Communiqué de presse

L’UES conclut son enquête sur un décès à Thunder Bay

Numéro du dossier: 14-OCD-178   

Mississauga (4 juin 2015) --- Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), Tony Loparco, a conclu qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de porter des accusations criminelles contre un agent du Service de police de Thunder Bay (SPTB), en rapport avec le décès d’un homme de 54 ans survenu en août 2014.

L’UES avait chargé trois enquêteurs et deux enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires d’enquêter sur les circonstances de cet incident. Dans le cadre de l’enquête, quatre agents témoins et six témoins civils ont été interrogés. L’agente impliquée n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec l’UES ou à fournir ses notes sur l’incident, comme la loi l’y autorise.

L’enquête de l’UES a révélé que les événements suivants se sont produits le samedi 2 août 2014 et le dimanche 3 août 2014 :

  • Vers 16 h 15, le 2 août, deux agents se sont rendus dans une église en réponse à un appel concernant un homme qui avait perdu connaissance. Après avoir repéré l’homme, les agents se sont rendu compte que celui-ci était en état d’ébriété avancée. Ils ont réussi à le faire marcher jusqu’à leur véhicule de police. Des ambulanciers paramédicaux sont rapidement arrivés sur les lieux et se sont occupés de l’homme. Après le départ des ambulanciers, les agents ont conduit l’homme au poste de police. 
  • Les agents sont parvenus au poste peu avant 17 heures et ont placé l’homme dans une cellule. L’agente impliquée et un autre agent ont pris la relève du garde et de la chef de veille après 18 h.
  • Le 3 août, vers 3 heures du matin, l’agente impliquée a découvert l’homme allongé sur le sol de la cellule, sans réaction. Les SMU sont arrivés et ont prononcé le décès de l’homme.

Le directeur Loparco a déclaré : « Il ne fait aucun doute que l’arrestation de l’homme pour état d’ébriété en public était légitime. Il était très ivre et n’était pas en état de prendre soin de lui-même. Les agents ont eu raison de l’arrêter pour sa propre sécurité. Toutefois, l’enquête a révélé des problèmes dans la manière dont l’homme a été traité lors de sa garde à vue, y compris dans la conduite des agents qui ont procédé à l’arrestation. En effet, rien n’indique dans leurs notes et déclarations qu’ils aient informé les ambulanciers du fait qu’ils avaient remarqué que l’homme avait de la difficulté à respirer. Il est fort possible que les ambulanciers auraient pris l’état de santé de l’homme plus au sérieux si les policiers leur avaient mentionné ses difficultés respiratoires. Une fois au poste, il semble que les mêmes policiers aient omis de signaler à l’un ou l’autre des agents chargés de surveiller l’homme pendant sa détention que celui-ci s’était plaint de difficultés à respirer. S’ils l’avaient fait, il est probable que quelqu’un aurait pris les dispositions nécessaires pour que l’homme reçoive des soins médicaux ou, tout au moins, pour surveiller son état de près lorsqu’il était dans sa cellule. Lorsque l’homme a demandé de nouveau à être conduit à l’hôpital parce qu’il avait du mal à respirer, l’un des agents qui a procédé à l’arrestation a refusé, faisant valoir que les ambulanciers n’avaient pas jugé nécessaire de le faire. Il me semble que les agents auraient dû pencher du côté de la prudence et conduire l’homme à l’hôpital.

Les personnes chargées de la détention de l’homme au poste n’ont fait guère mieux. Le garde n’a pas pris très au sérieux l’étendue de ses responsabilités à l’égard des soins à fournir aux détenus. Dans ces circonstances, je suis convaincu qu’un agent prudent aurait posé quelques questions sur l’état de l’homme. S’il l’avait fait, des dispositions auraient été prises pour surveiller l’état de l’homme de plus près et pour lui fournir des soins médicaux plus tôt. La façon dont la chef de veille a apprécié l’étendue de ses responsabilités laisse aussi beaucoup à désirer. Même si elle n’était pas la personne chargée de surveiller directement les détenus au moment en question, elle n’a pas saisi la vraie nature de ses responsabilités en tant qu’agente ayant la responsabilité globale et ultime des soins fournis aux détenus. En ce qui concerne l’agente impliquée, l’enquête ne peut tout simplement pas expliquer pourquoi elle n’a vérifié personnellement l’état de l’homme comme elle était tenue de le faire conformément à la politique en vigueur. En effet, la politique du SPTB exige que la personne chargée de la garde vérifie directement l’état des prisonniers toutes les demi-heures ou au moins toutes les heures en cas de circonstances pressantes nécessitant son attention ailleurs. L’homme a été laissé sans surveillance et sans vérification en personne pendant plus de cinq heures. »

Le directeur Loparco a poursuivi : « L’autopsie a déterminé que le décès résultait d’acidocétose compliquant un diabète sucré, l’alcoolisme chronique et la septicémie. Les éléments de preuve ne permettent pas de savoir si la vie de l’homme aurait pu être sauvée si les agents l’avaient conduit à l’hôpital. Néanmoins, compte tenu des éléments de preuve disponibles, je suis convaincu que l’absence de soins médicaux, selon les termes de la disposition relative à cette infraction, a mis sa vie en danger ».

Le directeur Loparco a ajouté : « L’infraction à prendre en considération, à mon avis, est l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence, en contravention de l’article 215 du Code criminel. Pour établir l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence, il faut conclure que le comportement incriminé constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence attendue d’une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. Même si, en l’espèce, il s’agit d’un cas limite, je ne peux pas conclure raisonnablement que la conduite en question répond à ce critère. La preuve cruciale qui atténue nettement la conduite des agents était le fait que les ambulanciers avaient examiné l’homme sur place et conclu qu’il allait bien et n’avait pas besoin d’aller à l’hôpital. Même s’il est vrai que leur évaluation aurait pu être différente si les agents les avaient informés des difficultés respiratoires de l’homme, le fait demeure qu’ils étaient en mesure de s’assurer eux-mêmes de son état de santé. Ces éléments de preuve tempèrent aussi le fait que les agents, une fois arrivés au poste, aient omis d’informer leurs collègues des troubles respiratoires de l’homme ou omis de prendre plus au sérieux sa respiration laborieuse et ses demandes d’être conduit à l’hôpital. Je tiens cependant à souligner que cela ne signifie pas que les agents n’auraient pas dû fournir à l’homme ce qui, à mon avis, aurait constitué des soins raisonnables; cela suggère seulement que leur omission n’était pas sans contexte ou explication. 

La même chose vaut pour les autres agents, dont l’agente impliquée. Il est clair qu’ils en savaient assez sur l’état d’ébriété de l’homme pour réaliser qu’il fallait le surveiller de près. Cela dit, le fait demeure qu’ils n’ont pas pris au sérieux ni n’ont été avisés des plaintes de l’homme relatives à ses difficultés respiratoires. De plus, ce qu’ils savaient et voyaient, tout au moins pendant une partie importante de la détention de l’homme, ne suggérait pas que celui-ci était en détresse médicale ou avait besoin de soins médicaux immédiats. Par exemple, les enregistrements vidéos pris dans la salle de mise en détention et dans le bloc des cellules montrent que l’homme a répondu aux questions à son arrivée au poste de police, qu’il semblait respirer normalement pendant une partie du temps et qu’il avait bougé à plusieurs reprises jusqu’à son dernier mouvement, juste après minuit. Autre élément de preuve important : les enregistrements automatisés du système de gestion des prisonniers du SPTB, selon lesquels l’agente impliquée a vérifié l’homme 26 fois entre 18 h 58 et 02 h 49. Même si cette dernière série de supposées vérifications n’était clairement pas le résultat d’inspections en personne, je ne peux pas écarter la possibilité que ces vérifications aient été effectuées via les écrans de surveillance auxquels l’agente impliquée avait accès. »

Le directeur Loparco a conclu : « Une série tragique de faux pas commis par tous les agents qui sont intervenus dans la garde de l’homme ont conduit à sa perte ce jour-là. À certains égards, c’est parce que la responsabilité dans cette affaire est répartie entre plusieurs agents qu’il n’y a pas assez de preuves pour conclure qu’un agent en particulier est suffisamment blâmable pour justifier une sanction criminelle. Quoi qu’il en soit, même si je suis convaincu, compte tenu des éléments de preuve, que le niveau de soins prodigués à l’homme par la police était médiocre, je ne suis pas convaincu, tout bien considéré, que le niveau de soins par un agent en particulier s’écartait nettement du niveau raisonnablement requis dans les circonstances. Pour les raisons qui précèdent, les motifs dans cette affaire sont insuffisants pour porter des accusations criminelles ».

L'UES est un organisme gouvernemental indépendant qui enquête sur la conduite d'agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et agents de la paix du Service de sécurité de l'Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, une blessure grave, une agression sexuelle ou la décharge d'une arme à feu contre une personne. Toutes les enquêtes sont menées par des enquêteurs de l'UES qui sont des civils. En vertu de la Loi sur l'Unité des enquêtes spéciales, le directeur de l'UES doit :

  • considérer si un agent a commis une infraction criminelle en lien avec l'incident faisant l'objet de l'enquête;
  • selon le dossier de preuve, faire porter une accusation criminelle contre l'agent, s'il existe des motifs de le faire, ou clôre le dossier sans faire porter d'accusations;
  • rendre compte publiquement des résultats de ses enquêtes.

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