Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 19-PFD-293

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 44 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 3 décembre 2019, à 21 h 39, la Police provinciale de l’Ontario a signalé une fusillade mettant en cause un agent. Le plaignant a été déclaré mort à l’Hôpital de South Huron, à Exeter. À 18 h 33, trois agents de la Police provinciale et des pompiers ont répondu à une alerte d’incendie à la résidence du plaignant. Il y avait un incendie dans sa cuisine, et le plaignant refusait de sortir de la résidence. Il était en possession d’une hache, et il y a eu une altercation avec les agents de la Police provinciale. L’agent impliqué (AI) no 1 a déchargé son arme à feu. L’AI no 2 et l’agent témoin (AT) no 2 étaient également présents, mais on ne sait pas s’ils ont déchargé leur arme à feu. Une arme à impulsions a été déployée, mais on ne sait pas quel agent l’a utilisée. L’AI no 1 a entrepris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire en attendant l’arrivée des services ambulanciers, qui ont pris la relève.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 4

Plaignant:

Homme de 44 ans, décédé


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 A participé à une entrevue
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
TC no 12 A participé à une entrevue
TC no 13 A participé à une entrevue
TC no 14 A participé à une entrevue
TC no 15 A participé à une entrevue
TC no 16 A participé à une entrevue
TC no 17 A participé à une entrevue
TC no 18 A participé à une entrevue
TC no 19 A participé à une entrevue
TC no 20 A participé à une entrevue
TC no 21 A participé à une entrevue
TC no 22 A participé à une entrevue
TC no 23 A participé à une entrevue
TC no 24 A participé à une entrevue
TC no 25 A participé à une entrevue
TC no 26 A participé à une entrevue
TC no 27 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire


Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit sur le terrain avant et dans l’entrée de cour d’une maison de la rue Simcoe. Il s’agissait d’une maison unifamiliale en brique et en aluminium dotée d’un garage simple annexé à un passage couvert fermé. Devant le garage, il y avait un passage menant à la rue, du côté ouest de la maison. L’entrée avant était accessible par l’entrée de cour, et il y avait un palier avant entouré d’un muret en brique.

Les objets suivants ont été recueillis sur les lieux :

  • dix douilles [1];
  • une hache ou hachette munie d’une poignée en bois;
  • des lunettes à mouture en bronze;
  • un filin d’arme à impulsions;
  • une porte de cartouche d’arme à impulsions;
  • des débris de fournitures médicales;
  • des identifications anti-criminel d’arme à impulsions;
  • un blindage de cuivre;
  • un projectile en plomb;
  • des menottes.


Schéma des lieux

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels


Comptage des munitions


L’arme de l’AI no 1 était un pistolet Glock de calibre 9 mm. Il y avait un chargeur dans l’arme, et la chambre contenait une cartouche. Il restait 10 cartouches dans le chargeur, qui pouvait en contenir 17. Les chargeurs supplémentaires contenaient 17 cartouches.

L’arme de l’AI no 2 était un pistolet Glock de calibre 9 mm. Il y avait un chargeur dans l’arme, et la chambre contenait une cartouche. Il restait 13 cartouches dans le chargeur, qui pouvait en contenir 17. Les chargeurs supplémentaires contenaient 17 cartouches.

L’arme de l’AT no 1 était un pistolet Glock de calibre 9 mm. Il y avait un chargeur dans l’arme, et la chambre contenait une cartouche. Il y avait 17 cartouches dans la chambre, qui pouvait en contenir 17. Les chargeurs supplémentaires contenaient 17 cartouches.

Éléments de preuves médicolégaux


Données téléchargées à partir des armes à impulsions [2]


L’UES a téléchargé les données des armes à impulsions des AI nos 1 et 2 et de l’AT no 1.

L’arme à impulsions X2 de l’AI no 1 a été utilisée une fois pendant l’incident, et une seule cartouche a été déployée. Le 3 décembre 2019, à 18 h 48 min 7 s, la détente de l’arme à impulsions a été enclenchée et la première cartouche a été déchargée pendant cinq secondes. À 18 h 54 min 2 s, l’arme à impulsions a été désamorcée; la première cartouche avait été déployée et la deuxième était intacte.

L’arme à impulsions X2 de l’AI no 2 n’a pas été utilisée pendant l’incident.

L’arme à impulsions X2 de l’AT no 1 a été utilisée une fois pendant l’incident, et une seule cartouche a été déployée. Le 3 décembre 2019, à 18 h 32 min 38 s, la détente de l’arme à impulsions a été enclenchée et la première cartouche a été déchargée pendant cinq secondes. À 18 h 32 min 44 s, l’arme à impulsions a été désamorcée; la première cartouche avait été déployée et la deuxième était intacte.

Liste de ce qui a été remis au Centre des sciences judiciaires (CSJ) et résultats


Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a remis les éléments suivants au CSJ aux fins d’analyse : une hache de 51 centimètres munie d’un manche de bois, un échantillon de sang de la veine cave inférieure, de l’artère fémorale et de la cage thoracique du plaignant, un tampon de prélèvement du plaignant, un bas de pyjamas carreauté bleu et gris taché de sang, le pistolet Glock de l’AI no 2, modèle 17, calibre 9 x 19 mm, muni d’une lampe de poche X300B de Surefire, le pistolet Glock de l’AI no 1, modèle 17, calibre 9 x 19 mm, muni d’une lampe de poche X300B de Surefire, un chargeur du pistolet Glock de l’AI no 2, modèle 17, contenant 13 cartouches Winchester de calibre 9 mm Luger, un chargeur du pistolet Glock de l’AI no 1, modèle 17, contenant 10 cartouches Winchester de calibre 9 mm Luger, une chemise carreautée à manches courtes boutonnée de diverses couleurs mais avec une prédominance de bleu, 14 douilles, un bocal Mason contenant des résidus brûlés provenant de la résidence de la rue Simcoe et un bocal Mason contenant un échantillon d’air prélevé à la résidence de la rue Simcoe.

Le 29 janvier 2020, l’UES a reçu un rapport de biologie du CSJ. Les résultats ont confirmé que le plaignant ne pouvait être exclu comme source du profil d’ADN masculin établi au moyen du sang et de l’ADN prélevé sur les parties non tachées du manche de bois de la hache provenant de la résidence de la rue Simcoe.

Le rapport sur les armes à feu du CSJ du 27 avril 2020 a indiqué que 9 des 14 douilles soumises par l’UES provenaient de l’arme à feu de l’AI no 1, que 4 provenaient de l’arme à feu de l’AI no 2 et que la dernière provenait d’une autre arme [3].

Témoignage d’expert


Rapport d’autopsie


Le rapport d’autopsie du 16 octobre 2020 a été reçu par l’UES le 3 novembre 2020.

Selon le rapport, le plaignant aurait subi 11 blessures par balle au cou, au torse et aux extrémités. Les plus importantes étaient deux blessures pénétrantes et perforantes au torse. La blessure pénétrante au torse est survenue lorsque la balle est entrée dans le corps par la partie antérieure gauche de la poitrine, ce qui a entraîné des blessures au poumon gauche, au cœur et au foie et un important hémothorax du côté gauche. Une balle blindée déformée a été trouvée dans les tissus mous du flanc droit. La blessure était mortelle avec un tracé de gauche à droite, vers le bas une légère orientation de l’avant à l’arrière. La blessure perforante au torse (région pelvienne) a été causée par une la balle entrée dans l’aine droite, qui a provoqué deux perforations dans l’intestin grêle, des dommages mineurs à la vessie et un léger hémopéritoine. La balle est sortie au milieu de la fesse droite. La blessure était potentiellement mortelle et il y avait une trace de l’avant à l’arrière, avec une légère orientation de droite à gauche, puis vers le bas.

Il y avait une blessure par balle perforante dans la partie supérieure du bras droit. La blessure n’était pas mortelle et la balle a suivi un trajet allant de l’avant à l’arrière, vers le haut et de droite à gauche. Il y avait aussi une blessure par balle perforante dans l’avant-bras droit. La blessure n’était pas mortelle et le trajet allait de l’avant à l’arrière et vers le haut. Deux blessures par balle perforantes mais non mortelles ont été observées sur la cuisse droite. Celle dans la partie la plus élevée avait un point d’entrée dans le milieu de la cuisse antérieure droite avec un parcours de gauche à droite, légèrement vers le bas et une légère orientation de l’avant à l’arrière. La blessure inférieure avait un point d’entrée dans la partie latérale. La balle a suivi un trajet de droite à gauche, vers le haut avec une légère inclinaison de l’arrière à l’avant.

En outre, il y avait une blessure par balle dans la cuisse gauche. La balle est entrée dans le milieu de la cuisse gauche. Une balle blindée déformée a été trouvée dans les tissus mous de la cuisse antérieure gauche. Le tracé était de droite à gauche, vers le haut et de l’arrière à l’avant. Cette blessure n’était pas mortelle. Il y avait une blessure par balle perforante dans la partie inférieure de la cuisse gauche et le genou antérieur gauche. Le trajet de la balle n’a pu être déterminé, mais la blessure n’était pas mortelle. Dans la partie inférieure de la jambe gauche, une blessure par balle perforante superficielle avec un trajet de gauche à droite et vers le haut a aussi été trouvée. Il ne s’agissait pas d’une blessure mortelle. On a relevé une éraflure non mortelle au milieu du cou antérieur, du côté droit, et une autre sur la partie postérieure de l’avant-bras droit, avec une trajectoire vers le haut. La blessure perforante dans la cuisse droite (blessure inférieure) et la blessure pénétrante dans la cuisse gauche pourraient avoir été causées par le même coup de feu. La blessure perforante à l’avant-bras droit et l’éraflure au cou pourraient aussi avoir été causées par le même coup de feu.

La peau ne comportait aucune marque ni brûlure en relation avec l’utilisation de l’arme à impulsions. Le déploiement de l’arme a toutefois causé des éraflures.

L’analyse toxicologique n’a rien révélé d’utile pour l’enquête.

La conclusion a été que le décès a résulté de blessures par balle au torse.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Les enquêteurs de l’UES ont ratissé le secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies et ont trouvé ce qui suit :
  • un enregistrement vidéo des lieux fait par la Police provinciale;
  • les enregistrements vidéo du TC no 4.


Enregistrement vidéo des lieux fait par la Police provinciale


La Police provinciale a fourni à l’UES un enregistrement vidéo des lieux. Le contenu n’a été d’aucune utilité pour l’enquête.


Enregistrements vidéo faits par le TC no 4


Le 4 décembre 2019, les enquêteurs de l’UES ont récupéré deux enregistrements vidéo faits par le TC no 4 à une autre adresse sur la rue Simcoe à Exeter. Ni l’un ni l’autre n’a procuré des éléments de preuve pour l’enquête.

Enregistrement des communications de la police


Enregistrement des communications de la Police provinciale


La Police provinciale a fourni une copie de l’enregistrement des communications du 3 décembre 2019. L’enregistrement commence à 18 h 36 min 49 s. Il dure 15 min 40 s et n’affiche pas d’heure.

Le centre de communication a dépêché plusieurs unités de police à une résidence de la rue Simcoe, à Exeter, où il y avait un incendie de structure. Un voisin avait téléphoné pour signaler qu’un homme [maintenant identifié comme le plaignant] vivait un épisode lié à un problème de santé mentale, qu’il y avait un incendie sur la cuisinière et que l’homme refusait de sortir. Le service d’incendie avait également été avisé. Plusieurs unités ont répondu à l’appel, y compris les AI nos 2 et 1. L’AI no 1 revenait de l’hôpital. Le centre de communication a précisé que la maison était remplie de fumée et que le service d’incendie était sur les lieux. Les dossiers de la police indiquaient que le plaignant avait commis des méfaits, avait détruit ou détérioré des biens et avait été remis en liberté sur promesse de comparaître. Le centre de communication a mentionné que le service d’incendie était sur les lieux et que le plaignant avait refusé de sortir de la maison.

L’AI no 2 a indiqué qu’il était sur les lieux avec plusieurs pompiers et a demandé à l’AI no 1, à l’AT no 1 et à un autre agent de venir sur les lieux. Les portes étaient verrouillées. L’autre agent a dit qu’iI était en route et l’AI no 2 a demandé à l’AI no 1 et à l’autre agent de faire vite parce que le plaignant avait une hache à la main. L’autre agent a répondu qu’ils arrivaient.

L’AI no 2 a dit que des coups de feu avait été tirés, puis a demandé une ambulance parce que le plaignant saignait.


Appel au 911 du TC no 2


Le 3 décembre 2019, à 18 h 35 min 24 s, le TC no 2 a communiqué avec la téléphoniste du service 911 de la Police provinciale. L’appel a pris fin à 18 h 39 min 14 s.

Le TC no 2 a appelé le 911 pour signaler que son voisin était en train de vivre un épisode lié à un problème de santé mentale à une résidence de la rue Simcoe, à Exeter. Il a demandé que le service d’incendie se rende sur les lieux et a expliqué qu’un homme [maintenant identifié comme le plaignant] était dans la maison, qu’il y avait quelque chose sur la cuisinière et que l’homme refusait de sortir. Le TC no 2 a précisé que la maison était remplie de fumée, a répété que l’homme vivait un épisode lié à un problème de santé mentale et a dit avoir parlé à la mère de celui-ci [maintenant identifié comme le TC no 1].

Le TC no 2 a ajouté que le plaignant était venu à sa maison pieds nus et avait demandé à le voir, mais le TC no 2 était absent. Lorsque celui-ci est arrivé à la maison, son fils lui a dit ce qui s’était passé, et le TC no 2 s’est rendu chez le plaignant. Ce dernier avait alors commencé à parler des militaires et tenait des propos incohérents. Le TC no 2 a mentionné que la mère du plaignant était venue et lui avait demandé de sortir, ce qui l’avait contrarié. Le TC no 1 avait expliqué au TC no 2 que le plaignant était en situation de crise à cause du décès récent d’un membre de la famille. Le TC no 2 était allé vérifier comment allait le plaignant, avait vu le début d’incendie sur la cuisinière et lui avait dit de sortir. Il lui avait aussi demandé d’éteindre le feu. La maison était remplie de fumée et le plaignant refusait de sortir.

Le TC no 2 a indiqué à la téléphoniste que le service d’incendie était arrivé et lui a ensuite dit le nom du plaignant et le sien. Il a ajouté qu’on était toujours en train d’essayer de faire sortir le plaignant de la maison, mais que celui-ci refusait. Le TC no 2 a précisé qu’il ne voyait pas d’incendie. La téléphoniste a indiqué qu’elle en informerait le service d’incendie et a dit au revoir.

Éléments obtenus auprès du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants de la Police provinciale de l’Ontario :
  • l’imprimé des données du système de répartition assistée par ordinateur;
  • les enregistrements supplémentaires, partie 1 – rue Simcoe;
  • les enregistrements supplémentaires, partie 2 – rue Simcoe;
  • le sommaire de la déclaration et le rapport d’incident d’un voisin;
  • les données de l’arme à impulsions des deux AI et de l’AT no 1;
  • le rapport d’incident général;
  • la liste des utilisateurs au détachement de Huron, 3 décembre 2019;
  • la liste des utilisateurs au détachement de Perth, 3 décembre 2019;
  • les notes de l’AT no 2 (caviardées);
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 1 (caviardées);
  • le sommaire de la déclaration faite à la Police provinciale par le chef des pompiers du district, soit le TC no 3;
  • la liste des pompiers de la Police provinciale;
  • le rapport de mort subite de la Police provinciale;
  • les enregistrements de la rue Simcoe de la Police provinciale trouvés au départ;
  • la liste des témoins de la Police provinciale;
  • le rapport supplémentaire;
  • les registres de formation des deux AI;
  • l’entrevue de la Police provinciale avec le chef des pompiers du district, le TC no 3;
  • l’entrevue de la Police provinciale avec un voisin;
  • les photos prises par la Police provinciale;
  • l’enregistrement vidéo des lieux fait par la Police provinciale;
  • les enregistrements des communications de la Police provinciale.

Éléments obtenus d’autres sources

En plus des éléments reçus de la Police provinciale de l’Ontario, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • les enregistrements vidéo du TC no 4;
  • le rapport sur les armes à feu du CSJ;
  • le rapport de biologie du CSJ;
  • le rapport d’autopsie;
  • le rapport d’incident du service d’incendie de South Huron – auteurs multiples;
  • le rapport d’incident du service d’incendie de South Huron – TC no 9.

Description de l’incident

Même s’il y a des différences entre les déclarations des témoins au sujet de certains détails relatifs à la manière dont les événements se sont déroulés, le scénario qui suit ressort du poids des éléments de preuve réunis par l’UES, notamment des entrevues avec les deux agents impliqués, l’AT no 1 (qui était à proximité au moment où les coups de feu ont été tirés) et plusieurs pompiers, qui se trouvaient dans le secteur après avoir été appelés pour un incendie à la résidence du plaignant. Les déclarations du TC no 1 (mère du plaignant) et du TC no 2 (voisin), qui possédaient chacun des renseignements importants concernant ce qui s’est passé avant les coups de feu, l’expertise judiciaire des lieux et des éléments de preuve ainsi que le rapport d’autopsie ont aussi été utiles pour l’enquête.

Le plaignant, qui avait reçu un diagnostic de schizophrénie, de maniaco-dépression et de trouble bipolaire, n’allait pas bien le jour de l’incident. Il s’était rendu pieds nus à la résidence voisine, sur la rue Simcoe, pour demander s’il pouvait entrer. Le voisin a refusé, puis a appelé sa mère pour lui raconter ce qui venait de se passer. La mère du voisin, soit le TC no 2, est allée voir ce qui se passait. Le plaignant a ouvert la porte au TC no 2 et a commencé à dire des choses incohérentes sur les militaires et la police. Son comportement a empiré lorsque sa propre mère, le TC no 1, est revenue à la maison et a tenté de parler à son fils. Le plaignant a demandé à sa mère de partir, et les TC nos 1 et 2 ont alors traversé la rue pour se rendre chez le TC no 2.

Un peu plus tard, le TC no 2 est retourné à la résidence du plaignant. Lorsque celui-ci a ouvert la porte, le TC no 2 a remarqué qu’il y avait un début d’incendie sur la cuisinière et de la fumée qui sortait de la cuisine. Il a demandé au plaignant d’éteindre le feu et est sorti, mais le plaignant a refusé. De retour chez lui, le TC no 2 a appelé le 911. Le TC no 1 s’est précipité chez lui, où la porte était verrouillée et son fils refusait de lui ouvrir. Il était alors environ 18 h 30.

Quand les pompiers ont commencé à arriver sur les lieux, le plaignant se trouvait sur le palier avant, devant la porte. Parmi les premiers arrivés se trouvait le TC no 3, chef de district du service d’incendie de South Huron. Le plaignant refusait de sortir de la maison. Le pompier est entré par la porte avant et s’est présenté au plaignant. Celui-ci était plutôt sans réaction et incohérent, mais il a refusé calmement lorsque le TC no 3 lui a demandé de sortir de la maison.

Le premier agent arrivé sur les lieux était l’AI no 2. Informé par le TC no 3 que le plaignant refusait de laisser entrer les pompiers, l’agent est retourné à sa voiture et a pris un bélier qu’il a apporté jusqu’au palier avant. Il y a rejoint le TC no 1, qui a confirmé que le plaignant avait verrouillé les portes. Par la vitre de la porte, l’AI no 2 voyait le plaignant appuyé sur la fenêtre, les bras croisés et silencieux en train d’empoigner une hache. Il y avait de la fumée derrière lui.

L’AI no 2 a envoyé un message radio pour demander à envoyer des renforts rapidement sur les lieux, puis il est redescendu du palier avant. Le TC no 1 est aussi descendu du palier et s’est éloigné par l’entrée de cour, en passant près du TC no 9, le chef des pompiers de South Huron, qui venait d’arriver à la résidence. En quelques instants à peine, l’AI no 1 et l’AT no 1 se sont mis à courir en direction du palier avant de la résidence.

Pendant que l’AI no 1 et l’AT no 1 se trouvaient sur le terrain devant la maison, l’AI no 2 s’est approché encore une fois de la porte avant avec le bélier à la main afin d’enfoncer la porte. Comme la porte s’ouvrait, le plaignant est surgi de la maison en tenant une hache. L’AI no 2 avait laissé tomber le bélier et avait descendu du palier pour retourner dans l’entrée de cour. À une distance d’environ trois mètres, l’AI no 2 a sorti son arme à feu et l’a pointée sur le plaignant. Au même moment, l’AI no 1 a crié : « Taser, Taser, Taser », puis il a déchargé son arme à impulsions sur le plaignant.

Le déploiement de l’arme a impulsions a été sans effet sur le plaignant. Il est descendu du palier et s’est mis à avancer vers les trois agents, qui avaient formé un demi-cercle au nord de là où le plaignant était, avec l’AI no 2 qui était le plus à l’ouest, l’AT no 1, du côté est et l’AI no 1 au centre. Les agents, qui avaient tous leur arme à feu pointée sur le plaignant, lui ont crié de jeter la hache et de s’étendre au sol. Le plaignant n’a pourtant pas cessé d’avancer et il n’a pas jeté sa hache. Les AI nos 2 et 1 ont alors tiré une première salve dans sa direction.

À une distance de deux à quatre mètres, l’AI no 1 a tiré sur le plaignant à plusieurs reprises tout en reculant à mesure que le plaignant avançait. Il a fait une brève pause entre chaque coup de feu et a tiré plusieurs fois de plus. Au total, l’AI no 1 aurait apparemment tiré quatre à six reprises. Environ au même moment, l’AI no 2 a tiré à quatre reprises à une distance similaire pendant qu’il reculait lui aussi. Le plaignant a chancelé, puis est tombé au sol dans l’entrée de cour, près du trottoir.

Comme le plaignant avait toujours la hache à la main droite, les agents se sont donné comme plan que l’AT no 1 décharge son arme à impulsions sur le plaignant dans l’intention de le neutraliser pendant que l’AI no 2 s’approcherait pour lui retirer la hache. L’AI no 2 s’est mis à lutter avec le plaignant au sol et il a lui-même été touché par la décharge de courant électrique provenant de l’arme de l’AT no 1, qui a semblé immobiliser le plaignant momentanément sans toutefois lui faire lâcher la hache. Avec le plaignant et l’AI no 2 au sol l’un près de l’autre, l’AI no 1 s’est avancé vers le plaignant et a tiré un à trois coups de feu dans sa direction. Après cette deuxième salve, le plaignant a lâché la hache, et l’AI no 2 l’a ramassée.

Avec l’aide des pompiers, l’AI no 1 et l’AT no 1 ont entrepris des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire sur le plaignant en attendant une ambulance. Celui-ci a été conduit à l’hôpital en ambulance et a été déclaré mort à 19 h 21.

Dans le rapport d’autopsie, le médecin légiste a indiqué que le plaignant avait des blessures par balle au torse, au bassin, au bras droit, à l’avant-bras droit, à l’avant-bras postérieur droit, à la cuisse droite, à la cuisse gauche, dans la région du bas de la cuisse et du genou gauche, au bas de la jambe gauche et au cou. Selon le médecin légiste, les blessures résultaient de neuf, dix ou onze blessures par balle.

Le nombre de douilles récupérées et venant des armes à feu de l’AI no 2 ou de l’AI no 1, avec le nombre de projectiles restants dans l’arme de chaque agent après l’incident indiquent que les AI nos 2 et 1 ont tiré au total quatre et sept fois respectivement. Il n’a néanmoins pas pu être déterminé quelles balles provenant de quelle arme avaient causé chaque blessure du plaignant.

La hache que tenait le plaignant durant l’incident a été récupérée par l’UES. Elle avait un manche de bois et une lame de métal d’environ 9 centimètres de long avec un rebord tranchant.


Cause du décès


Le décès a été attribué aux « blessures par balle au torse ».

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances
(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Dans la soirée du 3 décembre 2019, le plaignant a reçu plusieurs balles tirées par deux agents de la Police provinciale de l’Ontario juste à l’extérieur de sa maison à Exeter. Les agents s’étaient rendus à sa résidence pour venir en aide aux pompiers, qui tentaient de pénétrer dans sa maison pour éteindre un feu de cuisine. Seul dans sa maison, le plaignant s’était armé d’une hache et il refusait d’ouvrir la porte pour permettre aux pompiers de pénétrer. Dès qu’il a enfoncé la porte à l’aide d’un bélier, l’AI no 2 et deux autres agents, soit l’AI no 1 et l’AT no 1, ont été confrontés par le plaignant qui brandissait une hache et approchait dans leur direction. En quelques secondes, l’AI no 2 et l’AI no 1 ont fait feu sur le plaignant. Celui-ci a succombé à ses blessures par balle.

L’UES a été avisé de l’incident et a entrepris une enquête, qui est maintenant conclue. Les AI nos 2 et 1 ont tous les deux été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents a commis une infraction criminelle en relation avec le décès du plaignant.

L’article 34 du Code criminel offre une protection aux personnes agissent d’une manière qui pourrait autrement constituer une infraction si le but est de se défendre ou de défendre une autre personne. Cela signifie essentiellement qu’une personne a le droit de poser ce type de geste, à condition d’avoir des motifs suffisants pour contrer un usage de la force ou d’avoir été menacée d’un tel usage contre elle ou une autre personne. Pour déterminer si les gestes en question sont raisonnables, il faut tenir compte de toutes les circonstances, comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et le fait qu’il y avait ou non d’autres moyens de réagir à l’utilisation potentielle de la force et le fait que l’une des parties ait ou non utilisé ou menacé d’utiliser une arme.

Prenons d’abord la première rafale de coups de feu tirés par l’AI no 2 et l’AI no 1. J’ai des motifs raisonnables de croire que les deux agents ont respecté les critères relatifs à l’emploi d’une force justifiée, conformément à l’article 34 du Code criminel.

Je dois commencer par signaler que le devoir prioritaire des agents en common law est la préservation de la vie. Les AI nos 2 et 1 étaient en train d’exécuter ce devoir lorsqu’ils sont arrivés à la résidence pour aider les pompiers à entrer dans la maison du plaignant. Ils avaient de bonnes raisons de croire qu’il y avait un incendie dans la cuisine, que le plaignant n’était pas sain d’esprit et qu’il était impératif d’entrer sans tarder compte tenu des risques évidents que représentait un incendie non maîtrisé pour la sécurité publique, non seulement pour le plaignant, mais aussi pour les autres personnes présentes dans le secteur.

Les AI nos 1 et 2 ont indiqué dans leur entrevue avec l’UES qu’ils avaient fait feu parce qu’ils croyaient que c’était nécessaire pour se protéger eux-mêmes ainsi que d’autres personnes contre une potentielle attaque à la hache par le plaignant. Tous les témoins conviennent que le plaignant avançait avec détermination, une hache à la main, lorsque la première rafale a retenti. Des témoins qui étaient alors présents ont dit que le plaignant leur semblait en colère. Bien que la manière dont le plaignant tenait la hache ne fasse pas l’unanimité, puisque des témoins ont dit qu’il la tenait d’une main et d’autres ont dit des deux mains, comme un bâton de baseball, la plupart des témoins sinon tous croyaient que le plaignant brandissait la hache comme une arme. Dans les circonstances, je conviens que les craintes des agents étaient légitimes et raisonnables au moment où ils ont tiré.

Je conviens aussi que la première série de coups de feu tirés par les AI nos 2 et 1 représentait une réaction raisonnable de la part des agents pour se défendre eux-mêmes et défendre les autres personnes qui se trouvaient dans les parages. À ce stade, le plaignant s’était approché à deux à quatre mètres des agents, même si l’AI no 1 avait déployé son arme à impulsions et si les agents lui avaient dit à plusieurs reprises de s’arrêter et de jeter la hache.

Il faut se demander si les agents, qui ont reculé pour s’éloigner de la maison pendant que le plaignant avançait vers eux, auraient pu continuer à s’éloigner au lieu de tirer comme ils l’ont fait. Peut être bien, mais je n’ai pas la conviction que d’avoir agi autrement représente de la négligence de leur part. De toute évidence, un retrait complet n’était pas une option réaliste puisque de nombreuses personnes se trouvaient dans les environs de la maison, y compris les pompiers appelés sur les lieux pour un incendie, qui représentait un risque légitime pour leur sécurité. Les agents n’avaient pas non plus le temps de vérifier autour d’eux où se trouvaient les autres personnes puisque leur attention était, naturellement, complètement dirigée vers le plaignant.

Enfin, en ce qui a trait au nombre de coups tirés, soit quatre par l’AI no 2 et quatre à six par l’AI no 1, les éléments de preuve indiquent qu’ils sont survenus à peu près simultanément et à un rythme relativement rapide. Il semblerait qu’une courte pause ait été marquée entre la première et la deuxième série de coups de feu tirés par l’AI no 1, mais je ne crois pas que cette pause fasse une véritable différence dans l’analyse du bien-fondé de la conduite de l’AI no 1. Les éléments de preuve révèlent que le plaignant est resté debout jusqu’à la fin de la première salve et a même continué d’avancer un peu avant de tomber au sol après le dernier coup de feu. Dans les circonstances et compte tenu du climat tendu qui prévalait au moment où s’est déroulée la scène, je ne peux raisonnablement considérer qu’il y avait un écart significatif entre les craintes des agents par rapport au degré de risque et le caractère raisonnable de leur réaction durant la première série de coups de feu.

Une fois le plaignant au sol après la première salve, l’AI no 1 a tiré une fois de plus sur le plaignant [4]. Encore une fois, j’ai la conviction que le geste de l’AI no 1 entre sous la protection offerte par l’article 34 du Code.

Il y a certaines contradictions au sujet des mouvements exacts du plaignant et de l’AI no 2 dans les moments qui ont immédiatement précédé le coup de feu ou les coups de feu supplémentaires. Si la plupart des témoins ont indiqué que le plaignant a été abattu pendant la première salve, une partie ont dit qu’il était à genoux lorsque l’AI no 2 s’est approché pour tenter de le désarmer alors que d’autres ont indiqué qu’il était étendu sur le sol. De plus, aux dires d’une partie des témoins, l’AT no 1 aurait déchargé son arme à impulsions en direction du plaignant avant que l’AI no 2 lui ait touché. D’autres ont par contre indiqué que le déploiement s’était produit pendant que l’AI no 2 et le plaignant étaient engagés dans une lutte au sol.

Ce qui est certain, c’est que le plaignant avait toujours la hache dans sa main droite quand il était au sol, qu’une autre décharge d’arme à impulsions et l’intervention de l’AI no 2 n’avaient pas suffi à lui faire lâcher la hache et que l’AI no 2 avait, apparemment, été affecté par la décharge de l’arme à impulsions, qu’il avait roulé à côté du corps du plaignant et qu’il était toujours là lorsque l’AI no 1 a tiré. Dans les circonstances, je ne peux que croire l’AI no 1 quand il dit qu’il a tiré sur le plaignant pour protéger l’AI no 2 d’une attaque à la hache imminente. Dans le feu de l’action et en une fraction de seconde, il a dû prendre une décision et j’estime que les craintes de l’AI no 1 étaient réelles et légitimes. Que l’AI no 1 ait tiré un, deux ou trois coups de feu ne change rien, puisqu’il n’y a aucun signe que les coups aient été espacés ni que le plaignant ait laissé tomber sa hache avant le dernier coup de feu.

Même si je considère qu’il n’y a pas matière à porter des accusations contre les agents impliqués, le plaignant est néanmoins décédé dans des circonstances tragiques, surtout compte tenu de son état de santé mentale à ce moment. Celui-ci était atteint de maladie mentale depuis des années. Le jour en question, il était manifestement dans un état d’intense détresse mentale dans les heures ayant précédé la confrontation avec la police. Ce dont il aurait eu le plus besoin, c’était de soins médicaux. Il n’était pourtant pas possible de lui en prodiguer sans tenter immédiatement de s’approcher de lui alors que, vu l’état dans lequel il se trouvait, il s’était embarré dans sa maison et refusait d’en sortir malgré le début d’incendie dans la cuisine. Dans les circonstances, je ne peux blâmer les agents d’avoir forcé la porte lorsqu’ils l’ont fait. Je ne peux non plus, pour les mêmes raisons, arriver raisonnablement à la conclusion que les agents devaient être tenus criminellement responsables des événements qui ont suivi.


Date : 23 novembre 2020

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Une autre douille a par la suite été trouvée sur les lieux par un voisin et recueillie par l’UES. [Retour au texte]
  • 2) Les heures indiquées dans cette section sont celles qui ont été enregistrées par l’horloge interne des armes à impulsions en question, qui n’était pas nécessairement synchronisée avec l’heure réelle. [Retour au texte]
  • 3) Deux des 14 douilles ont été retrouvées dans le gilet pare-balles de l’AI no 1. Il s’agissait de douilles en laiton, qui sont normalement utilisées pour la formation des policiers et non pas dans l’exercice des fonctions des agents. [Retour au texte]
  • 4) L’AI no 1 a déclaré à l’UES qu’il croyait avoir tiré une seule fois sur le plaignant à ce stade. D’après les déclarations d’un nombre suffisant de témoins, l’AI no 1 aurait probablement tiré à deux et peut être même à trois reprises. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.