Communiqué de presse

L’UES conclut son enquête sur une fouille corporelle à Toronto

Numéro du dossier: 13-TSA-029   

Mississauga (23 août 2013) --- Le directeur de l’Unité des enquêtes spéciales (UES), Ian Scott, a conclu qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de porter des accusations criminelles contre un agent du Service de police de Toronto (SPT) en rapport avec la fouille corporelle subie par Ohene Darteh, un homme alors âgé de 25 ans, en septembre 2010.

Cette affaire a été renvoyée à l’UES par le SPT le 30 janvier 2013, après que l’avocat de M. Darteh s’était plaint auprès du SPT que son client avait été agressé sexuellement lors de son arrestation, le 1er septembre 2010, par l’agent Irwin Correa. Une requête fondée sur la Charte a été entendue au procès de M. Darteh sur une accusation de possession de cocaïne en vue d’en faire le trafic. La requête de ne pas inclure dans les éléments de preuve la cocaïne trouvée dans une voiture de police peu de temps après l’arrestation du plaignant a été entendue en 2012 par le juge Brian O’Marra, de la Cour supérieure de justice, qui a rendu sa décision le 23 janvier 2013. Dans cette décision, le juge O’Marra a accédé à la demande de la défense et a déterminé que la police avait contrevenu à la Charte qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives ainsi que contre la détention arbitraire. En conséquence, le juge a exclu la preuve et M. Darteh a été acquitté de l’accusation liée à la cocaïne. Cette décision est rapportée sous la référence 2013 ONSC 233.

Dans sa décision, le juge O’Marra a tiré des conclusions de fait sur lesquelles l’UES se fonde pour déterminer s’il y a des motifs raisonnables de déposer une accusation d’agression sexuelle. Le juge du procès a accepté la version suivante des événements ayant conduit à l’acceptation de la requête de la défense fondée sur la Charte. Le 1er septembre 2010, en début d’après-midi, M. Darteh roulait à bicyclette dans le quartier de St. Clair et Runnymede, à Toronto. L’agent Correa et les agents témoins Jason Uher et Shaun Roy de la Stratégie d’intervention contre la violence de Toronto se trouvaient à proximité. L’agent Correa a ordonné à M. Darteh de s’arrêter, en l’accusant de rouler à bicyclette sur un passage pour piétons, une affirmation que M. Darteh a démentie. Les trois agents sont alors sortis de leur camionnette. Les agents Uher et Roy ont chacun saisi un des bras du plaignant, tandis que l’agent Correa lui a demandé s’il avait quoi que ce soit sur lui. M. Darteh a répondu que non, et l’agent Correa lui a alors demandé de soulever sa chemise. M. Darteh a acquiescé à la demande. 

Pour reprendre les mots du juge du procès, au paragraphe 17 de sa décision, les événements suivants s’ensuivirent :
[traduction] M. Darteh affirme que l’agent Correa lui a alors saisi le short et le caleçon et les a baissés jusqu’aux chevilles. M. Darteh se sentait déshonoré et se demandait pourquoi cela lui arrivait. Il affirme que les policiers se moquaient de lui. Il est resté exposé nu sous la ceinture pendant environ une minute.

Au paragraphe 58, le juge O’Marra a déclaré qu’il acceptait le témoignage de M. Darteh sur ce point :
[traduction] L’allégation la plus grave faite par M. Darteh est qu’il a été soumis à une fouille corporelle illégale et humiliante dans un lieu public en plein jour. Sur la base de mes conclusions importantes en matière de crédibilité, j’accepte le témoignage de M. Darteh. La conduite de l’agent Correa, en particulier, était intimidante, dominatrice et oppressive. Malgré ses dénégations, je conclus qu’il menait en fait une enquête sur la drogue dès le début. Lorsque M. Darteh a nié avoir quoi que ce soit en sa possession, l’agent Correa lui a dit de soulever sa chemise. Il a ensuite baissé le short et le sous-vêtement de M. Darteh. Cela constitue une violation flagrante des articles 8 et 9 de la Charte.

Dans sa décision, le directeur Scott a déclaré : « En substance, l’agent Correa, avec l’aide de deux autres agents, a baissé le short et le caleçon de M. Darteh en plein jour, dans un endroit public et sans son consentement, en exposant ses fesses et ses parties génitales pendant environ une minute, alors que les agents se moquaient de lui.

Rien ne semble avoir justifié cette fouille à nu. Conformément au manuel de politique et procédure du SPT sur la fouille corporelle de personnes, "en raison du haut degré d’intrusion de ce type de fouille, elle ne doit être effectuée que lorsqu’il est raisonnable et nécessaire de le faire et que l’objet et les motifs existants sur le moment la justifient". Compte tenu de la conclusion du juge du procès que cette recherche était une violation "flagrante" aux articles 8 et 9 de la Charte, cette fouille corporelle n’était ni raisonnable ni nécessaire. De plus, même si elle avait été justifiée, elle contrevenait à la directive du SPT sur les fouilles de niveau 3 puisqu’elle n’était pas effectuée dans un lieu privé.   

Même si cette fouille à nu était une violation aux droits de M. Darteh garantis par la Charte et contrevenait aux dispositions de la directive du SPT sur les fouilles, constitue-t-elle des motifs raisonnables de croire qu’une agression sexuelle a eu lieu? Même s’il semble que l’agent Correa avait l’intention d’embarrasser le plaignant en baissant son pantalon, je suis d’avis que ses actes, aussi déplorables soient-ils, ne constituent pas un degré d’intrusion suffisante de l’intégrité sexuelle de M. Darteh pour justifier une accusation d’agression sexuelle. En outre, rien n’indique que l’un ou l’autre des agents ait touché ses organes génitaux. Somme toute, je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que les actes de l’agent Correa constituent une agression sexuelle, même s’ils visaient à humilier M. Darteh. Il appartient au Service de police de Toronto de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de l’agent Correa et des autres agents concernés, s’il en décide ainsi. »

L'UES est un organisme gouvernemental indépendant qui enquête sur la conduite d'agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara et agents de la paix du Service de sécurité de l'Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, une blessure grave, une agression sexuelle ou la décharge d'une arme à feu contre une personne. Toutes les enquêtes sont menées par des enquêteurs de l'UES qui sont des civils. En vertu de la Loi sur l'Unité des enquêtes spéciales, le directeur de l'UES doit :

  • considérer si un agent a commis une infraction criminelle en lien avec l'incident faisant l'objet de l'enquête;
  • selon le dossier de preuve, faire porter une accusation criminelle contre l'agent, s'il existe des motifs de le faire, ou clôre le dossier sans faire porter d'accusations;
  • rendre compte publiquement des résultats de ses enquêtes.

Read this news release in English.