Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-TCI-409

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 16 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 14 h 7 le 25 septembre 2024, le Service de police de Toronto a avisé l’UES de la blessure subie par un jeune homme, soit le plaignant.

Selon le Service de police de Toronto, celui-ci aurait reçu une plainte de la part de la mère du plaignant, qui a signalé que son fils avait subi une fracture du poignet nécessitant une chirurgie et l’insertion de deux tiges. Le Service de police de Toronto a confirmé que son escouade antidrogue avait arrêté le plaignant à l’issue d’une poursuite à pied le 22 août 2024, à 16 h 5, près de la station-service Esso de l’avenue Morningside, à Scarborough. Ce sont les agents impliqués (AI) nos 1 et 2 qui ont procédé à l’arrestation. Le rapport sur les blessures soumis par la suite par l’agent témoin (AT) no 4 indiquait que le plaignant avait subi une entorse de la main droite et du petit doigt.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 26 septembre 2024, à 10 h 2

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 26 septembre, à 10 h 20

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 16 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 2 octobre 2024.

Témoin civil

TC N’a pas participé à une entrevue[2].

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 15 janvier 2025.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 4 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; entrevue jugée non nécessaire.

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 18 décembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à une station-service Esso située sur le coin sud-est de l’intersection entre l’avenue Sheppard Est et l’avenue Morningside ou à proximité ainsi que sur le stationnement du centre commercial se trouvant immédiatement au sud de la station-service.

Éléments de preuve matériels

Sur le coin sud-est de l’intersection entre l’avenue Morningside et l’avenue Sheppard Est se trouvait une station-service Esso/Circle K avec un dépanneur, au 1149, avenue Morningside. Une clôture de bois délimitait l’extrémité sud du terrain de la station-service et séparait la station-service du centre commercial Chand Morningside.

Le plaignant a été arrêté sur le terrain du centre commercial Chand Morningside. Les personnes se trouvant à la station-service Esso ne pouvaient voir ce qui se passait sur le terrain du centre commercial, à cause de la clôture en bois, qui bloquait la vue.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[3]

L’UES a reçu des enregistrements vidéo montrant le plaignant pendant qu’il était sous la garde du Service de police de Toronto.

Les enregistrements des caméras d’intervention de l’AT no 3 et de l’AT no 4 ont révélé que le plaignant ne s’était plaint d’aucune blessure lorsque les agents l’avaient mis sous garde.

Au moment de son enregistrement, le plaignant a dit qu’il avait la gorge sèche, et le sergent-chef par intérim, soit l’agent no 1, lui a dit qu’ils allaient lui donner de l’eau. Lorsque l’agent no 1 lui a demandé s’il était blessé, le plaignant a répondu : [Traduction] « Je me suis cassé le doigt. » On lui a demandé comment la blessure s’était produite, et la réponse du plaignant était difficile à discerner. L’agent no 1 a ensuite dit : [Traduction] « Oh! Alors vous avez subi une entorse au doigt durant votre arrestation? »

Les enregistrements audio des communications ont aussi été examinés. Ces enregistrements confirment que l’escouade antidrogue du Service de police de Toronto a demandé un véhicule pour transporter deux personnes qui avaient été arrêtées. L’AT no 2 a aussi demandé de faire une vérification sur un VUS et a appris que la plaque d’immatriculation demandée était celle d’un véhicule volé.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto entre le 25 novembre 2024 et le 13 janvier 2025 :

  • les enregistrements des communications;
  • le rapport sur les blessures du plaignant;
  • le rapport d’incident général;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • la liste des agents concernés;
  • les enregistrements vidéo de l’aire de transfert et de la salle d’enregistrement au poste de la division 42 du Service de police de Toronto;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 4;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 3;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 5;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AT no 6;
  • les notes de l’AT no 4;
  • les notes de l’AT no 3;
  • les notes de l’AI no 2.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu le dossier médical du plaignant du Scarborough Health Network le 27 novembre 2024.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve réunis par l’UES, y compris des entrevues avec le plaignant et l’AI no 2. L’AI no 1 a refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Dans l’après-midi du 22 août 2024, le plaignant était sur la banquette arrière du côté passager d’un VUS qui est arrivé à la station-service Esso à l’intersection entre l’avenue Sheppard Est et l’avenue Morningside. Le conducteur, soit le TC, a immobilisé le VUS du côté est de la station-service, est sorti du véhicule, puis s’est installé sur le siège avant du côté passager d’un véhicule à proximité. Peu après, des agents d’infiltration se sont mis à s’approcher du VUS, et le plaignant est alors sorti du véhicule et s’est mis à courir.

Ce que le TC et le plaignant ne savaient pas, c’est qu’ils étaient la cible d’une transaction de drogue surveillée. Le TC a pénétré dans une voiture de police non identifiée, présumément dans l’intention de prendre part à une transaction de drogue, et l’équipe d’agents d’infiltration réunie à la station-service a reçu le signal d’arrêter les parties. Le TC a été mis sous garde sans incident.

Le plaignant a fui vers le sud pour se rendre sur le stationnement du centre commercial. L’AI no 2 a poursuivi le plaignant à pied, mais est tombé, et l’AI no 1, aussi à pied, a pris la relève. L’AI no 1 a rattrapé le plaignant et a mis une main sur son épaule. Le plaignant a alors trébuché et est tombé vers l’avant, en tendant les bras devant lui et s’est alors fracturé la main droite. Il a été menotté au sol sans autre incident.

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation effectuée par des agents du Service de police de Toronto le 22 août 2024. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant deux agents impliqués, soit l’AI no 1 et l’AI no 2. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

J’estime qu’il était justifié d’arrêter le plaignant pour vérifier sa participation à une infraction relative au trafic de stupéfiants. Le plaignant était arrivé à la station-service en compagnie du TC, qui aurait semble-t-il entrepris une transaction de drogue avec un agent d’infiltration. Puisque le plaignant s’est immédiatement enfui de la police, les agents avaient encore plus de motifs de croire qu’il était mêlé à une infraction relative au trafic de stupéfiants.

J’ai aussi la conviction que la force employée par la police pour arrêter le plaignant a été raisonnable. Lorsque le plaignant a fui, l’exercice de la force est devenu nécessaire pour mettre un terme à la fuite. Un placage comptait parmi les options les moins vigoureuses s’offrant à la police et, à mon avis, c’était une stratégie raisonnable dans les circonstances.

Par conséquent, il n’existe pas de motifs de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.

Date : Le 23 janvier 2025

Approuvé par voie électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) L:e TC n’était pas présent sur les lieux de l’arrestation du plaignant. [Retour au texte]
  • 3) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.