Communiqué de presse

L’UES conclut son enquête sur un décès par balle à Brampton

Numéro du dossier: 14-OFD-215   

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L’UES enquête sur un décès par balle à Brampton

Mississauga (21 juillet 2015) --- Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), Tony Loparco, a conclu qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de porter des accusations criminelles contre un agent de la Police régionale de Peel (PRP), en rapport avec le décès de Jermaine Carby, un homme de 33 ans, survenu en septembre 2014.

L’UES avait chargé huit enquêteurs et trois enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires d’enquêter sur les circonstances de ce décès. Dans le cadre de l’enquête, six agents témoins et douze témoins civils ont été interrogés. L’agent impliqué n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ou à fournir ses notes sur l’incident, comme la loi l’y autorise.

L’enquête de l’UES a déterminé que les événements suivants se sont produits le mercredi 24 septembre 2014 :
• Dans la soirée, M. Carby était passager d’une Jetta noire conduite par un ami. 
• Un agent de la PRP effectuait des contrôles de routine dans un véhicule de police identifié et roulait en direction est, sur la rue Queen Est, lorsqu’il a remarqué que la plaque d’immatriculation arrière de la Jetta n’était maintenue que par une vis et était dissimulée par son cadre. L’agent a dépassé la Jetta et a constaté que les phares de celle-ci n’étaient pas allumés. L’agent, de nouveau derrière la Jetta, a alors activé les gyrophares de son véhicule et a fait signe au conducteur de la Jetta de s’arrêter à proximité de Kennedy Road. L’agent a arrêté sa voiture de patrouille derrière la Jetta. En quelques minutes, l’agent a vérifié le permis de conduire et administré un alcootest au conducteur, qui l’a passé avec succès. L’agent a alors demandé à M. Carby de fournir son nom et sa date de naissance, ce que M. Carby a fait.
• De retour dans sa voiture de patrouille, l’agent a vérifié le nom de M. Carby sur son ordinateur et a constaté que M. Carby faisait l’objet de mandats d’arrestation émis en Colombie-Britannique et qu’il avait un casier judiciaire.
• Au même moment, deux autres agents, dont l’un était l’agent impliqué, sont arrivés en renfort dans un véhicule de police banalisé. Ils ont stationné leur véhicule dans la voie qui borde le trottoir de la rue Queen Est, en direction est, derrière le véhicule de police identifié du premier agent; les trois policiers se sont alors approchés de la Jetta. Ils ont demandé à M. Carby de sortir du véhicule, ce qu’il a fait. Lorsqu’ils ont interrogé M. Carby à propos des mandats d’arrestation de la Colombie-Britannique, la situation a rapidement dégénéré en une altercation qui a été entendue par de nombreux témoins civils qui se trouvaient dans le secteur. M. Carby, en colère qu’on lui demande de sortir du véhicule et qu’on l’interroge au sujet des mandats d’arrestation émis à son encontre, a sorti un couteau qu’il avait en sa possession et l’a brandi de la main droite. Les agents, leurs armes à feu dégainées et pointées en direction de M. Carby, ont commencé à reculer alors que M. Carby, couteau à la main, avançait vers l’ouest dans leur direction. Les agents ont d’abord marché le long de la Jetta, côté passager, puis sur la chaussée, le long du côté conducteur des véhicules de police. Les agents ont ordonné à plusieurs reprises à M. Carby de laisser tomber son couteau et de s’arrêter, mais il continué à avancer vers eux, tout en mettant les agents au défi de lui tirer dessus. Face à cette situation, l’un des agents a demandé, sans résultat, qu’un officier supérieur vienne sur place en renfort avec une arme à impulsions. 
• Lorsque M. Carby, marchant vers l’ouest, est arrivé à la hauteur de l’arrière du véhicule de police banalisé, l’agent impliqué a tiré sept balles dans sa direction, l’atteignant à trois reprises. M. Carby a été frappé à la poitrine, à l’avant-bras gauche et dans le dos.
• M. Carby a été transporté à l’hôpital où son décès a été prononcé. 

Les coups de feu qui ont atteint M. Carby à la poitrine et dans le dos ont été décrits par le pathologiste comme étant fatals.

Le directeur Loparco a déclaré : « Je suis convaincu que la conduite de l’agent impliqué était légitime en vertu de l’article 34 du Code criminel du Canada qui autorise l’usage de la force en légitime défense ou pour défendre une autre personne. L’un des agents témoins a déclaré qu’il craignait pour sa vie et avait essayé de tirer sur M. Carby, mais que son arme à feu avait eu deux ratés. L’autre agent témoin a également affirmé qu’il était sur le point de tirer – craignant pour la vie de ses collègues lorsque M. Carby ne se trouvait plus qu’à environ un mètre et demi de ceux-ci – lorsqu’il a entendu les coups de feu.      
 
En ce qui concerne le nombre de coups tirés, il est clair, sur le poids de la preuve, que l’agent a tiré les sept balles en succession rapide. Il est certain aussi que quatre balles n’ont pas touché M. Carby. Cet élément de preuve me porte à conclure que le risque auquel l’agent impliqué était confronté et qu’il percevait n’a pas changé de façon importante entre le premier et le septième coup de feu, étant donné la situation tendue et la possibilité bien réelle que l’une ou plus des quatre premières balles tirées par l’agent impliqué aient complètement manqué M. Carby. Ce qui pourrait être plus troublant est le fait que l’un des coups de feu tirés par l’agent impliqué a frappé M. Carby dans le dos. Un témoin civil et les agents témoins ont indiqué, respectivement, que M. Carby s’était retourné et qu’il avait pivoté au moment où il a été abattu et est tombé à terre. Ceci explique peut-être comment la balle a fini dans le dos de M. Carby alors qu’il avançait en direction de l’agent impliqué. Compte tenu de la rapidité à laquelle les coups de feu se sont succédé, de la tension et de la volatilité de la situation, de l’impact du temps de réaction et des mouvements des intéressés dans une séquence très serrée d’événements, du nombre de balles qui ont manqué M. Carby et de l’incertitude quant à quelle balle a provoqué quelle blessure, je suis convaincu que le coup de feu que M. Carby a reçu dans le dos ne va pas l’encontre de la justification de la légitime défense. Conclure autrement, à mon avis, reviendrait à attendre un niveau de précision dans la conduite de l’agent qui serait irréaliste et qui ne pourrait être justifié par la jurisprudence. »

Le directeur Loparco a poursuivi : « Dans cette affaire, deux questions auraient pu susciter de l’incertitude pour déterminer si la fusillade était justifiée ou non, s’il n’y avait pas eu une quantité importante d’autres éléments de preuves pour effacer ces doutes. La première question concerne le couteau que M. Carby aurait brandi au moment où il a été abattu. En fait, les enquêteurs de l’UES n’ont trouvé aucun couteau sur les lieux. Plusieurs heures après l’incident, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES a recueilli un couteau auprès d’un sergent intérimaire de la PRP, qui a indiqué qu’un autre policier, arrivé sur les lieux juste après la fusillade, avait ramassé le couteau et le lui avait remis. Le couteau ainsi remis à l’UES est un couteau de cuisine à lame dentelée d’environ 13 cm avec une poignée brune d’environ la même longueur. Lors de son entrevue avec l’UES, l’agent qui a ramassé le couteau a expliqué qu’il s’était approché de M. Carby lorsque celui-ci était à terre et qu’il avait utilisé son pied gauche pour s’emparer du couteau, qui était encore dans la main droite de M. Carby, qu’il avait ensuite tiré jusqu’à la voie le long du trottoir. Il avait ramassé le couteau plus tard, l’avait placé dans un sac de papier brun et remis à un sergent.


Ces actes sont difficiles à comprendre. L’agent devait savoir à ce moment-là que M. Carby était probablement mort ou grièvement blessé à la suite du tir de la police, et il aurait dû reconnaître l’importance de la sécurisation des lieux pour préserver l’intégrité de l’enquête qui ne manquerait pas de suivre. Au lieu de cela, à cause des actes de cet agent, il est demandé à l’UES, et dans un sens plus large, au public, d’accepter le fait que le couteau que lui a remis la police était en possession de M. Carby lorsqu’il a été abattu, alors qu’on aurait pu parvenir à la même conclusion plus facilement et sans aucun doute si l’intégrité des lieux n’avait pas été compromise. »

Le directeur Loparco a ajouté : « La deuxième question concerne le fait que l’agent impliqué a choisi de ne fournir à l’UES aucun élément de preuve de première main au sujet de sa conduite et de son état d’esprit au moment de la fusillade. Même si cet agent avait parfaitement le droit de garder le silence, du fait de ce choix, l’UES est sans aucune preuve directe de ce qui est essentiellement un élément subjectif de défense, à savoir que l’agent impliqué était convaincu d’agir pour sa propre défense et celle de ses collègues lorsqu’il a tiré sur M. Carby. En fin de compte, l’abondance et la qualité des éléments de preuve fournis par des témoins oculaires dans cette affaire, à la fois des témoins civils et des agents témoins – en grande partie confirmés par une courte vidéo prise par un civil sur son téléphone – permettent de tirer des conclusions à l’appui de l’application de l’article 34. »

Le directeur Loparco a poursuivi : « Tout d’abord, en ce qui concerne le couteau, environ une douzaine de témoins civils qui se trouvaient dans le secteur – dont un employé et plusieurs clients de commerces locaux et des personnes qui attendaient l’autobus – ont observé certaines parties des événements en question. Sept d’entre eux ont entendu les agents crier à plusieurs reprises à M. Carby de ‘laisser tomber le couteau’ alors que M. Carby avançait dans leur direction. Selon ces mêmes témoins, M. Carby se trouvait à une distance d’un mètre et demi à trois mètres et avançait vers les agents lorsque des coups de feu ont été tirés. Bien qu’aucun de ces témoins n’ait pu voir distinctement un couteau dans les mains de M. Carby, trois d’entre eux ont dit qu’il tenait un objet dans sa main. Un certain nombre d’entre eux ont déclaré que dans ses derniers pas en direction des agents, M. Carby avait un bras tendu et semblait menaçant, et deux ont décrit M. Carby faisant des gestes menaçants en direction des agents, comme s’il voulait les poignarder ou les taillader. Plus important encore, le témoin civil qui se trouvait dans le même véhicule que M. Carby et qui était le plus près des lieux de l’incident à ce moment-là, a déclaré qu’il avait vu M. Carby tenant un couteau dans la main droite et qu’il pensait qu’il essayait de s’en servir pour poignarder un policier. En fait, le conducteur de la Jetta a également dit aux enquêteurs de l’UES que juste avant que M. Carby a été abattu, celui-ci a fait trois pas rapides en direction de l’un des agents en les menaçant à voix haute de les tuer. Au même moment, le conducteur s’est abaissé, convaincu que les policiers allaient tirer sur M. Carby puisque celui-ci se trouvait à moins d’une longueur de bras de l’un d’eux. Enfin, l’UES a remis le couteau au Centre des sciences judiciaires pour des tests d’ADN dont les résultats ont confirmé que ce couteau présentait des traces de l’ADN de M. Carby.      

Deuxièmement, en ce qui concerne l’état d’esprit de l’agent impliqué, qui était confronté à un individu armé d’un couteau et s’avançant dans sa direction et celle de ses collègues, après avoir donné à cet individu toutes les occasions possibles d’arrêter son avance et de lâcher son couteau, je suis convaincu que cet agent a tiré sur M. Carby pour se protéger et défendre sa propre vie et celle de ses collègues. En outre, compte tenu de l’ensemble des circonstances qui prévalaient au moment de cet incident, surtout le couteau que possédait M. Carby et son hostilité envers les agents, je suis convaincu que l’agent impliqué a agi raisonnablement en recourant à son arme à feu lorsque M. Carby continuait d’avancer et ne se trouvait plus qu’à une distance d’un mètre et demi à trois mètres. Ceci d’autant plus qu’il semble que M. Carby avançait alors plus rapidement, puisqu’il se trouvait à la hauteur des agents juste avant d’être abattu. Un certain nombre de témoins civils ont décrit son approche finale comme étant à la vitesse d’une personne qui courrait, qui marchait rapidement, qui avançait à grands pas et qui s’approchait rapidement des agents. En outre, certains témoins civils ont décrit cette approche finale de M. Carby vers les agents comme apparaissant menaçante ou agressive. En outre, la confrontation avec M. Carby s’est produite alors que les agents reculaient dans une voie qui était ouverte à la circulation, risquant d’être frappés par des véhicules. Et effectivement, au moins un véhicule a dû faire un détour pour les éviter et éviter M. Carby lors de l’incident. »
 
Le directeur Loparco a conclu : « Il est très regrettable qu’un agent ait retiré le couteau des lieux. Sa conduite malavisée a jeté une ombre sur l’intégrité de l’enquête de l’UES. Même si le poids prépondérant de la preuve – notamment le témoignage des civils et des policiers qui étaient des témoins oculaires présents au moment de la fusillade – établit que M. Carby s’approchait des agents armé d’un couteau, du fait que ce couteau a été retiré des lieux, certaines personnes exprimeront des doutes, légitimes à mon avis, au sujet de l’existence même de ce couteau. Dans un cas d’une telle gravité, où un agent de l’État a mis fin à la vie d’un citoyen, la collectivité était, pour le moins, en droit d’attendre qu’une enquête indépendante puisse se dérouler sur des lieux sécurisés et à partir de preuves matérielles non compromises. Ils ont été privés d’une telle enquête.

Cependant, en dernière analyse, après avoir examiné attentivement les conséquences de l’absence d’un couteau sur les lieux, je reste convaincu, à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve et sur la base de motifs raisonnables, que l’agent impliqué a agi en état de légitime défense lorsqu’il a tiré sur M. Carby, et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire. »  

L'UES est un organisme gouvernemental indépendant qui enquête sur la conduite d'agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et agents de la paix du Service de sécurité de l'Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, une blessure grave, une agression sexuelle ou la décharge d'une arme à feu contre une personne. Toutes les enquêtes sont menées par des enquêteurs de l'UES qui sont des civils. En vertu de la Loi sur l'Unité des enquêtes spéciales, le directeur de l'UES doit :

  • considérer si un agent a commis une infraction criminelle en lien avec l'incident faisant l'objet de l'enquête;
  • selon le dossier de preuve, faire porter une accusation criminelle contre l'agent, s'il existe des motifs de le faire, ou clôre le dossier sans faire porter d'accusations;
  • rendre compte publiquement des résultats de ses enquêtes.

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