Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OFP-096

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant des coups de feu tirés en direction d’un homme de 21 ans (« le plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 mars 2021, à 4 h 30, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES que des armes à feu de la police avaient été déchargées en direction d’une personne.

Selon la PRP, vers 3 h 5 ce matin-là, des agents de la PRP se sont présentés à une résidence située dans le secteur du chemin Mississauga et du chemin Mayfield à Brampton, pour répondre à un signalement concernant une femme qui criait. À leur arrivée, les agents entendaient toujours une femme hurler à l’intérieur de la résidence. Les agents ont forcé la porte d’entrée et sont entrés dans la résidence. Ils ont suivi les cris jusqu’à une porte qui menait au garage. Dans le garage, un homme et une femme se trouvaient à l’intérieur d’un véhicule. L’homme prenait place sur le siège du conducteur et la femme qui criait était sur le siège arrière. Les policiers ont ordonné à l’homme de sortir du véhicule. Les agents ont vu le conducteur se tourner sur lui-même, puis pointer une arme vers eux. Deux agents de la PRP ont fait feu sur l’homme. La porte de garage s’est ensuite ouverte et l’homme a fui les lieux en marche arrière, la femme toujours sur le siège arrière du véhicule. À ce moment-là, il était impossible de savoir si l’une des personnes présentes dans le véhicule avait été blessée par les coups de feu.

La PRP a également signalé qu’elle avait reçu une information selon laquelle un suspect recherché pour homicide par le Service de police de Toronto (SPT) portant le nom [le plaignant] se cachait dans cette résidence.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 28 mars 2021, à 5 h 32

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 28 mars 2021, à 6 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
 
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Deux enquêteurs de l’UES et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont été dépêchés sur les lieux de l’incident. Un enquêteur supplémentaire a été ajouté à l’enquête plus tard.

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 21 ans, a refusé de participer à une entrevue

Remarque : Une personne concernée (plaignant ou plaignante) est une personne qui, durant une interaction quelconque avec un ou plusieurs agents, a été gravement blessée, est décédée, a signalé qu’elle a été agressée sexuellement ou a été visée par une arme à feu déchargée par un agent.]

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 28 mars 2021 et le 30 mars 2021.

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni 
à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant 
qu’agent impliqué

L’AI no 1 a participé à une entrevue le 3 mai 2021.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 Notes examinées, entrevue jugée non nécessaire
AT no 7 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 28 mars 2021 et le 14 juin 2021.


Éléments de preuve

Les lieux

La résidence à proximité du chemin Mississauga et du chemin Mayfield est une maison en rangée située dans un lotissement. Il s’agit d’une maison à deux étages avec un garage pouvant accueillir une voiture à côté de la porte d’entrée. À l’intérieur de la maison, une porte relie le garage et la cuisine. La porte d’entrée de la résidence montrait des signes évidents d’ouverture forcée.

Dans le garage de la résidence, les enquêteurs spécialistes en sciences judiciaires de l’UES ont récupéré cinq douilles de calibre .40 ainsi qu’un projectile. Trois douilles supplémentaires ont été récupérées dans l’allée d’accès au garage de la maison.

Éléments de preuve matériels

L’AI no 1 et l’AI no 2 portaient tous deux des armes de poing semi automatiques Smith & Wesson M&P de calibre .40. Le 28 mars 2021, un enquêteur d’identification médicolégale de l’UES a recueilli les armes à feu des AI et a déterminé qu’il manquait six munitions à l’arme de l’AI no 2. Il a été déterminé qu’il manquait deux munitions à l’arme à feu de l’AI no 1.

   Figure 1 –L’arme à feu de l’AI no 1.

 Figure 1 –L’arme à feu de l’AI no 1.

   Figure 2 –L’arme à feu de l’AI no 2

Figure 2 –L’arme à feu de l’AI no 2.

Le véhicule Honda Civic de la TC no 2 a été retrouvé, abandonné, sur la promenade Whitepoppy. Un examen du véhicule a permis de constater des impacts de balles sur le pneu avant côté passager, le pare chocs avant et la zone de l’aile avant côté passager. Un gros couteau de boucher était coincé derrière l’essuie glace du côté conducteur. Aucune trace de sang n’a été trouvée à l’intérieur du véhicule.

Figure 3 –Le couteau de boucher trouvé sur le Honda Civic
Figure 3 –Le couteau de boucher trouvé sur le Honda Civic.

Le pneu avant côté passager du Honda Civic avait été détruit. Sur la route, les traces menant au véhicule indiquaient que le pneu de ce dernier était absent lorsque le plaignant l’a conduit sur la promenade Whitepoppy.

Le 29 mars 2021, la PRP a exécuté un mandat de perquisition à l’endroit du Honda Civic et un enquêteur d’identification médicolégale de l’UES s’est présenté afin d’effectuer d’autres examens sur le véhicule. Les défectuosités suivantes, considérées comme des sites d’impact des balles sur le véhicule, ont été analysées et des traces de plomb y ont été décelées :

• rayon de la jante de la roue avant côté passager — surface extérieure;
• jante de la roue avant côté passager — surface intérieure de la jante (correspondant à la trajectoire d’une balle traversant le pneu);
• écrou de la roue avant côté passager;
• assemblage du phare avant côté passager;
• pare chocs avant côté conducteur;
• pare chocs avant côté passager.

Deux autres défectuosités dans la jupe sous le pare chocs avant semblaient avoir été occasionnées par une balle, mais elles n’ont révélé aucune trace de plomb.

Éléments de preuves médicolégaux

Le 3 avril 2021, l’UES a remis au Centre des sciences judiciaires les armes à feu et les munitions obtenues auprès de l’AI no 1 et de l’AI no 2. Elle a également remis un projectile, un fragment de projectile et des douilles de balle tirée qui ont été récupérées sur les lieux. Le couteau trouvé sur le pare brise du Honda Civic et les écouvillons utilisés pour déceler la présence de plomb dans les trous analysés sur le véhicule ont également été soumis.

Au moment de la présentation du présent rapport, les résultats des analyses du Centre des sciences judiciaires n’avaient toujours pas été reçus. On s’attend à ce que les résultats confirment que l’AI no 1 a tiré à deux reprises et que l’AI no 2 a tiré à six reprises.
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Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [fn]1[/fn]

Communications et système de répartition assistée par ordinateur

Le 28 mars 2021, à 2 h 57, le TC no 1 a appelé le 911 pour signaler qu’il entendant une personne crier dans sa rue. Le TC no 1 a indiqué avoir entendu un homme crier et insulter une femme. L’homme semblait essayer d’entrer dans une résidence. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont été dépêchés sur les lieux de l’appel [remarque : l’AT no 3 accompagnait l’AI no 2].

L’AI no 1 est arrivée devant la résidence à 3 h 3, et elle a indiqué qu’elle entendait un homme crier avec un ton agressif. Elle a alors décidé d’attendre de l’aide. À 3 h 5, l’AI no 2 et l’AT no 3 sont arrivés.

À 3 h 6, l’AI no 2 a indiqué qu’il avait entendu une femme crier à l’intérieur de la résidence et qu’il allait forcer la porte d’entrée.

À 3 h 7, on a signalé qu’un véhicule noir fuyait le secteur. L’AI no 2 a indiqué qu’une femme se trouvait sur la banquette arrière du véhicule et que le conducteur était un homme de race noire. L’AI no 2 a également indiqué que des coups de feu avaient été tirés sur le capot de la voiture.

À 3 h 35, l’AT no 5 a signalé que l’AI no 2 lui avait dit que la femme se trouvait dans le véhicule contre son gré et que le conducteur avait une arme.

À 3 h 54, l’AT no 5 a informé le répartiteur que l’homme dans le véhicule était le plaignant. Le répartiteur a informé les agents que le plaignant devait être considéré comme étant armé et dangereux, et qu’il était recherché par le SPT pour meurtre au premier degré.

Enregistrements vidéo

L’UES a obtenu les enregistrements vidéo pertinents indiqués ci-dessous.

Un enregistrement vidéo obtenu de la société de sécurité Stealth Monitoring a documenté l’incident. À 2 h 31, un véhicule Honda Civic de couleur noire s’est arrêté en face de la scène et la conductrice [on sait maintenant qu’il s’agît de la TC no 2] s’est dirigée vers un boîtier des services publics situé sur le boulevard en face de la résidence. Elle semblait laisser quelque chose derrière le boîtier. La TC no 2 a ensuite quitté les lieux à bord de son véhicule.

Un homme vêtu d’un survêtement gris est ensuite sorti d’une résidence voisine et s’est dirigé vers le boîtier de services publics; la lampe de poche de son téléphone cellulaire était allumée. L’homme [le plaignant] a ramassé quelque chose derrière le boîtier, puis est retourné à la résidence.

Le Honda Civic noir est revenu et s’est de nouveau arrêté devant la résidence. À 2 h 36, la TC no 2 est sortie du véhicule et a examiné la zone située à l’arrière du boîtier des services publics. Le plaignant est ensuite sorti en courant de la résidence et a semblé monter à bord du véhicule par la porte avant, côté passager.

À 2 h 41, la porte de garage de la résidence s’est ouverte et le Honda Civic est entré dans le garage. La porte de garage a ensuite été fermée.

À 3 h 4, l’AI no 1 est arrivée devant la résidence. L’AI no 2 et l’AT no 3 sont arrivés de la direction opposée à 3 h 5. Les trois membres de la PRP se sont dirigés vers la porte de garage.

À 3 h 6 min 1 s, les trois membres de la PRP se sont dirigés vers la porte d’entrée de la résidence, puis sont entrés dans la résidence. À 3 h 6 min 45 s, la porte de garage s’est ouverte et le Honda Civic s’est rapidement dirigé vers la rue à reculons. L’AI no 2 est sorti du garage, mais ce qu’il a fait par la suite n’a pas été capté par la caméra, car il était caché par un véhicule garé dans une allée voisine. L’AI no 1 est sortie du garage derrière l’AI no 2, alors que le Honda Civic accélérait dans la rue.

Un civil qui résidait dans la rue a fourni à l’UES (et aux médias) une copie d’un enregistrement vidéo d’un téléphone cellulaire, filmé à partir de la fenêtre d’une chambre à coucher. L’enregistrement vidéo n’était pas horodaté.

À 3 min 12 s du début de l’enregistrement, l’AI no 1 est sortie de son véhicule de police au moment où l’AI no 2 est arrivé. À 3 min 59 s, on peut entendre une voix d’homme crier « Police! », puis de forts bruits de coups; on suppose qu’il s’agit des policiers qui frappent à la porte. À 4 min 58 s, une voix masculine crie des ordres et, une seconde plus tard, à 4 min 59 s, cinq coups de feu sont entendus. À 5 min, le Honda Civic sort rapidement du garage à reculons et heurte des poubelles du côté passager. Alors que le véhicule s’immobilisait sur la route, trois coups de feu supplémentaires sont entendus. Le Honda Civic s’enfuit ensuite à toute vitesse. L’enregistrement a ensuite capté le VUS de la PRP conduit par l’AI no 2 passant à toute vitesse devant la fenêtre de la chambre à coucher.

L’enregistrement de la caméra de surveillance du SPT auquel l’AT no 7 fait référence dans son entrevue a permis de documenter les événements. Elle a indiqué que la vidéo présentait les éléments suivants :
• À 2 h 34, un homme de race noire vêtu d’un survêtement gris à capuchon est sorti par la porte d’entrée de la résidence; la lampe de poche de son téléphone cellulaire était allumée. L’homme s’est dirigé vers la rue, puis est sorti du champ de vision de la caméra;
• À 2 h 34, l’homme est retourné dans la résidence;
• À 2 h 35, une voiture est arrivée à la résidence;
• À 2 h 36, l’homme au survêtement gris est sorti de la maison en courant, laissant la porte d’entrée ouverte derrière lui;
• À 2 h 40, la porte de garage s’est ouverte et la voiture est entrée dans le garage;
• À 2 h 45, la porte de garage s’est ouverte, puis s’est refermée;
• À travers la fenêtre de la porte du garage, l’AT no 7 a pu voir la tête de l’homme faire plusieurs mouvements de haut en bas. Le mouvement semblait être frénétique;
• À 2 h 48, la porte de garage s’est partiellement ouverte et l’AT no 7 a pu apercevoir une personne vêtue d’un pantalon de sport gris donner un coup de pied à quelque chose au sol;
• À 2 h 50, l’homme a de nouveau été aperçu « sautillant » à travers les fenêtres de la porte du garage;
• À 3 h, une personne à l’intérieur de la résidence a fermé la porte d’entrée;
• À 3 h 4, le premier véhicule de police est arrivé;
• À 3 h 6, trois agents de police sont entrés dans la résidence par la porte d’entrée;
• Environ 40 secondes plus tard, un véhicule Honda Civic est sorti du garage à reculons, traînant avec lui un sac de poubelle. La voiture a heurté des poubelles qui étaient devant la résidence;
• Un policier de sexe masculin est sorti du garage et s’est agenouillé tout en pointant son arme à feu vers le véhicule. L’AT no 7 n’a pas été en mesure de dire si le policier avait alors tiré avec son arme à feu;
• Le véhicule a accéléré sur la route pour quitter les lieux;
• Une agente de police est sortie du garage après l’agent de sexe masculin;
• Les agents de police sont montés à bord de leurs véhicules et sont partis à la poursuite du Honda Civic;
• Un voisin est sorti de sa résidence pour parler aux policiers à un certain moment.

L’enregistrement vidéo a été reçu par l’UES le 27 juin 2021. Le résumé des événements consignés dans l’enregistrement fait par l’AT no 7 était exact. Seuls les éléments suivants peuvent être ajoutés à son résumé :
• Lorsque le plaignant pouvait être aperçu (à travers la fenêtre de la porte du garage) marchant autour du véhicule, il transportait à un certain moment un objet semblable à un bâton, mais on croit qu’il s’agit en fait d’une pelle;
• À 2 h 45, lorsque la porte du garage s’est ouverte, une pelle à neige qui était appuyée contre l’intérieur de la porte de garage est tombée sur le sol du garage;
• À 2 h 47, lorsque la porte de garage s’est ouverte de nouveau, le plaignant a utilisé son pied pour botter un objet sur le sol, à côté; on croit qu’il s’agit de la pelle à neige;
• À 3 h 5, alors que l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT no 3 étaient devant la porte du garage, l’AI no 2 semblait regarder dans le garage à travers les fenêtres de la porte;
• à 3 h 6, alors que le Honda Civic s’est arrêté dans la rue après être sorti du garage à reculons, l’AI no 2 est sorti du garage en courant, tenant son arme à feu dans une position Isocèle. Il a clairement déchargé son arme à feu alors qu’il se trouvait dans l’allée.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les documents suivants de la PRP entre le 1er avril 2021 et le 16 avril 2021 :
• copie des communications radio et téléphoniques connexes;
• système de répartition assisté par ordinateur — chronologie des événements;
• photographie des lieux et examen du véhicule Honda Civic impliqué;
• notes de tous les agents témoins désignés et de l’AI no 1;
• notes prises pendant l’entrevue du TC no 2 réalisée par la PRP;
• rapport des communications audio – téléphone;
• rapport des communications audio – radio;
• politique de la PRP sur les interventions en cas d’incident (usage de la force);
• dates de formation sur l’usage de la force de l’AI no 1 et de l’AI no 2.

L’UES a obtenu les documents suivants du SPT entre le 8 juin 2021 et le 27 juin 2021 :
• notes de l’AT no 7;
• copie des enregistrements des caméras de surveillance.

Documents obtenus d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants des autres sources suivantes, et les a examinés :
• enregistrement vidéo de Stealth Monitoring;
• enregistrement vidéo d’un téléphone cellulaire.

Description de l’incident

Il est possible d’établir de façon relativement claire les principaux événements qui se sont produits au moyen des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec deux témoins civils et l’un des agents impliqués (l’AI no 1) ainsi que des enregistrements vidéo qui ont capté l’incident en partie. Comme la loi l’y autorise, l’AI no 2 a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser qu’on communique ses notes concernant l’incident.

Peu avant 3 h le 28 mars 2021, la PRP a reçu un appel au 911 du TC no 1 en provenance du secteur du chemin Mississauga et du chemin Mayfield, à Brampton. Le TC no 1 a signalé des cris provenant de la résidence d’un voisin. Des agents ont été dépêchés sur les lieux.

Les cris provenaient du plaignant et de la TC no 2. La TC no 2 retournait chez elle en voiture lorsque le plaignant l’a piégée à l’extérieur de la résidence, s’est installé sur le siège du conducteur (un Honda Civic), et a fait entrer le véhicule dans le garage. Les deux personnes se disputaient bruyamment dans le véhicule, ce qui a attiré l’attention du TC no 1.

Après l’arrivée de la police, la porte intérieure du garage s’est ouverte et l’AI no 1 et l’AI no 2 se trouvaient sur le seuil. Derrière eux se trouvait un cadet de police (l’AT no 3) qui avait été jumelé à l’AI no 2 ce jour-là. Les agents étaient arrivés à l’adresse peu après 3 h. Les agents, après avoir entendu les cris d’une femme provenant du garage, laquelle suppliait qu’on la laisse partir, ont tenté de soulever la porte du garage, sans succès. L’AI no 2 a ensuite ouvert, d’un coup de pied, la porte d’entrée verrouillée de la maison et les agents se sont rendus à la porte intérieure menant au garage.

L’AI no 2 a sauté sur le plancher du garage et s’est dirigé vers le côté conducteur du véhicule; l’AI no 1 est restée sur le seuil de la porte, qui était surélevé de deux marches. L’AT no 1 est demeuré derrière l’AI no 1. Avec leurs armes à feu dégainées et pointées vers le plaignant, les agents ont crié à ce dernier d’arrêter la voiture et d’en sortir à plusieurs reprises.

Le plaignant n’a pas obéi. La main gauche sur le volant, le plaignant a tendu son bras droit vers le côté passager du véhicule. La porte extérieure du garage a commencé à s’ouvrir derrière le véhicule et le Honda Civic a commencé à rouler à reculons rapidement. Au même moment, le plaignant a levé sa main droite en direction de l’AI no 1. Il tenait un objet noir.

Craignant que le plaignant porte une arme de poing et tente de s’enfuir, l’AI no 2 a ouvert le feu à trois reprises. Peu de temps après, l’AI no 1 a également tiré deux fois en direction du plaignant. Aucun de ces tirs n’a atteint le plaignant ou mis le véhicule hors d’état de circuler.

Le plaignant a continué de reculer dans l’allée et s’est rendu dans la rue. Au moment où le plaignant s’est arrêté pour repartir rapidement vers l’est, l’AI no 2 a tiré à trois autres reprises sur le véhicule depuis l’allée de la résidence. Le plaignant a réussi à s’échapper et, à ce moment, la TC no 2 était toujours à bord du véhicule.

Le Honda Civic a ensuite été abandonné sur la promenade Whitepoppy, à environ cinq kilomètres des lieux de l’incident.

La TC no 2 s’est rendue à un poste de la PRP le 29 mars 2021. Elle n’avait subi aucune blessure physique au cours des événements de la veille.

Le plaignant, qui, à ce moment-là, était recherché à Toronto en vertu d’un mandat d’arrestation pour meurtre au premier degré en lien avec un homicide survenu en juillet 2020, a été arrêté lors d’une perquisition de drogue à Timmins le 7 mai 2021. Tout comme la TC no 2, il n’avait subi aucune blessure.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 28 mars 2021, deux agents de la PRP ont déchargé leurs armes à feu en direction du plaignant. Bien que le plaignant n’ait pas été atteint ou blessé lors de la fusillade, la PRP a avisé l’UES et celle-ci a invoqué sa compétence découlant de son mandat élargi en vertu de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales, en vigueur depuis le 1er décembre 2020, qui comprend maintenant l’enquête sur les décharges d’armes à feu de la police contre des personnes. Les deux agents (l’AI no 1 et l’AI no 2) ont été désignés comme étant les agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ses agents a commis une infraction criminelle relativement à la fusillade.

L’article 34 du Code criminel établit les limites de l’usage justifié de la force pour se défendre ou défendre autrui. Une force défensive de cette nature est légalement autorisée si elle vise à se protéger ou à protéger autrui contre une agression, réelle ou appréhendée sur la base d’un jugement raisonnable, et si elle est elle-même raisonnable. La question de savoir si la force est raisonnable doit être évaluée en fonction de toutes les circonstances pertinentes, y compris les considérations suivantes : la nature de la force ou de la menace; la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel; la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme; et, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force. En l’espèce, la question à trancher consiste à déterminer s’il existe des motifs raisonnables de croire, en fonction des éléments de preuve, que l’un ou l’autre des agents impliqués a transgressé les limites de l’article 34 en déchargeant son arme à feu. À mon avis, il n’en existe aucun.

L’AI no 1 et l’AI no 2 exerçaient leurs fonctions légitimes lorsqu’ils ont répondu à un appel au 911 signalant une querelle de ménage. Une fois à la résidence, ils entendaient des cris provenant du garage. Comme ils ne réussissaient pas à soulever la porte de garage, ils ont raisonnablement pensé qu’une situation d’urgence justifiait l’entrée forcée dans la maison.

De plus, je ne suis pas en mesure de conclure raisonnablement que les coups de feu des agents étaient illégaux. À ce moment-là, les agents opéraient dans un espace clos et dans une situation difficile à contrôler; le moteur du Honda Civic était toujours en marche et la TC no 2 était en détresse sur la banquette arrière du véhicule. Ils ont, à plusieurs reprises, demandé au plaignant d’arrêter et de sortir du véhicule, mais il a refusé de le faire. Le plaignant a plutôt tenté de s’enfuir. Il a ouvert la porte du garage et commencé à rouler à reculons avec le Honda Civic; au même moment, il a soulevé sa main droite dans laquelle se trouvait un objet noir pointé vers l’AI no 1. La situation, déjà hors de contrôle, s’est alors aggravée au point de soulever des questions de vie ou de mort. L’AI no 1 a indiqué qu’elle croyait que le plaignant possédait une arme de poing et qu’il était sur le point de tirer sur elle. L’AI no 2 n’a pas fourni de déclaration à l’UES, mais selon les circonstances décrites par l’AI no 1 et la conduite de l’agent (qui a déchargé immédiatement son arme en direction du véhicule), je suis convaincu que l’AI no 2 croyait lui aussi que le plaignant avait entre les mains une arme à feu. Il est impossible d’affirmer avec certitude que l’objet en question était bel et bien une arme à feu, mais à la lumière des éléments de preuve recueillis par l’UES, je suis porté à croire qu’il s’agissait bien d’une arme à feu. Quoi qu’il en soit, la crainte des agents était raisonnable dans le feu de l’action; la force utilisée dans le cadre de leur intervention l’était donc également. L’AI no 1 a tiré à deux reprises en direction du plaignant, réaction raisonnable étant donné qu’elle croyait légitimement que sa vie était menacée par les coups de feu du plaignant. L’AI no 2 a tiré vers la partie inférieure avant du véhicule à trois reprises pour tenter, selon toute apparence, de le rendre hors d’état de circuler. À ce moment-là, l’agente avait de bonnes raisons de craindre que la vie de la TC no 2 ne soit en danger aux mains du plaignant si ce dernier parvenait à s’échapper. Dans les circonstances, la conduite de l’agente était logique, même si elle n’est pas parvenue immédiatement à immobiliser le véhicule. Il en va de même pour les trois coups de feu tirés depuis l’allée vers le pneu avant gauche du véhicule par l’AI no 2. En arrivant à ces conclusions, je suis conscient des risques inhérents associés au fait de décharger une arme à feu sur un véhicule en mouvement. Toutefois, ces risques, y compris la possibilité que des balles perdues entraînent un préjudice à des tiers, n’étaient par prohibitifs en l’espèce, étant donné les risques compensatoires pour la santé et le bien être de la TC no 2 si rien n’avait été fait.

Pour les raisons qui précèdent, et compte tenu du dossier susmentionné, je ne suis pas convaincu, sur la base de motifs raisonnables, que l’AI no 1 ou l’AI no 2 se sont comporté illégalement lorsqu’ils ont déchargé leurs armes à feu au cours de cet incident. Donc, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 26 juillet 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

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