Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-TVI-152

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par un homme de 49 ans (plaignant no 1) et une femme de 30 ans (plaignante no 2).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 mai 2021, à 21 h 40, le Service de police de Toronto (SPT) a avisé l’UES de blessures subies par le plaignant no 1 et la plaignante no 2.

Selon le SPT, à 19 h 49, l’agent impliqué (AI) était en route pour un appel de service quand son véhicule de patrouille est entré en collision avec une moto sur la 6e rue, à l’intersection de la rue Birmingham. Le conducteur de la moto, le plaignant no 1, a été conduit à l’hôpital St. Michael où il a été constaté qu’il avait une fracture de la hanche. Sa passagère, la plaignante no 2, a été emmenée au même hôpital où on lui a diagnostiqué des fractures à la jambe.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 13 mai 2021 à 23 h 03

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 13 mai 2021 à 23 h 59

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personnes concernées (les « plaignants ») :

Plaignant no 1 Homme de 49 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Plaignante no 2 Femme de 30 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Les plaignants ont participé à une entrevue le 17 mai 2021.


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 2 juin 2021.


Agents témoins

AT A participé à une entrevue

L’agent témoin a participé à une entrevue le 18 mai 2021.
 

Éléments de preuve

Les lieux

Figure 1 - Vue prise par la caméra à bord du véhicule du SPT conduit par l’AI au moment où il entrait dans l’intersection de la 6e rue et de la rue Birmingham.

La rue Birmingham est une rue principale orientée est-ouest. La chaussée est goudronnée, comporte des marquages au sol visibles et est délimitée par des bordures surélevées en béton sur les côtés nord et sud, le long de trottoirs surélevés. Cette rue comprend une voie dans chaque direction ainsi qu’une voie de virage à gauche et une voie de virage à droite, pour les véhicules circulant vers l’ouest à l’approche de l’intersection de l’avenue Islington (à l’ouest du lieu de la collision). Elle comporte des voies cyclables balisées vers l’est et vers l’ouest. Des lampadaires surplombent les deux côtés de la chaussée. Le secteur est à la fois commercial et résidentiel.

La 6e rue est orientée nord-sud. Entre la rue Birmingham et le boulevard Lake Shore Ouest, elle est à sens unique (autorisée en direction sud). Des panneaux d’interdiction d’entrée sont bien visibles aux coins nord-est et nord-ouest de l’intersection du boulevard Lake Shore Ouest et de la 6e rue, avec l’inscription « DO NOT ENTER » sous le panneau nord-ouest. Juste au nord de l’intersection, la ruelle Alex Faulkner va vers l’est depuis la 6e rue. Des panneaux à sens unique (direction sud) sont clairement visibles de chaque côté de la chaussée. Tous les véhicules étaient garés face au sud, du côté est de la 6e rue.

Il n’y a pas de panneaux de limitation de vitesse dans les zones parcourues sur le boulevard Lake Shore Ouest et la 6e rue.

La chaussée comporte des bordures surélevées en béton sur les côtés est et ouest qui délimitent des trottoirs surélevés. La 6e rue, au sud de la rue Birmingham, est à sens unique pour la circulation en direction sud et, au nord de la rue Birmingham, à double sens. La circulation vers le sud sur la 6e rue est contrôlée par un panneau d’arrêt à l’intersection de la rue Birmingham. Des lampadaires surplombent la chaussée sur le côté ouest. Des véhicules étaient garés du côté est de la chaussée en direction sud. Le secteur est à la fois commercial et résidentiel.

Il y a un dépanneur sur le 6e rue, au coin sud-est de l’intersection. Deux caméras de surveillance sont fixées au coin nord-ouest du magasin.

Deux véhicules étaient directement impliqués dans la collision.

Véhicule 1 – Police - Ford Explorer 2019

Ce véhicule roulait vers le nord sur la 6e rue. Il était très endommagé à l’avant gauche. Il y avait des éraflures sur le capot à l’avant, et le pare-brise avant était endommagé du côté du conducteur. Tous les coussins gonflables latéraux sur le côté gauche et le coussin gonflable du volant étaient déployés. Le véhicule était équipé d’une caméra qui a commencé à enregistrer 30 secondes avant un événement d’activation. Ce véhicule de police a fait l’objet d’un examen mécanique après la collision et s’est avéré en état de rouler.


Figure2 - Le Ford Explorer 2019 de l’AI très endommagé à l’avant.

Véhicule 2 - Motocyclette Honda CV400T

Cette moto était orientée en direction sud-est dans la voie en direction nord de la 6e rue, au nord de l’intersection de la rue Birmingham. Elle avait été fortement endommagée par la collision. L’enquête a révélé qu’elle roulait vers l’est sur la rue Birmingham.


Figure 3 - Éraflures sur la chaussée jusqu’à la moto du plaignant no 1 et de la plaignante no 2.


Figure 4 - La moto Honda CV400T du plaignant no 1 et de la plaignante no 2.

Schéma des lieux

Éléments de preuves médicolégaux

Données de collisions récupérées du véhicule du SPT

Les données ont été récupérées du véhicule par un agent du Service de la circulation du SPT le 14 mai 2021, à 2 h 16 du matin, à l’aide de l’outil de récupération des données. Un « événement » a été enregistré dans le module de commande du sac gonflable. Les sacs gonflables avant et latéraux s’étaient déployés lors de la collision. L’AI n’avait pas bouclé sa ceinture de sécurité.

De cinq secondes à quatre secondes avant la collision, l’AI roulait à environ 54 km/h. De quatre secondes à une seconde avant la collision, il a ralenti d’environ 53 km/h à environ 51 km/h, en exerçant moins de pression sur la pédale d’accélérateur, mais sans appuyer sur celle de freinage. Environ une demi-seconde avant la collision, l’AI a ralenti à environ 50 km/h, toujours avec une certaine pression sur la pédale d’accélérateur, mais sans freinage.

Au moment du déploiement des coussins gonflables (aux fins de l’enquête sur la collision, ce serait considéré comme le moment de la collision), l’AI avait relâché la pédale d’accélérateur, mais n’avait pas encore appuyé sur la pédale de freinage. La direction de son véhicule n’a pas changé (en ligne droite vers l’avant) au cours des cinq dernières secondes précédant la collision.

Les données du système de récupération des données concordaient avec le fait que l’AI roulait à une vitesse constante pendant environ cinq secondes juste avant la collision, puis a cessé d’appuyer sur la pédale d’accélérateur au moment où son véhicule et la moto sont entrés en collision.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Déclarations enregistrées sur la caméra corporelle de l’AI

À 20 h 25 min 17 s, l’AT parle à un témoin civil. Ce témoin conduisait un autobus de la Commission de transport de Toronto (TTC) vers l’est sur la rue Birmingham, à l’ouest de l’avenue Islington. Il virait vers le nord sur l’avenue Islington au moment de la collision. Il n’a pas vu la collision, mais a dit à l’AT que la caméra de vidéosurveillance à bord de l’autobus l’avait peut-être capturée.

Le chauffeur de l’autobus a déclaré avoir vu une moto non impliquée dans la collision par terre dans la rue. Cette moto appartenait à un autre témoin civil. [2] Le chauffeur de l’autobus a vu le témoin civil ramasser la moto lorsqu’il a couru vers le lieu de la collision. Le chauffeur de l’autobus a vu le VUS du SPT sur la rue Birmingham; ses coussins gonflables étaient déployés et deux personnes gisaient par terre, près d’une moto, lorsqu’il s’est précipité sur les lieux. Il n’a vu que les séquelles de la collision.

À 20 h 34 min 48 s, l’AT a recueilli une déclaration du témoin civil à qui appartenait la moto non impliquée dans la collision. Ce témoin lui a dit qu’il roulait vers l’est sur la rue Birmingham, à l’est de l’avenue Islington, à une centaine de mètres derrière la moto du plaignant no 1 et de la plaignante no 2. Il a vu la moto des deux plaignants virer à gauche sur la route, semblant tourner vers le nord sur la 6e rue. Il a ensuite vu un VUS de la police rouler vers le nord sur la 6e rue, dans le sens interdit de la rue à sens unique, et s’engager dans l’intersection sans s’arrêter. Le VUS de la police a frappé le côté de la moto à l’intersection, près du milieu de la chaussée. Sous l’impact, le plaignant no 1 et la plaignante no 2 ont été projetés sur le trottoir. Après la collision, l’agent est immédiatement sorti de sa voiture de police. Le témoin a freiné brusquement et est tombé par terre avec sa moto. Il a ensuite ramassé sa moto pour la placer sur le côté. L’agent de police a couru vers le plaignant no 1 et la plaignante no 2, s’est accroupi et leur a parlé, leur disant de ne pas s’inquiéter et qu’une ambulance était en route.

Images de vidéosurveillance de la 6e rue

Cet enregistrement de vidéosurveillance provenait d’une maison d’habitation près de l’intersection. La vidéo n’avait pas d’horodateur.

À 2 s du début de l’enregistrement, on voit un VUS aux couleurs du SPT, conduit par l’AI, rouler vers le nord sur la 6e Rue. Le VUS sort du champ de vision de la caméra et on entend le son d’une collision. À 9 s, on voit un objet flou [identifié plus tard comme étant une moto] se déplacer vers l’est sur la rue Birmingham. On entend le klaxon d’un véhicule [plus tard identifié comme provenant du véhicule de police de l’AI].

Images de vidéosurveillance de la rue Birmingham

À 19 h 46 min 28 s, on peut voir le VUS de police conduit par l’AI rouler vers le nord sur la 6e rue et s’engager dans l’intersection de la rue Birmingham sans s’arrêter. Une fois dans l’intersection, le véhicule de police disparaît du champ de vision de la caméra. On peut voir un casque de moto noir rouler en travers de la rue Birmingham en direction nord-est depuis le milieu de l’intersection et s’immobiliser sur le trottoir devant une berline blanche garée.

À 19 h 47 min 6 s, une voiture de police conduite par l’AT se dirige vers l’ouest sur la rue Birmingham et ralentit à l’approche de l’intersection. Elle roule ensuite vers l’est et disparaît du champ de vision de la caméra.

Images de vidéosurveillance du dépanneur

À 19 h 48 min 2 s, deux motocyclistes [maintenant connus pour être le plaignant n° 1 et la plaignante n° 2] roulent vers l’est sur la rue Birmingham.

À 19 h 48 min 3 s, un VUS de police conduit par l’AI se dirige vers le nord sur la 6e rue et arrive à l’intersection de la rue Birmingham. Au même moment, la moto s’engage dans l’intersection et on peut entendre un crissement de pneus. Le véhicule de police entre dans l’intersection et, au moment où la moto passe devant lui, les feux de freinage du véhicule s’allument.

À 19 h 48 min 5 s, le véhicule de police frappe le côté droit de la moto; on peut entendre le bruit de l’impact. Le véhicule de police dévie vers la droite, les freins toujours serrés. On voit alors le plaignant no 1 rouler sur le capot du véhicule de police et s’écraser contre le pare-brise. Il est ensuite projeté sur la chaussée.

On voit un casque noir appartenant au plaignant no 1 ou à la plaignante no 2 voler dans l’air vers l’est.

À 19 h 48 min 7 s, le corps du plaignant no 1 s’immobilise sur le trottoir, à l’angle nord-est de la 6e rue et de la rue Birmingham, la tête pointant vers l’est. La plaignante no 2 s’immobilise à l’angle nord-est de l’intersection sur la chaussée, la tête pointant vers l’ouest. Le casque noir s’immobilise sur le trottoir nord, à l’est de l’intersection et devant une berline blanche garée. Le véhicule de police s’est immobilisé à l’intersection, bloquant la voie en direction ouest de la rue Birmingham, face au nord.

Vidéo de la caméra à bord du véhicule de police du SPT conduit par l’AI

À 19 h 47 min 34 s, l’AI roule vers l’ouest sur le boulevard Lake Shore Ouest dans la voie en bordure de droite. Il ralentit pour tourner à droite, en direction nord sur la 6e rue, une rue à sens unique vers le sud. Un panneau circulaire affiche une interdiction d’entrée à l’angle nord-est de la 6e rue et du boulevard Lake Shore Ouest.

Un deuxième panneau circulaire affiche une interdiction d’entrée à l’angle nord-ouest de la 6e rue et du boulevard Lake Shore Ouest.

Une ligne blanche épaisse et continue est visible au travers de la 6e rue, à l’intersection avec le boulevard Lake Shore Ouest.

Une berline grise tente de tourner à gauche à la sortie d’un terrain de stationnement sur la 6e rue et s’arrête en partie sur la chaussée alors que la voiture de police roule vers le nord sur la 6e rue. Il y a aussi une flèche directionnelle à sens unique sur le côté ouest de la 6e rue, en face de la berline grise et du stationnement. Des voitures sont garées face au sud, sur le côté est de la 6e rue.

À 19 h 48 min 4 s, l’AI s’engage dans l’intersection de la 6e rue et de la rue Birmingham sans s’arrêter. Comme il circule dans le mauvais sens, aucun panneau d’arrêt n’indique qu’il doit s’arrêter. La moto du plaignant no 1 et de la plaignante no 2 roule vers l’est sur la rue Birmingham et s’engage dans l’intersection devant l’AI. La voiture de police et la moto entrent en collision. La voiture de police heurte le côté droit de la moto. Le plaignant no 1 est éjecté de la moto et heurte le pare-brise de la voiture de police. La plaignante no 2 est éjectée sur la chaussée. La moto glisse vers le nord sur la 6e rue, au nord de la rue Birmingham. La voiture de police s’arrête au coin nord-est de la 6e rue et de la rue Birmingham. L’audio a capté le bruit de l’impact et le klaxon continu de la voiture de police.

Images de vidéosurveillance d’un autobus de la TTC

Il s’agissait d’un autobus de transport courant équipé de quatre caméras de vidéosurveillance qui enregistrent l’intérieur de l’autobus et l’extérieur immédiat le long de l’autobus. Aucune des caméras n’a fourni de séquences vidéo ayant une valeur probante dans cette affaire.

Communications radio du SPT

À 19 h 48 min 38 s, l’AI appelle son répartiteur et demande qu’on envoie une ambulance à l’intersection de la 6e rue et de la rue Birmingham. Quand le répartiteur lui demande ce qui s’est passé, il répond qu’il a deux victimes qui ont été heurtées à moto; ils ont subi des fractures, et les deux sont conscients et respirent. L’AI ajoute qu’il a besoin de deux unités disponibles pour bloquer la circulation sur l’avenue Islington et la rue Birmingham.

À 19 h 51 min 36 s, l’AI demande qu’on place une urgence pour l’ambulance et confirme qu’il a deux victimes — une femme et un homme. La femme a une jambe et un bras cassés et saigne à la cuisse. Les deux sont conscients et respirent. Il avise le répartiteur qu’il s’agissait d’une collision avec un véhicule de police et demande qu’un sergent de la circulation vienne sur les lieux. Il ajoute qu’il n’est pas blessé.

À 20 h 24 min 11 s, l’AT demande qu’on l’enregistre comme étant sur les lieux.

Éléments obtenus auprès du service de police

Le SPT a remis les documents suivants à l’UES entre le 14 mai et le 2 juin 2021 :
• Données téléchargées de la caméra embarquée à bord du véhicule de l’AI;
• Rapport général d’incident;
• Enregistrements des communications;
• Rapport d’examen mécanique du véhicule de police de l’AI;
• Notes de l’AI et de l’AT;
• Vidéos des caméras corporelles portées par l’AI et l’AT;
• Vidéo enregistrée par la caméra à bord du véhicule de l’AI;
• Rapport d’accident de véhicule automobile.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a examiné les éléments suivants obtenus auprès d’autres sources :
• Dossier médical du plaignant no 1 (Hôpital St. Michael);
• Dossier médical de la plaignante no 2 (Hôpital St. Michael);
• Images de vidéosurveillance;
• Registre des panneaux de réglementation de la ville de Toronto.

Description de l’incident

Les événements importants en question ressortent clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES et peuvent être brièvement résumés comme suit :

Le 13 mai 2021, vers 19 h 48, le plaignant no 1 conduisait une moto vers l’est, sur la rue Birmingham, et approchait de l’intersection avec la 6e rue. Il était accompagné de sa passagère, la plaignante no 2. Lorsqu’ils sont entrés dans l’intersection, leur moto a été frappée sur le côté par un VUS du SPT qui roulait vers le nord sur la 6e rue.

L’AI était le conducteur du VUS de police. Il roulait dans le mauvais sens vers le nord sur un tronçon de la 6e rue qui était à sens unique. L’agent était de service et retournait au Collège de police de Toronto dans le secteur pour rencontrer un collègue et rédiger ses notes sur un appel de service qui venait de prendre fin.

À la suite de la collision, l’AI est sorti de son véhicule et est allé porter secours au plaignant no 1 et à la plaignante no 2, qui avaient été éjectés de la moto et projetés vers le nord-est. Des ambulanciers paramédicaux ont été appelés sur les lieux et ont conduit les deux blessés à l’hôpital.

Le plaignant no 1 et la plaignante no 2 avaient subi des blessures graves.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant n° 1 et la plaignante n° 2 ont été grièvement blessés lorsque leur moto a été heurtée par un véhicule de patrouille du SPT à Toronto, le 13 mai 2021. Le conducteur du véhicule de police, l’AI, a été identifié comme étant l’agent impliqué aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec la collision.

Les infractions à prendre en considération sont la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, des infractions visées respectivement au paragraphe 320.13 (2) et à l’article 221 du Code criminel. Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième est une infraction plus grave de conduite négligente, à savoir un cas qui démontre un mépris déréglé ou téméraire pour la vie ou la sécurité d’autrui. Pour engager la responsabilité, le comportement reproché doit constituer un écart à la fois important et marqué par rapport à un niveau de diligence raisonnable. En l’espèce, il faut déterminer si l’AI a manqué à son devoir de diligence envers les plaignants et, dans l’affirmative, si sa conduite était suffisamment flagrante pour justifier une sanction pénale. À mon avis, bien que l’AI soit responsable de la collision, sa conduite n’a pas transgressé les limites de diligence prescrites par le droit criminel.

Il est clair que l’AI conduisait son véhicule sans porter suffisamment d’attention à ce qui l’entourait. En tournant à droite sur la 6e rue, depuis le boulevard Lake Shore Ouest en direction ouest, il a ignoré les panneaux d’interdiction d’entrée indiquant que la 6e rue était à sens unique vers le sud. De plus, lorsque l’agent est arrivé à l’intersection de la 6e rue et de la rue Birmingham, il n’a pas tenu compte de la circulation est-ouest avant de s’engager dans l’intersection. S’il l’avait fait, il aurait vraisemblablement remarqué la moto du plaignant no 1 à proximité et aurait attendu que la moto ait franchi l’intersection avant de la franchir lui-même. Il semble que l’AI ait été, au moins en partie, distrait en ayant tourné son attention vers l’ordinateur de son véhicule de police pour les rapports d’appels de service que le service de répartition pourrait transmettre.

Cela dit, je ne peux pas qualifier raisonnablement de criminelles les erreurs de l’AI. Même si sa distraction excédait un simple manque d’attention momentané, compte tenu de l’ensemble des circonstances, sa conduite ne semble pas avoir été nettement inférieure à la norme. Pour arriver à cette conclusion, il est important de noter que rien n’indique que l’agent roulait à une vitesse excessive quand il se dirigeait vers la rue Birmingham ni un autre comportement dangereux au volant. De plus, à part les panneaux de signalisation de sens unique qu’il n’a pas respectés, l’AI n’a croisé aucun véhicule roulant vers le sud qui aurait pu l’alerter de son erreur alors qu’il se dirigeait vers le nord sur la 6e rue.

Dans les circonstances, bien que j’accepte que l’AI ait manqué à son devoir de diligence envers les autres usagers de la route et qu’il soit directement responsable de la collision qui a gravement blessé les deux plaignants, tout bien considéré, je ne suis pas raisonnablement convaincu que ses manquements suffisent à justifier une sanction pénale. Il n’y a pas donc lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 8 septembre 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les éléments importants des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 2) Ce témoin n’a pas été interrogé par l’UES, car il avait décriteu ce qu’il avait vu à l’AT. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.