Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-065

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers , le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS , le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Atres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur les circonstances dans lesquelles un homme de 46 ans a subi une blessure grave lors de son appréhension pour état d’ivresse dans un lieu public, le 4 mars 2016, dans la ville de Markham.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident par la Police régionale de York (PRY) le 5 mars 2016, à 2 heures du matin. La PRY a signalé qu’un homme de 46 ans avait subi une blessure au visage lors de son arrestation pour état d’ivresse dans un lieu public, quelques heures auparavant, à Markham.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié et préservé des éléments de preuve. Les enquêteurs ont mesuré et photographié les lieux.

Plaignant

A participé à une entrevue; ses dossiers médicaux ont été examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas fourni une copie de ses notes, comme c’est son droit en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

Le plaignant a été blessé dans l’allée du 4331, 14e Avenue, qui est l’entrée d’un commerce connu sous le nom de Magic Wok Restaurant. À cet endroit, la 14e Avenue a quatre voies de circulation, avec une limite de vitesse de 60 km/h. C’est une voie publique très fréquentée.

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs ont examiné et photographié les lieux en détail. Ils ont mesuré et photographié des taches de sang sur l’allée conduisant au restaurant.

Preuves médicolégales

Le plaignant a été conduit à l’hôpital Grace de Scarborough à la suite de son arrestation. L’UES a examiné les dossiers médicaux qu’elle a obtenus de l’hôpital, sur consentement. Les éléments de preuve médicaux ont confirmé que le plaignant a subi plusieurs fractures faciales et qu’il avait un taux d’alcoolémie élevé au moment de son arrestation, le 4 mars 2016.

L’UES a examiné les photographies des blessures du plaignant prises par la PRY.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a obtenu et sécurisé les enregistrements vidéo du dernier établissement visité par le plaignant avant l’incident.

La caméra intégrée au tableau de bord du véhicule de police de l’AI a enregistré l’interaction entre l’AI et le plaignant. L’UES a également examiné cette vidéo.

Enregistrement des communications

L’UES a obtenu et examiné un enregistrement des communications de la police en rapport avec l’incident.

Éléments obtenus auprès du PRY

L’UES a demandé les documents suivants au PRY, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumé détaillé de l’appel no 16-60437
  • rapport d’incident général
  • notes des agents témoins
  • deux planches contacts des photos du lieu de l’incident
  • avis d’infraction provinciale remis au plaignant, et
  • politique de la PRY relative à l’appréhension et la libération des contrevenants. (Cette politique traite notamment de la façon dont les policiers doivent agir en présence de personnes en état d’ivresse.)

Description de l’incident

Le 4 mars 2016, le plaignant a passé l’après-midi à consommer de l’alcool dans un établissement titulaire d’un permis d’alcool sur Kennedy Road, à Markham.

Le plaignant a quitté cet établissement à 20 h 30. Il était très ivre.

Vers 22 h 45, l’AI a remarqué le plaignant qui marchait sur le côté sud de la 14e Avenue, à l’ouest de Kennedy Road. Le plaignant titubait et trébuchait. À plusieurs reprises, il a failli s’engager sur la chaussée, au milieu de la circulation.

L’AI s’est approché du plaignant et a remarqué qu’il avait de la difficulté à maintenir son équilibre, qu’il avait la voix pâteuse et qu’il dégageait une forte odeur d’alcool.

À 22 h 47, l’AI a informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour « état d’ivresse dans un lieu public », en vertu de la Loi sur les permis d’alcool.

L’AI a tenté de menotter le plaignant. Il avait attaché l’un de ses poignets lorsque le plaignant a fait un écart pour tenter de saisir un paquet de cigarettes qui avait été placé sur le capot du véhicule de police. Du fait de ce mouvement, l’AI n’a pas pu attacher la deuxième menotte qui est restée pendue au poignet du plaignant. Le plaignant a alors saisi cette menotte de la main droite et a essayé de tirer dessus pour se dégager.

L’AI a donné un coup de genou sur la cuisse droite du plaignant et l’a plaqué à terre. Le plaignant a atterri sur le côté droit, la partie inférieure de son corps touchant le sol en premier. L’AI a fini de menotter le plaignant et, constatant que l’homme saignait profusément du nez, a appelé une ambulance.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1), Code criminel — Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier,
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public,
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public,
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances.

Examinons d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant. Il est clair, d’après le témoignage de toutes les personnes qui ont eu des contacts avec le plaignant dans la soirée du 4 mars 2016, que ce dernier était extrêmement ivre lorsqu’il a quitté l’établissement titulaire d’un permis pour retourner à pied chez lui. L’AI avait raison de s’inquiéter pour la sécurité du plaignant et du public, puisque le plaignant, à plusieurs reprises, a presque marché sur la chaussée, au milieu de la circulation, et, à une occasion, a presque heurté le côté d’une voiture. L’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée en vertu de la Loi sur les permis d’alcool.

En ce qui concerne l’intensité de la force que l’AI a utilisée pour tenter de maîtriser et menotter le plaignant, je conclus, en me fondant sur l’ensemble des éléments de preuve – que confirme clairement la vidéo de la caméra de la voiture de police – que les actes de l’AI étaient justifiés dans les circonstances et qu’il n’a pas eu recours à plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant qui résistait avec force au menottage et à la fouille que l’AI était en droit d’effectuer. Au vu du dossier, il est évident que l’AI n’a pas utilisé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légitime du plaignant.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs exposés ci-dessus, que l’arrestation et la détention du plaignant, ainsi que la manière dont elles ont été exécutées étaient licites, malgré la blessure que le plaignant a subie. La jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluk [2010] 1 RCS 6). Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes de l’agent sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 22 juin 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.