Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PVI-315

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures grave subies par un homme de 41 ans (le « plaignant ») durant une interaction avec la police.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 19 novembre 2020, à 16 h 02, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES et donné le rapport qui suit :

Vers 6 h du matin, les agents impliqués (AI) no 1 et AI no 2 ont repéré un véhicule, sur une propriété de 40 Line (« la ligne 40 »), à Perth Est, dont le conducteur – le plaignant –semblait avoir perdu connaissance. Lorsque les agents se sont approchés du véhicule, le plaignant a démarré et s’est engagé dans un champ de maïs où il est resté pendant un certain temps. D’autres agents sont arrivés sur les lieux et ont mis en place un périmètre de sécurité autour du champ. Vers 8 h, le plaignant, toujours au volant du véhicule, est sorti du terrain et a percuté des voitures de police inoccupées qui étaient immobilisées sur la route. Un tapis clouté avait été déployé et le plaignant a roulé dessus. Les pneus ont été endommagés et le véhicule du plaignant s’est finalement immobilisé non loin de là.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital parce qu’il était extrêmement intoxiqué. À l’hôpital, il a reçu un diagnostic de fractures de côtes du côté gauche.

Le plaignant a par la suite été transporté au détachement du comté de Perth de la Police provinciale.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant :

Homme de 41 ans, a participé à une entrevue



Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue



Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Ses notes ont été reçues et examinées.
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.



Éléments de preuve

Les lieux

On pense que le plaignant a été blessé alors qu’il conduisait son véhicule sur la ligne 40, à l’est du chemin 109, à Stratford. La région est une communauté agricole rurale.

Enregistrements des communications de la police

Communications radio et du 9-1-1

Appel au 9-1-1:
  • Le 19 novembre 2020, à 5 h 43 du matin, un homme appelle le 9-1-1 depuis une propriété de la ligne 40 pour signaler qu’un GMC Yukon est stationné près de sa grange;
  • Le conducteur ce véhicule [maintenant connu pour être le plaignant] s’est momentanément réveillé lorsque l’appelant a frappé à la fenêtre, puis s’est rendormi;
  • Le plaignant semblait ivre.

Alerte du 9-1-1
  • À 8 h 53, une voix automatisée dit qu’il y a eu un accident et précise la longitude et la latitude;
  • On peut entendre des voix en arrière-plan et un klaxon qui se met en marche;
  • Le répartiteur appelle l’AT no 4 sur son téléphone et cette dernière confirme que son véhicule de police et celui de l’AT no 5 ont été percutés;
  • Ils étaient tous deux sortis de leurs véhicules de police à ce moment-là.

Téléphone du centre de répartition
  • À 5 h 47, on appelle un détachement pour l’avertir de la présence d’un véhicule suspect.
  • Le reste des enregistrements sont des appels au sergent du Centre de communication de la Police provinciale pour le mettre au courant de l’incident et lui donner des mises à jour. Dans la dernière mise à jour, on lui signale que le véhicule a roulé sur un tapis clouté puis est retourné dans le champ. On demande ensuite l’autorisation d’utiliser un drone;
  • D’autres appels informent le Service de police de Stratford (SPS), les services médicaux d’urgence (SMU) et le service d’incendie et demandent de fermer une route à la circulation et d’envoyer trois dépanneuses.

Répartition – téléphone du sergent
  • Un sergent travaillait au centre des communications de London;
  • À 7 h 14, un homme appelle pour s’assurer que le sergent est au courant de la situation et qu’il sait que deux véhicules de police ont été emboutis;
  • On dit au sergent qu’on conduit le plaignant à l’Hôpital général de Stratford (HGS) pour facultés affaiblies par la drogue.

Radio du centre de répartition
  • À 6 h 17, l’AI no 1 et l’AI no 2 sont envoyés à l’adresse, sur la ligne 40, pour un véhicule suspect; ils sont les premiers à arriver sur les lieux.
  • L’AI no 2 dit qu’un homme [maintenant connu pour être le plaignant] est sans connaissance avec un canif sur les genoux. Il précise plus tard que l’AI no 1 a vu le couteau;
  • La transmission suivante signale que le plaignant a pris la fuite dans le champ et qu’il roule très lentement;
  • L’AI no 2 et l’AI no 1 sont restés devant la grange;
  • L’AT no 2 prend la direction des opérations;
  • Il y a de nombreuses transmissions radio au sujet de la sécurisation du périmètre de la propriété et du plaignant qui roule dans le champ et cherche peut-être un moyen d’en sortir;
  • Vers le début de l’appel, l’AI no 1 explique qu’en voyant un pistolet à impulsions, le plaignant a paniqué et est retourné dans le champ;
  • L’AI no 1 dit que le plaignant a de nouveau perdu connaissance au volant;
  • L’AT no 1 est dans l’allée d’une propriété voisine quand le plaignant franchit un tapis clouté puis s’arrête. Le plaignant passe une deuxième fois sur le tapis clouté et retourne dans le champ;
  • On entend quelqu’un dire dans une transmission que le plaignant roule vers l’allée; l’AT no 2 dit que le plaignant se dirige vers l’ouest sur la ligne 40 et que personne ne doit le poursuivre;
  • L’AT no 1 dit que le plaignant est passé devant l’allée où il se trouve et l’AT no 4 dit que la circulation sur la ligne 40 est bloquée;
  • Un agent dit qu’il est à 500 mètres derrière le plaignant et qu’il roule à environ 40 km/h;
  • L’AT no 4 dit que le plaignant conduit sur les jantes et qu’il n’a pas ralenti quand il s’est approché d’eux;
  • Dans la transmission suivante, l’AT no 4 dit que le plaignant est dans un fossé et qu’il a percuté les deux véhicules de police. On entend une sirène en arrière-plan;
  • L’AT no 2 demande que quelqu’un aille vérifier l’état du plaignant;
  • L’AT no 1 dit que le moteur du véhicule du plaignant dégage de la fumée et qu’il est vers le sud sur la route 109, une route de gravier;
  • L’AT no 1 dit qu’il roule à 39 km/h et que le plaignant perd le contrôle du Yukon qui dérape sur la chaussée;
  • Un agent dit que le GMC Yukon a viré dans un champ où il est coincé;
  • On demande d’appeler le service d’incendie parce que le plaignant refuse de sortir du GMC Yukon;
  • Un agent dit que le plaignant est debout sur le siège du conducteur et parle à des agents de police par le toit ouvrant;
  • Peu après, l’AT no 2 dit que les SMU devraient évaluer l’état du plaignant;
  • L’AI no 1 dit qu’il est à l’arrière de l’ambulance qui conduit le plaignant à HGS.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande à la Police provinciale, l’UES a obtenu les éléments et documents suivants qu’elle a examinés :
  • Rapport de collision;
  • Chronologie des événements – système Intergraph de répartition assistée par ordinateur;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 5;
  • Notes de l’AI no 1;
  • Notes de l’AT no 4;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Photographies prises par l’agent de la police technique (APTech);
  • Rapport de l’APTech;
  • Déclaration de témoin;
  • Enregistrements des communications/de l’appel au 9-1-1
  • Images aériennes prises avec un drone.

Éléments obtenus auprès d’autres sources :

L’UES a examiné les dossiers suivants obtenus auprès de sources autres que la police :
  • Dossiers médicaux du plaignant.

Description de l’incident

Les principaux événements en question ressortent clairement des déclarations du plaignant et de plusieurs agents concernés, dont l’AI no 2. L’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES, mais a autorisé la communication de ses notes sur l’incident.

Le 19 novembre 2020, vers 5 h 45 du matin, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel au 9-1-1 d’un résident de la ligne 40, à Stratford, qui appelait pour signaler la présence d’un VUS GMC Yukon sur le terrain de sa ferme. Un homme était endormi au volant du véhicule, qui s’était réveillé brièvement quand il avait frappé à la vitre, puis s’était rendormi. L’homme – le plaignant – semblait ivre. Des agents ont été envoyés sur les lieux.

L’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés en premier, vers 6 h 15. Ils ont repéré le VUS à quelques centaines de mètres au bout d’une allée sur la propriété, près d’une grange. Le moteur tournait et le plaignant était endormi au volant. Il avait un couteau sur ses genoux. Comme la portière avant était verrouillée, l’AI no 1, son pistolet à impulsions en main, a grimpé sur le siège arrière du VUS, derrière le conducteur, tandis que l’AI no 2 est resté à l’extérieur. L’AI no 1 a crié au plaignant qu’ils étaient de la police et lui a ordonné de ne pas saisir son couteau, sinon on le « taserait ». Le plaignant s’est réveillé, a semblé confus et a commencé à se tortiller. Dans les secondes qui ont suivi, il a engagé une vitesse du Yukon et a commencé à rouler dans le champ. L’AI no 1 est sorti par la porte arrière au moment où le Yukon se mettait en marche.

D’autres agents de la Police provinciale, dont l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux. Sous la direction de l’AT no 2 et avec l’aide de plusieurs membres du Service de police de Sarnia (SPS), les agents ont commencé à se mettre en place dans le champ et sur le périmètre afin de contenir les déplacements du Yukon. Un certain nombre de tapis cloutés ont été déployés dans le secteur, et des mesures ont été prises pour limiter la circulation sur la ligne 40.

Conscient de la présence croissante de policiers autour de lui, le plaignant s’est mis à rouler en chauffard sur le champ du fermier durant les deux heures suivantes. Il a tourné en rond, effectué des dérapages et des « beignets », et a propulsé son véhicule dans des fossés et décollé à plusieurs reprises. À un moment donné, il a roulé intentionnellement en direction des agents sur la propriété, les forçant à s’écarter pour éviter une collision.

Peu après 8 h, le plaignant s’est engagé sur la ligne 40 et a commencé à rouler vers l’ouest. À ce moment-là, son véhicule ayant franchi des tapis cloutés déployés par la police, certain de ses pneus, si ce n’est tous, étaient à plat. L’AT no 3, qui était à l’ouest de la propriété sur la ligne 40, a déployé un tapis clouté et a vu le VUS du plaignant le franchir. Quelques centaines de mètres plus à l’ouest, juste à l’est de la route 109, le VUS est tombé sur un barrage routier de la police que l’AT no 5 et l’AT no 4 avait mis en place avec leurs véhicules. Le plaignant a accéléré, a percuté les véhicules de police et a continué vers l’ouest. Le VUS, alors très endommagé, a viré dans le fossé sud-ouest à l’intersection de la ligne 40 et de la route 109, avant de poursuivre sa route vers le sud sur la route 109.

Sous la direction de l’AT no 1, plusieurs véhicules de police suivaient le plaignant quand il est sorti sur la ligne 40, a franchi le barrage routier, puis a continué vers le sud sur la route 109. Les véhicules de police ont pris position à côté du Yukon fortement endommagé qui s’est immobilisé dans le fossé du côté est de la route 109, à une courte distance au sud de la 40 Line. Leurs armes au poing, les agents ont ordonné au plaignant de sortir de son véhicule. Le plaignant a attendu un certain temps, puis a fini par sortir, en passant par la vitre de la portière du conducteur, et s’est allongé à plat dos sur le toit du véhicule. L’AI no 1 s’est approché du plaignant et l’a tiré du toit du véhicule pour le mettre par terre, à plat ventre, où il a été menotté sans autre incident.

Le plaignant a été transporté de là à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de côtes, du côté gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13, Code criminel – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, d’un bateau ou d’un aéronef

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(2) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi des lésions corporelles à une autre personne.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221 du Code criminel -- Causer des lésions corporelles par négligence

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 19 novembre 2020, le plaignant a subi des blessures graves durant son arrestation par des agents de la Police provinciale, à Stratford. Deux des agents – l’AI no 1 et l’AI no 2 – ont été désignés en tant qu’agents impliqués aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’un ou l’autre de ces agents ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et les blessures du plaignant.

Les infractions à prendre en considération sont la conduite dangereuse causant des lésions corporelles et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, des infractions visées respectivement au paragraphe 320.13 (2) et à l’article 221 du Code criminel. [1] Pour la première, la culpabilité serait fondée, en partie, sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. La deuxième est une infraction plus grave; elle correspond à une conduite qui fait preuve d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie et la sécurité d’autrui. Elle n’est établie que si le comportement en question constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à un niveau de diligence raisonnable. En l’espèce, il s’agit de déterminer si dans la façon dont ils ont agi dans la situation impliquant le plaignant, les agents, y compris les agents impliqués, ont fait preuve d’un manque de diligence qui a causé les blessures du plaignant ou y ont contribué d’une façon suffisamment flagrante pour justifier une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les agents exerçaient leurs fonctions légales en intervenant sur les lieux et, par la suite, en plaçant le plaignant en état d’arrestation. D’après les renseignements qu’ils avaient reçus au départ et ce qu’ils avaient constaté personnellement en approchant du VUS du plaignant, les AI no 1 et AI no 2 avaient des motifs de croire que le plaignant conduisait un véhicule automobile avec les facultés affaiblies. On l’avait trouvé endormi dans un véhicule dont le moteur tournait, à un endroit où il était entré sans autorisation, puis avait conduit dangereusement, parfois même directement en direction d’agents postés dans le champ.

En ce qui concerne l’opération policière qui a abouti à l’arrestation du plaignant, je ne peux pas conclure qu’elle présentait quoi que ce soit de répréhensible. L’objectif semble avoir été raisonnable, à savoir d’établir un périmètre autour du VUS du plaignant pour tenter de l’empêcher de sortir du champ de l’agriculteur. Étant donné le comportement erratique et dangereux du plaignant, une tactique plus proactive aurait pu inutilement mettre en danger la vie et la sécurité des agents et le bien-être du plaignant. L’utilisation de plusieurs tapis cloutés déployés à divers endroits sur le terrain était alors logique. En effet, le plaignant a roulé sur ces tapis cloutés à plus d’une occasion, ce qui a endommagé ses pneus et l’a empêché de rouler à une vitesse excessive. Parallèlement, la circulation a été bloquée dans le secteur, ce qui était particulièrement important, car des autobus scolaires et des écoliers avaient été aperçus sur la ligne 40. En outre, des véhicules de police ont été mis en place pour créer un barrage routier sur la ligne 40, juste à l’est de la route 109. Même si le plaignant a réussi à franchir de force ce barrage routier – ce qui est probablement à l’origine de ses blessures aux côtes – cette mesure mise en place par la police était justifiée compte tenu des considérations de sécurité publique qui prévalaient à ce moment-là. Je ne trouve donc aucun motif raisonnable de croire que les agents impliqués, ou tout autre agent concerné, ont enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel.

En conséquence, comme je suis convaincu que les agents impliqués se sont comportés avec la diligence et le respect nécessaires pour la sécurité publique dans leur participation aux événements qui ont mené à l’arrestation du plaignant, il n’y a aucune raison de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est donc clos.


Date : 25 mai 2021


Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Même si l'AI no 1 a eu recours à une certaine force pour tirer le plaignant du toit de son véhicule immobilisé dans le fossé près de la route 109, cette force était de toute évidence modérée et nécessaire dans les circonstances. Aucun élément de preuve ne suggère qu'une force excessive a été exercée une fois le plaignant à terre et pendant qu'on le menottait. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.