Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-PVD-243

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 35 ans (le « plaignant ») qui a été heurté par un véhicule conduit par une agente de la Police provinciale de l’Ontario.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 29 septembre 2020, à 0 h 44, la Police provinciale a contacté l’UES et donné le rapport qui suit. Le 29 septembre 2020, à 0 h 05, l’agente impliquée (AI) conduisait un véhicule de la Police provinciale sur Highway 12, à Midland. Alors qu’elle approchait de l’intersection de Jones Road, au feu vert, deux hommes ont traversé la rue devant son véhicule et elle a heurté l’un d’eux – le plaignant. L’AI s’est immédiatement arrêtée pour venir en aide au plaignant. Les services médicaux d’urgence (SMU) sont intervenus et ont pris la relève. Les ambulanciers paramédicaux ont prodigué des soins au plaignant, mais son décès a été prononcé à 0 h 22. L’ami du plaignant, le témoin civil (TC) no 3, n’a pas été blessé et est resté sur les lieux, qui ont été sécurisés. 

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2
Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 1

Quatre enquêteurs, un spécialiste de la reconstitution des collisions et deux enquêteurs spécialistes de sciences judiciaires de l’UES ont été envoyés sur les lieux pour enquêter sur l’incident.

Un témoin civil a été interrogé.

Quatre agents témoins ont été initialement désignés le 29 septembre 2020 et interrogés le 1er octobre 2020. Selon les renseignements obtenus lors de ces entretiens, un cinquième agent témoin a été désigné.

L’agente impliquée a consenti à participer à une entrevue avec l’UES.

Les enquêteurs ont fait le tour du secteur à la recherche de vidéos de surveillance d’entreprises, mais n’ont rien trouvé de pertinent.

Un rapport de reconstitution de la collision a été rédigé. 

Plaignant :

Homme de 35 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 2 N’a pas participé à une entrevue (plus proche parent)
TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue


Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes sur l’incident, comme la loi l’y autorise.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident a eu lieu à l’intersection de Jones Road (une route orientée nord-sud) et de Highway 12 (orientée est-ouest). Un Ford Explorer noir, dont les marquages de la Police provinciale étaient un peu délavés, se trouvait sur la voie en direction est, face à l’ouest. Le côté droit, le devant et le pare-brise étaient endommagés.

Figure 1 - Le véhicule de police de l’AI
Figure 1 - Le véhicule de police de l’AI


Il y avait des débris dans les voies en direction est de l’intersection, dont des morceaux de verre, des objets personnels (y compris des lunettes) et des pièces de véhicule.

Le corps du plaignant gisait sur le dos en travers d’une bordure en ciment.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Témoignage d’expert


Résumé du rapport de reconstitution de la collision


À l’endroit où la collision s’est produite, Highway 12 est une route goudronnée à quatre voies, dont deux vers l’est et deux vers l’ouest. Les voies opposées sont délimitées par une bordure de béton et par une ligne continue jaune près du centre de la chaussée. Les voies dans la même direction sont délimitées par des lignes discontinues de couleur blanche.

Jones Road est une route goudronnée à deux voies nord-sud délimitées par une ligne continue jaune près du centre de la chaussée. À l’approche de Highway 12, Jones Road comporte une voie de virage à gauche supplémentaire délimitée par une ligne blanche et des flèches de virage à gauche sur la chaussée. Jones Road et Highway 12 se croisent selon un angle presque droit au sud.

L’intersection est contrôlée par des feux de signalisation et des lignes d’arrêt peintes en blanc sur la chaussée. Du côté est de l’intersection, il y a un passage pour piétons peint en blanc sur la chaussée et des panneaux pour piétons. Les deux routes ont des bordures en béton. Highway 12 est la route principale et Jones Road la route secondaire.

Le feu de circulation sur la route principale reste au vert jusqu’à ce qu’une boucle de détection sur la route secondaire détecte l’approche ou l’attente d’un véhicule. Le feu sur la route secondaire passe alors au vert. Comme il n’y avait aucun véhicule sur la boucle de détection de Jones Road ou à proximité quand les enquêteurs étaient sur les lieux, le feu sur Highway 12 est resté vert. Pour cette raison, il est probable que les feux de circulation sur Highway 12 étaient restés au vert au moment de la collision.

D’après les mesures effectuées, l’intersection est de niveau.

La largeur totale de Highway 12 est 24,3 mètres, la largeur des voies allant de 2,9 mètres à 4,0 mètres. Une bordure centrale en béton mesure 1,3 mètre de largeur du côté est de l’intersection et 1,1 mètre du côté ouest. La largeur totale de Jones Road est 12,6 mètres, la largeur des voies allant de 3,3 mètres à 5,5 mètres.

Il y a un lampadaire dans le coin sud-est de l’intersection, à 17,3 mètres à l’est du bord est de la chaussée de Jones Road et à 0,8 mètre au nord du bord sud de la chaussée de Highway 12. Il y a aussi un lampadaire au coin nord-ouest de l’intersection, à 33,8 mètres à l’ouest du bord est de la chaussée de Jones Road et 23,4 mètres au nord du bord sud de la chaussée de Highway 12.

Sur Highway 12 vers l’est, la limite de vitesse de 80 km/h est réduite à 60 km/h à l’approche de Jones Road, à environ 254 mètres à l’ouest de la zone d’impact sur Highway 12.

Un Ford Explorer 2015 portant les inscriptions de la Police provinciale était immobilisé, sans occupant, face à l’ouest sur le côté nord de la voie de bordure en direction est de Highway 12, immédiatement à l’est de Jones Road. Il était légèrement endommagé sur le coin avant droit et le bord inférieur droit du pare-brise. Le centre de gravité approximatif du véhicule était à 23,0 mètres à l’est du bord est de la chaussée de Jones Road et à 3,5 mètres au nord du bord sud de la chaussée de Highway 12. Il n’y avait aucune trace de pneu sur la chaussée. Le centre de gravité approximatif du corps du plaignant était à 20,4 mètres à l’est du bord est de la chaussée de Jones Road et à 0,7 mètre au sud du bord sud de la chaussée de Highway 12. La tête était orientée vers le sud-ouest sur l’herbe, au sud de Highway 12, et les pieds vers le nord-est sur la voie de bordure en direction est de Highway 12.

Un éclat de peinture noire a été trouvé à 6,1 mètres à l’ouest du bord est de la chaussée de Jones Road et à 4,6 mètres au nord du bord sud de la chaussée de Highway 12. C’était le meilleur élément de preuve de la zone d’impact. Il était à 23,7 mètres du lampadaire du coin sud-est et à 32,7 mètres du lampadaire du coin nord-ouest. Il y avait trois éclats de verre de pare-brise immédiatement au sud-ouest de l’éclat de peinture. Une lentille de phare a été trouvée sur la voie de bordure en direction est de Highway 12, entre l’éclat de peinture noire et le corps du plaignant. Un bandana noir a été trouvé à 13,2 mètres à l’est du bord est de la chaussée de Jones Road et à 1,3 mètre au nord du bord sud de la chaussée de Highway 12.

Le véhicule de la Police provinciale n’avait pas de gyrophares sur le toit; il a été examiné sur les lieux. Le moteur tournait, les phares étaient allumés et fonctionnaient, et les feux d’urgence bleu et rouge clignotaient dans toutes les directions. Le pare-chocs poussoir, devant la grille, était enfoncé vers l’arrière et la gauche. Il y avait une éraflure sur le bord d’attaque de la prise d’air du déflecteur avant du véhicule. Cette éraflure mesurait de 72 cm à 92 cm, sur la gauche du côté droit du véhicule, à une distance de 30 cm à 35 cm du sol. Le côté droit du déflecteur avant était fissuré. La lentille du phare droit était brisée et des morceaux jonchaient le sol. Le capot était enfoncé sur une largeur de 37 cm du bord droit du véhicule, depuis le bord du capot dans l’alignement du phare droit à 84 cm vers l’arrière, jusqu’à la base du côté droit du pare-brise, sur toute la longueur du capot. Le pare-brise était fêlé autour d’un point situé à 48 cm à gauche du bord droit du véhicule et à 118 cm du sol. Le diamètre total de ces fêlures en toile d’araignée était de 40 cm. Un cheveu était coincé au centre de la zone endommagée. La ligne de toit était à une hauteur de 1,62 mètre du sol et à 1,8 mètre à l’arrière du bord antérieur du pare-chocs avant. Le côté droit du toit, au niveau du pare-brise, était légèrement bosselé et une moulure en plastique de 2 cm à côté de la bosse était soulevée. Tous les pneus étaient du modèle Eagle de Goodyear, de la taille recommandée par le constructeur automobile, soit 245/55R18. Le gonflage des pneus variait de 34 à 35 lb/po2. La profondeur de la bande de roulement était de 8 mm sur tous les pneus.

L’odomètre indiquait 253 636 kilomètres. Le pare-brise était propre. La radio de police était réglée sur 10P535.5; le volume était élevé. Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a saisi la tablette mobile Panasonic, afin de l’apporter aux services de technologie de l’information de la Police provinciale, à Orillia, pour en télécharger les données. Toutes les fenêtres étaient fermées et il n’y avait rien de particulier à l’intérieur. La ceinture de sécurité du conducteur était lâche dans le boîtier de retenue et il n’y avait aucune marque sur la ceinture. Aucun coussin gonflable n’était déployé.

Le module de commande des coussins gonflables du Ford Explorer a capturé un événement au cycle de démarrage 2232. Cet événement a été téléchargé au cycle de démarrage 13031. En plus de cette incohérence, la force latérale exercée sur le côté gauche du véhicule était supérieure à la force longitudinale. Du fait de cet élément de preuve, l’événement enregistré n’a pas été qualifié comme étant lié à cet événement. La variation de vitesse était insuffisante pour enregistrer le non-déploiement du module des coussins gonflables pour cette collision.

D’après les données du système de positionnement global (GPS) du véhicule de police de l’AI, le Ford Explorer roulait vers l’est sur Highway 12, depuis Highway 93, en direction du lieu de l’accident. À 00 h 03 min 26 s, le 29 septembre 2020, le véhicule de police roulait à 90 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 80 km/h, à deux kilomètres de la zone d’impact. À 0 h 04 min 47 s, le véhicule de police roulait à 89 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 60 km/h, à 170 mètres de la zone d’impact. À 0 h 04 min 47 s, le véhicule de police roulait à 79 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 60 km/h, à 68 mètres de la zone d’impact. À 0 h 04 min 47 s, le véhicule de police roulait à 76 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 60 km/h, à 25 mètres de la zone d’impact. À 0 h 04 min 47 s, le véhicule de police roulait à 72 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 60 km/h, à 10 mètres à l’est de la zone d’impact.

La zone d’impact aurait été légèrement au nord-ouest de l’emplacement de l’éclat de peinture noire; par conséquent, les calculs ont légèrement sous-estimé la vitesse du véhicule de police. La distance mesurée entre l’éclat de peinture noire et le centre de gravité du corps du plaignant était de 26,9 mètres. En appliquant la formule de Collins, la vitesse calculée était de 61,9 km/h dans la zone d’impact. D’après les données GPS, la vitesse dans la zone d’impact était de 72 km/h à 76 km/h. La vitesse calculée avec la formule de Collins est inférieure parce que la force du véhicule de police n’a pas été transférée en totalité au corps. La vitesse au moment de l’impact était de 72 km/h, juste avant l’impact, à 76 km/h, juste après l’impact. Il n’y avait pas de données GPS pour le moment exact de l’impact. Étant donné que la zone d’impact était probablement un peu plus au nord-ouest de l’éclat de peinture noire, il est raisonnable de supposer que la distance de projection du piéton a été légèrement sous-estimée; par conséquent, la vitesse d’impact calculée serait légèrement sous-estimée.

D’après les données GPS, le véhicule de la Police provinciale roulait en direction est sur Highway 12 et approchait de Jones Road dans la voie de dépassement en direction est. Selon les données GPS, le véhicule de police roulait à plus de 90 km/h dans un secteur où la limite de vitesse était de 80 km/h, mais a ralenti sans freiner jusqu’à environ 75 km/h à l’abord du secteur où la limite de vitesse passe à 60 km/h, à l’approche de l’intersection de Jones Road. Selon la configuration de la boucle de détection pour la signalisation, le feu était probablement au vert pour la circulation sur Highway 12. Selon des éléments de preuve, le plaignant a traversé l’intersection de Highway 12 et de Jones Road du côté sud de Highway 12. Il y avait deux lampadaires en diagonale de part et d’autre de l’intersection. Le plaignant avait enfilé un sac poubelle noir sur son torse, et portait une chemise bleu foncé, un pantalon de travail bleu foncé, un bandana noir sur la tête et des bottes de travail. D’après les éclats de peinture noire et les trois éclats de verre trouvés au centre de la voie de bordure en direction est, la collision s’est probablement produite près du côté sud de la voie de dépassement en direction est de Highway 12, au centre de Jones Road. Le coin avant droit du véhicule de police a heurté le plaignant selon une trajectoire enveloppante. Les photos de l’autopsie montrent un traumatisme sur le côté droit du corps; le côté droit du corps du plaignant a été heurté par les bords extérieurs du véhicule de police. Le plaignant a été projeté sur le capot et son front a heurté le coin inférieur du pare-brise, côté passager. Une partie de son corps a heurté le bord du toit, côté passager. Le plaignant a alors été projeté vers le sud-est sur une distance de 26,9 m et son corps s’est immobilisé, la tête sur l’herbe, face au sud, et les pieds face au nord-est sur la voie de bordure en direction est de Highway 12. D’après l’endroit où il gisait et l’emplacement du champ de débris de la lentille de phare, le plaignant marchait vers le sud-est au moment de l’impact. Le véhicule de police a parcouru moins de 100 mètres vers l’est, a freiné et a fait demi-tour pour revenir sur les lieux. Il était arrêté à environ 28 mètres à l’est de la zone d’impact. Rien n’indiquait qu’il avait freiné avant l’impact.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies

Le 29 septembre 2020, les enquêteurs ont fait le tour du secteur de l’intersection de Highway 12 et de Jones Road à la recherche d’enregistrements vidéo de l’intersection. Ils ont visité quatre établissements commerciaux du secteur, mais aucun n’avait de caméras qui auraient enregistré l’intersection au moment de l’accident. [1]

Enregistrements des communications

Le 29 septembre 2020, à 0 h 05 min 6 s, l’AI dit au centre des communications qu’elle a heurté un piéton qui traversait la route à l’intersection de Highway 12 et de Jones Road. Le piéton est sans réaction et elle a commencé la RCR. D’autres fichiers audios portaient sur l’envoi d’autres unités de police et des services médicaux d’urgence (SMU) sur les lieux. Ces fichiers comprenaient les notifications du personnel de supervision et administratif, l’arrivée des unités de police sur les lieux, les dispositions pour la fermeture de la route à la circulation, la sécurisation des lieux, la notification du coroner et de l’UES, et l’arrivée ultérieure de ces derniers. Les SMU sont arrivés sur les lieux à 0 h 11 min et le décès du plaignant a été déclaré à 0 h 22 min.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, sur demande, la Police provinciale :
  • Relevé du dossier de l’AI à l’Académie de la Police provinciale;
  • Téléchargement du module des coussins gonflables du véhicule de police de l’AI;
  • Enregistrements des communications;
  • Répartition assistée par ordinateur pour l’événement;
  • Courriel de la Police provinciale concernant l’AI;
  • Courriel de la Police provinciale concernant l’examen du véhicule (x2);
  • Rapport général d’incident;
  • Rapport de collision de véhicule automobile;
  • Notes des agents témoins;
  • Données GPS du véhicule de l’AI; et
  • Ordres de police - véhicules de la Police provinciale.

Description de l’incident

Le scénario suivant se dégage des renseignements recueillis par l’UES, qui comprenaient des déclarations de l’AI et d’un témoin oculaire civil. Un examen médicolégal des lieux et des éléments de preuve, qui a abouti à une reconstitution de la collision, a également été essentiel pour comprendre ce qui s’est passé. Le jour en question, juste après minuit, le plaignant était en compagnie de son ami, le TC no 3, sur Highway 12, près de l’intersection de Jones Road, à Midland. Ils marchaient après avoir passé la soirée à boire.

À peu près au même moment, l’AI était en patrouille au volant d’un VUS de police aux inscriptions délavées et dirigeait vers l’est sur Highway 12, en direction de Jones Road. Lorsqu’elle s’est engagée dans l’intersection, elle a senti son véhicule heurter quelque chose. L’AI a continué sur une courte distance vers l’est, puis a fait demi-tour et est revenue à l’intersection en direction ouest dans les voies en direction est de Highway 12. Elle avait heurté le plaignant, qui gisait sans connaissance sur le sol, à l’angle sud-est de l’intersection.

L’AI a dit par radio qu’elle avait heurté un piéton et avait commencé à administrer les premiers soins au plaignant. Le TC no 3 était à proximité, bouleversé. D’autres agents du détachement du sud de la baie Georgienne de la Police provinciale, qui se trouve non loin de là, sont arrivés dans les minutes qui ont suivi et ont administré la RCR au plaignant. Les ambulanciers paramédicaux ont pris la relève des soins du plaignant, mais ne sont pas parvenus à le ranimer. Le décès du plaignant a été prononcé sur les lieux vers 0 h 22.

Le côté passager avant du véhicule de l’AI a heurté le côté droit du plaignant, dans la voie de dépassement en direction est de Highway 12, près du centre de Jones Road. À ce moment-là, le plaignant traversait à pied en diagonale vers le coin sud-est de l’intersection. L’AI s’est engagé dans l’intersection au feu vert.

Cause du décès


Le pathologiste à l’autopsie a attribué la mort du plaignant à un traumatisme contondant à la tête.

Dispositions législatives pertinentes

Article 320.13 du Code criminel – Conduite causant des lésions corporelles 

320.13 (1) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport  d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances.

(3) Commet une infraction quiconque conduit un moyen de transport d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, et cause ainsi la mort d’une autre personne.
 

Alinéa 128(13) b) du Code de la route – Véhicules de police et excès de vitesse

128(13) Les limites de vitesse prescrites aux termes du présent article, d’un règlement ou d’un règlement municipal adopté en application du présent article ne s’appliquent pas aux véhicules suivants :

(b) au véhicule de police utilisé par un agent de police dans l’exercice légitime de ses fonctions.


Analyse et décision du directeur

Le plaignant est mort après avoir été frappé par un véhicule de police dans la nuit du 28 au 29 septembre 2020. La conductrice du véhicule de police, l’AI, a été identifiée comme étant l’agente impliquée aux fins de l’enquête de l’UES. Après avoir évalué les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec le décès du plaignant.

L’infraction à prendre en considération est la conduite dangereuse causant la mort, une infraction visée par le paragraphe 320.13 (2) du Code criminel. La culpabilité serait fondée sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercée dans les circonstances : R. c. Roy (2012), 281 CCC (3 d) 433; R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49. Même s’il s’agit d’un cas limite, je suis convaincu que le dossier de preuve ne permet pas d’établir raisonnablement que la conduite de l’AI ait enfreint les limites de prudence prescrites par le droit criminel.

Les conditions météorologiques au moment de l’incident étaient mauvaises et exigeaient une plus grande prudence de la part des automobilistes. Du fait de l’heure tardive et des fortes pluies dans la région, la visibilité était considérablement réduite. Malgré cela, d’après les données GPS de son véhicule, l’AI roulait au-delà de la limite de vitesse à l’approche de l’intersection – atteignant 98 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 80 km/h, à deux kilomètres à l’ouest de Jones Road, et 89 km/h dans un secteur où la limite de vitesse est 60 km/h, à environ 170 mètres de l’intersection. Même si le paragraphe 128 (13) du Code de la route autorise les agents de police à dépasser la limite de vitesse quand ils sont au volant de leurs véhicules de police et dans l’exercice légal de leurs fonctions, l’agente ne répondait à aucun appel de service à ce moment-là et n’avait donc pas besoin de conduire à une telle allure. À mon avis, étant donné les conditions météorologiques à ce moment-là, le fait qu’elle n’ait pas ralenti davantage a compromis sa capacité de réagir à ce qui se présentait devant elle et a joué un rôle important dans le fait qu’elle n’a pas vu le plaignant sur la chaussée.

En outre, des éléments de preuve montrent que l’AI n’avait pas toute son attention sur la chaussée devant elle. Elle a dit qu’elle avait été distraite dans une certaine mesure par un autre piéton qui traversait la route près de l’intersection juste avant qu’elle heurte le plaignant et a suggéré que le piéton en question était le TC no 3. Cependant, ceci est contredit par d’autres éléments de preuve selon lesquels le TC no 3 était derrière et à l’ouest du plaignant au moment de la collision, et non dans l’intersection, comme l’affirme l’AI. Je n’ai aucun moyen de trancher ces témoignages contradictoires. Cependant, je note que même en acceptant le récit de l’AI comme correspondant à la réalité, cela ne l’exonère pas d’un certain niveau de responsabilité dans la collision. Compte tenu notamment des conditions météorologiques, elle aurait dû fixer son attention pleinement sur la chaussée devant elle et non sur le côté, comme elle l’a suggéré.

Malgré cela, suffisamment de facteurs atténuants font que la conduite de l’AI ne constitue pas un écart marqué par rapport à un niveau de prudence raisonnable. Les vitesses auxquelles elle a roulé, bien qu’élevées, ne dépassaient pas beaucoup les limites de vitesse. De plus, le dossier de preuve indique que l’AI a ralenti à l’approche de Jones Road : elle roulait à 79 km/h dans un secteur où la limite de vitesse était à 60 km/h, à environ 70 mètres du lieu de la collision, et à 76 km/h à environ 25 mètres du point d’impact. Le fait que le plaignant s’était drapé d’un sac poubelle noir pour se protéger de la pluie et traversait alors que le feu était au rouge dans sa direction doit également être pris en compte. On peut raisonnablement penser que l’AI ne s’attendait pas à voir un piéton dans sa trajectoire et, en outre, qu’il était plus difficile de voir le plaignant compte tenu de ses vêtements sombres.

En dernière analyse, bien qu’il y ait des motifs raisonnables de croire que l’AI, notamment du fait de sa vitesse dans des conditions météorologiques et d’éclairage défavorables, a conduit son véhicule de police de façon dangereuse, je ne suis pas convaincu que, globalement, ses transgressions atteignaient le niveau d’une conduite criminelle. Par conséquent, il n’y a pas lieu de déposer des accusations criminelles dans cette affaire, et le dossier est clos.


Date : 14 décembre 2020

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) L'UES a pu obtenir des renseignements selon lesquels le plaignant et le TC no 3 étaient dans un restaurant avant la collision et ont obtenu une copie de leurs factures. Ces factures montraient que les deux hommes avaient partagé un pichet de bière Rickards Red et qu’ils avaient bu deux Sambucas chacun. Les deux hommes étaient aimables et polis. La serveuse les a vus partir par la porte d'entrée; ils ne portaient pas de sac poubelle à ce moment-là. Ils avaient un sac à dos avec eux, mais elle ne savait pas ce qu'il y avait dedans. Elle ne leur a donné aucun sac poubelle. Il pleuvait très fort quand ils sont partis, et elle ne les a pas suivis du regard après leur sortie du restaurant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.