Communiqué de presse

Décès à Toronto : aucune accusation justifiée

Numéro du dossier: 15-TCD-257   

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L’UES enquête sur un décès à Toronto

Mississauga (Ontario) (23 mars 2017) ---
Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales, Tony Loparco, a conclu qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de porter des accusations criminelles contre un agent du Service de police de Toronto en rapport avec le décès de Rodrigo Almonacid Gonzalez, à l’âge de 43 ans, en novembre 2015.  

Six enquêteurs, dont deux spécialistes des sciences judiciaires, avaient été chargés d’enquêter sur cet incident.

L’UES a interrogé 13 témoins civils et 12 agents témoins. Deux agents impliqués ont été désignés. Ni l’un ni l’autre des agents impliqués n’ont consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ni à lui fournir ses notes sur l’incident, comme la loi les y autorise.

L’enquête de l’Unité a également inclus l’examen d’un enregistrement audio de 12 minutes, qui a enregistré la négociation, l’entrée de force et l’appréhension de M. Almonacid Gonzalez pour le placer sous la garde de la police. L’UES a également obtenu les enregistrements des communications de la police, des séquences vidéo de caméras de surveillance, les données des deux armes à impulsions utilisées, des dossiers médicaux ainsi qu’un rapport d’autopsie accompagné du rapport de toxicologie connexe.

M. Almonacid Gonzalez a été hospitalisé le 6 novembre 2015. Il n’avait aucune blessure grave qui nécessitait un traitement, et les analyses toxicologiques initiales avaient révélé la présence de cocaïne dans son corps. L’UES n’avait donc pas invoqué son mandat. L’UES a lancé une enquête le lendemain soir, après le décès de M. Almonacid Gonzalez.


L’enquête de l’UES a révélé ce qui suit :
  • Peu après minuit, le 6 novembre 2015, des agents se sont rendus à immeuble d’appartements à la suite d’un appel désespéré et paniqué au 9-1-1. L’appel a été coupé, mais la police est parvenue à trouver l’adresse d’où il provenait.
  • Le premier agent est entré dans l’appartement, qui était déverrouillé, en annonçant sa présence. L’appartement était faiblement éclairé et jonché d’objets et de meubles un peu partout. Ayant entendu quelques bruits en provenance de la salle de bains, l’agent a appelé à haute voix, mais n’a reçu aucune réponse. En raison de la nature de l’appel au 9-1-1, il craignait qu’une femme soit agressée dans la salle de bains. En conséquence, il a dégainé son arme et donné l’ordre d’ouvrir la porte de la salle de bains. Il n’a eu aucune réponse. 
  • Après avoir donné quelques coups de pied dans la porte, l’agent est parvenu à l’entrouvrir de force. Il a pu voir M. Almonacid Gonzalez debout seul, tenant le couvercle en porcelaine de la toilette au-dessus de sa tête. Après s’êtrest assuré qu’il n’y avait personne d’autre dans la salle de bains, l’argent a pointé son arme à feu sur M. Almonacid Gonzalez et lui a donné l’ordre de lâcher le couvercle de la toilette. Devant le refus de M. Almonacid Gonzalez d’obtempérer, l’agent a lentement reculé dans le couloir et M. Almonacid Gonzalez a claqué la porte de la salle de bains. 
  • Entretemps, d’autres agents étaient arrivés sur les lieux. Un témoin leur a déclaré que M. Almonacid Gonzalez était devenu violent, saccageant tout ce qui lui tombait sous la main dans l’appartement, et qu’il avait récemment consommé de la cocaïne. Des bruits d’objets cassés et renversés provenaient de la salle de bains. À la demande des agents sur les lieux qui ont estimé qu’il serait dangereux d’entrer dans la salle de bains, un autre agent armé d’une arme à impulsions est arrivé sur place. Cependant, ses tentatives de communiquer avec M. Almonacid Gonzalez sont restées vaines. 
  • Comme les agents se trouvaient face à une personne barricadée, l’équipe d’intervention d’urgence a été déployée en renfort. Une fois cette équipe sur place, un de ses agents a entamé des négociations avec M. Almonacid Gonzalez. Ce dernier a répondu à certaines questions sans problème, mais demeurait muet devant d’autres questions ou ordres de l’agent. Il refusait de retirer les objets qu’il avait placés pour bloquer la porte et les agents pouvaient entendre des bruits d’objets brisés et renversés en provenance de la salle de bains. 
  • L’équipe d’intervention d’urgence a percé un trou dans la porte de la salle de bains afin de déterminer l’emplacement exact de M. Almonacid Gonzalez. Les agents l’ont aperçu assis sur le bord de la baignoire, avec du sang sur les mains, le visage et la tête, sans toutefois sembler saigner abondamment. M. Almonacid Gonzalez a ensuite sauté dans la baignoire, ses genoux face au robinet, et a commencé à se laver la tête avec du gel de douche. Il y avait une forte odeur de produits chimiques de nettoyage et les agents ont soupçonné qu’il avait ingéré des substances nocives. Ils craignaient également que M. Almonacid Gonzalez se fasse du mal, car ils ne pouvaient plus voir ce qu’il faisait avec ses mains. En raison de sa consommation probable de drogues, de son comportement étrange et du risque qu’il se fasse du mal, les agents ont décidé d’entrer de force dans la salle de bains pour appréhender M. Almonacid Gonzalez sous le régime de la Loi sur la santé mentale. 
  • Les agents de l’équipe d’intervention d’urgence ont forcé la porte et ont pénétré dans la salle de bains. Ils ont trouvé M. Almonacid Gonzalez assis sur le bord de la baignoire, les deux pieds dans celle-ci. L’un des agents, muni d’un grand bouclier antiémeute, s’est approché de lui. Il a indiqué que M. Almonacid Gonzalez tenait dans sa main droite un tournevis de quatre à six pouces, le long de son corps. L’agent a soulevé son bouclier pour se protéger et a poussé M. Almonacid Gonzalez en arrière, ce qui l’a fait tomber sur le dos dans la baignoire qui contenait entre quatre à six pouces d’eau. M. Almonacid Gonzalez s’est énervé et a commencé à donner des coups de poing aux agents. Deux des agents présents ont déployé leur arme à impulsions à plusieurs reprises, car M. Almonacid Gonzalez continuait de se débattre. L’un des agents impliqués a déchargé son arme à impulsions cinq fois et l’autre agent impliqué a déchargé son arme à impulsions trois fois.
  • Les agents sont finalement parvenus à maîtriser M. Almonacid Gonzalez et à le menotter. Ils l’ont appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale et l’ont attaché sur un brancard en vue de son transport à l’hôpital. Pendant qu’il était sur le brancard, M. Almonacid Gonzalez alternait continuellement entre un état calme et agité.
  • M. Almonacid Gonzalez est décédé au Centre de santé de St-Joseph le lendemain.

Le directeur Loparco a déclaré : « Je commencerai par affirmer que la conduite de la police jusqu’au moment où elle a forcé la porte de la salle de bains ne suscite aucune préoccupation. La réponse initiale de la police à l’appel au 9-1-1 était prompte et adéquate. L’urgence des circonstances — à savoir, un appel paniqué au 9-1-1 qui a été abruptement interrompu — constituait un motif légitime pour que le premier agent pénètre dans la résidence sans mandat. Après avoir confirmé qu’il s’agissait d’un homme barricadé, et non d’une prise d’otage, l’agent a demandé qu’un autre agent muni d’une arme à impulsions le rejoigne sur les lieux. En raison de ces circonstances, l’équipe d’intervention d’urgence a été également appelée en renfort. 

« L’agent de l’équipe d’intervention d’urgence qui a entamé des négociations avec M. Almonacid Gonzalez était calme et sincère et s’est efforcé à la fois d’évaluer son bien-être et de l’encourager à sortir de la salle de bains de son plein gré. M. Almonacid Gonzalez a eu plusieurs occasions de mettre fin à la situation, mais il a refusé de le faire. Finalement, la décision d’entrer de force dans la salle de bains était légale. Après avoir percé un trou dans la porte de la salle de bains pour obtenir plus de détails sur la situation, les agents ont estimé qu’au vu de toutes les circonstances, il y avait un risque que M. Almonacid Gonzalez se fasse du mal. Je suis d’accord. Son comportement destructeur continu, sa consommation de drogues illicites, son écoute sélective pendant les négociations et son accès à des substances nocives constituaient des motifs légitimes pour procéder à une appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale. » 

Le directeur Loparco a poursuivi : « La conduite des agents, après leur entrée dans la salle de bains, est plus difficile à évaluer, en grande partie en raison du fait que l’enregistrement audio n’offre que des renseignements limités sur ce qui s’est passé exactement. En outre, les comptes rendus des agents témoins sont peu clairs sur un détail important, à savoir si M. Almonacid Gonzalez était en possession d’un objet qu’il aurait pu utiliser comme arme. 

« Un seul des agents a indiqué que M. Almonacid Gonzalez était en possession d’un tournevis, qu’il aurait pu utiliser comme arme. Il est possible qu’il ait eu en mains un objet de ce genre. Des photos prises sur les lieux révèlent que la salle de bains était dans un état qu’on ne peut décrire que comme de destruction totale. Divers objets et articles de salle de bains jonchaient le sol, dont des outils, des contenants de produits chimiques de nettoyage et le couvercle de la toilette en porcelaine. Même si l’agent a clairement affirmé que M. Almonacid Gonzalez ne l’avait pas expressément menacé avec le tournevis, sa réaction a été de brandir son bouclier antiémeute en direction de M. Almonacid Gonzalez pour se protéger pendant qu’il avançait, ce qui a fait tomber M. Almonacid Gonzalez en arrière dans la baignoire. 

« L’enregistrement audio a capté une lutte intense à partir de ce moment-là, qui a duré environ deux minutes et 30 secondes. On entend l’agent muni du bouclier antiémeute demander le déploiement d’une arme à impulsions, les bruits d’une première décharge, puis une deuxième décharge et des cris provenant de M. Almonacid Gonzalez. On entend aussi quelques autres décharges un peu après la première. Cela confirme le témoignage de l’agent témoin qui a expliqué que la première décharge d’une arme à impulsions n’avait pas eu beaucoup d’effet sur M. Almonacid Gonzalez.

« Les circonstances entourant la décharge des armes à impulsions m’ont initialement beaucoup préoccupé. J’ai longuement réfléchi aux multiples décharges, dont certaines simultanées, dirigées contre une personne mouillée, se trouvant dans une baignoire remplie d’eau à ce moment-là. Toutefois, le rapport d’autopsie a dissipé mes craintes préliminaires à l’égard des effets physiologiques de l’utilisation d’une arme à impulsions contre M. Almonacid Gonzalez. » 

Le directeur Loparco a fait observer : « Les conclusions du médecin légiste se fondaient sur un examen cardiologique et une analyse toxicologique. Le médecin légiste a conclu que des complications liées à toxicité aiguë de la cocaïne constituait la cause du décès et il a précisé que la consommation de cocaïne pouvait conduire à un effondrement du système cardiorespiratoire. Le rapport d’autopsie ne contenait aucune mention d’une contribution possible des décharges d’armes à impulsions au décès de M. Almonacid Gonzalez. 

« Pour terminer, je me trouve dans une position où je ne dispose pas de preuve démontrant l’utilisation d’une force excessive. Les décharges d’armes à impulsions par les deux agents impliqués ont été initialement exécutées à la demande d’un autre agent. Lorsque ce dernier a demandé ce renfort, M. Almonacid Gonzalez résistait déjà activement à l’autorité légale de la police. Une arme à impulsions est conçue pour ne pas être létale. Dans ce cas, il semble que l’utilisation d’armes à impulsions n’ait eu pour but que de faire respecter les ordres de la police. Même s’il est préoccupant qu’il y ait eu huit décharges de deux armes à impulsions différentes, dont certaines simultanées, les preuves établissent que M. Almonacid Gonzalez a pu surmonter la douleur et a continué de résister aux agents. Son comportement justifie les décharges qui ont suivi. La totalité des éléments de preuve n’appuie donc pas une conclusion que l’un ou l’autre des agents impliqués a enfreint les limites du paragraphe 25(1) du Code criminel. »  

Le directeur Loparco a ajouté : « M. Almonacid Gonzalez n’avait aucune blessure apparente lorsqu’il a été admis à l’hôpital. Néanmoins, l’examen des photographies prises à l’unité des soins intensifs de l’hôpital révèle diverses blessures sur son corps, lesquelles, selon le rapport d’autopsie, n’ont pas contribué à son décès. La présence de ces blessures soulève des questions au sujet d’une éventuelle application physique de la force par la police et de l’étendue de cette force. L’enregistrement audio capte clairement l’utilisation des armes à impulsions. Cependant, hormis l’utilisation du bouclier antiémeute, l’enregistrement ne fournit aucune preuve d’autres coups portés par la police. De plus, aucun des témoins entendus n’a mentionné des coups portés par les agents de police. 

« Par ailleurs, il y a quelques explications plausibles de l’origine des blessures M. Almonacid Gonzalez, mais aucune n’indique l’utilisation d’une force excessive. Mentionnons le coup porté par le bouclier, la chute en arrière de M. Almonacid Gonzalez dans la baignoire et la possibilité d’une blessure auto-infligée pendant la longue période qu’il a passée à saccager la salle de bains. En outre, il a été documenté que M. Almonacid Gonzalez avait exhibé des signes de coagulation intravasculaire disséminée lorsqu’il se trouvait dans l’unité des soins intensifs. Cet état pathologique doit être pris en compte aux fins de l’évaluation de l’étendue apparente de ses blessures. » 

Le directeur Loparco a conclu : « En fin de compte, il n’existe aucune preuve qui justifierait que j’attribue les blessures ou le décès de M. Almonacid Gonzalez à l’utilisation d’une force excessive par la police. Il n’y a pas non plus de motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise et, en conséquence, aucune accusation ne sera déposée. » 

L'UES est un organisme gouvernemental indépendant qui enquête sur la conduite d'agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et agents de la paix du Service de sécurité de l'Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, une blessure grave, une agression sexuelle ou la décharge d'une arme à feu contre une personne. Toutes les enquêtes sont menées par des enquêteurs de l'UES qui sont des civils. En vertu de la Loi sur l'Unité des enquêtes spéciales, le directeur de l'UES doit :

  • considérer si un agent a commis une infraction criminelle en lien avec l'incident faisant l'objet de l'enquête;
  • selon le dossier de preuve, faire porter une accusation criminelle contre l'agent, s'il existe des motifs de le faire, ou clôre le dossier sans faire porter d'accusations;
  • rendre compte publiquement des résultats de ses enquêtes.

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