Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-TCI-489

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi;

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, elle perd une partie du corps ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave d’un homme de 21 ans (plaignant).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

À 0 h 35 le 25 novembre 2023, le Service de police de Toronto a communiqué avec l’UES pour lui transmettre les renseignements qui suivent.

À 14 h 2 le 24 novembre 2023, des agents du Service de police de Toronto se sont rendus à un logement à proximité de Linkwood Lane, à Toronto, après l’appel d’une femme qui demandait de l’aide pour un membre de sa famille, soit le plaignant. Elle a signalé que le plaignant, qui avait déjà un diagnostic de trouble bipolaire, lançait des objets dans le logement. Le plaignant aurait agressé la femme et elle s’était enfermée à clé dans sa chambre, après avoir déverrouillé la porte principale pour permettre à la police d’entrer. Lorsqu’ils sont arrivés, les agents ont tenté d’arrêter le plaignant, qui s’est mis à lutter en utilisant des techniques d’arts martiaux mixtes et en donnant des coups de pied aux agents. D’autres agents ont été demandés en renfort, et le plaignant a fini par être plaqué au sol et arrêté à 14 h 26. Une fois le plaignant remis debout, on a constaté qu’il saignait du nez. La police l’a alors conduit à l’Hôpital Michael Garron, où une fracture de l’os nasal a été diagnostiquée.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 25 novembre 2023, à 8 h 4

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 25 novembre 2023, à 13 h

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 21 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés.

Le plaignant a participé à une entrevue le 6 décembre 2023.

Témoin civil

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 27 novembre 2023.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 19 janvier 2024.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 11 et le 22 décembre 2023.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu à l’intérieur d’une résidence à proximité de Linkwood Lane, à Toronto.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Appel au numéro 911 du Service de police de Toronto

Vers 13 h 53 le 24 novembre 2023, la TC a téléphoné au 911 pour signaler qu’un membre de sa famille, soit le plaignant, qui avait une maladie mentale, avait un comportement déroutant. Il criait et il avait tenu un objet dans sa main. La TC craignait que le plaignant lui fasse du mal et elle s’était enfermée dans un placard. Le plaignant avait lancé des objets et il s’en était pris à elle en la retenant et en la secouant. Le plaignant avait été diagnostiqué pour un trouble bipolaire et il devait prendre des médicaments. La TC ne savait pas s’il les avait bien pris, et le plaignant n’était pas au courant qu’elle appelait la police. Il n’avait pas parlé de suicide, et elle ne croyait pas qu’il se montrerait violent envers la police.

Le téléphoniste du 911 a signalé que des agents se rendaient sur les lieux et a demandé à la TC de déverrouiller la porte.

Communications par radio du Service de police de Toronto

Autour de 13 h 55, le centre de répartition du Service de police de Toronto a demandé que des agents se rendent à un logement près de Linkwood Lane pour intervenir auprès d’une personne en état de crise [le plaignant], qui avait un maladie mentale. Cette personne lançait des objets dans le logement, et la TC, qui avait peur, s’était enfermée dans un placard. Le plaignant était présumément sous l’effet de l’alcool ou de drogues. L’AI et l’AT no 1 ont indiqué qu’ils se rendaient sur place. L’AT no 2 a aussi dit qu’il se mettait en route.

Vers 14 h 10, l’AT no 2 a avisé le service de répartition du Service de police de Toronto que les agents étaient entrés dans le logement et que tout allait bien.

À environ 14 h 23, l’AI a demandé d’autres agents en renfort sur place, car le plaignant se montrait combattif.

Autour de 14 h 25, l’AT no 2 a signalé que les agents pouvaient ralentir et que le plaignant avait été maîtrisé, mais saignait du nez. Une ambulance a alors été demandée. L’AT no 2 a précisé que le plaignant avait un dispositif de contention aux jambes et qu’à l’arrivée d’autres agents, on le ferait descendre au rez-de-chaussée.

L’AT no 2 a par la suite demandé d’annuler l’ambulance, en précisant que les agents allaient conduire le plaignant eux-mêmes à l’Hôpital Michael Garron. L’AI et l’AT no 1 ont installé le plaignant dans leur voiture de police et sont partis vers l’hôpital.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI

Vers 14 h 10 le 24 novembre 2023, l’AI est arrivé à la résidence et a pénétré dans le logement avec l’AT no 2 et l’AT no 1. L’AI a été accueilli par le plaignant, qui était debout dans le salon.

Entre 14 h 10 et 14 h 20, l’AI est resté à la porte du logement, au bord du salon, avec l’AT no 1, et il a discuté avec le plaignant. Ce dernier se tenait dans le milieu du salon, les mains derrière le dos. Il refusait de ramener ses mains devant lui, mais il a montré qu’elles étaient vides. Pendant la conversation, le plaignant semblait paranoïaque. Il disait croire que le membre de sa famille [soit la TC] avait installé un logiciel espion dans son ordinateur.

Autour de 14 h 15, l’AI a demandé au plaignant s’il avait des problèmes de santé mentale. Ce dernier a nié en avoir, mais il a indiqué qu’un médecin avait diagnostiqué chez lui une psychose et qu’il prenait un médicament pour cela. Le plaignant a ajouté qu’il souhaitait se faire du mal et qu’il songeait à se pendre et qu’il y avait aussi songé par le passé. Il a aussi mentionné avoir envie de blesser d’autres personnes et de se battre avec la police pour qu’on tire sur lui. Il a précisé qu’il avait ce genre de pensées chaque jour et qu’il avait bientôt un rendez-vous chez le médecin.

Vers 14 h 17, l’AI a dit au plaignant que son intention était d’assurer sa sécurité. Il a mentionné au plaignant que le médicament ne semblait pas efficace et qu’il valait mieux ne pas attendre jusqu’à son rendez-vous, sous-entendant ainsi qu’il devrait voir un médecin avant. Le plaignant a alors demandé pourquoi le membre de sa famille avait appelé la police, et on lui a répondu qu’elle s’inquiétait pour la sécurité du plaignant. Ce dernier s’est alors assis sur le canapé du salon.

Autour de 14 h 19, le plaignant a indiqué qu’il avait été traité à l’hôpital, mais que cela ne l’avait pas aidé. L’AI lui a demandé s’il accepterait d’aller à l’’Hôpital Michael Garron. Ce dernier ne voulait pas laisser les agents se rendre dans sa chambre pour prendre sa carte Santé. Il a prévenu qu’il y avait dans la chambre des objets pouvant les blesser, comme des haltères courts. L’AI a signalé au plaignant qu’il ne serait pas à l’aise de le laisser aller dans la chambre vu qu’il avait exprimé l’envie de blesser d’autres personnes.

Vers 14 h 21, l’AI a annoncé au plaignant qu’ils allaient le conduire à l’hôpital, mais le plaignant a refusé. L’AI a ajouté que, puisque le plaignant avait exprimé l’intention de se faire du mal et de faire du mal à d’autres personnes, ils devaient l’emmener. L’AT no 1 s’est dit inquiet du fait que le plaignant avait prévu se pendre. L’AI a dit à l’AT no 2 qu’ils allaient conduire le plaignant à l’hôpital parce qu’il avait dit avoir envie de se faire du mal et de faire du mal à d’autres personnes, mais que le plaignant ne voulait pas. L’AT no 2 est entré dans le champ de la caméra d’intervention, et le plaignant s’est levé soudainement et a pénétré dans la cuisine. L’AI a pris le bras droit du plaignant avec ses deux mains. Le plaignant s’est tourné dans sa direction et l’a poussé contre la porte fermée du garde-manger. L’AT no 1 est entré dans le champ de la caméra d’intervention, et le plaignant a été poussé sur le sofa, où il est tombé sur le dos. Le plaignant avait les bras qui battaient l’air et il a semblé faire mine de donner des coups de pieds avec son pied droit. Il a roulé du sofa jusqu’au plancher. L’AI et l’AT no 1 se sont alors mis à lutter avec le plaignant. La voix d’un homme [vraisemblablement l’AT no 2] a été entendue. Il a répété « stop » à six reprises, puis il a ajouté : [Traduction] « Occupez-vous de ses mains, les gars. Je lui tiens le corps, mais il a pris ma lampe de poche. »

L’AT no 1 a semblé tenter de prendre une lampe de poche allumée que le plaignant tenait dans sa main droite. L’AI a donné trois coups au visage du plaignant en répétant : [Traduction] « Lâche. » Le plaignant a continué à lutter en continuant de tenir la lampe de poche.

Vers 14 h 23, l’AT no 1 a appuyé sur le bouton de transmission prioritaire de sa radio de police, qui a déclenché une alarme audible. Il a demandé des agents en renfort, en précisant que le plaignant était combattif. On entendait une voix d’homme [présumément l’AT no 2] qui disait : « Stop ». L’AI a dit à plusieurs reprises au plaignant : [Traduction] « Donnez-moi votre main. » Puis l’AT no 2 a dit : [Traduction] « Nous ne vous voulons aucun mal. » Le plaignant a porté la main gauche à son front, tandis que sa main droite n’était pas visible. L’AT no 2 a ordonné au plaignant de cesser de résister et de mettre les mains derrière son dos. Ce dernier avait l’air de lutter, et l’AI a semblé donner un premier coup de poing au visage du plaignant. Celui-ci a dit : « OK », tout en continuant pourtant à lutter. L’AI a frappé le plaignant au visage à trois reprises. Le plaignant a alors crié : [Traduction] « OK, d’accord, d’accord », et un homme [présumément l’AT no 1] a dit : [Traduction] « Une menotte de passée. » Le plaignant a alors cessé de lutte et a indiqué : [Traduction] « Je ne résiste plus du tout. » L’AT no 1 lui a alors passé la deuxième menotte. Le plaignant était donc menotté les mains derrière le dos. L’AT no 2 a constaté, en voyant le visage du plaignant, que ce dernier saignait, pendant que l’AI déclarait qu’il avait reçu deux coups de pied au visage donnés par le plaignant.

L’AT no 2 a demandé une ambulance pour le plaignant. Ce dernier a ensuite déclaré : [Traduction] « Vous ne savez pas comment vous battre. » On lui a répondu : [Traduction] « Nous avons réussi à vous menotter. C’est tout ce qui compte. » L’ambulancier en chef a reçu pour directive d’administrer un calmant au plaignant s’il se montrait de nouveau violent.

Le plaignant a dit avoir mal aux poignets, en ajoutant qu’il ne résistait plus. L’AI a répondu qu’il ne lui faisait pas confiance, car il lui avait donné deux coups de pied à la tête et qu’il avait exprimé le désir de se faire du mal et d’en faire à d’autres personnes. Le plaignant a riposté : [Traduction] « Merde alors. Qu’est-ce que je suis censé faire? » L’AI a ajouté : [Traduction] « Nous voulons seulement vous aider. » Et le plaignant a répliqué : [Traduction] « Mon cul. »”

L’AT no 1 a fouillé le plaignant, qui s’est encore plaint de douleur aux poignets. L’AT no 2 a demandé à l’AI s’il avait besoin d’une ambulance, et l’AI a répondu que non. L’AI s’est agenouillé à côté du plaignant et a placé sa main gauche sur le dos de celui-ci.

D’autres agents sont ensuite arrivés au logement. L’AT no 2 les a avisés que le plaignant les avait attaqués et qu’il fallait le faire descendre au rez-de-chaussée, puis le conduire à l’hôpital. L’AT no 2 a signalé à l’AI qu’il avait des égratignures au visage, et celui-ci a répondu que l’AI lui avait donné deux coups de pied au visage. L’AI a dit ne pas avoir besoin de soins médicaux.

Vers 14 h 31, les agents ont remis le plaignant debout et l’ont prévenu qu’il ne devait rien tenter, puis ils l’ont fait descendre en ascenseur. L’AI a indiqué à la TC que le plaignant serait conduit à l’Hôpital Michael Garron.

À environ 14 h 34, le plaignant a été installé sur la banquette arrière de la voiture du Service de police de Toronto.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1

Les images captées par la caméra d’intervention de l’AT no 1 concordaient avec l’enregistrement de la caméra de l’AI.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 2

L’AT no 2 a pénétré dans la chambre à coucher a parlé avec la TC. Il a appris qu’elle avait composé le 911 pour obtenir l’aide de la police parce qu’elle avait peur d’un membre de sa famille, c’est‑à-dire le plaignant. Ce dernier avait une maladie mentale, soit un trouble bipolaire, et il consommait de la marijuana et de la psilocybine. Le 24 novembre 2023, il était survenu un incident au cours duquel le plaignant avait hurlé et lancé des objets dans le logement. Il s’était alors cogné la tête et le visage. L’AT no 2 a renseigné la TC sur la façon de procéder pour obtenir les formules 1 et 2 en application de la Loi sur la santé mentale. La TC espérait que les agents amèneraient le plaignant au Centre de toxicomanie et de santé mentale, mais l’agent lui a dit que la police ne pouvait pas y amener le plaignant de force. La TC a signalé que la santé mentale du plaignant s’était détériorée et qu’elle en avait peur.

L’AT no 2 est ensuite sorti de la chambre et a pénétré dans le salon, où l’AT no 1 et l’AI discutaient avec le plaignant. Le reste de l’enregistrement concordait avec ce que montrait l’enregistrement des caméras d’intervention de l’AI et de l’AT no 1.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police de Toronto entre le 25 novembre 2023 et le 5 décembre 2023 :

  • les données du système de répartition assisté par ordinateur;
  • le rapport d’incident général;
  • la politique relative aux personnes émotionnellement perturbées;
  • la politique relative aux arrestations;
  • la politique relative au recours à la force
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • les notes de l’AI;
  • les enregistrements de communications
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 1;
  • l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AT no 2
  • l’enregistrement de la caméra interne de la voiture de police

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources le 18 décembre 2023 :

  • le dossier médical du plaignant de l’Hôpital Michael Garron.

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec le plaignant et l’AI et les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident.

En début d’après-midi le 24 novembre 2023, l’AI et son partenaire, soit l’AT no 1, ainsi que l’AT no 2 se sont rendus à un logement à proximité de Linkwood Lane, à Toronto. Une femme vivant dans le logement, soit la TC, avait téléphoné au 911 pour signaler qu’un membre de sa famille, c’est‑à-dire le plaignant, se montrait violent et qu’elle craignait pour sa sécurité.

Le plaignant était atteint d’un trouble bipolaire et il était en état de crise psychotique. Il était en colère et criait après la TC qui, croyait‑il, avait installé un logiciel espion dans son ordinateur.

Le plaignant a ouvert la porte aux agents, qu’il a observés, pendant que l’un d’eux, soit l’AT no 2, est passé près de lui pour se rendre dans la chambre à coucher, où se trouvait la TC. Les deux autres agents ont pénétré dans le logement et, en demeurant près de la porte d’entrée, ont engagé la conversation avec le plaignant. Celui-ci a parlé de ses intentions de se faire du mal et de faire du mal à d’autres personnes. Au bout d’environ dix minutes, l’AI a déterminé que le plaignant devait être appréhendé en vertu de la Loi sur la santé mentale.

Ayant été mis au courant de l’intention des agents de le conduire à l’hôpital, le plaignant s’y est opposé. Il s’est éloigné des agents en allant vers la cuisine. L’AI lui a attrapé le bras droit, mais le plaignant l’a repoussé. L’AT no 1 a quant à lui attrapé le plaignant par-derrière et l’a étendu de force sur le sofa. Durant la lutte qui a suivi, le plaignant a donné des coups de pied à l’AI, à la tête, il a réussi à subtiliser la lampe de poche de l’AT no 2, qui était alors revenu de la chambre à coucher. L’AI a donné trois coups de poing au visage du plaignant, lorsque la lutte s’est poursuivie au sol. Il l’a frappé à quatre autres reprises avant que les agents arrivent à lui prendre les bras et à lui menotter derrière le dos.

Après l’arrestation, le plaignant a été conduit à l’hôpital, où une facture du nez a été diagnostiquée.

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

L’article 17 de la Loi sur la santé mentale – Intervention de l’agent de police

17 Si un agent de police a des motifs raisonnables et probables de croire qu’une personne agit ou a agi d’une façon désordonnée et qu’il a des motifs valables de croire que cette personne :

a) soit a menacé ou tenté de s’infliger des lésions corporelles ou menace ou tente de le faire;

b) soit s’est comportée ou se comporte avec violence envers une autre personne ou de manière à lui faire craindre qu’elle lui causera des lésions corporelles;

c) soit a fait ou fait preuve de son incapacité de prendre soin d’elle-même,

et qu’en plus, il est d’avis que cette personne souffre, selon toute apparence, d’un trouble mental d’une nature ou d’un caractère qui aura probablement l’une des conséquences suivantes :

d) elle s’infligera des lésions corporelles graves;

e) elle infligera des lésions corporelles graves à une autre personne;

f) elle subira un affaiblissement physique grave,

et qu’il serait dangereux d’agir selon les termes de l’article 16, il peut amener sous garde cette personne dans un lieu approprié afin qu’elle soit examinée par un médecin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a été grièvement blessé durant son arrestation effectuée par des agents du Service de police de Toronto le 24 novembre 2023. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, en désignant l’AI comme agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’arrestation et la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force soit raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire.

L’arrestation du plaignant était sans doute légale, conformément à l’article 17 de la Loi sur la santé mentale. D’après les renseignements qu’ils avaient obtenus à la suite de l’appel au 911 et ce qu’ils avaient appris directement en parlant avec le plaignant dans le logement, les agents avaient des raisons de croire que le plaignant représentait un danger pour lui-même et pour d’autres personnes à cause d’un trouble bipolaire.

J’ai également la conviction que les agents, et en particulier l’AI, n’ont pas utilisé plus que la force nécessaire pour mettre le plaignant sous garde. Leur intervention a été proportionnelle aux impératifs de la situation. Les agents avaient tenté d’amener le plaignant à coopérer avant de recourir à la force. Une fois la lutte engagée, le plaignant a réussi à opposer une résistance phénoménale. Le placage par l’AT no 1 représentait une tactique raisonnable. À ce stade, le plaignant avait repoussé l’AI et il était évident qu’il allait résister à son arrestation. Il était préférable pour les agents que le plaignant ne soit plus debout pour la lutte qui allait suivre. Pour ce qui est des coups donnés par l’AI, la première série a suivi les coups de pied à la tête qu’il avait reçus du plaignant. Dans les circonstances, l’agent était fondé à exercer une plus grande force pour dissuader le plaignant de frapper de nouveau les agents. Les autres coups ont été donnés quand le plaignant a refusé de se laisser prendre les bras pour être menotté et ils ont aidé à mettre un terme à la lutte.

En définitive, même si je conviens que la fracture du nez du plaignant résulte d’un ou de plusieurs coups de poing donnés par l’AI, je n’ai pas de motifs suffisants pour considérer que la blessure est attribuable à des gestes illégaux posés par l’agent. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos

Date : 22 mars 2024

Signature électronique

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.