Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 24-OCI-108

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 57 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 5 mars 2024, à 22 h 45, le Service de police régional de Durham (SPRD) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure.

Selon le SPRD, le 5 mars 2024, à 17 h 22, le plaignant, qui faisait l’objet de 11 mandats, a été arrêté pour vol à l’étalage au magasin Real Canadian Superstore par l’AI et l’AT no 2. À 17 h 32, les agents ont commencé à transporter le plaignant au poste de police de la division Centre?Est. Il était tout à fait cohérent et semblait bien aller à ce moment-là. Ils sont arrivés au poste à 17 h 40. Le plaignant est resté sur le siège arrière du véhicule de police dans l’entrée des véhicules pendant que les agents sont entrés au poste et ont discuté avec l’AT no 1. Lorsque l’AI et l’AT no 2 sont retournés au véhicule, ils ont vu le plaignant inconscient, de l’écume au bord des lèvres. Les agents ont administré deux doses de Narcan au plaignant, et celui-ci a repris connaissance. Une ambulance a été envoyée à 17 h 56, et le plaignant a été transporté à l’Hôpital d’Oshawa (Lakeridge Health). Le plaignant riait et plaisantait dans l’ambulance. Il a été examiné à l’hôpital pendant environ une heure, puis s’est endormi pendant environ une demi-heure. On a alors constaté qu’il respirait difficilement. Le personnel de l’hôpital lui a administré une dose de Narcan par voie orale. L’état du plaignant s’est détérioré, et il a été intubé et transféré à l’unité des soins intensifs.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 6 mars 2024, à 6 h 30

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux 6 mars 2024, à 9 h 59

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 57 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 14 mars 2024.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 18 mars 2024.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 10 mars 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question ont commencé à l’extérieur du magasin Real Canadian Superstore situé au 481, rue Gibb à Oshawa, se sont poursuivis à bord d’un véhicule du SPRD et se sont terminés dans l’entrée des véhicules du poste de la division Centre-Est du SPRD, situé au 77, rue Centre Nord, à Oshawa.

Éléments de preuve matériels

Le 6 mars 2024, à 10 h 45, l’UES s’est rendue au poste de la division du Centre-Est du SPRD, situé au 77, rue Centre Nord, à Oshawa.

L’entrée des véhicules comprend une deuxième porte permettant d’accéder à l’aire de mise en détention depuis le côté ouest de l’entrée des véhicules, dans le coin nord-ouest. Une caméra de sécurité est installée sur le mur nord, au coin nord-ouest de l’entrée des véhicules. La porte d’accès à l’aire de mise en détention était verrouillée. L’intérieur de l’aire de détention était muni de caméras de sécurité supplémentaires couvrant les différentes zones ainsi que l’accès aux cellules. Un véhicule aux couleurs de la police, un Ford Explorer, se trouvait dans l’entrée des véhicules.

Figure 1 – Un véhicule aux couleurs de la police dans l’entrée des véhicules.

Figure 1 – Un véhicule aux couleurs de la police dans l’entrée des véhicules.

Une trousse de Narcan et deux vaporisateurs nasaux de Narcan usagés ont été récupérés dans un casier situé dans l’aire de mise en détention.

Deux petits morceaux de papier mouchoir ont été trouvés dans la zone de transport des détenus du véhicule de police : l’un sur le plancher de la section arrière gauche et l’autre sur la banquette arrière gauche. Aucun ne présente de taches ou d’autres salissures. On a également trouvé un morceau de plastique violet et blanc. Le morceau de plastique est déchiré aux deux extrémités et semble être noué sur la longueur.

Figure 2 – Intérieur d’un véhicule de police avec un morceau de plastique violet et blanc déchiré sur le siège

Figure 2 – Intérieur d’un véhicule de police avec un morceau de plastique violet et blanc déchiré sur le siège

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Enregistrements des communications de la police

Le 5 mars 2024, vers 17 h 4, un employé du magasin Real Canadian Superstore signale que le plaignant a consommé de la nourriture qui se trouvait sur les étagères et transporte un sac contenant des outils de cambriolage.

Vers 17 h 16, l’AI et l’AT no 2 arrivent sur les lieux. On établit que le plaignant est l’auteur d’un vol en cours et qu’il est visé par des mandats non exécutés du SPRD.

Vers 17 h 22, l’AI signale que le plaignant est sous sa garde.

Vers 17 h 32, l’AI emmène le plaignant au poste de la division du Centre-Est.

Vers 17 h 54, l’AT no 2 demande une ambulance pour le plaignant, qui a de l’écume au bord des lèvres.

Vers 18 h, le SPRD administre une dose de Narcan.

Vers 18 h 4, on administre une deuxième dose de Narcan. Les services médicaux d’urgence de Durham arrivent au poste.

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – l’AI

Le 5 mars 2024, vers 17 h 20, on voit l’AI attendre dans le hall d’entrée du magasin Real Canadian Superstore que le plaignant en sorte, suivi d’un employé. Le plaignant est arrêté en vertu de mandats non exécutés et escorté jusqu’au véhicule de police de l’AI.

Vers 17 h 21, le plaignant s’appuie contre le côté conducteur avant du véhicule de police de l’AI et pose son téléphone cellulaire sur le capot. Il porte un manteau d’hiver gris avec plusieurs poches extérieures et un pantalon noir avec des poches à la taille et des poches à fermeture éclair sur les cuisses. Il marmonne et a du mal à articuler. L’AI demande au plaignant de placer ses mains derrière son dos et commence à le menotter, mais il a de la difficulté à le faire en raison du manteau d’hiver épais que porte le plaignant, qui nuit à la mobilité des bras de celui-ci. Le plaignant proteste et demande « Pouvons-nous éviter cela? Est-ce que je peux simplement vous montrer quelque chose? » L’AI répond « D’accord, vous voulez que je vous menotte avec les mains devant? Je peux le faire, parce que je comprends ce que vous vivez ». Le plaignant est menotté les mains devant lui et reste penché sur le capot. L’AI fouille les poches extérieures droites du manteau du plaignant. Il place un briquet orange et une pince coupe-fils sur le capot. Il fouille une poche de pantalon fermée par fermeture éclair située sur la jambe droite du plaignant et procède à une fouille par palpation des deux jambes. L’AI tourne le plaignant de manière à ce que son côté droit soit contre le véhicule de police et retire des morceaux de papier d’aluminium et des lunettes de lecture de la poche extérieure gauche de son manteau. Il fouille par palpation la jambe gauche du pantalon et serre la poche à fermeture éclair gauche, mais ne l’ouvre pas.

Vers 17 h 23, l’AI tourne le plaignant vers lui, puis fouille dans la poche intérieure gauche de son manteau et en sort un briquet vert. Il dit au plaignant « Vous savez que je vais mieux vous fouiller au poste. Avez-vous autre chose sur vous? ». Le plaignant répond que non.

Vers 17 h 24, le plaignant retrousse la jambe de son pantalon pour montrer à l’AI des blessures liées à sa maladie, et celui-ci répond « ça ne va pas, mon ami ». Le plaignant s’assoit sur le siège arrière du côté du conducteur, les mains toujours menottées devant lui. L’AI inspecte le papier d’aluminium et le papier froissés laissés sur le capot de son véhicule de police. L’employé du magasin apporte le sac à emplettes blanc du plaignant. L’AI sort du sac un coupe-boulon, un marteau à pointe, une couverture, des gants et un câble USB, puis remet les objets dans le sac. Il monte à bord de son véhicule, confirme la date de naissance du plaignant et vérifie les mandats non exécutés concernant celui-ci.

Vers 17 h 28, l’AI fait part au plaignant de son droit à un avocat, et le plaignant répond qu’il comprend. Il répond à toutes les autres questions.

Vers 17 h 32, l’AI emmène le plaignant au poste de la division du Centre-Est. Il discute normalement avec le plaignant pendant le transport. Le plaignant se montre réactif tout au long du trajet.

Vers 17 h 36, l’AI demande à deux reprises au plaignant « Que faites-vous? ». Le plaignant répond seulement qu’il a trouvé une bague et qu’il l’avait mise dans sa poche, mais qu’il a dû la perdre.

Vers 17 h 40, l’AI arrive dans l’entrée des véhicules no 1 et reste dans son véhicule de police.

Vers 17 h 43, l’AI demande au plaignant si tout va bien avant de sortir de son véhicule de police, mais on n’entend aucune réponse. Il récupère le sac du plaignant. L’enregistrement de la caméra d’intervention prend fin.

Le 5 mars 2024, vers 17 h 56, l’enregistrement de la caméra d’intervention reprend. L’AI aide le plaignant à s’asseoir dans un fauteuil roulant placé à côté de son véhicule de police. Le plaignant est menotté, les mains devant lui, ses yeux sont ouverts et vitreux, et il semble conscient, mais ne réagit pas. L’AI, l’AT no 2, l’AT no 1 et deux agents spéciaux sont présents. La poche gauche de la cuisse du plaignant, munie d’une fermeture éclair, est ouverte, et une serviette en papier blanche est visible à l’intérieur. Le plaignant est toujours affalé dans le fauteuil roulant lorsqu’un agent spécial lui administre du Narcan dans la narine gauche. On retire les menottes du plaignant, et on voit une teinture ou un liquide bleu sur sa langue, ses lèvres et le long du côté gauche de sa bouche.

Vers 17 h 57, l’AT no 1 dit au plaignant qu’une ambulance est en route et lui demande s’il a pris de la drogue, mais le plaignant ne réagit pas. L’AI secoue périodiquement le bras gauche du plaignant, ce qui garde ses yeux ouverts. Un agent spécial ayant remarqué une serviette en papier sur le siège arrière du véhicule du SPRD fouille le côté gauche du manteau du plaignant. On trouve une serviette en papier dans la poche gauche de son pantalon et une pipe à crack dans la poche droite de son pantalon. L’AT no 2 fouille la poche extérieure droite du manteau et ne trouve rien.

Vers 17 h 58, les agents couchent le plaignant sur le sol de l’entrée des véhicules, puis le placent en position de récupération, sur son côté gauche. Les membres du plaignant sont très rigides; il respire et a un pouls.

Vers 17 h 59, un agent spécial administre du Narcan dans la narine droite du plaignant. Il ne réagit toujours pas, mais sa respiration s’améliore.

Vers 18 h 4, on administre une deuxième dose de Narcan, et les services médicaux d’urgence de Durham arrivent.

Vers 18 h 5, le plaignant réagit davantage, mais ne parle toujours pas.

Vers 18 h 6, on place le plaignant sur la civière des services médicaux d’urgence. Les ambulanciers demandent si le plaignant a des problèmes de santé ou des plaintes connexes, et l’AI confirme que le plaignant n’a pas parlé de problèmes de santé, à l’exception de sa maladie antérieure.

Vers 18 h 9, un ambulancier indique que la couleur bleue autour de la bouche du plaignant peut être du fentanyl.

Vers 18 h 12, l’AI monte dans l’ambulance avec le plaignant, qui ne parle toujours pas pendant le transport.

Vers 18 h 16, l’ambulance arrive à l’Hôpital d’Oshawa (Lakeridge Health).

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AT no 2

Le 5 mars 2024, vers 17 h 57, l’AT no 2 fouille une poche extérieure du côté droit du plaignant, qui est vide. Il ne peut pas fouiller d’autres poches en raison de la position du plaignant, qui est affaissé dans le fauteuil roulant.

Vers 17 h 58, l’AT no 2 vérifie le siège arrière du véhicule de police et y trouve une serviette en papier blanche. Il déplace son véhicule à l’extérieur de l’entrée des véhicules no 1.

Vers 17 h 59, l’AT no 2 informe le répartiteur que du Narcan a été administré.

Vers 18 h 4, on administre une deuxième dose de Narcan. Les services médicaux d’urgence arrivent sur les lieux.

Enregistrement vidéo – magasin Real Canadian Superstore

Le 5 mars 2024, vers 16 h 41, le plaignant arrive à pied, transportant un sac blanc d’où dépasse un objet qui est peut-être le manche d’un outil. Le plaignant prend un panier et entre dans le magasin.

Entre 16 h 42 et 17 h 20, le plaignant se promène dans le magasin en mettant des articles dans son panier, puis commence à manger ce qui semble être du pain et des raisins. Il prend et boit une bouteille de boisson aux raisins. Parfois, il s’arrête, s’appuie sur le panier et se repose.

Vers 17 h 20, le plaignant abandonne son panier près de la sortie et sort dans le hall d’entrée, suivi par un employé.

L’AI arrive et attend dans le hall d’entrée. Alors que le plaignant sort du magasin et arrive dans le hall d’entrée, l’AI s’approche du plaignant, saisit son bras droit et l’emmène par les portes coulissantes les plus éloignées jusqu’à son véhicule de police.

Vidéo de la détention – Entrée des véhicules du poste de la division Centre-Est du SPRD

Le 5 mars 2024, vers 17 h 40, l’AI stationne son véhicule du SPRD dans l’entrée des véhicules no 1. L’AI récupère le sac à emplettes du plaignant à l’arrière de son véhicule et entre dans le poste de police. Le plaignant reste dans le véhicule.

Vers 17 h 52, l’AI retourne à son véhicule du SPRD. Il regarde brièvement à travers la vitre de la portière arrière du côté du conducteur, puis s’assoit sur le siège du conducteur. Il sort du véhicule et regarde par la vitre de la portière arrière tandis que l’AT no 2 arrive dans l’entrée des véhicules par la porte intérieure.

Vers 17 h 53, l’AI ouvre la portière arrière côté conducteur de son véhicule du SPRD et se penche jusqu’à ce qu’on ne le voit plus. L’AT no 2 est près de la porte ouverte.

Vers 17 h 54, l’AT no 2 ouvre la portière arrière, côté passager. Il se penche brièvement avant de fermer la porte et de retourner à l’intérieur de l’aire de mise en détention. La vue de l’AI reste bloquée par le véhicule du SPRD. L’AT no 2 revient moins d’une minute plus tard. Les deux agents du SPRD se penchent par la portière arrière côté conducteur, puis l’AT no 2 retourne à la portière arrière côté passager.

Vers 17 h 55, l’AT no 1 arrive dans l’entrée des véhicules, regarde le siège arrière et retourne à l’intérieur. Deux agents spéciaux arrivent dans l’entrée des véhicules avec l’AT no 1, qui apporte un fauteuil roulant. On ne voit plus le plaignant tandis que les agents du SPRD se regroupent près du côté conducteur du véhicule.

Vers 17 h 58, un troisième agent spécial arrive dans l’entrée des véhicules et apporte une trousse de Narcan.

Vers 18 h 5, les services médicaux d’urgence arrivent.

Entre 18 h 7 et 18 h 11, le plaignant est placé sur une civière et les ambulanciers l’emmènent dans l’ambulance.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part du SPRD entre le 6 mars 2024 et le 8 mars 2024 :

  • enregistrements des communications;
  • vidéo de mise en détention;
  • enregistrements des caméras d’intervention;
  • mandats d’arrestation non exécutés;
  • rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • dossier des antécédents criminels du plaignant;
  • directives du SPRD : arrestation et mandat d’arrestation/fouille de personnes/transport des détenus/soins et contrôle des détenus;
  • liste des agents concernés;
  • notes des AT nos 1, 2 et 3;
  • rapports du SPRD.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 7 mars 2024 et le 20 mars 2024 :

  • rapport d’appel d’ambulance des services médicaux d’urgence de Durham;
  • séquence vidéo du magasin Real Canadian Superstore;
  • les dossiers médicaux du plaignant envoyés par l’Hôpital d’Oshawa (Lakeridge Health).

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec le plaignant et l’AI ainsi que les enregistrements vidéo qui ont capté en partie l’incident, permettent d’établir le scénario suivant.

Le plaignant a été arrêté par l’AI au magasin Real Canadian Superstore situé au 481, rue Gibb à Oshawa, dans l’après-midi du 5 mars 2024. Un employé avait communiqué avec la police pour signaler que le plaignant mangeait des produits sans les avoir payés pendant qu’il faisait ses courses dans le magasin. Il faisait également l’objet de plusieurs mandats d’arrestation à ce moment-là.

L’AI a escorté le plaignant jusqu’à son véhicule, l’a menotté et a fouillé ses vêtements, lui retirant plusieurs objets, avant de le placer sur le siège arrière du véhicule. Comme le plaignant portait un manteau et était inconfortable, l’agent a choisi de le menotter les mains devant lui. En route vers le poste, le plaignant s’est avancé et a posé sa tête contre la cloison en plexiglas, ce qui a incité l’AI à lui demander ce qu’il faisait. Le plaignant a répondu qu’il ramassait une bague sur le plancher.

L’AI et le plaignant sont arrivés au poste vers 17 h 40. L’agent a stationné son véhicule dans l’entrée des véhicules pendant qu’il s’est rendu dans l’aire de mise en détention pour parler avec le sergent, laissant le plaignant sur le siège arrière. Lorsqu’il est retourné à son véhicule, environ dix minutes plus tard, l’AI a remarqué que le plaignant avait la tête appuyée contre la vitre du côté conducteur et semblait dormir. Avec l’aide d’un autre agent, l’AT no 2, l’AI a ouvert la portière et éloigné la tête du plaignant de la vitre. Un liquide bleu s’écoulait de la bouche du plaignant, et celui-ci ne réagissait pas. L’AT no 2 a quitté l’entrée des véhicules pour appeler une ambulance.

L’AT no 1 et deux agents spéciaux se sont rendus dans l’entrée des véhicules avec l’AT no 2. Les agents ont retiré le plaignant du siège arrière du véhicule de police et l’ont placé en position de récupération sur le sol. Les agents spéciaux lui ont administré deux doses de Narcan par voie nasale, à cinq minutes d’intervalle. Vers 18 h 5, des ambulanciers se sont rendus sur place et ont pris en charge les soins du plaignant.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait fait une surdose de multiples substances.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

(c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :

(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,

(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :

(b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1) (c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 221, Code criminel – Négligence criminelle causant des lésions corporelles

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

(a) soit en faisant quelque chose;

(b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

221 Quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le 5 mars 2024, le plaignant a commencé à présenter des signes de détresse médicale alors qu’il était sous la garde du SPRD. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête. L’AI a été désigné en tant qu’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement aux problèmes de santé du plaignant.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant des lésions corporelles, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 221 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont l’AI est intervenu auprès du plaignant qui a mis la vie de ce dernier en danger ou qui a causé sa surdose et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les éléments de preuve ne soulèvent aucune question quant à la légitimité de l’arrestation du plaignant et de la période qu’il a passée sous garde. Il faisait l’objet de mandats d’arrestation et il avait été pris en train de voler dans une épicerie.

En ce qui concerne les soins apportés au plaignant, je suis convaincu que l’AI s’est comporté avec diligence et égard pour la santé et le bien-être du plaignant pendant toute la durée de sa détention. L’agent a effectué une fouille sur place, en retirant des objets des vêtements du plaignant tout en l’informant qu’une fouille plus approfondie sera effectuée au poste de police. Lorsque l’AI lui a demandé s’il avait autre chose sur lui, le plaignant a répondu par la négative. Il semble que le plaignant avait de la drogue sur lui, qu’il a pu récupérer et consommer pendant qu’il était sous la garde de l’AI. Cela a été rendu possible par le fait que le plaignant a été menotté les mains devant lui, plutôt que dans le dos. Les agents peuvent choisir, à leur discrétion, de quelle façon menotter les personnes arrêtées. Le plaignant portait un manteau, souffrait de blessures aux jambes et ressentait une certaine douleur lorsqu’il a été arrêté par l’agent. Son inconfort aurait été amplifié s’il avait été menotté avec les mains dans le dos. Dans ces circonstances, si l’AI a mal évalué les risques associés au fait de menotter le plaignant avec les mains devant lui, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que cette erreur a constitué un écart marqué par rapport à une norme de diligence raisonnable, et encore moins un écart marqué et important. Dès qu’ils ont vu que le plaignant était en détresse, l’AI et les autres agents ont agi rapidement et prudemment en lui portant secours.

Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 3 juillet 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.