Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-337
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 52 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 12 août 2024, le Service de police de Chatham-Kent (SPCK) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.
D’après les renseignements fournis par le SPCK, le 10 août 2024, à 3 h 40, des agents du SPCK ont été dépêchés à une résidence située dans le secteur de l’avenue Wedgewood et de l’avenue Tweedsmuir Ouest, à Chatham, pour une querelle de ménage. Le plaignant a résisté à son arrestation. Afin de le maîtriser, les agents lui ont donné des coups de genou. Après son arrestation, le plaignant a été transporté à l’Alliance Chatham-Kent pour la santé, où on lui a diagnostiqué une côte cassée.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 13 août 2024 à 9 h 9
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 15 août 2024 à 13 h 10
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des
sciences judiciaires de l’UES assignés : 0
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 52 ans, a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Le plaignant a participé à une entrevue le 15 août 2024.
Témoin civil (TC)
TC A participé à une entrevue
La témoin civile a participé à une entrevue le 24 août 2024.
Agents impliqués (AI)
AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; notes reçues et examinées
L’agent impliqué a participé à une entrevue le 26 septembre 2024.
Agents témoins (AT)
AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées
Les agents témoins ont participé à des entrevues le 26 août 2024.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question sont survenus dans une chambre à coucher d’une maison située dans le secteur de l’avenue Wedgewood et de l’avenue Tweedsmuir Ouest, à Chatham, et à l’avant de cette maison.
Éléments de preuve matériels
Les enquêteurs se sont rendus sur les lieux le 16 août 2024 et la TC leur a montré l’endroit où l’interaction a eu lieu, dans la chambre à coucher.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Enregistrements provenant du système de caméra intégré au véhicule (SCIV) de l’AT no 1 et de l’AT no 2
Dans l’enregistrement, on voit ce qui se passe dans le compartiment sécurisé arrière du véhicule et près de la portière ouverte.
Deux agents, l’AI no 2 et l’AT no 2, escortent le plaignant jusqu’au véhicule de police. Il se met à résister activement aux efforts des agents lorsque ces derniers lui demandent de monter dans le véhicule. Le plaignant continue à résister aux efforts des agents pour le faire monter dans le véhicule et c’est à ce moment que le genou droit de l’un des agents [on sait maintenant qu’il s’agissait de l’AI no 2] remonte vers l’abdomen du plaignant, depuis son côté droit. Le plaignant halète de douleur et se penche légèrement vers l’avant, puis les agents le poussent dans le véhicule.
Éléments obtenus auprès du service de police
Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants auprès du SPCK entre le 23 août 2024 et le 19 septembre 2024 :
- Politique — usage de la force
- Politique — arrestation, libération, tribunal
- Historique de l’incident
- Notes de l’AT 3
- Notes de l’AT 2
- Notes de l’AT 1
- Notes de l’AI 2
- Sommaire de la déposition de l’AI 2
- Enregistrements captés par le SCIV
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant auprès de l’Alliance Chatham-Kent pour la santé, le 15 août 2024.
Description de l’incident
La preuve recueillie par l’UES, laquelle comprend des entrevues avec le plaignant, l’AI no 1 et d’autres témoins de la police, brosse le portrait suivant de ce qui s’est passé. Comme la loi l’y autorise, l’AI no 2 n’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES. Il a cependant accepté que ses notes lui soient transmises.
Au petit matin du 10 août 2024, des agents du SPCK ont été dépêchés dans une résidence située dans le secteur de l’avenue Wedgewood et de l’avenue Tweedsmuir Ouest, à Chatham. Une femme — la TC — avait appelé la police pour signaler qu’un homme — le plaignant — l’avait menacée, chez elle.
Lorsqu’ils sont arrivés à la résidence, vers 3 h 50, les agents, y compris l’AI no 1 et l’AI no 2, y ont rencontré la TC. Elle a expliqué que le plaignant l’avait étouffée et a autorisé les agents à pénétrer dans la résidence pour le retrouver. L’AI no 2 et l’AT no 3 ont trouvé le plaignant caché dans le garde-robe d’une chambre à coucher. Les agents, auxquels s’est joint l’AI no 1, ont agrippé le plaignant et ont tenté de le placer en état d’arrestation. Le plaignant a résisté et a pulvérisé sur les agents de la bière provenant d’une canette qu’il tenait dans ses mains. L’AI no 2 a amené le plaignant au sol. Les agents sont parvenus à le menotter après que l’AI no 1 lui ait donné deux ou trois coups de genou dans le côté inférieur droit de l’abdomen.
Le plaignant a été sorti de la maison et escorté jusqu’à un véhicule de police. Lorsque les agents ont tenté de le faire monter sur la banquette arrière, le plaignant a résisté. L’AI no 2 lui a porté un coup de genou dans l’abdomen, puis les agents ont réussi à le faire rentrer dans le véhicule de police.
À l’hôpital, après son arrestation, on lui a diagnostiqué une fracture de la huitième côte latérale droite.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le 10 août 2024, le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par les agents du SPCK. L’UES a été avisée de l’incident et a lancé une enquête au cours de laquelle l’AI no 1 et l’AI no 2 ont été désignés comme étant les agents impliqués. L’enquête est maintenant terminée. Après examen des éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de conclure que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle en ce qui a trait à l’arrestation et à la blessure subie par le plaignant.
En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
L’AI no 1, l’AI no 2 et les autres agents du SPCK avaient les motifs requis pour placer le plaignant en état d’arrestation. Après avoir parlé avec la TC, ils avaient des raisons de croire que le plaignant l’avait agressée et qu’il contrevenait à l’une des conditions de sa mise en liberté, à savoir un couvre-feu. Après son arrestation légitime, les agents étaient également en droit de contrôler ses mouvements afin de s’assurer qu’il soit traduit en justice comme il se doit.
Je suis convaincu que la force utilisée par les agents pour arrêter le plaignant était justifiée au sens de la loi. La preuve établit que le plaignant a physiquement résisté à son arrestation lorsque les agents l’ont trouvé dans le garde-robe. Il les a notamment aspergés avec une canette de bière et a refusé de les laisser prendre ses bras pour le menotter. Dans des circonstances, la mise au sol effectuée par l’AI no 2 était logique, car il pouvait ainsi espérer dissuader le comportement agressif du plaignant sans recourir à des armes, tout en permettant aux agents de mieux parer à toute résistance continue de sa part. Après une autre période de lutte au sol, au cours de laquelle l’AI no 1 n’a pas réussi à obtenir le contrôle du bras droit du plaignant, les agents ont recouru à des coups de genou, ce qui me semble une escalade raisonnable de la force. En effet, cette tactique s’est avérée efficace, car les agents ont ensuite pu menotter le plaignant derrière le dos. Pour ces mêmes raisons, je ne peux pas raisonnablement conclure que le coup de genou porté par l’AI no 2 à côté du véhicule de police était excessif.
Pour les motifs qui précèdent, j’en conclus qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire et le dossier est clos.
Date : 9 décembre 2024
Approuvé électroniquement par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf indication contraire, les renseignements fournis dans cette section reflètent les renseignements fournis à l’UES au moment de la notification. Ils ne reflètent pas nécessairement les faits constatés par l’UES dans le cadre de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les documents suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués, comme le prévoit le paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les principaux éléments des documents sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.