Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-056

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers , le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête, et
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le 28 février 2016, le plaignant dans cette affaire a été examiné par un médecin à l’hôpital qui a confirmé la présence de blessures graves.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 28 février 2016, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES que le plaignant avait subi une blessure grave alors qu’il était sous la garde de la PRP.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant

A participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

L’UES a demandé les documents suivants au SPT, qu’elle a obtenus et examinés :

  • antécédents de contacts avec le plaignant
  • registres de divulgation
  • chronologie des événements
  • détails de l’événement, et
  • sommaire d’équipe.

L’UES a également obtenu les éléments suivants :

  • vidéo de la salle de garde de la Division 12
  • photos du plaignant
  • enregistrements de vidéosurveillance du Quality Inn
  • enregistrements vidéo des déclarations de la TC 2 et de sa mère à la PRP, et
  • enregistrement des communications du 9-1-1.

Description de l’incident

Le 28 février 2016, des agents ont répondu à un appel au 9-1-1 selon lequel le plaignant avait agressé et séquestré une femme au motel Quality Inn, à Mississauga. On a également signalé que le plaignant était connu pour avoir des couteaux sur lui.

Des agents de la PRP se sont rendus au motel en réponse à l’appel et ont vu le plaignant dans le corridor. Plusieurs agents en uniforme se sont dirigés vers le plaignant et lui ont demandé de confirmer son identité, ce qu’il a fait. Les policiers ont alors avisé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait, et l’AI n° 1 a placé des menottes au poignet gauche du plaignant. Le plaignant s’est débattu et a essayé de s’enfuir en courant. L’AI no 2 a saisi le plaignant et lui a dit de cesser de résister. Comme le plaignant continuait de se débattre, l’AI no 1 et l’AI no 2 l’ont mis à terre. Une fois à terre, le plaignant a placé sa main droite sous son corps. Craignant que le plaignant soit en possession d’un couteau, l’AI no 2 a saisi son coude droit et lui a ordonné de cesser de résister. Le plaignant a refusé et a essayé de mettre sa main dans sa poche de devant. L’AI no 2 a alors frappé avec force de son genou le dos du plaignant pour s’emparer de son bras droit. Après le quatrième coup de genou, le plaignant a cessé de résister, et on a menotté son poignet droit. Le plaignant avait un couteau à ressort avec une lame de trois à quatre pouces dans sa poche avant droite.

Après son enregistrement au poste de police, le plaignant s’est plaint d’un mal aux dents et a demandé à être conduit à l’hôpital. C’était la première fois qu’il se plaignait d’une blessure alors qu’il était sous la garde de la police. Toutes les vidéos du plaignant jusqu’à ce moment-là ne montrent aucun signe de blessure. L’agent chargé de l’enregistrement a refusé sa demande. Le plaignant a soudainement eu le souffle court et s’est plaint d’avoir mal partout, y compris à l’abdomen.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où on l’a radiographié. Les radiographies ont montré deux fractures de côtes, mais les preuves médicales étaient équivoques quant au moment où ces fractures avaient été subies. Des photos du plaignant ont été prises peu de temps après l’intervention de l’UES, et la seule blessure visible était une petite lacération sur le bord extérieur du sourcil gauche. Ces blessures avaient été infligées au plaignant par la femme qu’il avait agressée au Quality Inn. Les photos du torse du plaignant ne révélaient aucun signe de meurtrissures, d’hématomes ou de lésions.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 28 février 2016, des agents ont répondu à un appel au 9-1-1 indiquant que le plaignant avait agressé et séquestré une femme au motel Quality Inn, à Mississauga. On a également signalé que le plaignant était connu pour être en possession de couteaux. Des agents du PRP se sont rendus au motel en réponse à l’appel et ont arrêté le plaignant. Une fois à l’hôpital, on a découvert que le plaignant avait deux fractures, aux neuvième et dixième côtes droites. Le plaignant allègue que les agents ont utilisé une force excessive pour l’appréhender.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Pour ce qui est de la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’appel au 9-1-1 que la police avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis des voies de fait et qu’une infraction de détention illégale était en cours. L’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne la question de savoir si les agents ont utilisé une force excessive pour appréhender le plaignant, il est regrettable que la partie du motel où l’interaction entre la police et le plaignant a eu lieu n’était couverte par aucune caméra de vidéosurveillance. Cependant, les déclarations de l’AI n° 2 et des trois agents témoins présents au moment de l’arrestation du plaignant, ainsi que de quatre témoins civils, dépeignent une image assez claire de ce qui s’est passé la nuit en question.

Aucun des témoins civils n’a indiqué avoir vu un agent frapper le plaignant. Celui-ci ne s’est d’ailleurs plaint d’aucune blessure ou douleur que ce soit au motel, après son arrestation, ou dans la voiture qui le conduisait au poste de police ni, initialement, au poste de police lors de son enregistrement. Sur la vidéosurveillance du motel, on voit le plaignant, les menottes aux poignets et escorté par des policiers, marchant normalement, sans signe apparent de blessure ou de douleur. Une fois au poste de police, la vidéo de l’enregistrement montre le plaignant qui arrive en marchant, là aussi sans signe apparent de douleur ou de blessure. Néanmoins, au fur et à mesure de la procédure d’enregistrement, le plaignant commence à agir comme s’il souffrait, et les policiers décident alors de le conduire à l’hôpital. À l’hôpital, le plaignant a fait diverses allégations de douleur et de blessure. On a radiographié toutes les parties de son corps dont il se plaignait. Les seules blessures notées par le médecin sont deux fractures, aux neuvième et dixième côtes droites. Le médecin qui a examiné et interprété les radiographiques a indiqué que ces fractures étaient possiblement anciennes, mais, malheureusement, il n’était pas en mesure de conclure de quand elles dataient. Il n’y avait aucune marque ni hématome sur le torse du plaignant à l’endroit où on aurait dû le frapper pour causer de telles blessures. Des enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont pris des photographies du plaignant pour cataloguer ses blessures. Sur ces photos, son torse ne présente aucun signe de meurtrissures, d’hématomes ou de lésions, comme on pourrait s’y attendre si on l’avait battu comme il l’a prétendu.

Au cours de cette arrestation, le plaignant a opposé une forte résistance aux agents qui essayaient de le menotter. On avait prévenu les agents que le plaignant était peut-être armé d’un couteau. Des vérifications antérieures avaient également indiqué qu’il avait des antécédents de violence et de port d’armes. L’AI no 2 a donné quatre coups de genou avec force dans le dos du plaignant jusqu’à ce que celui-ci laisse finalement la police lui menotter le poignet droit. D’après les éléments de preuve, l’AI no 2 a donné ces coups de genou alors que lui-même et deux autres agents (dont l’AI no 1) étaient sur le plaignant. Étant donné que les policiers connaissaient les antécédents de violence et de port d’armes du plaignant et qu’on les avait prévenus qu’il était souvent en possession de couteaux, je ne trouve pas déraisonnable que l’AI no 2 ait donné des coups de genou au plaignant alors que celui-ci continuait de résister et d’essayer de saisir quelque chose dans sa poche. En fait, on a par la suite fouillé cette poche et découvert qu’elle contenait un couteau à ressort.

Compte tenu des déclarations des agents et des témoins civils, des vidéos du motel et de la salle d’enregistrement du poste de police, où rien ne semble indiquer que le plaignant souffrait de douleurs ou de blessures, ainsi que du dossier médical révélant que les seules blessures du plaignant étaient deux fractures aux côtes – possiblement anciennes – ainsi que des photos qui ne montrent aucun hématome ou autre marque sur le torse du plaignant, j’en conclus qu’il est peu probable que ses blessures aient été causées par l’un ou l’autre des agents impliqués.

Qui plus est, je conclus que même si le plaignant avait été blessé au moment où les policiers tentaient de l’appréhender, ceux-ci ont agi dans les limites autorisées par le paragraphe 25(1) du Code criminel et n’ont exercé que la force nécessaire pour maîtriser le plaignant et procéder à une arrestation légale, tout en veillant à ce que personne ne soit blessé par une arme dissimulée par le plaignant. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes des agents sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 20 juin 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.