Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 23-PFP-431

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  • des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les coups de feu tirés sur un homme de 23 ans (plaignant no 1) et un homme de 26 ans (plaignant no 2).

L’enquête

Notification de l’UES [1]

À 9 h 2 le 23 octobre 2023, la Police provinciale de l’Ontario a transmis les renseignements suivants à l’UES.

À 6 h le 23 octobre 2023, des agents de la Police provinciale ont procédé à la vérification d’un véhicule suspect sur Tundra Road, à Caledon. Les agents étaient en train de s’approcher du véhicule lorsqu’il s’est mis à avancer dans leur direction. L’agent impliqué (AI) a tiré sur le véhicule et a été percuté, subissant une fracture de la jambe. L’agent témoin (AT) no 2 était aussi présent, mais il n’a pas tiré de coups de feu. Le véhicule a fui les lieux et il a présumément été mêlé à un autre incident, dans la région de Peel. On ne savait pas si le véhicule avait été atteint par les balles.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 23 octobre 2023, à 9 h 23

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 23 octobre 2023, à 10 h 23

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3
 

Personnes concernées (« plaignants ») :

Plaignante no 1 Homme de 23 ans; a participé à une entrevue.
Plaignant no 2 Homme de 26 ans; n’a pas participé à une entrevue (a refusé).

Le plaignant no 1 a participé à une entrevue le 3 novembre 2023.


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue.
TC no 2 A participé à une entrevue.

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 23 octobre 2023 et le 1er novembre 2023.

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 2 novembre 2023.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue.
AT no 2 A participé à une entrevue.

Les agents témoins ont participé à une entrevue entre le 2 et le 30 novembre 2023.


Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question sont survenus sur Tundra Road, à Caledon.

Schéma des lieux

Le schéma suivant a été établi par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES.

Schéma des lieux

Éléments de preuve matériels

La photographie qui suit, prise par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES, montre les lieux tels qu’ils étaient à son arrivée.

Photo FRE

Tundra Road est une voie de circulation dans un axe général nord-sud, qui traverse un quartier exclusivement résidentiel. La route était revêtue, mais dépourvue de lignes de démarcation des voies, et elle était suffisamment large pour une voie de circulation dans chaque direction. On observait de chaque côté une bordure de rue surélevée et des maisons unifamiliales à deux étages ainsi que des duplex. Les maisons du côté est étaient séparées de la bordure de rue par une bande de gazon, un trottoir de largeur standard et des terrains gazonnés. Du côté ouest, il n’y avait pas de bande gazonnée ni de trottoir séparant les terrains gazonnés des maisons de la bordure de rue. Des lampadaires étaient placés de chaque côté de la route.

Un VUS Dodge Durango identifié de la manière habituelle au nom de la Police provinciale de l’Ontario était stationné face au nord, du côté ouest de la route, avec le moteur en marche. Le feu d’urgence du côté conducteur était allumé et dirigé vers l’avant. Le hayon arrière donnant accès au coffre était ouvert.

Une zone de la route au nord de la voiture de police était protégée par des bâches, sous lesquelles se trouvaient des emballages de bonbon dispersés ainsi qu’un tapis clouté. Le tapis clouté en question, près de la bordure nord de la bâche, était endommagé et il y manquait des aiguilles.

Des marques de pneu allaient en direction sud-est à partir du tapis clouté, traversant la bordure de rue du côté est et se poursuivant sur la bande gazonnée. L’écorce de l’arbre se trouvant sur cette bande gazonnée portait des signes de dommages résultant d’une récente collision.

Une matraque ouverte se trouvait sur la voie en direction nord de Tundra Road, au nord-est de la voiture de police. Un gant noir pour main droite était aussi par terre, au sud de la matraque. Il y avait sur le trottoir du côté est une casquette de type baseball de la Police provinciale ainsi qu’un stylo brisé, et un autre encore à l’ouest de la bordure de rue est.

Les traces de pneu déjà décrites traversaient une entrée de cour pour retourner sur la route, la traverser en direction sud-ouest et aboutir sur la bordure de rue.

Trois douilles de calibre 9 mm se trouvaient sur la route, dont une au sud-est de la voiture de police, une seconde aussi au sud-est de la voiture de police, vers le milieu de la route, et la troisième au sud-ouest du même véhicule, le long de la bordure de rue ouest.

Deux véhicules étaient garés dans l’entrée de cour. Un gant de la main gauche se trouvait dans le gazon au nord de cette entrée, tout comme des oreillers et des serviettes. Un véhicule Toyota était stationné en marche arrière dans l’entrée, face à l’ouest. Il y avait une trace de projectile (trou) dans le pare-brise de la Toyota, à 57 cm à droite du montant avant du côté passager et à 48 cm du haut du pare-brise. Selon la perspective d’une personne placée devant le véhicule, cette marque se trouvait un peu à droite du centre, vers le milieu entre le haut et le bas du pare-brise, et suivait une trajectoire allant légèrement de droite à gauche. La photo du trou qui suit a été prise par un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES.


Figure 1 – Trace de projectile dans le pare-brise du véhicule Toyota

Figure 1 – Trace de projectile dans le pare-brise du véhicule Toyota

Le véhicule présentait deux autres dommages du côté conducteur, derrière la banquette arrière. Le premier était à 38 cm à gauche du rebord de la portière du côté conducteur et à 20 cm du haut de l’appui-tête. Une partie du noyau en plomb de la balle a été récupérée dans la banquette arrière derrière le trou. Le deuxième se trouvait à 46 cm à gauche du rebord de la portière du côté conducteur et à 37,5 cm du haut de l’appui-tête. Une partie du blindage en cuivre de la balle a été retrouvée à l’intérieur de la banquette, aussi derrière le trou.

À 11 h 27 le 23 octobre 2023, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES sont arrivés sur les lieux en cause à Brampton. Le sol était jonché de vêtements et d’outils et une Jeep s’y trouvait également. Le véhicule avait été abandonné avec le moteur en marche. Le pneu arrière du côté conducteur était déchiqueté. La portière du conducteur était ouverte et des effets personnels étaient au sol, près de celle-ci. Il y avait des dommages récents résultant d’une collision sur le coin avant du côté conducteur et sur le pare-chocs, et il y avait aussi des traces de glissement de doigts sur le capot. Il n’y avait toutefois pas d’empreintes digitales suffisamment définies pour permettre une analyse.


Figure 2 – Avant du véhicule Jeep

Figure 2 – Avant du véhicule Jeep

Un trou laissé par une balle a été trouvé vers le milieu de la portière avant du côté passager, sous le cadre de la glace. Le trou pénétrait dans le panneau de la portière, selon une trajectoire qui semblait aller légèrement de gauche à droite. Un fragment du blindage en cuivre de la balle a été retrouvé sous l’accélérateur.
La Jeep a été remorquée jusqu’à une installation de la Police provinciale à Orillia, et à partir de 9 h 25 le 24 octobre 2023, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont poursuivi leur inspection, avant de laisser le véhicule sous la garde de la Police provinciale. Cette inspection a révélé une fissure dans le haut du pare-brise, au centre. Le siège du conducteur était incliné. Des accessoires servant à la consommation de drogue jonchaient le siège ainsi que l’espace pour les pieds du côté conducteur.
Le dommage BS2 se trouvait à 17 cm du bas du cadre de la glace et à 46,5 cm à droite de la bordure gauche du cadre de la portière, selon la perspective d’une personne placée devant la portière. L’objet ayant traversé le panneau de la portière avait suivi une trajectoire allant de gauche à droite et légèrement vers le bas et il s’était rendu jusqu’à l’accoudoir. Les tentatives qui ont été faites pour déterminer la trajectoire exacte ont échoué, compte tenu de la qualité et de la nature du dommage.


Figure 3 – Portière avant du côté passage de la Jeep

Figure 3 – Portière avant du côté passage de la Jeep


Figure 4 – Accoudoir de la portière du côté passager de la Jeep

Figure 4 – Accoudoir de la portière du côté passager de la Jeep

Le 25 octobre 2023, un inspecteur spécialiste des sciences judiciaires de la Police provinciale a avisé un inspecteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES qu’un fragment de balle avait été trouvé sous un papier-mouchoir dans le creux de l’accoudoir de la portière avant du côté passager. L’objet a été envoyé par messager à l’enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES.

Équipement de police

À 17 h 50 le 23 octobre 2023, des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont inspecté ce qui suit au poste du détachement de Caledon de la Police provinciale.


AT no 2

L’équipement de l’AT no 2 comprenait une veste extérieure pare-balles portant l’inscription « POLICE » à l’avant et dotée de filets et de pochettes MOLLE (équipement de transport de charge léger modulaire) contenant des gants, du Narcan, une lampe de poche, un garrot, un chargeur de fusil C 8 et une radio de police. Son ceinturon de service comprenait deux paires de menottes dans un étui à menottes double, une clé de menottes, un flacon de gaz poivré dans son espace de rangement, une gaine de pistolet vide, un fourreau à matraque vide, une gaine d’arme à impulsions vide et deux chargeurs de pistolet dans leur pochette de rangement (dont un chargeur contenant 16 cartouches pleines de calibre 9 mm et l’autre, 18 cartouches pleines de calibre 9 mm). Le pistolet Glock 17 de calibre 9 mm était doté d’une lampe de poche et le chargeur était placé dans le puits d’alimentation. Il y avait une cartouche pleine de calibre 9 mm dans la culasse et 17 cartouches pleines de calibre 9 mm dans le chargeur. L’arme à impulsions assignée à l’AT no 2 a été examinée. Elle contenait deux cartouches non déployées.


AI

L’équipement de l’AI comprenait une veste extérieure pare-balles portant l’inscription « POLICE » à l’avant et dotée de filets et de pochettes MOLLE (équipement de transport de charge léger modulaire) contenant du Narcan, une lampe de poche, un garrot, un chargeur de fusil C 8 et une radio de police. Son ceinturon de service contenait un pistolet dans sa gaine, une arme à impulsions dans sa gaine, deux paires de menottes dans un étui à menottes double, une matraque dans son fourreau, un flacon de gaz poivré dans sa pochette, deux chargeurs de pistolet dans leur pochette de rangement, contenant chacun 17 cartouches pleines de calibre 9 mm. Le pistolet Glock 17 de calibre 9 mm était doté d’une lampe de poche et le chargeur était dans le puits d’alimentation. Il y avait une cartouche pleine de calibre 9 mm dans la culasse et 14 cartouches pleines de calibre 9 mm dans le chargeur. D’après la quantité de munitions standard de 52 cartouches transportées par les agents de la Police provinciale, il a été déterminé qu’il manquait 3 cartouches pleines de calibre 9 mm à l’AI.


Figure 5 – Le pistolet Glock de l’AI

Figure 5 – Le pistolet Glock de l’AI


Tundra Road

Le 23 octobre 2023, les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont collecté et conservé ce qui suit :
  • trois douilles Luger de 9 mm qui se trouvaient sur Tundra Road;
  • une partie du noyau en plomb d’une balle récupérée à l’intérieur d’un siège de la Toyota;
  • une partie du blindage en cuivre de la balle retrouvée à l’intérieur d’un siège de la Toyota;
  • un fragment de balle sur le plancher devant le siège du conducteur de la Jeep.


Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [2]


Enregistrement de caméra interne d’une voiture de police

La vidéo indiquait comme date et heure de début le 23 octobre 2023, 11 h 15 min 21 s [3]. Au début de la vidéo, la caméra pointait vers le nord et on voyait l’avant de la voiture de police garé face au nord, du côté ouest de Tundra Road, le pare-chocs pratiquement contre celui d’une Jeep noire face au sud, du côté ouest de Tundra Road. Il ne semblait pas y avoir d’occupants dans la Jeep.

L’AT no 2 est passé du côté conducteur de la Jeep et, 2 secondes après le début de la vidéo, il a déployé un tapis clouté derrière la Jeep. Six secondes après le début, l’AI est entré dans le champ de la caméra. Il se dirigeait vers le nord à pied sur la route, du côté passager de la voiture de police. Il a éclairé le côté conducteur de la Jeep avant de se rendre jusqu’à l’AT no 2, qui était près du pare-chocs arrière de la Jeep. L’AT no 2 s’est avancé jusqu’à la portière du conducteur de la Jeep et a mis ses gants avant de retourner à la voiture de police, du côté passager, puis il est sorti du champ de la caméra. L’AI est parti de l’arrière de la Jeep et a longé ce véhicule du côté passager avant de mettre ses gants et de sortir du champ de la caméra, du côté passager de la voiture de police.

À 29 secondes, le son a été activé. Il y avait de la musique qui jouait. L’AT no 2 est entré dans le champ de la caméra et s’est dirigé vers le nord sur Tundra Road, jusqu’à la portière du côté conducteur de la Jeep. À 40 secondes, l’AI est entré dans le champ de la caméra et a rejoint l’AT no 2 près de la portière du conducteur en longeant le côté passager de la Jeep, puis en contournant le véhicule.

À 54 secondes, l’AT no 2 a essayé d’ouvrir la portière, mais sans succès. À 1 minute, la tête du plaignant no 2 est apparue derrière le tableau de bord, sur le siège du conducteur. L’AT no 2 a demandé au plaignant no 2, d’un signe de la main droite, de baisser la glace. L’AI se tenait légèrement derrière l’AT no 2, à sa droite. À 1 minute 2 secondes, la tête de l’homme occupant le siège du passager, soit le plaignant no 1, est aussi apparue derrière le tableau de bord. L’AI s’est placé à la gauche de l’AT no 2. Le plaignant no 2 a levé sa main gauche, comme pour indiquer qu’il se rendait, et semblait discuter avec au moins un des agents, tandis que le plaignant no 1 demeurait assis sans bouger.

À 1 minute 22 secondes, le plaignant no 2 a penché la tête vers la droite, puis il s’est retourné pour regarder vers la glace du côté conducteur. Par la suite, les mouvements donnaient l’impression d’une conversation entre les agents et le plaignant no 2, ainsi qu’entre le plaignant no 2 et le plaignant no 1. Le plaignant no 2 levait les mains par moments pour ensuite les redescendre.

À 1 minute 38 secondes, un homme [identifié comme le TC no 2] est entré dans le champ de la caméra. Il marchait en direction nord sur le trottoir du côté est. Les mouvements du plaignant no 2 et des agents sont alors devenus un peu plus animés jusqu’à 1 minute 44 secondes, où le plaignant no 2 a baissé la main et a mis la Jeep en marche arrière. L’AT no 2 a frappé la glace du conducteur avec sa matraque, tandis que lui et l’AI se sont éloignés de la Jeep. L’AI a reculé vers le sud, sur Tundra Road, puis est sorti du champ de la caméra, du côté passager de la voiture de police. L’AT no 2 a aussi reculé, vers l’est, jusqu’au milieu de Tundra Road. La roue arrière du côté passager de la Jeep a monté sur la bordure de rue du côté ouest pendant que le véhicule reculait.

À 1 minute 47 secondes, la Jeep avançait et se dirigeait vers l’AT no 2, qui continuait de s’éloigner vers la bordure de rue du côté est de Tundra Road. Sa main droite a bougé comme pour sortir une arme à feu. Le TC no 2 poursuivait son chemin en direction nord, sur le trottoir du côté est.

À 1 minute 48 secondes, pendant que la Jeep accélérait en direction de l’AT no 2, ce dernier a laissé tomber sa matraque et son gant pour main droite, a dégainé son arme à feu et l’a pointée vers la Jeep. Il continuait de s’éloigner en reculant et son pied droit était alors sur la bande gazonnée du côté est. À 1 minute 49 secondes, la Jeep roulait vers l’AT no 2. Celui-ci a baissé son arme, a fait demi-tour et s’est mis à courir. Le TC no 2 s’est retourné et a regardé derrière lui. Le conducteur de la Jeep n’a nullement tenté d’aller en direction sud sur Tundra Road, pour s’éloigner de l’AT no 2.

À 1 minute 49 secondes, la Jeep est parvenue à l’AT no 2 et l’a percuté, au moment où celui-ci ainsi que l’avant de la Jeep sortaient du champ de la caméra vers l’est.

À 1 minute 51 secondes, au moins une personne a crié. L’AT no 2, la Jeep et l’AI se trouvaient tous en dehors du champ de la caméra. Le TC no 2 s’est mis à courir. Le premier des trois coups de feu a retenti et les trois ont été tirés en l’espace d’une seconde.

À 1 minute, 59 secondes, le TC no 2 est parvenu à un coin de rue et a couru en direction est sur cette rue transversale, sortant du champ de la caméra. L’AT no 2 a transmis un message par radio disant : [Traduction] « J’ai été heurté par une voiture. »

À 2 minutes 19 secondes, une personne [vraisemblablement l’AI] a ouvert la portière avant de la voiture de police, du côté passager, et a transmis le message suivant : [Traduction] « Nous avons, mon partenaire a été heurté par un véhicule. Est il possible d’envoyer d’autres unités immédiatement? Des coups de feu ont été tirés. » Le centre de communication a envoyé un message demandant à d’autres agents de se rendre sur les lieux et l’enregistrement a pris fin au moment où des réponses commençaient à se faire entendre.

Enregistrements de communications


Appels au 911

À 6 h 33 min 19 s le 23 octobre 2023, une personne a appelé le 911 pour signaler un véhicule Jeep noir suspect stationné dans la rue. Quelqu’un se trouvait dans le véhicule et il était déjà venu dans le quartier dans les dernières semaines.

À 7 h 19 min 16 s, une autre personne ayant été réveillée par des coups de feu dehors près de sa maison a composé le 911. La personne avait vu une voiture de la Police provinciale avec le coffre ouvert, un tapis clouté et deux agents, dont l’un étendu au sol et l’autre debout à proximité d’une voiture. À la demande du réceptionniste, la personne est allée à l’extérieur, et un agent lui a dit que tout allait bien et qu’une ambulance était en route.

À 10 h 6 min 49 s, une troisième personne a appelé le 911 pour signaler qu’elle avait enregistré une vidéo montrant les deux agents qui approchaient d’une Jeep, qui a pris la fuite avant que l’agent tire les coups de feu pour se défendre.


Communications par radio de la police

Un enregistrement audio de 17 minutes 33 secondes débutait à 6 h 40 min 52 s par un message du centre de communication transmis aux agents pour les mettre en garde contre un véhicule suspect stationné en dehors d’une maison sur Tundra Road. Il s’agissait d’un véhicule Jeep noir occupé qui circulait dans le quartier depuis quelques semaines. Le centre de communication a fourni le numéro de plaque.

À 35 secondes du début, il a été signalé que, d’après le numéro de plaque d’immatriculation, il s’agissait d’un véhicule volé dans la région de Peel.
À 1 minute 17 secondes, l’AI a dit : [Traduction] « Mon partenaire a été heurté par une voiture! Envoyez des unités tout de suite! Des coups de feu ont été tirés [4]. »
À 1 minute 29 secondes, le centre de communication a demandé à tous les agents disponibles de se rendre sur Tundra Road. Des agents ont répondu qu’ils y allaient.
À 1 minute 49 secondes, l’AI a annoncé qu’il avait besoin d’une ambulance d’urgence et que son partenaire semblait avoir une jambe cassée. L’agent a ajouté qu’ils avaient déployé un tapis clouté et que le véhicule était passé dessus.
À 2 minutes 13 secondes, en réponse au message radio demandant de l’information, l’AI a répondu : [Traduction] « Sa jambe droite semble cassée ». Il a ajouté que personne n’avait été blessé par les coups de feu, que le véhicule en cause était le véhicule Jeep pour lequel ils avaient été appelés et qu’il y avait deux occupants. Il a aussi corrigé le numéro de plaque de la Jeep et donné une description plus détaillée de ce véhicule.
À 3 minutes 28 secondes, l’AI a confirmé que l’AT no 2 était conscient et qu’il respirait et parlait. Divers messages ont été diffusés par radio. Un premier donnait l’ordre aux agents arrivés de boucler un périmètre, alors qu’un autre demandait au centre de communication d’envoyer les services ambulanciers et qu’un dernier indiquait à tous les agents d’allumer leur caméra d’intervention et de la garder allumée.
À 4 minutes 46 secondes, un agent a dit qu’il était arrivé sur place. Le centre de communication a demandé plus d’information sur l’état de l’AT no 2, et un agent [présumément l’AT no 2] a répondu : [Traduction] « 10-4, juste une facture de la cheville. » L’agent a dit que les occupants de la Jeep ne semblaient pas armés, mais qu’il avait observé des accessoires servant à la consommation de drogue dans le véhicule.
À 5 minutes 39 secondes, un agent a annoncé que les services ambulanciers étaient arrivés.

Enregistrement vidéo de la résidence no 1

Une vidéo a été enregistrée le 23 octobre 2023, de 7 h 14 min 9 s à 7 h 21 min 22 s, à une résidence de Tundra Road et collectée par l’UES. On pouvait voir l’arrivée d’une voiture de police qui s’est garée face au nord, du côté ouest de Tundra Road, face à face avec une Jeep face au sud du côté ouest de la route. La vue sur la Jeep était partiellement obstruée par un montant. Deux agents, soit l’AI et l’AT no 2, ont avancé vers la Jeep [occupée par les plaignants nos 2 et 1, comme on le sait maintenant].

À 7 h 14 min 40 s, la voiture de police s’est approchée de l’avant du véhicule Jeep. Le hayon de la voiture de police était ouvert. L’AT no 2 et l’AI ont sorti du coffre un objet [maintenant identifié comme un tapis clouté].

À 7 h 15 min 28 s, deux personnes se dirigeaient à pied vers le sud sur le trottoir du côté est. À 7 h 16 min 50 s, une personne [maintenant identifiée comme le TC no 2] marchait en direction nord sur le trottoir du côté est.
À 7 h 17 min 6 s, la Jeep s’est mise à reculer. L’AT no 2 a couru vers le côté est de la route, tandis que l’AI courait en direction sud, vers l’arrière de la voiture de police. La Jeep a avancé vers le sud-est.
À 7 h 17 min 12 s, la Jeep est montée sur la bordure de rue, du côté est de la route, et a percuté l’AT no 2, avant de faire un virage vers le sud.
À 7 h 17 min 13 s, une lumière a un instant illuminé l’endroit où se tenait l’AI [on sait maintenant qu’il s’agissait de la déflagration de son arme à feu]. Dans la même seconde, il y a eu pour une deuxième fois une lumière et l’AI s’est rapproché du côté passager de la Jeep, qui se dirigeait vers lui. À 7 h 17 min 14 s, il y a eu une troisième déflagration. Le véhicule Jeep roulait en direction sud sur Tundra Road et, à 7 h 17 min 16 s, il est sorti du champ de la caméra. L’AI a couru vers l’AT no 2, qui était resté au sol. Il a ensuite couru vers la voiture de police. L’AT no 2 s’est ensuite glissé derrière un véhicule dans l’entrée de cour.
À 7 h 21 min 0 s, trois personnes ont traversé le champ de la caméra.

Enregistrement vidéo de la résidence no 2

Une vidéo de 47 secondes ne portant aucune marque d’heure a été enregistrée par la caméra d’une résidence le 23 octobre 2023 et collectée par la Police provinciale de l’Ontario. On pouvait voir une voiture de police [maintenant identifiée comme celle conduite par l’AI] avancer lentement vers le sud sur Tundra Road, faire demi-tour, puis avancer lentement vers le nord.
 

Enregistrement vidéo de la résidence no 3

Une séquence vidéo de 12 secondes comprenant le son et ne portant aucune marque d’heure a été enregistrée à une résidence le 23 octobre 2023 et collectée par la Police provinciale de l’Ontario. On pouvait apercevoir une Jeep accélérer vers un agent de police [maintenant identifié comme l’AT no 2], qui se trouvait hors de la chaussée, sur la bande gazonnée du côté est de Tundra Road. La Jeep a percuté l’AT no 2 le propulsant contre un véhicule garé dans l’entrée de cour. La Jeep a accéléré pour revenir sur Tundra Road et est passée devant un agent de police, l’AI, qui s’éloignait du véhicule au centre de la route en allant vers le côté ouest de Tundra Road. L’AI a tiré trois coups de feu, comme le confirment les flammèches. La Jeep a poursuivi son chemin en direction sud sur Tundra Road et est sortie du champ de la caméra.

Enregistrement vidéo de la résidence no 4

Collecté par la Police provinciale de l’Ontario, l’enregistrement horodaté consiste en une série de séquences vidéo comprenant le son, d’une durée totale de 2 min 58 s, enregistrées le 23 octobre 2023 par une caméra activée par le mouvement installée sur une résidence.
La caméra, activée par la circulation, a enregistré les séquences jusqu’à 7 h 13 min 36 s, heure à laquelle une voiture de police [maintenant identifiée comme celle conduite par l’AI] est entrée dans le champ de la caméra en provenance du nord, a fait demi-tour et est revenue vers le nord sur Tundra Road.
À partir de 7 h 17 min 12 s, on a entendu sur l’enregistrement audio un bruit fort, deux petits coups de klaxon rapprochés, trois coups de feu et le mouvement lointain d’une personne [maintenant identifiée comme l’AI] sur la chaussée. Les coups de feu ont cessé à 7 h 17 min 14 s, puis la Jeep a accéléré vers le sud sur Tundra Road.

Enregistrement vidéo de la résidence no 5

Une vidéo horodatée de 39 secondes, mais sans son, a été enregistrée à une résidence le 23 octobre 2023 et collectée par la Police provinciale de l’Ontario.

À 7 h 16 min 52 s, on pouvait voir deux agents de police, soit l’AI et l’AT no 2, à la glace du côté conducteur d’une Jeep [occupée par les plaignants nos 2 et 1, comme on le sait maintenant], laquelle faisait face au sud, du côté ouest de la route. Le feu arrière du côté conducteur semblait allumé. Une voiture de police était stationnée pare-chocs à pare-chocs devant la Jeep et face au nord, du côté ouest de la route. Un des agents de police a éclairé l’intérieur de la Jeep avec sa lampe de poche.

À 7 h 17 min 2 s, un piéton [maintenant identifié comme le TC no 2] a activé la caméra le temps de son passage en direction nord sur le trottoir du côté est.

À 7 h 17 min 10 s, la caméra a été réactivée, filmant un agent de police, soit l’AT no 2, qui se trouvait au milieu de la route, et la Jeep, phares allumés, tournant les roues avant vers la droite avant de reculer rapidement. Les agents ont reculé. L’enregistrement vidéo a été interrompu, puis il a repris à 7 h 17 min 11 s, montrant la Jeep en train de reculer, phares allumés et roues tournées vers la droite sur la bordure de rue.

À 7 h 17 min 12 s, on voyait la Jeep avancer. L’AT no 2 était debout sur la route, près du côté est de Tundra Road, et semblait avoir sorti son arme à feu. La Jeep a accéléré directement vers l’AT no 2, qui s’est retourné pour s’enfuir de la Jeep, quittant la route en direction de la bande gazonnée du côté est de Tundra Road. La Jeep a suivi l’AT no 2, grimpant sur la bordure de rue avant de le percuter. À 7 h 17 min 15 s, la Jeep est sortie du champ de la caméra. À 7 h 17 min 18 s, la caméra a filmé les pieds de l’AI pendant qu’il courait vers l’endroit où l’AT no 2 était passé.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et les documents suivants que lui a remis, à sa demande, la Police provinciale de l’Ontario entre le 25 octobre 2023 et le 7 février 2024 :
  • les enregistrements de caméras de résidences;
  • les notes de l’AT no 1;
  • les notes de l’AT no 2;
  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les enregistrements de communications;
  • l’enregistrement de caméra interne d’une voiture de la Police provinciale de l’Ontario;
  • le registre de l’AI concernant la qualification pour le recours à la force;
  • la politique relative au recours à la force de la Police provinciale de l’Ontario;
  • la politique relative à la gestion de la circulation, à l’application de la loi et à la sécurité routière de la Police provinciale de l’Ontario;
  • la liste des agents concernés;
  • le rapport médicolégal.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les documents et éléments suivants d’autres sources :
  • l’enregistrement vidéo du TC no 1 (reçu le 23 octobre 2023).

Description de l’incident

Le scénario qui suit ressort des éléments de preuve recueillis par l’UES, y compris les entrevues avec l’AI et les autres agents témoins et témoins civils présents au moment où se sont déroulés les événements en question ainsi que les enregistrements vidéo ayant capté des images d’une partie de l’incident.

Dans la matinée du 23 octobre 2023, l’AI et son partenaire, soit l’AT no 2, se sont rendus sur Tundra Road, à Caledon. Un appel au 911 avait été reçu par la police pour le signalement d’un véhicule Jeep garé dans la rue qui circulait dans le quartier depuis quelques semaines. L’AI, au volant d’un VUS identifié de la police, roulait vers le sud sur Tundra Road, quand il a dépassé la Jeep, qui était immobilisée face au sud, le long de la bordure de rue du côté ouest, juste au nord de la maison située au 90 Tundra Road. Comme l’AT no 2 lui a dit de le faire, l’AI a fait demi-tour après avoir dépassé la Jeep et s’est arrêté directement devant celle-ci, face à face. À ce stade, les agents avaient appris que le vol de la Jeep avait été signalé.
 
Se trouvaient alors dans la Jeep le plaignant no 2, au volant, et le plaignant no 1, sur le siège avant, du côté passager. Ils étaient tous les deux endormis.

Le plaignant no 2 s’est réveillé en entendant les agents qui essayaient de lui parler par la glace de la portière du conducteur, qui était légèrement descendue. L’AT no 2 a tenté d’ouvrir la portière du côté du conducteur, mais elle semblait verrouillée. Le plaignant no 2 levait les mains à l’occasion, à la demande des agents, mais regardait autrement son passager. La police lui a demandé à plusieurs reprises d’ouvrir la portière et de sortir, mais le plaignant no 2 n’a pas obtempéré. Après un moment, ce dernier est passé en marche arrière et s’est mis à reculer.

L’AT no 2 était sur le bord de la portière du conducteur et l’AI se tenait au sud par rapport à lui lorsque la Jeep a commencé à bouger. Ils se sont éloignés de la Jeep, qui reculait de biais vers l’est en s’approchant ainsi d’eux, pour éviter d’être heurtés par l’avant du véhicule. La Jeep est montée sur la bordure de rue par l’arrière, avant de s’immobiliser et de partir vers l’avant, en direction sud-est, vers l’AT no 2. L’agent a dégainé son arme à feu et l’a pointée un instant vers la Jeep, avant de la redescendre. Il a ensuite fait demi-tour et s’est mis à courir sur la bande gazonnée longeant le trottoir du côté est. La Jeep n’a pas tardé à rattraper l’agent, elle est montée sur la bordure de rue et a percuté l’AT no 2. L’agent a été propulsé vers l’avant sur un VUS qui était garé dans l’entrée de cour du 93 Tundra Road.

Après avoir heurté l’AT no 2, la Jeep a fait un virage à droite et accéléré pour retourner sur la route et se diriger vers l’AI. L’agent, avec son arme à feu dégainée, a tiré trois coups de feu rapprochés sur la Jeep pendant que le véhicule s’approchait et passait devant lui. Le plaignant no 2 a poursuivi son chemin en direction sud et a réussi à fuir.

L’AI s’est ensuite précipité vers l’AT no 2 pour lui prêter secours et a transmis un message radio disant que des coups de feu avaient été tirés.

Le plaignant no 1 et le plaignant no 2 ont été retrouvés dans les jours qui ont suivi et ils ont été arrêtés. Ils n’avaient pas été blessés durant l’incident.

L’AT no 2 a pour sa part subi de graves blessures, y compris une fracture de la cheville droite.

Dispositions législatives pertinentes

Article 34 du Code criminel -- Défense -- emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger -- ou de défendre ou de protéger une autre personne -- contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
1. f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime
(3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 23 octobre 2023, la Police provinciale de l’Ontario a communiqué avec l’UES pour signaler que l’un de ses agents, soit l’AI, avait tiré des coups de feu sur un véhicule se dirigeant contre lui. L’UES a entrepris une enquête et a identifié l’AI comme l’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que l’AI a commis une infraction criminelle ayant un lien avec l’usage de son arme.

En vertu de l’article 34 du Code criminel, l’usage de la force, qui constituerait autrement une infraction, est légalement justifié pourvu que ce soit pour empêcher une attaque redoutée à cause d’actes réels ou de menaces, à condition que la force en question soit raisonnable dans les circonstances. Pour ce qui est du caractère raisonnable du comportement en question, elle doit être évaluée en fonction des circonstances l’entourant, notamment en tenant compte de facteurs comme la nature de la force ou de la menace, la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel, la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme et, enfin, la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force.

Les agents étaient dans l’exercice de leurs fonctions légitimes durant les événements qui ont abouti aux coups de feu. Ils savaient que le véhicule Jeep avait été volé et ils s’apprêtaient à arrêter le plaignant no 2 lorsque ce dernier a reculé son véhicule, puis l’a remis en marche avant pour se diriger vers les agents.
J’ai la conviction que l’AI a tiré des coups de feu parce qu’il le croyait nécessaire pour se protéger lui-même et protéger l’AT no 2 contre une attaque raisonnablement redoutée de la part du plaignant no 2. C’est ce que l’AI a dit dans son entrevue avec l’UES, et les éléments de preuve corroborent ses dires. L’agent venait de voir le conducteur du véhicule Jeep poursuivre, lui semblait il, l’AT no 2 et monter sur la bordure de rue, puis le heurter, avant de changer de direction pour aller vers lui.
 
J’estime également que l’utilisation d’une arme à feu par l’AI représentait un moyen d’autodéfense raisonnable. Après avoir vu l’AT no 2 se faire heurter par la Jeep, l’agent a pensé que le plaignant no 2 utilisait le véhicule comme une arme mortelle, et il avait assurément de bonnes raisons de le croire. Les enregistrements vidéo montrant l’incident donnaient l’impression que le véhicule Jeep poursuivait délibérément l’AT no 2, en montant sur la bordure de rue et en roulant sur la bande gazonnée, pour ensuite changer de direction et retourner sur la route. À ce stade, le véhicule représentait manifestement une menace imminente pour la vie de l’AI, qui était debout dans la rue sur la trajectoire de la Jeep. L’agent avait donc des motifs de croire que le plaignant no 2 allait tenter de le heurter à son tour. Il devait agir sans tarder dans les circonstances pour éviter d’être grièvement blessé ou tué. Il aurait pu décider de s’esquiver ou de trouver un endroit où se protéger, mais il n’aurait eu aucune chance de distancer un véhicule en accélération. De plus, il venait de voir l’AT no 2 se faire heurter de dos pendant qu’il était en train de courir. L’AI a plutôt choisi de tirer des coups de feu sur le plaignant no 2. L’usage d’une arme à feu avec pour cible un véhicule en mouvement comporte aussi son lot de risques pour la sécurité publique. Les chances d’arriver à immobiliser un véhicule de cette manière sont minces, sans compter les dangers que représente un objet de cette taille en mouvement et hors de contrôle. Ces risques n’étaient pas, à mon avis, déraisonnables dans ce dossier. Si l’AI avait des motifs de croire que le plaignant no 2 se dirigeait délibérément vers lui, et c’était bien le cas, neutraliser le conducteur de la Jeep était justifié comme moyen d’autodéfense. Le bien-fondé du dernier des trois coups de feu peut être mis en doute, puisqu’il semblerait qu’à ce moment, l’agent se trouvait du côté passager de la Jeep et, à strictement parler, n’était plus en danger. Je suis cependant persuadé que ce coup de feu ne dépassait pas les limites d’une force justifiable prescrites par l’article 34, vu la vitesse à laquelle les événements se sont déroulés, la situation tendue sur le moment et le délai de réaction normal.

Pour les raisons qui précèdent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, le dossier est donc clos.


Date : 20 février 2024

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) À moins d’avis contraire, les renseignements contenus dans cette section reflètent les informations reçues par l’UES au moment de la notification et ne reflètent pas nécessairement les conclusions de fait de l’UES à la suite de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]
  • 3) La vidéo indiquait comme date et heure 2023-10-23 11:15:21 a.m., +0000, +0000 étant le code de temps universel coordonné. Puisque le fuseau horaire de Toronto est cinq heures plus tôt, cela revient à 6:15:21 a.m., plus une heure pour tenir compte de l’heure avancée, soit 7:15:21 a.m. [Retour au texte]
  • 4) L’espace entre les enregistrements audio a dû être écourté. Le rapport du système de répartition assisté par ordinateur indique que le message a été transmis à environ 7 h 20 min 16 s, et la caméra interne du véhicule a enregistré les coups de feu à 7 h 17 min 40 s. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.