Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-351

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instanc

Exercice du mandat

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par une femme de 36 ans (la « plaignante »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 21 août 2024, à 13 h 41, le Service de police de Stratford (SPS) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

La plaignante a été arrêtée à 2 h, le 21 août 2024, parce qu’elle s’est présentée à une résidence où elle ne devait pas se rendre et parce qu’on a trouvé en sa possession ce qu’on croyait être du fentanyl. On l’a emmenée au commissariat du SPS et placée dans une cellule. Vers 11 h 9, l’agent de police spécial no 1 a informé le répartiteur qu’on administrait du Narcan à la plaignante. L’AT no 2 était présent. Les agents ont administré quatre doses de Narcan. Les ambulanciers paramédicaux sont arrivés sur les lieux à 11 h 13 se sont mis en route vers l’Hôpital général de Stratford à 11 h 29. À l’hôpital, on a trouvé du fentanyl dans le soutien-gorge de la plaignante. À 13 h 15, l’AT no 2 a informé un inspecteur que la plaignante avait été admise à l’hôpital.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 2024/08/21, à 14 h 7

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 2024/08/23, à 10 h 11

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant

e ») : Femme de 36 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

La plaignante a participé à une entrevue le 23 août 2024.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 10 septembre 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans l’aire de mise en détention et des cellules du quartier général du SPS, au 17, rue George Ouest, à Stratford.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Images captées par la caméra d’intervention

Vers 2 h 43 min 49 s, le 21 août 2024, l’AT no 3 active sa caméra d’intervention alors qu’il s’approche d’une femme, la plaignante, qui se tient à côté d’une table de pique-nique. L’AT no 3 appelle la plaignante par son nom et lui dit qu’elle est en état d’arrestation pour omission d’avoir respecté une ordonnance de remise en liberté. On peut voir un sac sur le banc de la table. La plaignante a les mains dans les poches de son manteau. L’AT no 3 demande à la plaignante de s’éloigner du derrière du banc et de mettre les mains derrière le dos. Il lui passe ensuite les menottes aux poignets.

À 2 h 47 min 38 s environ, l’AT no 3 prend le sac à main, la bouteille d’eau et le grand sac qui se trouvent sur la table de pique-nique et entreprend d’accompagner la plaignante vers son véhicule, garé sur la rue même. L’AT no 3 fouille dans les poches extérieures du manteau de la plaignante et retire un paquet de papier d’aluminium de la poche avant droite.

Vers 2 h 50 min 19 s, on place la plaignante sur le siège arrière du véhicule de police, du côté conducteur. On n’effectue pas d’autre fouille à l’endroit de la plaignante.

À 2 h 51 min environ, l’AT no 3 se rend à l’arrière du véhicule de police, ouvre un paquet et demande à la plaignante de lui dire de quel produit il s’agit, de la méthamphétamine ou du fentanyl. La plaignante répond qu’elle croit qu’il s’agit de fentanyl.

Images captées par la caméra à bord du véhicule de police

Vers 2 h 50 min 16 s, le 21 août 2024, la portière arrière du côté conducteur du véhicule de police s’ouvre et la plaignante, les mains menottées dans le dos, s’installe sur le siège arrière sécurisé du véhicule. La plaignante semble affolée, mais aussi alerte, et elle répond de manière appropriée aux questions de l’AT no 3.

À 3 h 0 min 42 s environ, le véhicule s’engage dans l’entrée des véhicules, bien éclairée, du commissariat du SPS. La plaignante descend du véhicule sans aide et s’éloigne.

Vidéo – Aire de mise en détention et des cellules

Salle de fouille

Vers 3 h 4 min 42 s, la plaignante, vêtue d’un pantalon, de sandales et d’un chandail à capuchon, entre dans la salle à la demande de l’AT no 3.

Vers 3 h 5 min 42 s, la plaignante enlève son chandail à capuchon, sous lequel elle porte un t-shirt. Elle met ensuite le contenu des poches de son pantalon sur la table, puis soulève légèrement son t-shirt; depuis l’arrière, on peut la voir avec les mains à l’intérieur du devant de son t-shirt, semblant retirer des objets qui, par la suite, se retrouvent sur la table. L’AT no 3 se trouve derrière la plaignante, un peu sur la droite, et il observe le tout.

À 3 h 6 min 13 s environ, l’AI entre dans la salle en tenant un bac bleu. On place les biens de la plaignante dans un sac, et ses vêtements, dans le bac; pendant ce temps, l’AT no 3 discute avec la plaignante, sous le regard de l’AI.

À 3 h 7 min 48 s environ, les agents laissent la plaignante seule dans la pièce.

Vers 3 h 10 min 1 s, la plaignante s’assoit par terre, le dos appuyé contre le mur situé directement sous la caméra, et rentre ses bras dans son t-shirt; ses mains ne sont alors plus visibles.

À 3 h 12 min 34 s environ, la plaignante bouge ses mains près de sa poitrine, puis elle approche sa main droite de sa bouche et semble porter son pouce à ses lèvres, avant de replacer ses mains dans son t-shirt. La plaignante place ensuite son visage dans le col de son t-shirt.

Vers 3 h 18 min 22 s, la plaignante retire sa main droite de l’intérieur de son t-shirt; on peut voir une bretelle de soutien-gorge sous celui-ci. Elle retire ensuite sa main gauche et s’assoit sur le tabouret.

Vers 3 h 52 min 57 s, l’AT no 3 et un deuxième agent en uniforme du SPS entrent dans la salle. La plaignante est assise par terre, dans le coin opposé à la caméra.

À 3 h 56 min 18 s environ, le deuxième agent ouvre la porte et quitte la salle, suivi de la plaignante et de l’AT no 3. Il ne semble pas y avoir de débris visible à la caméra dans la salle.

Caméra du couloir

Vers 3 h 56 min 33 s, l’AT no 3 et un deuxième agent du SPS escortent la plaignante jusqu’aux cellules réservées aux femmes.

Vers 6 h 34 min 31 s, un sergent du SPS en uniforme s’engage dans le couloir [on sait maintenant qu’il s’agit de l’AT no 2], puis entre dans la zone réservée aux femmes; on l’entend s’adresser à la plaignante et lui demander si elle a besoin de quelque chose. L’AT no 2 quitte ensuite le couloir.

À 7 h 18 min 37 s environ, l’AT no 2 entre dans le couloir et se rend dans la zone des cellules réservées aux femmes, où il s’entretient avec la plaignante avant de partir.

À 7 h 49 min 26 s environ, l’AT no 1 s’engage dans le couloir et se rend jusqu’aux cellules réservées aux femmes; on l’entend parler avec la plaignante, après quoi il quitte.

Vers 8 h 41 min 31 s, l’agente de police spéciale no 2 entre dans la zone des cellules, jusqu’à celles réservées aux femmes, s’entretient avec la plaignante, puis s’en va.

À 8 h 44 min 55 s environ, l’agent de police spécial no 3 entre dans la zone des cellules réservées aux femmes, puis en ressort quelques instants plus tard; on n’entend aucune conversation.

À 9 h 10 min 58 s environ, l’agent de police spécial no 3 se rend dans la zone où se trouve la plaignante, s’entretient avec elle et lui demande si elle va bien, avant de partir.

Vers 9 h 24 min 6 s, l’agente de police spéciale no 2 entre dans la zone des cellules réservées aux femmes et, depuis la porte donnant sur le couloir, demande à la plaignante si elle va bien.

Vers10 h 3 min 54 s, l’agente de police spéciale no 2 s’engage dans la zone des cellules réservées aux femmes et demande à la plaignante si elle va bien.

À 11 h 8 min environ, l’AT no 2 et l’agent de police spécial no 1 entrent dans le couloir, puis se rendent dans la zone des cellules réservées aux femmes.

À 11 h 9 min 38 s, l’AT no 2 et l’agent de police spécial no 1 quittent la zone des cellules réservées aux femmes et récupèrent les clés des cellules, avant de revenir dans cette zone.

Vers 11 h 10 min 55 s, l’agent de police spécial no 1 revient dans le couloir et utilise sa radio de police pour demander à ce que des ambulanciers paramédicaux se rendent dans la zone des cellules.

Cellule

À 3 h 57 min 17 s environ, l’AT no 3 place la plaignante dans une cellule dotée d’un lit sur une base en béton, d’une toilette et d’une porte à barreaux.

À 3 h 59 min 0 s environ, l’AT no 3 donne à la plaignante une couverture et un verre rempli de liquide. La plaignante n’est pas stable sur ses pieds et semble ressentir un certain malaise. Elle s’assoit sur le banc et bascule continuellement vers l’avant, renversant une partie du contenu de son verre avant de se redresser brusquement, comme si elle était en voie de s’endormir tout en étant assise, le dos droit.

Vers 4 h 2 42 s, la plaignante se rassoit sur le banc, le dos tourné au mur et les pieds ramenés sous elle. Elle se penche de nouveau vers l’avant, renversant une partie du contenu de son verre sur le banc, avant d’échapper celui-ci. Encore une fois, elle se redresse soudainement et ramasse le verre, désormais vide. La plaignante est en train de s’endormir ou, sinon, elle a les facultés affaiblies par quelque chose.

Vers 4 h 43 min 37 s, la plaignante est immobile; elle est assise, penchée à 90 degrés au niveau de la taille. Puis, elle commence à faire des mouvements involontaires et se redresse partiellement, avant de revenir à la même position de sommeil.

À 5 h 45 min 30 s approximativement, la plaignante se redresse, la tête penchée en avant, et semble encore endormie; constamment, elle s’incline vers l’avant et se redresse, puis le tout recommence.

À 6 h 35 min 50 s approximativement, l’AT no 2 s’approche de la porte de la cellule et donne un coup de pied au bas de la porte; la plaignante se réveille et lève la tête. Le son est très faible. L’AT no 2 demande à la plaignante si elle a besoin de quelque chose et si elle va bien. La plaignante n’a aucun dialogue significatif avec le sergent. Elle s’avachit de nouveau dans le coin et s’endort, alors que le sergent s’en va.

Vers 7 h 18 min 42 s approximativement, l’AT no 2 se trouve en face de la cellule de la plaignante, vers la gauche. La plaignante semble se réveiller et se redresse; on lui demande si elle veut manger. La plaignante indique qu’elle n’a pas faim; la personne lui demande si elle commence à reprendre ses esprits, avant de partir.

À 7 h 49 min 34 s approximativement, l’AT no 1 arrive à la cellule et s’entretient avec la plaignante. Il lui demande si elle souhaite manger quelque chose; la plaignante refuse. L’AT no 1 semble regarder attentivement dans la cellule pour voir comment se porte la plaignante, avant de partir.

Vers 8 h 41 min 49 s, l’agente de police spéciale no 2 entre dans la zone des cellules et appelle la plaignante par son nom à plusieurs reprises; elle n’obtient pas de réponse. Elle se rend alors à la cellule et continue de parler à la plaignante jusqu’à ce que celle-ci se redresse et discute avec elle.

Vers 11 h 8 min 28 s, l’AT no 2 se rend dans la zone des cellules réservées aux femmes et tente de réveiller la plaignante, sans succès.

À 11 h 10 min 17 s, l’AT no 2 entre dans la cellule et secoue la plaignante, qui ne se réveille pas. L’agent de police spécial no 1 entre à son tour dans la cellule pour apporter son aide. L’agent de police spécial no 1 administre à la plaignante une dose nasale de ce que l’on sait être du Narcan, puis lui donne une deuxième dose.

Vers 11 h 18 min 45 s, des ambulanciers paramédicaux se rendent dans la zone des cellules et fournissent des soins à la plaignante.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a reçu les éléments suivants de la part du SPS entre le 23 août 2024 et le 5 septembre 2024 :

  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • rapport d’incident général, rapport supplémentaire et rapport d’arrestation;
  • enregistrements vidéo de l’aire de mise en détention et des cellules;
  • images captées par la caméra d’intervention
  • images captées par la caméra à bord du véhicule de police
  • photographies des lieux et rapports connexes;
  • politique – garde des détenus;
  • notes – AT no 3;
  • notes – AT no 2;
  • notes – AT no 1;
  • feuille du registre des détenus.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers médicaux de la plaignante de l’Hôpital général de Stratford le 26 août 2024.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment l’entrevue menée auprès de la plaignante ainsi que les enregistrements vidéo qui montrent la majeure partie du temps qu’elle a passé sous garde, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.

L’AT no 3 a arrêté la plaignante le 21 août 2024, vers 2 h 45, pour avoir enfreint une condition d’une ordonnance de remise en liberté. Elle avait sur elle une certaine quantité de fentanyl, que l’agent a confisquée. L’AT no 3 a emmené la plaignante au commissariat de police et l’a fait entrer dans une salle de fouille; il est resté sur place pendant que la plaignante vidait ses poches et enlevait son chandail, révélant alors le t-shirt qu’elle portait en dessous. La plaignante a mis la main sous son t-shirt et en a retiré un briquet, de la monnaie et un permis de conduire. Puis, à 3 h 10 environ, tandis qu’elle était seule dans la salle de fouille, la plaignante semble avoir pris quelque chose sous son t-shirt, avant de porter son pouce droit à sa bouche. Vers 3 h 57, on a emmené la plaignante depuis la salle de fouille jusque dans une cellule. L’AI était l’agent chargé du commissariat et avait la responsabilité générale de voir au bien-être des personnes détenues tout au long des événements en question.

Vers 11 h, un agent de police spécial chargé de surveiller la plaignante l’a trouvée en état de détresse médicale. Il a alors avisé l’AT no 2, puis est retourné avec lui à la cellule. Les agents ont tenté de réveiller la plaignante, mais n’y sont pas parvenus. On a demandé à ce que des ambulanciers paramédicaux se rendent dans la zone des cellules; plusieurs doses de Narcan ont été administrées.

On a emmené la plaignante à l’hôpital, où on l’a traitée pour une surdose de drogue. On a trouvé dans le soutien-gorge de la plaignante un récipient contenant ce qu’on croyait être du fentanyl. Les analyses toxicologiques ont révélé la présence de cocaïne, de méthamphétamine, d’amphétamine, de benzodiazépines et de fentanyl dans l’organisme de la plaignante.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :

(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,

(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :

b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 221, Code criminel – Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 21 août 2024, le SPS a communiqué avec l’UES pour faire savoir qu’une femme qu’il avait arrêtée et placée en détention la plaignante avait été admise à l’hôpital. L’UES a lancé une enquête, désignant l’AI en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’hospitalisation de la plaignante.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont l’AI est intervenu auprès de la plaignante qui a mis la vie de cette dernière en danger ou qui a contribué à son état de détresse médicale et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les éléments de preuve recueillis permettent d’établir que la plaignante a été légalement sous la garde de la police pendant toute la série d’événements ayant abouti à sa crise médicale. Au moyen d’un dispositif GPS, on avait repéré la plaignante, qui semblait avoir enfreint une condition d’une ordonnance de remise en liberté, jusqu’à un lieu où elle n’avait pas le droit d’être présente.

En ce qui concerne la manière dont on a traité la plaignante pendant qu’elle était en détention, je ne peux pas conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que les personnes chargées de s’occuper d’elle, y compris l’AI, ont enfreint les limites de diligence prescrites par le droit criminel. Il y a quelques aspects des mesures prises à l’égard de la plaignante ou de l’omission de prendre certaines mesures – qui méritent certainement de faire l’objet d’un examen approfondi. Les fouilles effectuées à l’endroit de la plaignante n’ont pas permis de révéler la présence de ce qui semblait être une quantité de fentanyl dissimulée dans son soutien-gorge. Il est possible que si une agente – donc, une personne du même sexe que la plaignante – avait effectué une fouille plus approfondie, ou même une fouille à nu, ce qui aurait probablement été justifié, elle aurait découvert les drogues; ainsi, on aurait pu éviter leur ingestion apparente par la plaignante pendant qu’elle était détenue dans la salle de fouille. De même, il semblerait que la plaignante n’a pas été soumise à des vérifications régulières en personne toutes les 15 minutes pendant sa période de détention, et qu’elle n’a pas non plus été envoyée à l’hôpital aussi rapidement qu’elle aurait dû l’être conformément à la politique applicable du SPS. Par exemple, aux termes de la politique SPS, il faut voir sans tarder à ce que soit fourni un traitement médical dans le cas des personnes qui sont connues pour ingérer des substances illicites et qui ont été arrêtées en raison de la consommation de telles substances. La plaignante faisant partie de cette catégorie de personnes et, pourtant, la police l’a gardée en détention pendant des heures avant qu’on demande à des ambulanciers paramédicaux de se rendre sur les lieux. En revanche, on a réalisé plusieurs fouilles à l’endroit de la plaignante et on a saisi une quantité de fentanyl. De même, on l’a surveillée, même si on ne l’a fait en personne qu’à l’occasion, alors que c’est ce que la politique exige, et qu’on l’a fait par vidéo dans les autres cas. Il aurait fallu exercer une surveillance continue à l’égard de la plaignante pour trouver le fentanyl qu’elle comptait consommer et l’empêcher de le faire, mais rien dans les circonstances, comme les agents les comprenaient, ne justifiait une surveillance d’une telle ampleur. Enfin, il semble que les personnes chargées de s’occuper de la plaignante ont agi rapidement dès qu’elles ont constaté qu’elle était en détresse médicale en lui administrant du Narcan et en prenant des dispositions pour qu’elle reçoive rapidement des soins médicaux.

Pour les raisons susmentionnées, j’estime que s’il y a eu des lacunes dans la manière dont on s’est occupé de la plaignante, elles n’ont pas constitué un écart marqué par rapport à la norme de diligence jugée raisonnable dans les circonstances. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 18 décembre 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.