Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-082

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur un incident, survenu le 17 mars 2016, peu après 21 heures, au centre commercial Pen Centre, à St. Catharines, qui impliquait des agents du Service de police régional de Niagara (SPRN) et le plaignant. Le 19 mars 2016, le plaignant s’est rendu à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une commotion cérébrale.

L’enquête

Notification de l’UES

Le SPRN a avisé l’UES de l’incident le 21 mars 2016, après avoir pris connaissance d’un message affiché sur Facebook par la mère du plaignant qui décrivait la nuit passée à l’hôpital et mentionnait que le plaignant souffrait d’une commotion à la suite de son arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignante

Jeune homme de 16 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue et donné un avis médical

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans l’aire de restauration du centre commercial Pen Center (« le centre commercial »), situé au 221, avenue Glendale, à St. Catharines.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a recueilli des enregistrements vidéo qui montrent le plaignant dans l’aire de restauration et dans les corridors voisins du centre commercial.

Documentation obtenue auprès du Service de police régional de Niagara

L’UES a demandé les documents suivants au SPRN, qu’elle a obtenus et examinés :

  • copie papier de l’appel-16-21161
  • registre de divulgation
  • notes des agents témoins, et
  • document du SPRN décrivant les séquences vidéo

Description de l’incident

Dans la soirée du 17 mars 2016, le plaignant et le TC no 6 étaient au centre commercial et étaient tous deux en état d’ivresse. Il y a eu une altercation entre le plaignant et le TC no 5. Le service de sécurité du centre commercial a été appelé. Le TC no 2 est arrivé et a demandé au plaignant et au TC no 6 de quitter le centre commercial, mais ils ont refusé. Le SPRN a été avisé et l’AI est arrivé dans l’aire de restauration. Le plaignant et le TC no 6 se sont identifiés verbalement à l’AI et ont confirmé qu’ils avaient 16 ans. L’ no 1, l’ no 2 et l’ no 3 sont arrivés sur les lieux peu après, et une confrontation verbale a commencé entre le plaignant et l’ no 1. Étant donné l’âge et le degré d’intoxication du plaignant et du TC no 6, l’AI a décidé de les conduire au poste de sécurité du centre commercial d’où on appellerait leurs parents pour qu’ils les ramènent à la maison.

L’AI a placé sa main droite sur le dos du plaignant pour le conduire au poste de sécurité, mais le plaignant s’est écarté. L’AI alors saisi le bras gauche du plaignant pour l’arrêter pour intrusion. Comme le plaignant tenter à nouveau de se dégager, l’ no 1 l’a saisi au bras droit et, avec l’aide de l’AI, l’a poussé pour le mettre à terre. Pour le maîtriser, l’AI a placé un genou sur le côté de la nuque et de la tête du plaignant. L’AI l’a ensuite menotté dans le dos, puis avec l’aide de l’ no 1, l’a relevé et l’a dirigé vers le poste de sécurité.

Le plaignant continuait de résister alors qu’il marchait le long du corridor aux côtés de l’AI. À un moment donné, le plaignant a fait un écart et a cogné son épaule droite contre un panneau publicitaire sur le mur. Le côté droit du corps du plaignant et possiblement sa tête ont frappé le panneau. L’AI a placé son bras autour du cou du plaignant, lui a donné un coup de genou au dos des jambes et l’a tiré vers l’arrière et vers le bas pour le forcer à s’assoir. Une fois le plaignant calmé, les policiers l’ont relevé et escorté jusqu’au poste de sécurité depuis lequel on a appelé sa mère. Plusieurs bouteilles d’alcool ont été trouvées dans son sac à dos. Le plaignant a été accusé d’intrusion et de possession d’alcool par une personne âgée de moins de 19 ans.

Le 19 mars 2016, le plaignant s’est rendu à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une commotion.

Dispositions législatives pertinentes

Loi sur l’entrée sans autorisation, article 2

L’entrée sans autorisation est une infraction

  1. Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :
    1. a) sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
      1. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi,
      2. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi;
    2. ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné.

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

À mon avis, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle dans ses interactions avec le plaignant le 17 mars 2016.

Dans la soirée du 17 mars 2016, le plaignant et son ami, le TC no 6, se trouvaient au centre commercial. Ils étaient tous deux âgés de 16 ans et en état d’ivresse. À la suite d’une confrontation entre le plaignant et le TC no 5, le service de sécurité a été appelé. Les agents de sécurité sont arrivés sur les lieux et ont demandé au plaignant et au TC no 6 de quitter le centre commercial, mais ces derniers n’ont pas obtempéré. Le SPRN a été appelé. L’AI, qui se trouvait dans le centre commercial pour une autre affaire, est arrivé à l’aire de restauration environ une minute plus tard. Le TC no 2 lui a dit que le plaignant et le TC no 6 refusaient de quitter le centre commercial. Les no 1, no 2 et no 3 sont arrivés peu après en renfort.

Le plaignant et le TC no 6 se sont identifiés verbalement à l’AI et ont confirmé qu’ils avaient 16 ans. L’AI a estimé que les deux adolescents étaient en état d’ivresse. Après presque dix minutes de discussion et une confrontation verbale entre le plaignant et l’ no 1, l’AI a décidé de conduire le plaignant et le TC no 6 au poste de sécurité d’où on appellerait leurs parents pour qu’ils viennent les chercher et les ramener à la maison. Le plaignant a commencé à être verbalement agressif envers l’AI. L’ no 2 a ordonné au TC no 6 de la suivre, ce qu’il a fait. L’AI a mis son bras autour du dos du plaignant, mais le plaignant a reculé et a essayé de repousser le bras de l’AI. L’AI a déclaré au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour intrusion. L’AI a saisi le bras gauche du plaignant et l’ no 1, le bras droit, et ensemble, les deux policiers ont mis le plaignant à terre de façon contrôlée. La vidéo du centre commercial confirme que le plaignant a été en mesure de placer sa main gauche en avant et de s’en servir pour se protéger dans sa chute, et que sa tête n’a pas cogné le sol. Tout en saisissant de nouveau le bras gauche du plaignant pour le placer derrière son dos, l’AI a placé son genou sur le côté de la nuque et de la tête du plaignant pour le maîtriser. L’ no 1 et l’AI l’ont menotté dans le dos, puis l’ont relevé et conduit au poste de sécurité.

Alors que plaignant marchait dans un corridor sous la conduite de l’AI, il a frappé de son épaule droite un panneau publicitaire sur le mur. L’AI a réagi immédiatement : il a placé son bras autour du cou du plaignant, lui a donné un coup de genou au dos des jambes et l’a tiré vers l’arrière et vers le bas pour le forcer à s’assoir. L’AI a ensuite retiré son bras gauche du cou du plaignant. Peu après, les policiers ont relevé le plaignant et l’ont conduit au poste de sécurité. On a appelé sa mère. Par la suite, de multiples bouteilles d’alcool ont été trouvées dans son sac à dos, et les chefs d’accusation d’intrusion et de possession d’alcool par une personne de moins de 19 ans ont été portés contre lui.

Les agents de sécurité des centres commerciaux sont chargés de surveiller les activités dans le centre et ont le pouvoir d’en contrôler l’accès. En vertu de l’article 2 de la Loi sur l’entrée sans autorisation, il est illégal de ne pas quitter immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné. En conséquence, le TC no 2 avait le pouvoir d’ordonner au plaignant et au TC no 6 de quitter immédiatement le centre commercial, ce qu’il a fait. Les deux adolescents ont refusé de quitter les lieux.

Lorsque l’AI est arrivé, le TC no 2 lui a expliqué ce qui s’était passé, y compris le fait que le plaignant et le TC no 6 avaient refusé d’obéir à son ordre de quitter le centre commercial. En vertu du paragraphe 9 (1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation, un agent de police peut arrêter sans mandat une personne qu’il croit, pour des motifs raisonnables et probables, être sur les lieux en contravention de l’article 2. Par conséquent, l’AI avait le pouvoir légitime d’arrêter le plaignant.

Le paragraphe 25 (1) du Code criminel limite la force qu’un agent peut utiliser à ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour l’exécution de ses fonctions légitimes. L’enregistrement de vidéosurveillance du centre commercial a eu une valeur importante pour corroborer les divers récits de l’incident et pour déterminer si la force utilisée par l’AI était raisonnable dans les circonstances. Bien que n’ayant pas d’audio, ces séquences ont visuellement capturé à la fois l’aire de restauration et le corridor menant au poste de sécurité.

L’AI avait initialement l’intention d’escorter le plaignant et le TC no 6 jusqu’au poste de sécurité pour appeler leurs parents et leur demander qu’ils viennent les chercher. C’est en fait ce qui s’est passé pour le TC no 6, qui a obéi aux ordres de l’ no 2 et n’a été ni menotté, ni plaqué au sol. Par contre, le plaignant a reculé lorsque l’AI lui a ordonné d’avancer, et les agents ont dû lutter pour lui tenir les bras. L’ no 1 et l’AI l’ont alors plaqué au sol puis menotté. Pour ce faire, l’AI a placé son genou contre la nuque et la tête du plaignant lorsque celui-ci était à terre, ce qu’il a justifié en déclarant que c’était pour maîtriser le plaignant. L’AI a affirmé qu’il n’avait pas exercé de pression. Ceci contredit quelque peu les images de vidéosurveillance où on voit l’AI poussant son genou contre la nuque et la tête du plaignant pendant qu’on lui plaçait les menottes, ce qui semble l’empêcher de bouger la tête.

Un peu plus tard, on voit aussi sur la vidéo le plaignant cogner son épaule et possiblement sa tête contre un panneau publicitaire sur le mur du corridor. L’AI réagit en mettant son bras autour du cou du plaignant et en le tirant en arrière vers le sol. Cette technique permet à l’AI de mettre à terre le plaignant de manière contrôlée, en le faisant atterrir avec une force minimale sur les fesses. Lorsque l’AI a retiré son bras du cou du plaignant, ce dernier n’a montré aucun signe visible de détresse. Le degré de force utilisé semble constituer une technique raisonnée et contrôlée pour placer le plaignant en position assiste en toute sécurité et lui permettre de se calmer. L’enquête n’a rien révélé qui indiquerait que le plaignant se soit cogné la tête lors de son interaction avec le SPRN et, par conséquent, il n’y a pas de motif de croire qu’il a subi une commotion lors de cet incident.

Néanmoins, compte tenu des deux scénarios que l’on peut observer sur la vidéo et qui pourraient possiblement causer une blessure à la tête du plaignant, à savoir que le plaignant s’est peut-être cogné la tête sur le panneau publicitaire et que l’AI a peut-être appuyé trop fort sur la nuque ou la tête du plaignant avec son genou, le TC no 7 a expliqué que se précipiter contre un panneau était la cause probable de la commotion parce que la pression appliquée sur la tête de la manière que montre la vidéo ne pourrait pas causer la commotion subie par le plaignant.

En conclusion et en me fondant sur l’ensemble des éléments de preuve, je suis convaincu que, pour des motifs raisonnables, la force utilisée par l’agent pour procéder à l’arrestation du plaignant est restée dans les limites prescrites par la loi et, par conséquent, aucune accusation ne sera portée dans cette affaire.

Date : 24 juillet 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.