Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-OOD-318

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant le décès d’une femme de 43 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 22 novembre 2020, à 11 h 5, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a signalé ce qui suit.

Le 21 novembre 2020, vers 23 h 10, la plaignante a téléphoné au 9 1 1 et a déclaré que son petit ami était un trafiquant de drogue, qu’elle était une [traduction] « moucharde » et que la mafia jamaïcaine voulait s’en prendre à elle.

L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont rendus à l’appartement de la plaignante à 23 h 24 pour vérifier si elle allait bien. Lorsqu’ils ont parlé avec elle, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont trouvé qu’elle semblait bien se porter et qu’elle était calme. Elle n’a pas exprimé de tendances suicidaires. Elle a remercié les agents avant qu’ils quittent son appartement. Quelques minutes plus tard, la plaignante a rappelé au 9 1 1, et l’AI no 2 lui a parlé. Elle semblait calme, et elle a dit « je vous aime; vous faites très bien les choses ».

Le 22 novembre 2020, vers 0 h 35, la plaignante a appelé plusieurs fois le 9 1 1. Vers 0 h 59, le répartiteur a entendu le son d’une bouteille de comprimés que l’on agite en arrière-plan, et la plaignante a dit qu’elle avait pris des comprimés. Elle avait également bu trois bières.

Le répartiteur a acheminé l’appel aux services médicaux d’urgence, qui ont ensuite demandé l’aide d’un membre du service d’intervention en cas de crise « Here 24/7 ». À ce moment là, la police n’avait pas encore été avisée de cet appel.

À 1 h 21, les services médicaux d’urgence ont indiqué aux responsables des communications du SPRW qu’ils n’arrivaient pas à entrer dans l’appartement de la plaignante. À 1 h 27, un membre du service d’intervention en cas de crise a demandé l’aide de la police. À 1 h 29, les membres des services médicaux d’urgence entendaient la plaignante respirer fort et ronfler. À 1 h 49, les agents de police sont arrivés sur les lieux et, constatant qu’ils n’arrivaient pas à ouvrir la porte de l’appartement, ont demandé l’aide du service d’incendie.

À 2 h 4, la porte a été ouverte de force, et on a commencé des manœuvres de manœuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR) à l’endroit de la plaignante. Le décès de cette dernière a ensuite été constaté.

Le corps de la plaignante a été transporté à l’hôpital; le coroner a demandé à ce qu’un représentant du service des sciences judiciaires du SPRW se présente à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignante :

Femme de 43 ans, décédée


Témoins civils (TC)

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 2 A participé à une entrevue

Témoins employés de la police (TEP)

TEP no 1 A participé à une entrevue
TEP no 2 A participé à une entrevue
TEP no 3 N’a pas participé à une entrevue
TEP no 4 A participé à une entrevue
TEP no 5 N’a pas participé à une entrevue
TEP no 6 N’a pas participé à une entrevue
TEP no 7 N’a pas participé à une entrevue
TEP no 8 N’a pas participé à une entrevue
TEP no 9 N’a pas participé à une entrevue

L’UES a déterminé que trois des neuf témoins employés de la police avaient parlé avec la plaignante. Ainsi, seuls ces trois TEP ont participé à une entrevue.


Agent impliqué (AI)

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans les environs de la rue Joseph, à Kitchener, à la résidence de la plaignante, plus précisément, dans la chambre à coucher de celle ci, où de multiples comprimés et bouteilles de comprimés étaient éparpillés sur le lit.

Enregistrements de communications

Communications avec le 9 1 1

Les enregistrements des appels au 9 1 1 commencent le 21 novembre 2020, à 23 h 9 min 55 s, et se terminent le 22 novembre 2020, à 3 h 9 min 10 s. Sur ces enregistrements, on entend la plaignante, deux téléphonistes du 9 1 1, des travailleurs bénévoles du service d’intervention en cas de crise « Here 24/7 », un téléphoniste du service d’ambulance et un téléphoniste du service d’incendie.

21 novembre 2020

23 h 10 min 39 s

Une femme en état d’ébriété révèle son identité; il s’agit de la plaignante. Elle a de la difficulté à articuler et demande de l’aide. Elle dit qu’elle est en danger et qu’elle a fait une bêtise. Son ex petit ami est un trafiquant de drogue et lui a dit qu’elle n’en avait plus que pour cinq ou six mois à vivre. On demande à la plaignante son adresse, mais elle refuse de la donner.

Le téléphoniste demande à la plaignante comment le 9 1 1 peut l’aider, et elle répond que son ex petit ami va l’assassiner. Elle refuse de donner le nom de ce dernier. Le téléphoniste garde la plaignante sur la ligne. La plaignante divague et continue de dire qu’elle craint pour sa vie.

Il semble, selon la manière dont elle parle avec le téléphoniste du 9 1 1, que la plaignante est en état d’ébriété.

À 18 minutes après le début de l’appel, la plaignante dit qu’on frappe à la porte, et demande si elle doit ouvrir. Le téléphoniste du 9 1 1 lui dit que oui. [On croit qu’il s’agit des agents du SPRW.]

22 novembre 2020

0 h 2 min 11 s

La plaignante appelle de nouveau au 9 1 1. Elle semble encore être en état d’ébriété. Elle pleure et a du mal à articuler. On demande encore une fois son adresse à la plaignante (on présume qu’il s’agit d’un téléphoniste différent). Elle refuse de la donner. Toutefois, plus tard, la plaignante donnera son adresse.

0 h 32 min 4 s

La plaignante rappelle. On lui demande encore une fois et elle donne enfin son adresse, dans le secteur de la rue Joseph, à Kitchener. La plaignante semble être en état d’ébriété. Elle pleure et a du mal à articuler. Elle divague et dit que son ex petit ami va la tuer parce qu’elle est une « moucharde ». Elle affirme qu’il lui a dit qu’elle n’en a plus que pour cinq mois à vivre.

0 h 54 min 49 s

La plaignante rappelle au 9 1 1. Elle semble être en état d’ébriété et a de la difficulté à articuler. Elle fait savoir que la police lui a dit qu’elle harcelait le téléphoniste du 9 1 1 et que si elle continuait de le faire, elle serait arrêtée.

La plaignante dit ensuite qu’elle a pris des comprimés et un verre d’alcool. Elle dit vouloir s’enlever la vie. Elle donne son adresse. Elle dit par la suite qu’elle ne veut pas d’aide et qu’elle veut mourir seule. La plaignante pleure et affirme avoir pris divers médicaments sur ordonnance. La téléphoniste du 9 1 1 achemine l’appel de la plaignante à un conseiller du service « Here 24/7 ».

0 h 54 min 49 s

Un conseiller tente de parler avec la plaignante. La téléphoniste du 9 1 1 confirme l’adresse de la plaignante. Cet appel est une conversation à trois entre la téléphoniste du 9 1 1, la plaignante et le conseiller.

0 h 58 min 23 s

Le répartiteur du service d’ambulance appelle le 9 1 1 et confirme à la téléphoniste qu’une ambulance se rend à l’adresse située dans le secteur de la rue Joseph, à Kitchener.

1 h 12 min 42 s

Les services médicaux d’urgence demandent si le SPRW est en route, ajoutant que son personnel est sur les lieux et ne parvient pas à entrer dans l’immeuble.

1 h 24 min 13 s

Le superviseur des services médicaux d’urgence demande à parler au superviseur du 9 1 1.

1 h 25 min 17 s

Une conseillère du service « Here 24/7 » appelle depuis son téléphone cellulaire personnel. Son collègue (le conseiller) parle avec la plaignante sur la ligne téléphonique du bureau. La plaignante dit avoir pris des médicaments sur ordonnance. Son collègue trouve que la plaignante semble avoir de la difficulté à respirer, et cette dernière ne répond pas aux questions. La plaignante lui dit qu’elle entend quelqu’un à sa porte.

La téléphoniste du 9 1 1 dit que les services médicaux d’urgence et un agent de police sont à l’extérieur et tentent d’entrer.

1 h 26 min 32 s 

Le superviseur des services médicaux d’urgence parle avec la téléphoniste du 9 1 1 et confirme qu’il s’agit d’un cas dans lequel la police doit intervenir. Il demande l’heure d’arrivée prévue de la police. Les membres du service d’incendie n’arrivent pas à entrer dans l’immeuble.

1 h 30 min 10 s 

Le répartiteur du service d’ambulance demande l’heure d’arrivée prévue de la police. La téléphoniste du 9 1 1 dit que les agents arriveront probablement dans cinq à dix minutes.

1 h 47 min 11 s 

 Un employé du service « Here 24/7 » appelle le 9 1 1. Il dit qu’il est toujours sur la ligne avec la plaignante, mais qu’il ne l’entend plus respirer. Il précise que sa respiration a grandement changé.

1 h 49 min 24 s

L’employé du service « Here 24/7 » est toujours sur la ligne avec la plaignante. Il ne l’entend pas respirer. La téléphoniste du 9 1 1 dit qu’il y a beaucoup d’intervenants sur les lieux, mais qu’ils ne parviennent toujours pas à entrer dans l’immeuble. Une employée du service « Here 24/7 » indique que cela fait maintenant 10 minutes que l’on n’entend plus la respiration de la plaignante.

2 h 33 min 51 s

Un homme inconnu (peut-être un superviseur des communications de la police) appelle le 9 1 1 et demande à quelle heure a eu lieu l’appel lors duquel la plaignante a mentionné avoir pris des comprimés. On lui répond qu’elle a appelé vers 0 h 56. Il dit que l’incident ne relève pas du mandat de l’UES, mais qu’il parlera à l’agent en service.

2 h 46 min 52 s

Un agent de police appelle le 9 1 1 et parle avec le téléphoniste. Il dit croire que la plaignante a pris les comprimés parce qu’un agent de police lui a dit que si elle appelait le 9 1 1 encore une fois, elle serait arrêtée.

3 h 9 min 10 s

Un superviseur appelle le 9 1 1. Il dit à la téléphoniste à qui il parle [une agente de police] que l’agent a déclaré que lorsqu’il a vu la plaignante, elle se portait bien, ajoutant qu’elle avait dû tomber en crise après le départ des agents. Le superviseur dit de ne pas s’inquiéter puisque cela ne fera pas l’objet d’une enquête de l’UES. La téléphoniste du 9 1 1 dit que [une femme] était au téléphone avec la plaignante lorsque cette dernière a dit avoir pris les comprimés.

Communications radio

L’enregistrement commence à 23 h le 21 novembre 2020 et se termine à 6 h 51 min 34 s le 22 novembre 2020.

L’enregistrement audio n’est pas horodaté. La seule horloge qui est liée à l’enregistrement est le chronomètre, qui commence à 00:00 et prend fin à 0651:34. Il y a sur cet enregistrement audio les unités concernées par cette enquête ainsi que des unités de patrouille qui travaillaient pendant ce quart de nuit. L’enregistrement est parfois difficile à comprendre, puisque de multiples appels ont été effectués pendant cette période. Parfois, la répartitrice parle d’une femme qui a besoin d’aide. Parfois, on ne sait pas qui elle appelle ni à quelle adresse elle envoie les unités.

16:10

La répartitrice demande à [l’unité 1] et à [l’unité 2] de se rendre sur les lieux. La femme (on sait maintenant qu’il s’agit de la plaignante) pleure au téléphone. Elle dit que la police a négligé de bien tenir compte de sa situation et que son petit ami, un trafiquant de drogue, veut lui faire du mal.

29:07

[L’unité 1] dit qu’il cogne aux portes pour tenter de trouver la plaignante. Il demande à la répartitrice de demander à la plaignante de répondre à la porte si elle rappelle.

30:08

La répartitrice dit à [l’unité 1] qu’elle a demandé à la plaignante de répondre à la porte. [L’unité 1] indique que la plaignante est maintenant à la porte.

44:05

La répartitrice demande ce qu’il en est. Un agent de patrouille inconnu dit qu’il n’y a pas de réponse à la porte.

44:32

L’agent de patrouille inconnu demande qu’on ne tienne pas compte de ce qu’il a dit précédemment et indique qu’il a quelqu’un maintenant.

1:02:40

La répartitrice demande où en est l’intervention. Elle dit qu’elle a reçu de multiples appels où l’on a raccroché depuis le téléphone de la plaignante. [L’unité 1] indique que la plaignante est en train de verrouiller sa résidence et qu’elle se prépare à aller se coucher.

1:09:15

La répartitrice communique avec [l’unité 1] et lui demande de lire le bilan de l’appel. Il dit qu’il essaiera de la rappeler, ajoutant qu’il s’agit des mêmes choses que celles dont il a été question avec la plaignante à l’étage.

2:29:05

La répartitrice demande à [l’unité 2] de s’éloigner et d’aider les ambulanciers paramédicaux. On indique qu’il y a deux personnes qui ont appelé. Il est dit que la plaignante a pris une quantité inconnue de comprimés et que, sur place, les intervenants n’arrivent pas à faire en sorte qu’elle ouvre la porte; ils entendent des ronflements et une respiration forte.

2:30:20

La répartitrice dit qu’un appel téléphonique est en cours, mais qu’on ne parvient pas à entrer en contact avec la plaignante. Un superviseur du service d’ambulance est à la porte de son appartement.

2:32:15

La répartitrice demande si [l’unité 2] veut que les employés du service d’incendie accèdent à l’appartement. [L’unité 2] répond [traduction] « pas pour l’instant ». Il demande si le service des communications a dans son dossier un responsable pour l’immeuble.

2:34:55 

La répartitrice appelle [l’unité 2] et lui donne le nom et l’adresse du responsable.

2:40:43

[L’unité 2] dit à la répartitrice qu’elle devrait informer les services médicaux d’urgence qu’il a bloqué la porte en position ouverte pour eux. On indique aussi que si quelqu’un a enlevé l’objet qui retient la porte, les services médicaux d’urgence peuvent appeler et qu’on répondra.

2:41:37

La répartitrice appelle [l’unité 2]. Elle veut confirmer qu’il a bloqué la porte en position ouverte, puisque les services médicaux d’urgence posent la question. [L’unité 2] dit de ne pas s’en occuper et qu’il est en train de monter jusqu’à la résidence de la plaignante.

2:43:10

[L’unité 2] demande si l’on est toujours au téléphone avec la plaignante et si on l’entend respirer.

2:48:35

[Unité 2] à [unité 3]. [L’unité 2] dit qu’il a parlé avec un voisin, qui a confirmé qu’aucun responsable n’habite dans l’immeuble.

2:49:00

[L’unité 3] demande au service d’incendie de se présenter sur les lieux.

2:50:16

La répartitrice affirme que le service d’incendie est en route.

2:50:35

La répartitrice dit qu’on a communiqué avec le service « Here 24/7 » et que le personnel du service a indiqué qu’il n’entendait pas de bruit sur la ligne.

2:51:20

[Unité 2] à [unité 3]. [L’unité 2] demande au sergent s’il veut qu’il essaie (d’ouvrir la porte de force). Le sergent répond que oui.

3:04:15

Une unité inconnue dit qu’on a entrepris des manœuvres de RCR.

3:20:00

Un superviseur ou un commandant demande à la répartitrice à quel moment le service « Here 24/7 » a entendu la plaignante respirer pour la dernière fois. La répartitrice répond qu’à 1 h 48, le personnel du service a dit qu’il y avait de longues pauses et des respirations peu profondes, et qu’à 1 h 50, il a indiqué qu’il n’y avait plus de bruit.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants du SPRW et les a examinés :
• lettre à l’UES concernant une demande de divulgation;
• liste des employés civils du SPRW concernés par l’incident;
• rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
• rapport d’incident;
• enregistrements des communications avec le 9 1 1et des communications radio du SPRW;
• lettre du SPRW à l’UES concernant une demande de divulgation;
• photos prises par le SPRW.

Description de l’incident

Le scénario qui suit est fondé sur les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment des entrevues avec des téléphonistes du SPRW et un examen des enregistrements des communications pertinentes de la police. Un peu avant 1 h le 22 novembre 2020, la plaignante, en état d’ébriété, a téléphoné au 9 1 1 et a dit qu’elle avait consommé des médicaments sur ordonnance et qu’elle souhaitait mourir. On a envoyé des ambulanciers paramédicaux à sa résidence, dans le secteur de la rue Joseph, et on a gardé la plaignante sur la ligne, acheminant son appel au service « Here 24/7 », un service d’intervention en cas de crise.

Puisque les ambulanciers paramédicaux qui sont arrivés sur les lieux n’arrivaient pas à entrer dans la résidence de la plaignante, des agents ont été dépêchés pour les aider. Parallèlement, les conseillers du service « Here 24/7 » qui avaient parlé à la plaignante ont signalé que sa respiration était devenue difficile et qu’elle avait arrêté de répondre aux questions. Vers 1 h 47, environ 20 minutes plus tard, un conseiller du service a dit qu’il n’entendait plus la respiration de la plaignante. On a ensuite fait appel au service d’incendie pour forcer la porte de la résidence de la plaignante.
Les premiers intervenants ont pu accéder à l’appartement de la plaignante vers 2 h, puis ont entrepris les manœuvres de RCR à l’endroit de celle ci. Ils n’ont pas pu réanimer la plaignante.

La plaignante a appelé le 9 1 1 à plusieurs reprises avant l’appel où elle a indiqué qu’elle était suicidaire. Vers 23 h 10 le 21 novembre 2020, elle a communiqué avec la police et fait savoir qu’elle avait peur de son ex petit ami, un trafiquant de drogue, qui lui avait dit qu’elle n’en avait que pour quelques mois à vivre. Des agents ont alors été dépêchés pour vérifier si elle allait bien.

L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont donc rendus à la résidence de la plaignante vers 23 h 30 et lui ont parlé. Il semble que les agents sont repartis vers minuit, après s’être assurés que la plaignante allait bien et que son appartement était sécurisé.

À 0 h 2 et à 0 h 32, approximativement, le 22 novembre 2020, la plaignante a rappelé le 9 1 1; elle pleurait et avait de la difficulté à articuler pendant les deux appels. Elle a répété qu’elle avait peur de son ex petit ami et croyait qu’il voulait la tuer. Après l’un ou l’autre de ces appels, l’AI no 1 ou l’AI no 2 a parlé de nouveau à la plaignante, l’avertissant de ne pas appeler le 9 1 1 à répétition.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste a conclu que le décès de la plaignante était attribuable à [traduction] « une grave intoxication à [médicament sur ordonnance] et à l’éthanol ».

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

L’article 215 du Code criminel – Défaut de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :
(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,
(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :
b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Analyse et décision du directeur

La plaignante est décédée d’une surdose de médicaments le 22 novembre 2020, à Kitchener. Puisque des agents du SPRW se sont présentés à son appartement avec d’autres premiers intervenants alors qu’elle était en détresse médicale et qu’ils avaient interagi avec elle dans les heures ayant précédé son décès, l’UES a été avisée et a ouvert un dossier. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont été désignés comme agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle relativement au décès de la plaignante.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si le comportement adopté constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, il nous faut savoir s’il y a eu, de la part des agents impliqués, un manque de diligence envers la plaignante et, le cas échéant, si ce manque de diligence a contribué au décès de la plaignante et s’il est suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, il faut répondre à ces questions par la négative.

Les éléments de preuve donnent peu d’indices sur la nature et l’étendue de l’interaction des agents avec la plaignante à leur première visite à la résidence de celle-ci. Néanmoins, les transmissions radio des agents indiquent qu’ils ont parlé avec la plaignante à propos de ses préoccupations, qu’ils ont tenté d’atténuer ses craintes concernant son ex petit ami en s’assurant que son appartement était sécuritaire (y compris en verrouillant la porte du balcon) et qu’ils sont partis en croyant qu’elle allait se mettre au lit. Même s’il semble que la plaignante était en état d’ébriété à ce moment là, ce que les agents ont probablement remarqué, rien n’indiquait qu’elle était suicidaire. À cet égard, les éléments de preuve ne suffisent pas pour conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que les agents n’ont pas agi en tenant dûment compte du bien être de la plaignante.

Cela s’applique également aux interactions subséquentes des agents avec la plaignante dans cette affaire, notamment l’appel à la plaignante effectué à la suite de l’un de ses appels au 9 1 1, après la première visite des agents, ainsi que les efforts faits par ces derniers pour aider les autres premiers intervenants à entrer dans l’appartement de la plaignante. Même s’il semble que l’agent qui a appelé la plaignante l’a perturbée lorsqu’il l’a avertie à propos des appels répétés au 9 1 1 concernant une même situation, je ne peux véritablement reprocher à cet agent – qu’il s’agisse de l’AI no 1 ou de l’AI no 2 – d’avoir fait cet avertissement. Répétons que rien dans les éléments de preuve n’indique qu’à ce moment là, la plaignante avait montré qu’elle entretenait des idées suicidaires; si elle l’avait fait, il aurait alors fallu faire preuve d’une plus grande prudence. De plus, l’agent avait des raisons légitimes de vouloir dissuader la plaignante de rappeler au 9 1-1 s’il n’y avait aucun changement important dans sa situation. Comme l’indique clairement l’information qu’elle a donnée pendant les deux appels, sa situation était demeurée la même. Ensuite, rien dans le dossier n’indique que l’un ou l’autre des agents a omis d’agir avec diligence et de faire tout en son possible pour aider les intervenants à entrer dans l’appartement.

Par conséquent, puisqu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel en ce qui concerne le décès malheureux de la plaignante, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.


Date : 12 juillet 2021

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.