Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-407

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une blessure grave subie par une femme de 43 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 24 septembre 2024, à 22 h 14, le Service de police de London (SPL) a avisé l’UES d’une blessure subie par la plaignante.

D’après les renseignements fournis par le SPL, le 24 septembre 2024, à 16 h 49, des ambulanciers paramédicaux ont demandé l’aide des agents du SPL pour répondre à un appel de santé mentale dans un appartement situé dans le secteur de la rue Colborne et de la rue King, à London. Les agents ont trouvé la plaignante sur le sofa de son appartement, avec un couteau à la main. On soupçonnait qu’elle avait consommé une grande quantité de pilules. Les agents du SPL ont déployé un pistolet à impulsion électrique (PIE) sur la plaignante et l’ont maîtrisée à l’aide d’un bouclier. Les agents ont réussi à lui enlever le couteau, mais la plaignante a subi une coupure au cours de la manœuvre. Elle a été transportée à l’Hôpital Victoria du London Health Sciences Centre (HV-LHSC) et y a été admise au titre de la Loi sur la santé mentale. On lui a diagnostiqué des coupures aux tendons des doigts, ce qui a nécessité une intervention chirurgicale.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 25 septembre 2024 à 6 h 36

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 25 septembre 2024 à 11 h 18

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 43 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 25 septembre 2024.

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 25 septembre 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 3 octobre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le salon d’un appartement situé dans le secteur de la rue Colborne et de la rue King, à London.

Éléments de preuve matériels

Le 25 septembre 2024, à 18 h 55, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont présentés à l’appartement de la plaignante, à London. Ils ont pris des photos des lieux et des notes de suicide. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires se sont ensuite rendus au HV-LHSC pour prendre des photos de la blessure subie par la plaignante.

Éléments de preuve médico-légaux

Données sur le déploiement d’un PIE

La détente a été actionnée à 16 h 48 min 57 s, le 24 septembre 2024. La cartouche de la baie 1 a été déployée et de l’électricité a été déchargée pendant 15,221 secondes.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements des communications du SPL et rapport du Système de répartition assistée par ordinateur (Système RAO)

Le 24 septembre 2024, à 15 h 55, les services médicaux d’urgence (SMU) sont dépêchés dans un appartement situé dans le secteur de la rue Colborne et de la rue King pour une femme [la plaignante] qui a des antécédents de troubles mentaux. Des agents du SPL sont envoyés pour prêter main-forte aux SMU, mais, à 16 h 18, l’appel est annulé.

À 16 h 19, les SMU téléphonent au SPL et demandent l’aide de la police, car la plaignante a sorti un couteau de sous un oreiller et menace de se faire du mal. Plusieurs agents du SPL, ainsi qu’un négociateur [l’AT no 1], sont dépêchés sur les lieux.

À 16 h 24, l’AT no 2 annonce qu’un contact a été établi avec la plaignante et qu’elle tient toujours un couteau.

À 16 h 27, l’AT no 3 indique que les agents tentent de négocier avec la plaignante, mais que celle-ci n’est pas réceptive.

À 16 h 36, l’AT no 3 indique qu’il n’y a pas de changement majeur, mais que la plaignante est maintenant léthargique en raison des pilules consommées avant l’arrivée de la police. La plaignante a placé le couteau sur sa gorge. Un sergent d’état-major, l’agent no 1, ordonne de poursuivre les négociations. Les négociations se poursuivent.

À 16 h 44, l’AT no 3 diffuse un plan prévoyant l’utilisation simultanée d’un PIE et d’un bouclier si la plaignante éloigne le couteau de son corps. L’agent no 1 approuve le plan et explique que la mission consiste à appréhender la plaignante aussi sécuritairement que possible.

Des mises à jour sont fournies. Les négociations se poursuivent avec la plaignante. Elle refuse de lâcher le couteau.

À 16 h 49, l’AT no 3 annonce qu’un PIE a été déployé avec une décharge électrique de 15 secondes. L’AT no 3 indique également que la plaignante a subi une lacération au doigt parce qu’elle s’est accrochée au couteau.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPL entre le 27 septembre 2024 et le 9 octobre 2024 :

  • Enregistrements des communications
  • Rapport d’incident général
  • Rapport du Système RAO
  • Notes de l’AT no 1
  • Notes de l’AT no 2
  • Notes de l’AI
  • Notes de l’AT no 3
  • Politique relative à l’usage de la force
  • Politique relative aux interventions en cas de crise de santé mentale

Éléments obtenus auprès d’autres sources

Le 6 novembre 2024, l’UES a obtenu les dossiers médicaux de la plaignante auprès du HV-LHSC.

Description de l’incident

Le scénario suivant ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, ce qui comprend des entrevues avec la plaignante et les témoins de la police qui étaient présents lors des événements en question. Comme la loi l’y autorise, l’AI n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES. Il a cependant convenu de lui transmettre ses notes.

Dans l’après-midi du 24 septembre 2024, des agents ont été dépêchés dans un appartement situé dans le secteur de la rue Colborne et de la rue King, à London, pour prêter main-forte aux ambulanciers paramédicaux. Les SMU avaient été appelés sur les lieux, car une femme — la plaignante — était en état de détresse mentale. Les SMU ont téléphoné à la police lorsqu’ils ont constaté que la plaignante avait un couteau en sa possession et menaçait de se faire du mal.

Les facultés mentales de la plaignante étaient altérées à ce moment-là et elle avait pris une surdose de médicaments avant l’arrivée de la police.

Des agents se sont mis à arriver sur les lieux vers 16 h 25. Ils ont trouvé la plaignante allongée sur le sofa du salon, sur son côté droit, avec un couteau à la main. Sous la direction de l’AT no 1, les agents ont parlé à la plaignante pour tenter de la convaincre de lâcher le couteau. La plaignante était somnolente et ne réagissait presque pas. Elle a continué à tenir le couteau, appuyant la lame tantôt contre sa poitrine, tantôt contre son bras gauche. Il a été décidé qu’un PIE serait utilisé en tandem avec un bouclier si la plaignante éloignait le couteau de son corps.

L’occasion s’est présentée vers 16 h 50 lorsque la plaignante s’est assise sur le sofa, en tenant le couteau dans sa main droite à une certaine distance de son corps. L’AT no 1 a déployé son PIE sur la plaignante. Peu après, l’AI, qui tenait un bouclier, s’est approché de la plaignante et a appuyé le bouclier sur son torse. Alors que ses bras étaient coincés sous le bouclier, l’AI a tenté de retirer le couteau de la main de la plaignante. Après une courte lutte, il a réussi à arracher le couteau à la plaignante, mais sa main gauche a subi de graves lacérations lors de cette manœuvre.

La plaignante a été appréhendée sans autre incident et transportée à l’hôpital, où elle a été admise en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 17 de la Loi sur la santé mentale — intervention de l’agent de police

17. Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;

b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;

c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

d) elle s’infligera des lésions corporelles graves;

e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;

f) elle subira un affaiblissement physique grave,

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le 24 septembre 2024, la plaignante a été grièvement blessée lors de son arrestation. L’UES a été avisée de l’incident et a lancé une enquête. L’AI a été identifié comme étant l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant et les blessures qu’il a subies.

Aux termes du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Je suis convaincu que les agents, y compris l’AI, étaient fondés à appréhender la plaignante au titre de l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. Les éléments de preuve établissent que les facultés mentales de la plaignante étaient altérées à ce moment-là et qu’elle risquait de se faire du mal.

Je suis également convaincu que la force utilisée par les agents pour appréhender la plaignante était justifiée au sens de la loi. Les efforts de négociation des agents n’aboutissaient à rien et il persistait un risque que la plaignante utilise le couteau pour se blesser à tout moment. Dans ces circonstances, il était logique de tenter de la neutraliser temporairement à l’aide du PIE. Une intervention physique directe aurait comporté des risques de blessure pour la plaignante et les agents de police. Le PIE a eu l’effet escompté et a donné aux agents le temps d’intervenir de façon sécuritaire. L’utilisation du bouclier par l’AI faisait partie du plan convenu et était une tactique raisonnable puisque la plaignante était toujours en possession du couteau. Enfin, je ne peux reprocher à l’AI d’avoir fait ce que l’on pouvait attendre de lui dans les circonstances, soit de retirer le couteau de la main de la plaignante, même si celle-ci a subi de graves coupures à la main gauche au cours de cette manœuvre.

Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 22 janvier 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.