Communiqué de presse

Décès par balle à Toronto : aucune accusation justifiée

Numéro du dossier: 16-TFD-072   

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L’UES enquête sur un décès par balle à Toronto

Mississauga (Ontario) (16 mai 2017) ---
Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), Tony Loparco, a conclu qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de déposer des accusations criminelles contre un agent du Service de police de Toronto, en rapport avec le décès par balle d’Alexander Wettlaufer, un jeune homme de 21 ans, survenu en mars 2016 à Toronto.

Sept enquêteurs et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires avaient été chargés d’enquêter sur cet incident.

L’UES a interrogé six témoins civils, deux employés de la police et dix-neuf agents témoins. Trois agents impliqués ont été désignés. Aucun des agents impliqués n’a consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ou à lui remettre ses notes sur l’incident, comme la loi les y autorise.

L’UES a obtenu et examiné les éléments de preuve suivants :
Un enregistrement de 35 minutes d’une conversation téléphonique entre M. Wettlaufer et un répartiteur du 9-1-1. Cet enregistrement inclut l’interaction entre M. Wettlaufer et les deux premiers agents, y compris la réaction de la police lorsque M. Wettlaufer a brandi une arme ainsi que la première partie de la confrontation sur la passerelle. 
Un enregistrement audio de plus de 13 minutes d’une partie de la négociation, jusqu’au tir, inclusivement. 
L’analyse judiciaire de l’arme à feu de M. Wettlaufer ainsi que les éléments de preuve des armes à feu des trois agents impliqués qui ont tiré.
L’enregistrement de la caméra de surveillance de la Toronto Transit Commission (TTC) à la station Leslie, qui montrait M. Wettlaufer près du téléphone public d’où provenait l’appel au 9-1-1. Les vidéos de surveillance ne montraient aucune altercation, contrairement aux allégations initiales de l’homme qui a appelé le 9-1-1. 

L’enquête de l’UES a révélé ce qui suit :
  • À 23 h 05, le 13 mars 2016, un homme a appelé le 9-1-1 depuis un téléphone public de la station TTC située à l’intersection de la rue Leslie et de l’avenue Sheppard Est. Il a indiqué qu’il avait vu deux hommes en train de se battre et que l’un d’eux était en possession d’une arme à feu. Il a fourni une description de l’homme avec l’arme à feu, a déclaré que celui-ci s’appelait « Alex » et a même fourni le numéro de téléphone de l’homme armé. L’appelant, qu’on a identifié par la suite comme étant M. Wettlaufer, a raccroché peu après.
  • Après avoir envoyé des agents sur place, les services d’urgence ont appelé le numéro fourni et ont parlé à « Alex ». La voix et le comportement de cet homme ressemblaient beaucoup à ceux de l’homme qui avait fait l’appel initial. Il a été confirmé par la suite que ledit « Alex » était bien M. Wettlaufer.
  • Entre-temps, deux agents sont arrivés dans le secteur et ont inspecté les abords de la station à bord de leur véhicule afin de tenter de localiser toute personne d’intérêt. Ils sont ensuite entrés dans la station pour inspecter les lieux. Après être retournés dans leur véhicule de police, les agents se sont dirigés vers l’est sur l’avenue Sheppard Est. Ils ont repéré M. Wettlaufer sur le passage pour piétons, à l’ouest de la rue Leslie, en train de faire un appel sur son téléphone cellulaire. Il correspondait à la description de l’homme qui leur avait été fournie dans l’appel radio. Lorsque les agents ne se trouvaient plus qu’à environ 4,5 mètres de M. Wettlaufer, ils ont immobilisé leur véhicule et en sont sortis. M. Wettlaufer les a regardés puis, brusquement, s’est retourné et éloigné d’eux en direction nord. Il a continué à marcher, les mains dans les poches et tournant la tête à maintes reprises pour voir les agents.
  • Les agents ont suivi M. Wettlaufer en lui ont donné l’ordre de sortir les mains de ses poches. M. Wettlaufer a répondu par des jurons, mais a ralenti, ce qui a permis à l’un des agents de le rattraper et de lui saisir la main gauche pour la dégager. Les agents ont alors constaté que M. Wettlaufer tenait son téléphone cellulaire dans la main gauche. M. Wettlaufer s’est dégagé de l’emprise de l’agent et a tenté de continuer vers le nord, la main droite toujours dans sa poche. Un renflement dans la poche droite était visible et, d’après les renseignements que les agents avaient reçus précédemment et compte tenu de la réaction de M. Wettlaufer, les agents en ont conclu que celui-ci avait une arme à feu. 
  • Lorsque M. Wettlaufer et l’un des agents ne se trouvaient plus qu’à environ cinquante centimètres l’un de l’autre, M. Wettlaufer s’est brusquement retourné, faisant alors face à l’agent et pointant dans sa direction ce qui semblait une arme à feu de couleur noire. L’agent a repoussé M. Wettlaufer en arrière de la main gauche et a dégainé sa propre arme à feu de la main droite.
  • M. Wettlaufer s’est enfui, est entré dans le parc de Villaways puis a continué en courant le long d’un sentier. Au cours de la poursuite, M. Wettlaufer s’est retourné plusieurs fois pour voir les agents. Ces derniers ont maintenu un écart d’environ 6 mètres, tout en criant à M. Wettlaufer de s’arrêter et de laisser tomber son arme. À un moment donné au cours de la poursuite, M. Wettlaufer s’est arrêté et a pointé son arme en direction de l’un des agents. Celui-ci s’est mis en position avec l’intention de viser M. Wettlaufer, mais comme d’autres gens se trouvaient dans le parc, il a décidé que ce serait dangereux de tirer. 
  • Vers 23 h 20, M. Wettlaufer a couru jusqu’à une passerelle qui enjambe la rivière Don et s’est arrêté. Les deux agents qui le poursuivaient se sont arrêtés à environ 15 à 20 mètres de lui et se sont mis à couvert en attendant l’arrivée en renfort des membres de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU). 
  • À leur arrivée, les membres de l’EIU ont pris position à environ neuf à quinze mètres du pont, d’où ils pouvaient voir M. Wettlaufer tenir ce qui semblait être une arme de poing. Au même moment, M. Wettlaufer était au téléphone avec l’opérateur du 9-1-1. Au cours de l’appel téléphonique, M. Wettlaufer a continuellement réaffirmé son désir d’être tué, a exprimé sa réticence à lâcher son arme et a tenté d’inciter verbalement la police à tirer sur lui. L’appel a pris fin quand il a été décidé que les agents de l’EIU avaient besoin de l’attention complète de M. Wettlaufer.
  • Quelques instants plus tard, M. Wettlaufer a reçu un appel d’un membre de sa famille. Pour assurer la maîtrise de cette situation évolutive et stressante, les membres de l’EIU ont également ordonné de mettre fin à cet appel.
  • Au cours de la négociation, plusieurs des agents ont observé M. Wettlaufer continuellement placer son arme sur le garde-corps, puis le reprendre. À un certain moment, il s’est avancé sur le pont et a jeté son téléphone cellulaire en direction des agents de l’EIU. 
  • L’un des agents impliqués, chargé de négocier avec M. Wettlaufer, lui a demandé sans arrêt de lâcher son arme et lui a ordonné de ne pas la pointer en direction des policiers. L’agent lui a répété à maintes reprises qu’ils étaient là pour l’aider, pas pour lui faire du mal. M. Wettlaufer a fait de nombreuses déclarations à l’agent, y compris que les policiers devraient l’abattre. 
  • M. Wettlaufer a repris son arme et l’a pointé en direction des agents de l’EIU, ignorant les demandes répétées de l’agent de négociation de lâcher son arme et d’accepter l’aide des policiers. Ces demandes ont été vaines.
  • Trois agents ont tiré au total quatre coups, dont trois ont atteint M. Wettlaufer. Son décès a été prononcé le 14 mars 2016.

L’autopsie a révélé que la cause du décès était des blessures par balle à la poitrine. 

Le directeur Loparco a déclaré : « Il ne fait aucun doute que les trois agents impliqués agissaient dans le cadre de leurs fonctions lorsqu’ils se sont rendus sur les lieux en réponse à un appel concernant une arme à feu. La seule question que je dois considérer est celle de savoir si leur tir était justifié. Il ne fait pour moi aucun doute que c’était le cas. La disposition pertinente du Code criminel est le paragraphe 34(1) qui fournit la justification légale du recours à la force en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers. 

« M. Wettlaufer présentait un danger très réel pour les membres de l’EIU et pour les autres policiers sur les lieux. Il avait déjà pointé ce qui semblait être une véritable arme à feu sur deux agents plus tôt dans la soirée. Il pouvait accéder facilement à cette arme quand il était sur la passerelle et, tout au long d’une longue confrontation, il a ignoré de multiples occasions de se rendre pacifiquement. Malgré les supplications de l’opérateur du 9-1-1 — qui avait réussi à établir un dialogue avec lui — M. Wettlaufer n’a montré aucun signe d’intention de se rendre. Quel que soit son raisonnement à ce moment-là, il ne fait aucun doute qu’il présentait une menace réelle pour la sécurité des policiers présents. Le fait qu’on ait découvert par la suite que l’arme en sa possession était en fait une arme à balles BB n’est pas pertinent. Il s’agissait d’une imitation plus que crédible d’une arme à feu et les agents, dans une telle situation, n’avaient pas le luxe d’attendre qu’on leur tire dessus pour s’assurer qu’il s’agissait d’une véritable arme à feu. » 

Le directeur Loparco a poursuivi : « Immédiatement avant que les trois agents impliqués aient tiré sur M. Wettlaufer, celui-ci a saisi son arme factice et l’a pointée en direction des agents de l’EIU. Il a ignoré les instructions répétées de laisser tomber son arme à terre. Les trois agents ont réagi en faisant usage de force mortelle face à la perspective d’une mort ou de lésions corporelles imminentes. Leur évaluation du risque imminent et leur réponse collective étaient raisonnables dans les circonstances. 

« Dans le premier appel au 9-1-1, M. Wettlaufer a fourni des renseignements visant clairement à faire en sorte qu’on l’identifie comme étant le suspect. Il correspondait à la description qu’il avait fournie lui-même du suspect, à savoir un homme de race blanche, dans la vingtaine, portant un chandail bleu et une casquette de baseball grise. Il a également indiqué que l’homme en possession d’une arme à feu s’appelait Alex. Enfin, il a donné le numéro de téléphone du suspect, qui était en fait son propre numéro. La conclusion irréfutable est que l’appel au 9-1-1 reçu par les services d’urgence était une ruse orchestrée par M. Wettlaufer pour s’impliquer. 

« Étant donné que M. Wettlaufer savait sans aucun doute que son arme n’était qu’une arme à balles BB, j’en conclus de ses actions qu’il tentait d’inciter la police à tirer sur lui en créant une situation périlleuse. Ma conclusion est appuyée par les divers commentaires que M. Wettlaufer a faits à l’opérateur du 9-1-1, y compris son désir d’être tué. Ses intentions, bien que tragiques, étaient claires. » 

Le directeur Loparco a conclu : « L’ensemble des éléments de preuve satisfait aux trois exigences de l’article 34 du Code criminel. Par conséquent, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les agents impliqués aient dépassé les limites de la force justifiable dans les circonstances et aucune accusation ne sera donc déposée. ». »

L'UES est un organisme gouvernemental indépendant qui enquête sur la conduite d'agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et agents de la paix du Service de sécurité de l'Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, une blessure grave, une agression sexuelle ou la décharge d'une arme à feu contre une personne. Toutes les enquêtes sont menées par des enquêteurs de l'UES qui sont des civils. En vertu de la Loi sur l'Unité des enquêtes spéciales, le directeur de l'UES doit :

  • considérer si un agent a commis une infraction criminelle en lien avec l'incident faisant l'objet de l'enquête;
  • selon le dossier de preuve, faire porter une accusation criminelle contre l'agent, s'il existe des motifs de le faire, ou clôre le dossier sans faire porter d'accusations;
  • rendre compte publiquement des résultats de ses enquêtes.

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