Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-OCI-531

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 66 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 25 décembre 2023, à 14 h 50, le service de police de Kingston (SPK) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.

Selon le SPK, le 25 décembre 2023, à 1 h 28 du matin, le SPK a reçu un appel au 9-1-1 concernant une querelle conjugale dans une résidence du secteur ouest de Kingston. Les agents du SPK sont arrivés sur les lieux à 1 h 34 du matin. La témoin civile (TC) s’est enfuie et le plaignant a résisté à son arrestation. À l’issue d’une lutte, le plaignant a été mis sous garde et placé dans une cellule du SPK où il s’est plaint de douleurs à l’œil. Le commandant de quart a remarqué que le plaignant avait une enflure et l’a fait conduire à l’Hôpital général de Kingston (HGK), où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbitaire.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 27 décembre 2023 à 10 h 52

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 27 décembre 2023 à 12 h 30

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (le « plaignant ») :

Homme de 66 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 5 janvier 2024.

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

La témoin civile a participé à une entrevue le 16 janvier 2024.

Agent impliqué (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorisait en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 30 janvier 2024.

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre les 5 et 12 janvier 2024.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le hall d’entrée d’un appartement de Kingston.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéo de la cellule de détention du poste de police

Sur la vidéo, il est évident que le plaignant a une blessure à l’œil droit au moment où il arrive dans l’aire des cellules du SPK. Le plaignant entre dans l’aire d’enregistrement. Le sergent chargé de l’enregistrement lui demande s’il a des blessures. Le plaignant se plaint d’une blessure à l’œil droit en affirmant qu’il a reçu un coup de poing à l’œil et qu’il ne s’est pas battu. Il ne demande pas d’assistance médicale.

Le plaignant est placé dans une cellule et, à 4 h 11, le 25 décembre 2023, il demande des soins médicaux pour un mal de tête, une douleur à l’œil droit et ce qu’il croit être une commotion cérébrale.

À 4 h 40, on fait sortir le plaignant de l’aire des cellules du SPK pour le conduire à l’Hôpital général de Kingston.

Enregistrements des communications de la police

Le répartiteur demande à des unités du SPK de se rendre à une résidence, où il semble qu’une agression est en train de se dérouler. Un homme a été entendu en arrière-plan disant qu’il allait briser le téléphone.

À 12 min 38 s du début de l’enregistrement, un agent signale que le gérant de l’immeuble les laisse entrer dans l’immeuble.

À 13 h 38, un agent dit qu’un homme se bat. On peut entendre une lutte en arrière-plan. Deux minutes plus tard, un agent annonce qu’un homme est sous garde.

Séquence vidéo de l’immeuble d’appartements

La vidéo de l’immeuble où le plaignant a été arrêté présentait peu d’intérêt pour l’enquête. La caméra a seulement filmé le plaignant en train d’être escorté hors du bâtiment.

Éléments obtenus auprès du service de police

Sur demande, le SPK a remis à l’UES les éléments et documents suivants entre le 29 décembre 2023 et le 8 janvier 2024 :

  • Rapports d’incident, d’arrestation et d’enregistrement
  • Fiche de placement en cellule ­– le plaignant ;
  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Vidéo de la cellule;
  • Notes de l’AT no 1;
  • Notes de l’AT no 2;
  • Notes de l’AT no 3;
  • Politiques relatives aux arrestations et au recours à la force.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers suivants auprès d’autres sources entre le 12 et le 16 janvier 2024.

  • Dossiers médicaux du plaignant de l’Hôpital général de Kingston;
  • Séquence vidéo de l’immeuble d’appartements.

Description de l’incident

La séquence d’événements suivante découle des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment de l’entrevue avec le plaignant et avec l’AI.

Le 25 décembre 2023, au petit matin, des agents du SPK ont été dépêchés à un immeuble d’appartements du secteur ouest de Kingston. La TC avait contacté la police pour signaler une querelle conjugale en cours. Au cours de l’appel, le préposé à l’appel du SPK avait entendu un homme – le plaignant – crier après la TC et la menacer de briser son téléphone.

Des agents, dont l’AI, sont arrivés à l’immeuble. Le plaignant (le gérant de l’immeuble) les a laissés entrer et les a escortés jusqu’à l’appartement. Il a ouvert la porte de l’appartement, mais a empêché les agents d’entrer. Les agents ont averti le plaignant qu’ils l’arrêteraient s’il les empêchait d’entrer. Le plaignant a continué de bloquer l’entrée. Quand l’AI l’a saisi pour l’arrêter, le plaignant a résisté.

Une lutte s’est ensuivie sur le seuil de l’appartement. L’AT no 2 et l’AT no 3 se sont joints à l’AI pour procéder à l’arrestation. Le plaignant a été mis à terre et menotté dans le dos.

Après son arrestation et son placement en cellule au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs et a demandé des soins médicaux. Il a été conduit à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de l’os orbital droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1) du Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier,

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public,

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public,

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire à cette fin.

Article 139 du Code criminel – Entrave à la justice

139 (1) Quiconque volontairement tente de quelque manière d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice dans une procédure judiciaire :

a) soit en indemnisant ou en convenant d’indemniser une caution de quelque façon que ce soit, en totalité ou en partie;

b) soit étant une caution, en acceptant ou convenant d’accepter des honoraires ou toute forme d’indemnité, que ce soit en totalité ou en partie, de la part d’une personne qui est ou doit être mise en liberté ou à l’égard d’une telle personne,

est coupable :

c) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans;

d) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

(2) Quiconque intentionnellement tente de quelque manière, autre qu’une manière visée au paragraphe (1), d’entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé lors de son arrestation par des agents du SPK le 25 décembre 2023. L’UES a été avisée de l’incident, a ouvert une enquête et a désigné l’agent impliqué (AI). L’enquête est maintenant terminée. Après avoir évalué le dossier de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle en lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit raisonnablement nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est légalement enjoint ou permis de faire.

L’AI et les autres agents sur place enquêtaient sur une querelle conjugale, et il était impératif qu’ils entrent dans l’appartement dès que possible pour vérifier que la TC allait bien. Lorsque le plaignant, après avoir ouvert la porte, a continué de les empêcher d’entrer, bien qu’il ait été sommé de s’écarter, les agents étaient en droit de l’arrêter pour entrave à la justice, une infraction visée par le paragraphe 139 (2) du Code criminel.

Selon une version des événements présentée dans la preuve, le plaignant a été immédiatement traîné dans l’appartement, cloué au sol et frappé au visage à plusieurs reprises par un agent, alors qu’il n’avait à aucun moment résisté physiquement à son arrestation. Si ce récit décrivait ce qui s’est réellement passé, il justifierait le dépôt d’un chef d’accusation de voies de fait. Toutefois, il serait imprudent et dangereux de fonder des accusations sur la foi de cet élément de preuve, car il est contredit par d’autres témoignages selon lesquels le plaignant a repoussé les agents quand ils l’ont initialement saisi.

Par la suite, selon les témoignages de la police, les combattants se seraient battus près de la porte avant de tomber. Une fois à terre, le plaignant a mis ses bras sous son torse et refusait de les relâcher. L’AI, qui était près de la tête du plaignant, lui a donné un coup de genou à la tête, après quoi le plaignant a dégagé ses bras et a été menotté dans le dos. L’agent a déclaré qu’il n’avait pas asséné le coup à pleine force. L’AT no 3, qui tenait les jambes du plaignant à ce moment-là, a vu l’AI lui donner un seul coup de genou au visage. Aucun des agents n’a observé d’autres coups.

Compte tenu du dossier susmentionné, je ne peux pas raisonnablement conclure que le récit d’un recours à une force excessive par l’AI est suffisamment fiable ou probable pour justifier d’être soumis à l’épreuve d’un tribunal. À l’inverse, la preuve contraire suggère que la force utilisée par l’AI – un seul coup de genou après une période de lutte – était raisonnablement nécessaire pour surmonter la résistance du plaignant et procéder à son arrestation. En fin de compte, même si j’admets que la blessure du plaignant a été causée

par le coup de genou de l’AI, je ne peux pas conclure qu’elle est attribuable à une conduite illégale de la part de l’agent. Le dossier est clos.

Date : 22 avril 2024

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) A moins d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les éléments de preuve suivants contiennent des renseignements personnels délicats qui ne sont pas divulgués conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties pertinentes des enregistrements sont résumées ci-après. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.