Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-387

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 31 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 14 septembre 2024, à 9 h 12, le Service de police de Timmins (SPT) a signalé ce qui suit à l’UES.

Le 13 septembre 2024, vers 22 h 30, des agents du SPT ont répondu à un appel impliquant des armes à une adresse située à South Porcupine. Un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait du plaignant] était armé d’un couteau et menaçait un voisin. Lorsque les agents du SPT sont arrivés, ils ont trouvé le plaignant dans l’entrée. Il était contrarié et armé d’un grand couteau. Les agents du SPT se sont approchés du plaignant. Il leur a activement résisté et les agents l’ont amené au sol et menotté. Le plaignant a été transporté au poste du SPT où il s’est débattu avec les agents de l’unité de détention avant d’être placé dans une cellule de détention provisoire. Le 14 septembre 2024, vers 6 h, le plaignant s’est plaint qu’il avait mal au pied gauche. Il a été transporté à l’Hôpital de Timmins et du district, où on lui a diagnostiqué une fracture du pied gauche.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 14 septembre 2024 à 10 h 12

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 14 septembre 2024 à 11 h 14

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des

sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« le plaignant ») :

Homme de 31 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 14 septembre 2024.

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 15 septembre 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées et entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 19 septembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont déroulés à l’avant et dans les alentours d’une maison située à South Porcupine.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements des communications du SPT

Le 13 septembre 2024, à 21 h 45, un homme téléphone au 911. Il indique que le plaignant l’a appelé et a menacé de le tuer, et qu’il croit que le plaignant conduit en état d’ébriété. Le répartiteur de la police lui demande comment il sait que le plaignant a bu. L’appelant répond que le plaignant lui a admis qu’il était en train de boire et qu’il avait bu environ six bières.

À 21 h 47, l’AT no 1 est dépêché sur les lieux. LAT no 1 se rend au domicile de l’homme qui a téléphoné au 911, s’entretient avec lui et en vient à la conclusion qu’il a les motifs nécessaires pour arrêter le plaignant pour profération de menaces et communications harcelantes.

À 22 h 24, l’AT no 1 arrive à une maison située à South Porcupine. Une minute plus tard, l’AI est ajouté à l’appel. Il arrive sur les lieux à 22 h 33.

À 22 h 39, l’AI annonce par radio que tout va bien et qu’ils vont amener le plaignant au poste de police.

Vidéo — Aire des cellules

Une vidéo d’une durée de 14 heures, captée dans l’aire des cellules, a été fournie à l’UES. Au début, le plaignant ne semble pas favoriser son pied gauche, mais au fur et à mesure que la vidéo avance, le plaignant se met à favoriser son pied gauche et à boiter sur celui-ci.

Enregistrement provenant du système de caméra intégré au véhicule (SCIV) de l’AI

Le 13 septembre 2024, l’AI est dépêché pour répondre à l’appel concernant le plaignant. Il a activé son SCIV. Lorsqu’il arrive sur les lieux, il se gare derrière un véhicule. Ce véhicule bloque complètement le champ de la caméra et empêche de voir l’arrestation. L’interaction avec le plaignant dure environ trois minutes.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPT entre les 14 et 17 septembre 2024 :

  • Rapport d’arrestation
  • Résumé des accusations
  • Synopsis du tribunal
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur
  • Enregistrements de communications
  • Vidéo captée par les SCIV de l’AI et de l’AT no 1
  • Vidéo — aire des cellules et comptoir de mise en détention
  • Politique — Prise en charge et contrôle des détenus
  • Notes — AT no 1, AT no 2, AT no 3 et AT no 4

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 17 septembre 2024 et le 26 septembre 2024 :

  • Dossiers médicaux du plaignant, fournis par le HTD
  • Enregistrement vidéo Snapchat fourni par le TC no 1

Description de l’incident

La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant, des agents témoins et des témoins civils, brosse le portrait suivant de ce qui s’est passé. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de ne pas autoriser la communication de ses notes à l’UES.

Dans la soirée du 13 septembre 2024, des agents du SPT ont répondu à une plainte pour « proférations de menaces ». Un citoyen avait téléphoné à la police pour signaler que le plaignant avait menacé de le tuer. L’AT no 1 s’est rendu au domicile de l’appelant, à South Porcupine, et s’est entretenu avec lui. Après cette conversation, l’AT no 1 a déterminé qu’il avait les motifs nécessaires pour arrêter le plaignant. L’agent s’est rendu à l’adresse où se trouvait le plaignant, d’après les renseignements qui lui avaient été fournis.

À l’arrivée de l’AT no 1, le plaignant, qui était à l’extérieur de la résidence, a semblé coopérer à son arrestation imminente. Il a demandé à l’AT no 1 de lui permettre de fumer une cigarette avant de l’amener au poste de police. L’AT no 1 a accédé à sa demande. Peu après, l’AI est arrivé sur les lieux.

L’AI et l’AT no 1 se sont saisis du plaignant. Il s’est ensuivi une altercation au cours de laquelle le plaignant a été porté au sol, derrière le véhicule de police de l’AT no 1. L’AI lui a porté plusieurs coups, puis ils lui ont menotté les bras derrière le dos et l’ont fait monter à l’arrière du véhicule de police de l’AT no 1.

Le plaignant a été transporté au poste de police et placé dans une cellule. Dans la cellule, plusieurs agents ont maintenu le plaignant contre le banc de la cellule pendant qu’ils lui enlevaient les menottes.

Le lendemain matin, le plaignant s’est plaint d’avoir mal. Il a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture du pied gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 264.1 du Code criminel — Proférer des menaces

264.1 (1) Commet une infraction quiconque sciemment profère, transmet ou fait recevoir par une personne, de quelque façon, une menace :

a) de causer la mort ou des lésions corporelles à quelqu’un;

b) de brûler, détruire ou endommager des biens meubles ou immeubles;

c) de tuer, empoisonner ou blesser un animal ou un oiseau qui est la propriété de quelqu’un.

(2) Quiconque commet une infraction prévue à l’alinéa (1)a) est coupable :

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

(3) Quiconque commet une infraction prévue à l’alinéa (1)b) ou c) est coupable :

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 14 septembre 2024, le SPT a informé l’UES qu’un homme arrêté la veille — le plaignant — avait subi une blessure grave. L’UES a ouvert une enquête et a déterminé que l’AI était l’agent impliqué dans cette affaire. L’enquête est maintenant terminée. Après examen de la preuve, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation du plaignant et la blessure qu’il a subie.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Le plaignant était passible d’arrestation. Étant donné ce que l’AT no 1 savait de l’appel au 911 et ce qu’il avait appris lors de sa conversation avec l’appelant, il avait des motifs de croire que le plaignant avait proféré des menaces, en contravention de l’article 264.1 du Code criminel.

Quant à la force utilisée par les agents pour arrêter le plaignant, la preuve ne permet pas raisonnablement d’établir qu’il s’est agi d’une force excessive. Les témoignages varient en ce qui concerne la force utilisée pour arrêter le plaignant. Selon une version des faits, l’AI aurait adopté une approche inutilement conflictuelle et la situation se serait rapidement détériorée, à un point tel que les agents ont dû porter le plaignant au sol à l’arrière d’un véhicule de police. Selon une autre version des faits, les agents n’auraient donné aucun coup au plaignant pendant qu’ils procédaient à sa mise au sol. D’après une autre version des faits, le plaignant aurait lutté contre les agents avant que ces derniers l’amènent au sol et que l’AI lui donne des coups de pied. L’AT no 1 a déclaré que lui et l’AI ont décidé d’arrêter le plaignant lorsque celui-ci s’est mis à se comporter de façon agressive lorsque l’AI est arrivé sur les lieux. Ils se sont saisis du plaignant et l’ont escorté jusqu’à l’arrière du véhicule de police de l’AT no 1, où il a tenté de faire une prise de tête à l’AI. Selon l’AT no 1, l’AI a réagi en amenant le plaignant au sol. Au sol, le plaignant a refusé de laisser les agents prendre ses mains et l’AI lui a porté des coups dans la partie supérieure de son corps. Aucun coup n’a été porté une fois que le plaignant a été menotté. Au poste de police, selon l’AT no 1, le plaignant a été maintenu contre le banc de la cellule pendant que les agents lui enlevaient ses menottes. Aucun coup n’a été porté. Au vu de ce qui précède, je ne peux raisonnablement conclure que la version des faits invoquant une force excessive de la part des agents est plus vraisemblable que la version des faits donnée par l’AT no 1[3]. Cette version des faits, qui fait état d’une mise au sol et de plusieurs coups portés au corps du plaignant sur les lieux de l’arrestation, et de la force employée dans la cellule afin de maintenir le plaignant pendant qu’on lui enlevait les menottes, ne m’appert pas comme un usage disproportionné de la force, étant donné la résistance opposée par le plaignant.

Par conséquent, bien que l’on ne sache pas exactement à quel endroit et à quel moment la blessure du plaignant est survenue, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que l’AI s’est comporté de façon illégale. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.

Date : 10 janvier 2025

Approuvé électroniquement par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) En fait, la vidéo des événements survenus dans la cellule concorde avec le témoignage de l’AT no 1. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.