Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-084

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par le plaignant lors de son arrestation pour avoir troublé la paix le 26 mars 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le Service de police régional du Niagara (SPRN) a avisé l’UES le 27 mars 2016 à 2 h 15 du matin, après avoir été informé par le personnel de l’hôpital que le plaignant souffrait d’une hémorragie cérébrale grave à la suite de son arrestation et de son transport à l’hôpital. Le SPRN a indiqué avoir reçu un appel pour trouble de la paix plus tôt ce même jour, à Welland, où se trouvait le plaignant. Un agent de police avait repéré le plaignant dans le bâtiment et avait utilisé une arme à impulsions pour procéder à son appréhension.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant

Homme de 45 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise.

Éléments de preuve

Éléments obtenus auprès du SPRN

L’UES a demandé les documents suivants au SPRN, qu’elle a obtenus et examinés :

  • 4 résumés détaillés d’appel,
  • Notes des agents témoins nos 1, 2 et 3, et
  • Horaire de peloton.

Description de l’incident

Le samedi 26 mars 2016, vers 22 h 30, le SPRN a reçu un appel au sujet d’un homme qui était hors de contrôle et brisait des objets dans un immeuble d’habitation à Welland. La police a été informée que l’homme avait fait une chute sur plusieurs marches dans les escaliers et qu’un autre résident de l’immeuble l’avait assommé.

L’AI et le l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux vers 22 h 40. Lorsqu’ils sont entrés dans le bâtiment, l’AT no 2 a remarqué une fenêtre brisée sur le côté de la porte d’entrée. Une des personnes qui se trouvaient là leur a dit que le plaignant avait brisé la fenêtre et qu’il était dans un appartement au deuxième étage. Cette personne a également mentionné que le plaignant avait un problème de santé qui exigeait des précautions de la part de la police. L’AI et l’AT no 2 sont montés par l’escalier au 2e étage où ils ont rencontré le TC no 1 et le TC no 2 à la porte de leur appartement. Alors qu’ils entraient dans l’appartement, le TC no 2 a déclaré à l’AT no 2 que le plaignant avait été hors de contrôle dans le couloir et qu’il avait brisé quelque chose. Quand le TC no 2 a tenté de voir ce qui se passait, le plaignant avait avancé dans sa direction et essayé d’entrer de force dans l’appartement. Le TC no 2 avait donné un coup de poing au plaignant au visage, ce qui l’avait assommé.

L’AI et l’AT no 2 sont entrés dans l’appartement. Le plaignant était allongé par terre dans la cuisine et semblait se reposer ou avoir perdu connaissance. La tête du plaignant était près d’un réfrigérateur, dans le coin de la cuisine, et il saignait du visage. Il y avait aussi beaucoup de sang sur le sol. Le requérant respirait fortement et transpirait. Le côté gauche de son visage était enflé. L’AT no 1 est alors arrivé dans l’appartement et a remarqué une encoche dans le mur, près de l’endroit où se trouvait la tête du plaignant, ainsi qu’une flaque de sang assez importante sur le sol, dans le coin de la cuisine, et du sang sur les lèvres, près du nez et sur les bras du plaignant.

L’AT no 2 a déclaré au plaignant qu’une ambulance viendrait pour s’occuper de lui. Le plaignant a commencé à reprendre connaissance et il était évident, pour l’AT no 2, qu’il était en état d’ivresse. Le plaignant a déclaré [traduction] : « Il est où? » puis a ajouté : « Je vais l’avoir ». Il était agité, énervé et en colère et il a commencé à se relever en prenant appui sur un genou. L’AT no 2 a dit au plaignant de se calmer et de rester allongé. Le plaignant a continué d’essayer de se relever et se comportait de manière agressive. L’AI a expliqué au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour méfait et que l’ambulance arrivait. L’AI a aussi déclaré au plaignant de faire attention à ce qu’il lui disait, ou il déploierait son arme à impulsions.

Le plaignant a commencé à se diriger vers la porte d’entrée. L’AI a crié : « Taser, Taser, Taser ». L’AI a alors déchargé son arme à impulsions et les deux fléchettes ont pénétré le côté gauche du plaignant, les sondes très proches l’une de l’autre. Le plaignant s’est affaissé lentement, d’abord sur ses genoux puis allongé sur le côté. Sa tête n’a pas cogné le sol.

Le plaignant a de nouveau tenté de se relever, en répétant [traduction] : « Où est le gars qui m’a frappé, je veux lui en foutre une. » L’AI a placé son pied sur le bras droit ou l’épaule du plaignant, en lui disant de se calmer et qu’une ambulance était en route. Le plaignant essayait de se relever, les poings serrés et en répétant qu’il voulait s’en prendre à la personne qui l’avait frappé. L’AI a déchargé une deuxième fois son arme à impulsions, et le plaignant est alors resté allongé sur le sol. Les pompiers et les ambulanciers sont arrivés.

Le plaignant a été emmené à l’hôpital, où il a été constaté qu’il avait subi une hémorragie cérébrale.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1), Code criminel — Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

À mon avis, il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle lors de ses interactions avec le plaignant le 26 mars 2016.

À 22 h 37, les résidents d’un immeuble d’appartements à Welland ont appelé la police pour signaler des troubles. À 22 h 43, l’AI et l’AT no 2 sont arrivés sur les lieux. À leur entrée dans le bâtiment, un témoin, dont l’identité n’est pas connue, les a prévenus que le plaignant avait un problème de santé dont ils devraient se préoccuper. Le TC no 1 et le TC no 2 ont expliqué aux agents ce qui s’était passé avant leur arrivée. L’AI et l’AT no 2 ont trouvé le plaignant sans connaissance dans la cuisine de l’appartement du TC 2, avec du sang sur son visage et sur le sol autour de lui. L’AT no 2 a remarqué que le plaignant transpirait, respirait fortement et que le côté gauche de son visage était enflé.

Le plaignant a commencé à reprendre connaissance, puis à proférer des menaces en tentant de se relever. L’AT no 2 et l’AI lui ont dit de se calmer et de rester allongé, mais il n’a pas obtempéré. L’AI l’a averti qu’il déchargerait son Taser sur lui s’il refusait de l’écouter. Comme le plaignant continuait de bouger, l’AI a déchargé son arme à impulsions. Le plaignant s’est écroulé sur le sol. Les AT no 1 et no 3 sont arrivés sur les lieux.

Selon l’AT no 1, le plaignant a essayé de se relever de nouveau avec les poings serrés et a continué de dire qu’il voulait s’en prendre à la personne qui l’avait frappé. L’AI a déchargé son arme un une deuxième fois, ce qui a amené le plaignant à se calmer et à rester allongé jusqu’à l’arrivée des ambulanciers. L’AT no 3 a déclaré que l’AI lui avait dit qu’il avait déchargé son Taser parce qu’il ne voulait pas se battre avec le plaignant alors qu’il saignait abondamment et qu’on lui avait dit qu’il avait un problème de santé dont la police devrait se préoccuper. Le plaignant n’a pas été menotté.

Le plaignant a été transporté par ambulance à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une hémorragie cérébrale. Le 27 mars 2016, le SPRN a communiqué avec l’UES pour signaler qu’on avait découvert que le plaignant avait une blessure grave après sa libération de la garde de la police. En conséquence, l’UES a invoqué son mandat et ouvert une enquête.

Je suis convaincu que l’AI avait le pouvoir légitime de recourir à la force pour maîtriser le plaignant afin de préserver la paix et de l’empêcher de mettre une menace d’agression à exécution. Ce n’est qu’après que le plaignant a ignoré ses commandes verbales de rester assis et qu’il a continué de proférer des menaces contre le TC no 2, que l’AI a déchargé son arme à impulsions. Les données téléchargées de cette arme confirment le récit des témoins selon lequel l’arme à impulsions de l’AI a été déchargée deux fois, dans les deux cas pendant cinq secondes et à environ trois minutes d’intervalle. Je trouve raisonnable la décision de l’AI de choisir son arme à impulsions comme option de recours à la force dans les circonstances, compte tenu notamment du comportement agressif et du refus d’obtempérer du plaignant, de la quantité de sang à proximité et de l’avertissement préalable que le plaignant avait un problème de santé qui justifiaient des précautions de la part de la police.

À mon avis, aucune preuve ne permet de conclure à l’usage d’une force excessive par l’AI. En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. La seule force employée par l’AI consistait en deux décharges de son arme à impulsions. Je suis convaincu que confronté à un plaignant intoxiqué, en colère et agressif, qui avait été impliqué peu de temps auparavant dans des altercations violentes, et qui refusait d’obéir aux ordres et continuait de proférer des menaces, l’AI a utilisé une force qui était raisonnable pour empêcher le plaignant de causer d’autres préjudices. Il est fort probable que le plaignant a subi l’hémorragie cérébrale le soir en question, vraisemblablement en tombant dans l’escalier ou lors de sa confrontation physique avec le TC no 2, mais en tout état de cause, aucune preuve ne suggère que cette blessure ait été causée par les agents de police concernés.

L’ensemble des éléments de preuve me conduit donc à la conclusion que l’AI était dans son droit lorsqu’il a utilisé son arme à impulsions pour maîtriser le plaignant, et qu’il l’a fait de manière raisonnable et contrôlée. Par conséquent, je n’ai aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, et aucune accusation ne sera donc déposée. »

Date : 24 juillet 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.