Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-PCI-545
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 20 ans (plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 21 décembre 2024, à 9 h 30, la Police provinciale de l’Ontario a signalé à l’UES la blessure subie par le plaignant.
D’après la Police provinciale, des agents de son service qui, le 13 décembre 2024, étaient en train de procéder à une campagne d’interceptions pour l’alcool au volant à Bath dans le cadre du programme RIDE lorsqu’ils ont constaté que le plaignant tentait de fuir. Les agents ont suvi et observé le véhicule de celui-ci, qui a percuté une bordure de rue, juste avant de se garer dans un stationnement et de prendre la fuite à pied. Le plaignant a par la suite été arrêté sans incident. Le 19 décembre 2024, le plaignant s’est rendu au poste du détachement en marchant avec des béquilles pour aller faire prendre ses empreintes digitales. Il prétendait que sa cheville avait été fracturée durant son arrestation. Il a ajouté qu’il avait le cancer des os et qu’il s’était déjà fracturé la même cheville par le passé.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 21 décembre 2024, à 11 h 53
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 23 décembre 2024, à 11 h
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 20 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.
Le plaignant a participé à une entrevue le 23 décembre 2024.
Témoin civil
TC A participé à une entrevue.
La témoin civile a participé à une entrevue le 10 février 2025.
Agent impliqué
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.
Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 5 et le 14 février 2025.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés devant un immeuble de Bath.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Enregistrements de la caméra d’intervention, de la caméra interne de voiture et de la garde à vue
Le 13 décembre 2024, vers 20 h 32 min 38 s, l’AI roulait en direction ouest sur County Road 33/rue Main.Les feux d’urgence de la voiture étaient éteints.
Autour de 20 h 32 min 55 s, l’AI s’est arrêté quelques instants à l’intersection entre les rues Queen et Church, et il a activé ses feux d’urgence.
À environ 20 h 35 min, l’AI a accéléré rapidement sur la rue Queen, en provenance de la rue Church. On pouvait voir à une certaine distance, les feux rouges arrière (freins) d’un autre véhicule.
Autour de 20 h 36 min 22 s, pendant qu’il roulait à vitesse élevée avec ses feux d’urgence allumés, l’AI a activé la sirène.
Vers 20 h 36 min 42 s, un agent a répondu et l’AI a dit : [Traduction] « Ouais, j’ai besoin de vous à Bath. Il y a un véhicule qui roule n’importe comment sur la route. »
À approximativement 20 h 36 min 57 s, l’AI a signalé au service de répartition que le véhicule qu’il poursuivait venait de monter sur la bordure de rue et continuait de rouler.Il a précisé dans quelle direction.
Vers 20 h 37 min 15 s, lorsque l’AI a pénétré dans le stationnement, il a dit : [Traduction] « Ouais, le voilà. Il est en train de s’enfuir. » Une silhouette était visible dans l’obscurité, quelqu’un qui courait et était en train de sortir du champ de la caméra.
Autour de 20 h 37 min 31 s, l’AI a immobilisé sa voiture dans le stationnement. Il en est sorti et s’est mis à courir, sortant ainsi du champ de la caméra.
À environ 20 h 37 min 35 s, l’AI a confronté le plaignant et une femme qui étaient ensemble devant un immeuble. Le plaignant a nié avoir fui la police et a indiqué que son frère était parti en courant dans le boisé. Le plaignant semblait extrêmement nerveux et agité et il ne voulait pas être touché par la police. Deux agents sont arrivés en renfort. Le plaignant a semblé marcher d’un pas mesuré, puis s’immobiliser brièvement pour ensuite se remettre à avancer lorsque les agents l’ont dirigé vers la voiture de police. Le plaignant a semblé faire un faux pas en avançant vers la voiture de police et il est possible qu’il se soit alors tordu la cheville, mais il n’a émis aucun son ni gémissement de douleur donnant l’impression qu’il venait de se blesser.
Vers 20 h 56, pendant qu’il était escorté vers la voiture de l’AT no 1, le plaignant a ralenti le pas et a dit : [Traduction] « Ma cheville est bousillée. Je suis encore en rétablissement. J’ai un cancer des os. » Une fois dans la voiture, l’AT no 1 a demandé au plaignant ce qu’il avait à la cheville, et celui-ci a répondu : [Traduction] « Une fracture. Je vais à l’hôpital chaque maudite journée, et ils ne font pas grand-chose pour m’aider. »
Autour de 21 h 27, le plaignant est arrivé au poste du détachement de Napanee de la Police provinciale et il a été escorté jusqu’à l’aire d’enregistrement, où on lui a posé une série de questions. Le plaignant a signalé à l’agent de mise en détention ses problèmes de santé et a précisé qu’il prenait des médicaments parce que ses os étaient fragiles à cause d’un cancer des os. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait fui la police en courant ce soir-là, le plaignant a répondu à la blague qu’il n’aurait même pas dû marcher la moitié du temps.
À environ 22 h, le plaignant a été conduit dans la salle d’administration d’alcootests. Il semblait ménager son pied gauche en marchant pour entrer dans la salle, puis il s’est assis sur une chaise. Il s’est montré coopératif durant tout le processus. Il a indiqué avoir une petite fissure dans l’os de la cheville gauche et a ajouté que c’était comme ça depuis un certain temps, à cause du cancer des os et probablement aussi parce qu’il était trop actif. Le plaignant a signalé qu’il avait aussi été dans un accident de voiture avec capotage en octobre 2024.
Documents obtenus du service de police
L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 13 décembre 2024 et le 13 janvier 2025 :
- les e;
- le rapport d’incident général;
- le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
- la liste des agents concernés;
- l’enregistrement vidéo de la garde à vue;
- l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1
- l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 4
- l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’agent no 1
- l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI
- l’enregistrement de la caméra interne de voiture de l’agent no 1
- l’enregistrement de la caméra interne de voiture de l’AI;
- les notes de l’AT no 2
- les notes de l’AT no 1;
- les notes de l’AT no 3;
- les notes de l’AT no 4
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant provenant de l’Hôpital général du comté de Lennox and Addington le 5 janvier 2025.
Description de l’incident
Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et avec les agents témoins et la témoin civile ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident. L’AI a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.
Dans la soirée du 13 décembre 2024, l’AI ainsi que l’AT no 1 procédaient à des interceptions dans le cadre du programme RIDE près de l’intersection entre County Road 7 et la route 33, à Bath, lorsqu’ils ont vu un véhicule s’immobiliser, puis repartir dans la direction opposée. Les agents sont alors allés à la poursuite de ce véhicule.
C’est le plaignant qui conduisait, et la TC l’accompagnait. Ils se trouvaient devant un immeuble d’habitation à Bath lorsque l’AI s’est approché d’eux, devant la porte principale de l’immeuble.
L’AI avait poursuivi le véhicule jusque-là et il a confronté le plaignant, qui avait omis de s’arrêter. Un alcootest a alors été administré au plaignant, qui dépassait la limite autorisée, et il a donc été arrêté pour conduite d’un véhicule motorisé en état d’ébriété. D’autres agents étaient arrivés sur les lieux à ce stade, et ils étaient présents lorsque le plaignant a été menotté les mains derrière le dos.
Le plaignant a été escorté jusqu’à une voiture de police à proximité qui allait le conduire au poste du détachement de la police. Il n’a pas coopéré parfaitement et a gardé ses pieds immobiles par moments pour éviter d’avancer. Il a semblé faire un faux pas à un moment donné et a peut-être tordu sa cheville à ce moment-là. Malgré certaines difficultés, il a fini par être installé sur la banquette arrière de la voiture de police et conduit au poste.
Le 15 décembre 2024, le plaignant s’est rendu à l’hôpital, où un diagnostic de fracture de la malléole externe latérale sans déplacement de la cheville gauche a été prononcé.
Dispositions législatives pertinentes
Le paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le plaignant a reçu un diagnostic de blessure grave à la suite de son arrestation par la Police provinciale de l’Ontario à Bath le 13 décembre 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.
L’AI avait des motifs légitimes de mettre le plaignant sous garde. Ce dernier avait tenté de fuir une interception dans le cadre du programme RIDE et avait refusé de passer un alcootest.
Pour ce qui a trait à la force exercée par l’AI et les autres agents, les éléments de preuve indiquent qu’elle était très faible voire pratiquement nulle. Il semblerait que les agents aient pu appliquer une certaine pression, quoique légère, pour obliger le plaignant à continuer d’avancer vers la voiture de police sur place, parce que le plaignant a résisté pendant qu’ils avançaient. Il s’est passé pratiquement la même chose lorsqu’est venu le moment de faire entrer le plaignant à l’arrière de la voiture de police. Même si, selon une autre version des éléments de preuve indique que l’AI aurait pilé sur le pied gauche du plaignant en appuyant de tout son poids au moment où les agents tentaient de faire entrer le plaignant dans la voiture de police, il serait malavisé et risqué d’accorder beaucoup de crédibilité à cette version, étant donné qu’aucun des témoins présents à ce moment, y compris les quatre agents témoins, n’a mentionné cet incident en racontant ce qui s’était passé.
Il n’a pas été possible de déterminer avec certitude à quel moment la blessure du plaignant est survenue. Des éléments de preuve portent à croire que la blessure datait d’avant l’interaction avec la police survenue ce jour-là. Peu importe, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que la blessure résulte d’une conduite illégale des agents. Par conséquent, il n’y a pas de motifs de porter des accusations au criminel dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : Le 14 avril 2025
Approuvé par voie électronique
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête [Retour au texte]
- 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.