrestation du plaignant, le TC no 6, qui était toujours au troisième étage, s’est précipité pour lui prodiguer des soins d’urgence. Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où malgré les efforts de réanimation, son décès a été déclaré à 22 h.

L’AT no 4 a également été conduit à l’hôpital. Il avait des entailles superficielles à l’avant-bras, au côté droit de la tête et à l’épaule droite, ainsi qu’une blessure plus profonde dans le dos.


Cause du décès

Le pathologiste à l’autopsie était d’avis préliminaire que le décès du plaignant était attribuable à une « blessure par balle pénétrante dans le dos ».

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 22 mai 2021, le plaignant a été atteint par une balle tirée par un agent du SPT. Il a succombé plus tard à ses blessures à l’hôpital. L’agent qui a fait feu a été identifié comme étant l’agent impliqué (AI) aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, le recours à la force qui constituerait autrement une infraction est légalement justifié lorsqu’il visait à contrecarrer une attaque ou menace d’attaque raisonnablement appréhendée, et que cette force était en soi raisonnable dans les circonstances. Les facteurs suivants doivent notamment être pris en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la force : la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et s’il y avait d’autres moyens disponibles pour faire face à l’emploi possible de la force; le fait qu’une partie à l’incident utilisait ou menaçait d’utiliser une arme; et la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou la menace d’emploi de la force. En l’espèce, il n’y a pas suffisamment de preuves pour établir raisonnablement que le coup de feu tiré par l’AI ne relevait pas de la protection de l’article 34.

La présence des agents était légale en tout temps tout au long de leur bref engagement avec le plaignant. Ils avaient été appelés à l’appartement pour aider les ambulanciers paramédicaux qui tentaient d’examiner le plaignant, lequel avait été signalé comment étant détresse mentale. Comme la mère du plaignant avait dit qu’il avait été violent à son égard et que les renseignements figurant dans les dossiers de la police mentionnaient qu’il avait des antécédents d’infractions liées à des armes, il semblerait que la présence de la police était une précaution raisonnable pour assurer la sécurité de tous.

En ce qui concerne le coup de feu dans le dos du plaignant, je ne peux pas raisonnablement conclure qu’il n’était pas légalement justifié. Le plaignant était en train d’attaquer l’AT no 4 au couteau quand l’AI, craignant pour la vie de son partenaire, a fait feu. À ce moment-là, il ne fait aucun doute que le plaignant constituait une menace réelle et imminente de lésions corporelles graves et de mort pour l’AT no 4. Il était armé d’un couteau, avait déjà entaillé et poignardé l’AT no 4 à plusieurs reprises, et deux décharges de pistolets à impulsions n’avaient pas suffi à le maîtriser. Dans les circonstances, je suis convaincu que l’AI était dans son droit de réagir à la menace mortelle que présentait le plaignant en ayant recours lui-même à une force mortelle. Même s’il lui-même ou les autres agents auraient pu choisir de joindre leurs forces pour maîtriser physiquement le plaignant, cette option aurait mis leur propre vie en danger étant donné que le plaignant tenait un couteau; on ne peut leur reprocher de ne pas l’avoir fait.

Avant de clore le dossier, force est de constater que les agents qui sont intervenus pour s’occuper du plaignant n’ont guère songé à demander la présence d’une équipe mobile d’intervention en cas de crise (EMIC), ou pensaient qu’une telle équipe n’était pas disponible ou inappropriée dans les circonstances. Ces équipes, qui jumellent des agents ayant reçu une formation spécialisée avec du personnel infirmier en santé mentale, font partie de la stratégie du service de police pour intervenir plus efficacement auprès des personnes en crise de santé mentale. Selon la politique actuelle du service de police, il semble qu’une EMIC aurait dû être demandée et/ou déployée. Cela dit, la question de savoir si une telle équipe aurait pu contribuer à un résultat plus positif si elle avait été sur les lieux est purement spéculative. Plus précisément, même si les agents ont agi précipitamment en l’absence d’une EMIC, l’AI était en droit d’avoir recours à la force pour protéger l’AT no 4 d’une attaque au couteau en cours. De plus, si les agents manquaient à leur devoir de diligence à cet égard, leur erreur n’était pas grave au point de constituer une négligence criminelle. L’AI a expliqué que les agents ont ouvert la porte au moment où ils l’ont fait parce qu’ils craignaient que le plaignant, dans l’état où il se trouvait et étant donné qu’il avait accès à des couteaux dans la cuisine, puisse se faire du mal. Cette préoccupation n’était pas sans fondement.

En dernière analyse, comme je suis convaincu qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI se soit conduit autrement que légalement quand il a fait feu sur le plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles en l’espèce. Le dossier est donc clos.


Date : 17 septembre 2021

Approuvé par voie électronique par


Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les heures indiquées correspondent à celles de l’horloge interne de chaque pistolet et ne sont pas nécessairement synchronisées entre les pistolets et avec l’heure réelle. [Retour au texte]

Note:

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