Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OVI-328

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par une femme de 35 ans (plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 novembre 2020 à 17 h 15, le Service de police de Chatham-Kent a avisé l’UES des blessures subies par la plaignante. Les blessures résultaient d’une collision de véhicule automobile survenue pendant que la police tentait d’intercepter le véhicule qu’elle occupait.

Selon les renseignements fournis par le Service de police de Chatham Kent, à 11 h 6 le 28 novembre 2020, des agents du service de police avaient tenté d’intercepter une camionnette roulant vers l’est sur l’autoroute 401. La camionnette a continué son chemin et une poursuite a été entamée. La camionnette est sortie de l’autoroute à Kent Bridge Road et s’est renversée.

Les deux occupants du véhicule ont été conduits à l’Hôpital public général (Alliance Chatham-Kent pour la santé) et les examens ont révélé que la passagère avait subi des fractures par avulsion des vertèbres L1 à L4.

Le lieu de l’incident a été préservé par l’UES.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

L’UES a immédiatement dépêché trois enquêteurs, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires et un spécialiste de la reconstitution des collisions. Les lieux ont été photographiés et mesurés à l’aide d’un tachéomètre électronique, pour un mappage médicolégal.

Comme l’incident est survenu sur une autoroute de la série 400, qui relève de la Police provinciale de l’Ontario, la Police provinciale a également envoyé sur les lieux une équipe d’enquête sur les collisions.

Plaignante :

Femme de 35 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue




Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué Déposition fournie.



Éléments de preuve

Les lieux

Les données météorologiques obtenues d’Environnement Canada pour le secteur de Chatham Kent, à 11 h le 28 novembre 2020, indiquaient une température de 3,6 degrés Celsius. Il y avait des vents de l’ouest de 21,0 km/h, avec une visibilité à 16,1 kilomètres.

Dans le secteur de la collision, l’autoroute 401 comportait quatre voies, soit deux en direction est et deux autres en direction ouest. Les voies des directions opposées étaient séparées par un terre-plein gazonné.

Kent Bridge Road croisait l’autoroute 401 avec un viaduc et un échangeur en forme traditionnelle de trèfle.

Une bretelle de sortie en direction est permettait aux véhicules de sortir à Kent Bridge Road. Juste à l’est de la bretelle de sortie, une bretelle d’accès menait aux voies en direction est de l’autoroute 401. La bretelle de sortie était délimitée par une ligne jaune continue du côté gauche, soit à l’est, et une ligne blanche continue du côté droit de la chaussée. Des carrés métalliques réfléchissants jaunes sur des poteaux délimitaient le côté gauche de la bretelle. Il n’y avait pas de panneau affichant la limite de vitesse recommandée.

Une Dodge Charger bleue de 2018 identifiée du Service de police de Chatham Kent avait les roues d’un côté dans le gravier et de l’autre, sur l’asphalte de l’accotement du côté est de la bretelle d’accès de Kent Bridge Road menant aux voies en direction est de l’autoroute 401. Le moteur était en marche et les feux d’urgence étaient activés. Le véhicule ne présentait aucun signe de dommages extérieurs récents.

Un véhicule Ford F150 rouge de 2007 était face au nord sur le terre-plein gazonné du côté est de la bretelle d’accès aux voies en direction est de l’autoroute 401 à partir de Kent Bridge Road. Le côté droit était moyennement écrasé et le toit avait été arraché.


Figure 1 – Véhicule Ford F150.

Une trace de pneu de 21,6 mètres de long commençait à 1,7 mètre au sud de la bordure nord de la bretelle de sortie de l’autoroute 401 en direction est menant à Kent Bridge Road, à 85,5 mètres à l’ouest du centre de gravité du véhicule Ford F150. La trace se terminait à la bordure nord de l’accotement de gravier du côté nord. Une autre trace de pneu, plus courte, était parallèle à la première et se trouvait juste au sud d’elle. D’autres traces de pneu semblables aux deux premières allaient en direction est et étaient entrecoupées sur le terre-plein gazonné séparant la bretelle de sortie des voies en direction est de l’autoroute 401 vers Kent Bridge Road de la bretelle d’accès.


Figure 2 – Marqueurs de preuve jaunes et orange placés à côté des traces de pneu.

Schéma des lieux

Éléments de preuves médicolégaux

Données de GPS de la voiture de police de l’AI

Il semblerait que les heures indiquées dans les données de GPS de la voiture de police de l’AI avaient une heure d’avance par rapport à l’heure réelle. Tous les autres éléments de preuve indiquent que l’incident est survenu à 11 h 3, et non pas à 12 h 3, contrairement à ce que font croire les données de GPS de la voiture de l’AI. Les heures indiquées plus bas ont été avancées d’une heure de manière à refléter l’heure réelle.

Le 28 novembre 2020, à 10 h 45, l’AI était au poste du Service de police de Chatham-Kent à Blenheim. À 10 h 46, il est parti du poste pour se diriger vers le sud sur County Road 11 (appelée rue Chatham Nord, dans la ville de Blenheim). L’AI a poursuivi son chemin jusqu’à la rue Talbot, puis vers le sud sur County Road 11 (aussi appelée rue Chatham Sud, au sud de la rue Talbot), à environ 40 km/h. Il a ensuite emprunté County Road 3 en direction sud. Il roulait alors à une vitesse entre 50 km/h et 75 km/h.

Au sud de Blenheim, sur County Road 3, il y avait une route revêtue à deux voies, soit une en direction nord et une autre en direction sud. Le Willow Ridge Golf and Country Club se trouvait au sud de Blenheim. À 10 h 51, juste au nord du club de golf, l’AI a fait demi-tour et s’est dirigé vers le nord.

Pendant qu’il roulait en direction nord sur County Road 3, l’AI a atteint une vitesse de 133 km/h, dans un secteur avant tout rural dans lequel la limite de vitesse affichée était de 80 km/h. En continuant vers le nord, il est arrivé dans un secteur où des immeubles industriels et commerciaux se trouvaient le long de la route et il a alors réduit sa vitesse à environ 60 km/h. La limite de vitesse affichée était de 50 km/h.

L’AI a tourné vers le nord, pour emprunter County Road 11 (rue Chatham Sud), et il roulait alors à 91 km/h dans un secteur résidentiel où la limite de vitesse affichée était de 50 km/h. Il a ralenti en approchant de l’intersection avec la rue Talbot (l’intersection la plus importante de Blenheim), puis il a poursuivi sa course vers le nord, en traversant la ville à environ 40 km/h.

L’AI est sorti de Blenheim et a continué vers le nord sur County Road 11 (au nord de Blenheim, County Road 11 change de nom pour Communication Road). Il s’est alors retrouvé dans un secteur majoritairement rural, et il y avait une voie en direction nord et une autre en direction sud. La limite de vitesse affichée au nord de Blenheim était de 90 km/h et tombait à 80 km/h, juste au sud de l’autoroute 401. Pendant qu’il allait en direction nord sur County Road 11, l’AI a atteint une vitesse de 152 km/h, dans une zone dont la limite de vitesse était de 90 km/h.

À 10 h 59, l’AI s’est engagé sur les voies en direction est de l’autoroute 401.

De 10 h 59 à 11 h, la vitesse de l’AI a varié entre 111 km/h et 167 km/h, le plus souvent entre 140 km/h et 159 km/h.

De 11 h à 11 h 1, l’AI a continué de rouler entre 150 km/h et 161 km/h.

À 11 h 2, l’AI a atteint une vitesse de 172 km/h pendant qu’il allait vers l’est sur l’autoroute 401.

À 11 h 3 min 31 s, l’AI approchait de la bretelle de sortie de Kent Bridge Road et roulait alors à 143 km/h.

L’AI est sorti par la bretelle de Kent Bridge Road et s’est rendu au panneau d’arrêt obligatoire au croisement de la bretelle avec Kent Bridge Road. Il a ensuite tourné vers le nord et est descendu jusqu’au milieu de la bretelle d’accès à l’autoroute 401.

Témoignage d’expert

Rapport du spécialiste de la reconstitution des collisions

L’AI, au volant d’un véhicule Dodge Charger de 2017, une voiture de police identifiée du Service de police de Chatham-Kent, s’est dirigé vers le nord sur Communication Road (County Road 11) à Blenheim, puis est allé vers l’est sur l’autoroute 401 à Chatham-Kent. L’AI était à la poursuite d’une camionnette Ford F150 de 2007 conduite par le TC no 1. La plaignante était sur le siège avant du passager de la camionnette. La visibilité était bonne et les routes étaient sèches.

Pendant qu’il roulait sur Communication Road, dans la partie nord de Blenheim, l’AI a atteint une vitesse maximale de 158 km/h dans une zone où la limite était fixée à 90 km/h. L’AI est ensuite allé vers l’est, sur l’autoroute 401 pendant 11,4 kilomètres, atteignant une vitesse maximale de 172 km/h dans une zone avec une limite de 100 km/h.

À 11 h 3, le TC no 1 est sorti de l’autoroute 401 par la bretelle de sortie de Kent Bridge Road et il roulait alors à environ 120 km/h, avec l’AI à 3,48 secondes derrière lui.

Le véhicule Ford F150 a dépassé la bordure est de la bretelle de sortie à approximativement 88 km/h et il a rebondi en passant sur l’herbe en direction sud-est vers la bretelle d’accès à l’autoroute 401. Le véhicule Ford F150 a ensuite grimpé la bordure ouest de la bretelle d’accès, puis il a été projeté dans les airs et a traversé la bretelle en tournant sur lui-même dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre. La roue arrière du côté droit du véhicule F150 s’est retrouvée du côté est de la bretelle d’accès, ce qui a fait basculer le véhicule, qui s’est alors renversé sur le côté droit et a glissé sur une courte distance, avant de s’immobiliser face vers le nord.

La voiture du Service de police de Chatham-Kent est passée par la bretelle de sortie menant à Kent Bridge Road, puis elle a fait un virage en direction nord pour prendre la bretelle d’accès, puis elle s’est arrêtée sur l’accotement du côté est.

La plaignante a été grièvement blessée durant la collision.

D’après l’inspection des véhicules en cause, l’AI ne portait pas sa ceinture de sécurité. Les éléments de preuve dans la camionnette étaient suffisants pour établir que le TC no 1 et la plaignante avaient leur ceinture bouclée.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Enregistrement d’une caméra de circulation du Système de gestion de la circulation autoroutière (COMPAS)

Une caméra COMPAS se trouvait du côté sud de l’autoroute 401, à Kent Bridge Road. Un enregistrement vidéo de la caméra a été obtenu par l’UES.

À 11 h 3 min 29 s, la caméra, qui filmait la circulation en direction est, a capté une image du toit de la camionnette F150, dans le coin inférieur droit. Ce véhicule roulait en direction sud-est sur la bretelle de sortie menant à Kent Bridge Road.

À 11 h 3 min 33 s, le toit d’un véhicule bleu foncé avec les gyrophares non activés, présumément la voiture du Service de police de Chatham-Kent conduite par l’AI, se dirigeait vers le sud-est dans la bretelle de sortie menant à Kent Bridge Road.

Enregistrements de communications

Les enregistrements des communications de la Police provinciale de l’Ontario ont été reçus par l’UES le 11 février 2021. L’analyse de ces communications ont permis d’identifier deux témoins civils.

À 11 h 13, le Service de police de Chatham-Kent a communiqué avec la Police provinciale pour signaler qu’un de ses agents avait observé un accident à la bretelle de sortie de l’autoroute 401 débouchant sur Kent Bridge Road. Le répartiteur du Service de police de Chatham-Kent a signalé que le service d’incendie avait été avisé, pour qu’il envoie des pompiers devant aider à dégager les occupants du véhicule.

À 11 h 21, un témoin civil a communiqué avec la Police provinciale pour signaler qu’elle et son mari avaient vu une voiture de police en train de poursuivre une camionnette qui s’était ensuite renversée. Elle disait croire que la voiture de police en question appartenait à la Police provinciale de l’Ontario.

La femme a précisé qu’elle et son mari se trouvaient dans la voie de droite en direction est sur l’autoroute 401 lorsqu’ils ont été dépassés par une camionnette roulant à 140 km/h, avec une voiture de police juste derrière.

À la fois la camionnette roulant à toute vitesse et la voiture de police ont monté dans une bretelle de sortie. La voiture police a alors éteint ses feux d’urgence et s’est avancée jusqu’au panneau d’arrêt obligatoire de Kent Bridge Road.

La femme a indiqué qu’elle et son mari avaient vu la camionnette renversée sur le côté en dépassant la bretelle de sortie. Elle avait pris des photos de la camionnette renversée.


Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants auprès du Service de police de Chatham-Kent entre le 5 décembre 2020 et le 25 février 2021 :
• une copie des enregistrements des communications;
• le rapport des détails de l’événement;
• le rapport d’incident général;
• les données du GPS de la voiture de police de l’AI;
• des photographies des lieux;
• le sommaire de la formation de l’AI;
• la politique sur les poursuites en vue de l’appréhension d’un suspect;
• les notes de tous les agents témoins désignés;
• la déposition de l’AI.

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants auprès de la Police provinciale de l’Ontario :
• le rapport des détails de l’événement;
• le rapport des détails de l’incident;
• les enregistrements des communications.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants du service d’incendie et des services ambulanciers de Chatham Kent :
• les déclarations de témoin de onze pompiers;
• le rapport d’incident.

L’UES a obtenu des enregistrements vidéo faits par une caméra de circulation du Système de gestion de la circulation autoroutière (COMPAS) du ministère des Transports.

L’UES a reçu le dossier médical de la plaignante de l’Hôpital public général (Alliance Chatham-Kent pour la santé).

L’UES a obtenu les rapports d’appel d’ambulance des services ambulanciers MEDAVIE.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, notamment les entrevues avec la plaignante, le TC no 1 (le conducteur et un autre occupant de la camionnette qui était poursuivie) et plusieurs autres témoins civils et agents témoins ayant de l’information sur l’incident. Les données de GPS de la voiture de police de l’AI ainsi que l’expertise judiciaire des lieux et des éléments de preuve ont également été utiles pour l’enquête. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à remettre ses notes. Il a fourni une déclaration écrite au sujet de son intervention dans cette affaire.

Peu avant 11 h le 28 novembre 2020, le TC no 1 conduisait sur County Road 3 en direction nord vers Blenheim. La plaignante occupait le siège avant du côté passager. Le TC no 1 était alors lié par les conditions d’un engagement de ne pas entrer en contact avec la plaignante. De plus, son permis de conduire était suspendu.

Au même moment, l’AI patrouillait en direction sud sur County Road 3 au volant de sa voiture de police identifiée. En croisant la camionnette, il a cru reconnaître le TC no 1 et la plaignante à bord du véhicule. Constatant que le TC no 1 enfreignait une ordonnance du tribunal, et préoccupé par le bien-être de la plaignante – l’agent étant au courant des cas de violence familiale impliquant les deux occupants de la camionnette –, l’AI a décidé d’intercepter le véhicule. L’agent a fait demi-tour pour rouler en direction nord sur County Road 3.

L’AI a accéléré pour rattraper la camionnette, et il se trouvait à quelques longueurs de voiture lorsque les deux véhicules ont pris la bretelle d’accès aux voies en direction est de l’autoroute 401 à partir de Communication Road. Le TC no 1 a alors accéléré. L’AI a donc activé ses feux d’urgence et s’est lancé à sa poursuite.

Sur le tronçon de 11 kilomètres suivant, le TC no 1 a adopté une conduite imprudente, atteignant et maintenant des vitesses allant de 160 km/h à 170 km/h et se faufilant d’une voie à l’autre. À l’approche de Kent Bridge Road, le TC no 1 a effectué un braquage tardif vers la bretelle de sortie, de sorte qu’il n’a pas réussi à négocier la courbe en direction sud-est et a perdu la maîtrise de la camionnette. Le véhicule a grimpé sur la bordure est de la bretelle de sortie à environ 88 km/h et a bondi sur le terre-plein gazonné en direction sud-est vers la bretelle d’accès aux voies en direction est de l’autoroute 401. La camionnette est ensuite montée sur la bordure ouest de la bretelle d’accès et a été projetée dans les airs et a traversé la bretelle en tournant sur elle-même dans le sens contraire aux aiguilles d’une montre. La roue arrière droite de la camionnette a touché le sol du côté est de la bretelle d’accès, ce qui a fait basculer le véhicule, qui s’est renversé sur le côté droit et a glissé sur une courte distance avant de s’immobiliser face au nord.

L’AI a accéléré pour suivre la camionnette en direction est sur l’autoroute 401. Voyant le TC no 1 prendre la bretelle de sortie vers Kent Bridge Road, il l’a empruntée à son tour. Peu après, l’AI a manœuvré pour prendre la bretelle d’accès de l’autoroute en direction est à partir de Kent Bridge Road, puis est sorti de sa voiture de police pour porter secours au TC no 1 et à la plaignante, coincés à l’intérieur du véhicule.

Les pompiers et les ambulanciers ont été appelés sur les lieux. Le toit de la camionnette a été arraché, et les occupants ont été extraits du véhicule.

Les deux ont été conduits à l’hôpital en ambulance. La plaignante a reçu un diagnostic de fractures et de lésions ligamentaires à la colonne vertébrale, alors que le TC no 1 a eu la chance de s’en sortir sans blessures graves.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Le Règlement de l’Ontario 266/10 (poursuites visant l’appréhension de suspects), Loi sur les services policiers

3. (1)Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects. 

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.

Le Règlement de l’Ontario 266/10 (poursuites visant l’appréhension de suspects), Loi sur les services policiers

3. (1)Un agent de police avise un répartiteur lorsqu’il amorce une poursuite visant l’appréhension de suspects. 

(2) Le répartiteur avise un surveillant des communications ou un surveillant de la circulation, s’il y en a un de disponible, qu’une poursuite visant l’appréhension de suspects a été amorcée.


L’alinéa 128(13)b), du Code de la route – Véhicules de police et excès de vitesse


128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :
b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions;

 

Paragraphe 128(13), Code de la route – Vitesse d’un véhicule de pompiers ou de police

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Le 28 novembre 2020, tandis qu’elle était assise sur le siège avant du côté passager d’une camionnette roulant en direction est sur l’autoroute 401, la plaignante a été grièvement blessée lorsque le véhicule dans lequel elle se trouvait a fait une sortie de route et un accident. Comme la camionnette était alors poursuivie par un agent du Service de police de Chatham-Kent, l’UES a été avisée et un dossier a été ouvert. L’agent qui faisait la poursuite, soit l’AI, a été identifié comme l’agent impliqué pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en relation avec les blessures de la plaignante.

Les infractions potentielles à examiner sont celles de conduite dangereuse ayant causé des lésions corporelles et de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles, qui sont interdites respectivement par le paragraphe 320.13(2) et l’article 221 du Code criminel. Dans le premier cas, le fait qu’il y ait ou non infraction dépend en partie de l’existence d’une conduite représentant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Dans le deuxième cas, l’infraction est plus grave et ne s’applique que lorsque le comportement montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. On ne peut considérer que l’infraction a eu lieu que si la conduite représente à la fois un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut absolument déterminer dans ce dossier, c’est si la manière dont l’AI a poursuivi la camionnette représente un manque de diligence qui est grave au point de mériter une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Bien que les décisions et la conduite de l’AI durant la poursuite puissent faire l’objet de critiques légitimes, je n’ai pas de motifs raisonnables de conclure que l’agent n’a pas respecté les normes de diligence prescrites par le droit criminel. Certes, l’AI a manqué à son devoir en omettant d’informer son centre de communication qu’il avait lancé une poursuite, puis en ne lui fournissant pas de renseignements sur les circonstances particulières relatives à la poursuite, telles que la direction, la vitesse, les conditions ambiantes et les autres facteurs de risque. Ce faisant, il a enfreint l’article 3 du Règlement de l’Ontario 266/10, qui vise à faire en sorte qu’un superviseur ne se trouvant pas sur les lieux soit en mesure de prendre une décision éclairée et objective par rapport au fait qu’il soit justifié ou non de continuer la poursuite. Si l’AI avait tenu son répartiteur au courant de la situation, peut-être aurait-on décidé d’interrompre la poursuite, compte tenu des vitesses atteintes et de la conduite dangereuse du TC no 1.

En ce qui a trait à la vitesse, il est difficile de justifier les efforts déployés par l’AI pour suivre le TC no 1. Les données de GPS indiquent qu’il a roulé à près de 160 km/h pendant la majeure partie de la poursuite sur l’autoroute 401, dépassant même les 170 km/h durant une brève période. À une telle vitesse, je suis convaincu que l’AI représentait un danger pour les autres usagers de la route, d’autant plus qu’il ne semble pas avoir activé sa sirène pendant la plus grande partie, voire la totalité de la poursuite. L’AI semblait croire qu’il était impératif de rattraper et d’arrêter le véhicule, étant donné les craintes que la plaignante lui avait déjà exprimées quant à son bien-être par rapport au TC no 1. Je reconnais que l’agent était véritablement inquiet du sort de la plaignante et que l’histoire trouble entre elle et le TC no 1, qui avait déjà récemment donné lieu à une ordonnance de non-communication, tend à justifier cette préoccupation. Il est cependant difficile d’accepter que l’AI n’ait pas su bien évaluer les risques tout aussi réels pour la santé et la sécurité de la plaignante auxquels elle était exposée à cause de cette poursuite à grande vitesse. L’AI aurait dû comprendre qu’il était évident que le TC no 1 n’était pas sur le point d’abandonner ses efforts pour échapper à son arrestation, et ce, bien avant la collision dans la bretelle de sortie vers Kent Bridge Road, et que, pour des considérations de sécurité publique, il était préférable d’interrompre la poursuite. Malgré tout, l’agent a persisté jusqu’à la fin.

En revanche, il importe de noter que les agents qui sont dans l’exercice de leurs fonctions ne sont pas tenus de respecter les limites de vitesse, conformément au paragraphe 128 (13) du Code de la route. Cette disposition s’appliquait dans ce cas, car l’AI avait vu le TC no 1 enfreindre une ordonnance du tribunal et avait donc le droit de vouloir arrêter le véhicule. Bien que cette exemption ne donne pas carte blanche aux agents de police pour rouler à toute vitesse sans tenir compte de la sécurité du public, elle demeure une circonstance atténuante dans l’analyse de la responsabilité. C’est notamment le cas en ce qui a trait aux vitesses atteintes par l’AI avant qu’il s’engage sur l’autoroute 401, étant donné qu’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un agent dépasse la limite de vitesse au début d’une poursuite pour tenter de rattraper un autre véhicule. Le fait que les feux d’urgence de la voiture de police de l’AI étaient activés pendant la poursuite, qu’il y avait peu de circulation et que le temps était clair et sec a également contribué à atténuer les risques inhérents aux vitesses atteintes par l’agent.

Enfin, hormis sa vitesse et sa persistance, je suis convaincu que l’AI n’a pas directement mis en danger la sécurité des autres usagers de la route ni indûment alimenté la conduite imprudente du TC no 1. Par exemple, rien n’indique que des tiers aient dû réagir pour éviter d’entrer en collision avec la voiture de l’agent. Et tout laisse croire que le TC no 1 s’est engagé de son plein gré dans des manœuvres très risquées sur la route. Ainsi, même si l’AI se trouvait parfois juste derrière la camionnette, il n’y avait manifestement rien qui empêchait le TC no 1 de modifier sa course s’il en avait eu l’intention.

À mon avis, l’AI aurait dû interrompre la poursuite, étant donné les considérations de sécurité publique qui devaient prévaloir durant la majeure partie de l’intervention. Comme il ne l’a pas fait, et compte tenu de sa vitesse et du fait qu’il a omis d’informer le répartiteur du service de police de ses actions, j’estime que l’AI a contribué à mettre les autres usagers de la route en danger. Néanmoins, si l’on tient compte de l’ensemble des circonstances atténuantes, je ne suis pas convaincu que les manquements de l’AI étaient tels que sa conduite a constitué un écart marqué – et encore moins un écart marqué et important – par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations au criminel dans cette affaire, et le dossier est clos


Date : 30 août 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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