Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-089

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS , le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par la plaignante alors qu’elle traversait une rue, à une intersection sans signalisation, et a été heurtée par un véhicule de police.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de cet incident par le Service de police de London (SPL) le 4 avril 2016 à 8 h du matin.

Le SPL a signalé que le 4 avril 2016, à 12 h 12, l’agent impliqué (AI) conduisait un véhicule de police accompagné de l’agent témoin no 2. Ils roulaient vers le nord, sur la rue Richmond, et approchaient du passage à niveau, au sud de la rue Piccadilly.

Un taxi qui roulait en sens inverse s’est arrêté à leur hauteur. Deux personnes sont sorties du taxi et ont traversé la rue pour se rendre à un pub. Une troisième personne, la plaignante, est sortie du taxi et a traversé devant le véhicule de police. Elle a été heurtée par le véhicule de police. La plaignante a été transportée à l’hôpital où on a constaté qu’elle avait une fracture au bras.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires assignés : 1

Plaignante

Femme de 20 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise.

Éléments de preuve

Éléments obtenus auprès du SPL

L’UES a demandé les documents suivants au SPL, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Examen de conducteur (cadet) - AI,
  • Résumé détaillé d’appel ­- Appel d’une ambulance,
  • Registre de divulgation,
  • Liste des agents en service,
  • Rapport d’accident de véhicule automobile,
  • Notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2,
  • Rapport d’activité d’agent,
  • Suivi des sorties - copie papier, et
  • Rapports d’entretien de véhicule.

Les lieux

La rue Richmond est une rue nord/sud qui a quatre voies dans ce secteur, les voies vers le nord étant séparées des voies sud par une ligne continue et les deux voies dans chaque sens étant séparées entre elles par des lignes discontinues. Ces lignes étaient vraisemblablement peu visibles au moment de l’incident en raison d’une tempête de neige.

La rue Piccadilly est une rue est-ouest à deux sens, avec un panneau d’arrêt à l’est. Il n’y a pas de passage protégé pour piétons à l’intersection de la rue Piccadilly.

À environ 70 mètres au sud de la rue Piccadilly, l’intersection suivante sur la rue Richmond est à la hauteur d’un passage à niveau, avec des feux de traversée de voie ferrée.

Il y a trois lampadaires sur le côté ouest de la rue Richmond, entre la rue Piccadilly et la voie ferrée. Il y a un panneau d’interdiction de demi-tour sur le côté ouest de la rue Richmond, pour les véhicules roulant vers le sud.

Il n’y a pas de panneaux de limite de vitesse dans le secteur, mais la limite de vitesse par défaut au centre-ville de London est de 50 km/h.

Satellite picture of the neighbourhood.

Résumé du GPS du véhicule de police no55

À 12 h 11 min 22 s du matin, le véhicule de la police de l’AI roulait vers le nord, sur la rue Richmond, juste après l’avenue Central, à une vitesse de 40,1 km/h. À 12 h 11 min 37 s, le véhicule de police est passé à la hauteur de la rue Pall Mall à 42,7 km/h. Le véhicule de police a traversé la rue Piccadilly au nord de la voie ferrée à 9,0 km/h et, à 12 h 12 h 45, sa vitesse était de 0,4 km/h. Le véhicule de la police semble s’être immobilisé juste au-delà de la voie ferrée, au même endroit qu’à 12 h 12 min 9 s.

Résumé du dossier de conducteur de l’agent impliqué

Le 19 octobre 2004, l’AI a passé un examen de conducteur en tant que cadet. Le 15 décembre 2006, l’AI a complété avec succès toute la formation de base d’agent au Collège de police de l’Ontario (CPO). Une partie de la formation portait sur la conduite d’un véhicule de police. Cette formation constitue la majeure partie de toute la formation des policiers en matière de conduite automobile, à moins qu’une formation de rattrapage ne soit requise. À date, l’AI n’a dû suivre aucune formation de rattrapage.[1]

Résumé de l’enregistrement sonore des communications

Le 4 avril 2016, à 0 h 12, l’AI a appelé le centre de répartition et demandé qu’une ambulance soit envoyée dans le secteur des rues Piccadilly et Richmond. Il a précisé qu’une femme venait juste de se précipiter devant son véhicule de police. Les policiers ont indiqué que la femme se plaignait d’une douleur à l’épaule droite et qu’elle était consciente et respirait.

Résumé de la vidéo du taxi

Deux hommes entrent dans le taxi et disent : « Bonjour monsieur. [en français dans l’original] Can we hit up a McDonald’s that’s open? [Pouvez-vous nous conduire à un McDonald’s qui est ouvert?]. Le TC no 1 répond : « This one on Oxford? » [Celui sur Oxford?] L’homme répond « Ya ».

Une femme, que l’on pense être la TC no 3, traverse la rue Richmond d’ouest en est. Elle s’arrête et se retourne pour regarder derrière elle. Une femme, que l’on pense être la TC no 2 et un homme[2], traversent aussi la rue d’ouest en est, en direction du pub.

La TC no 2 était sur le trottoir et l’homme encore sur la chaussée. On peut voir la plaignante, dans le faisceau lumineux des phares, devant le véhicule de police du SPL.

Sur un enregistrement audio, on entend quelqu’un dire, « Look at this gal » [Regarde cette femme]. Le véhicule de police heurte la plaignante, à la hauteur du phare avant droit. La plaignante est projetée et atterrit sur la chaussée. Un des hommes dans le taxi pousse une exclamation.

Le véhicule du SPL dépasse la plaignante allongée sur la chaussée. La TC no 2 se dirige vers la plaignante, bloquant le champ de vision de la caméra. Il semble que la plaignante essaye de se relever.

Sur l’enregistrement audio, on entend quelqu’un dire : « Look at that girl » [Regarde cette femme] », et « He just leveled that girl » [il vient de l’aplatir]. Le TC no 1 déclare : « "He hit her » [Il l’a heurtée].

Les feux de freinage du véhicule de police sont allumés, et on le voit reculer vers l’endroit où la plaignante a été frappée. Sur l’enregistrement on entend quelqu’un dire : « Did we just see that? » [Je rêve ou quoi?] puis « Dude, we just saw it » [Non, je ne rêve pas]. Le TC no 1 dit alors : « Ya, ya, I did » [Oui, oui, c’est bien ça]. Le taxi s’éloigne.[3]

Résumé de la vidéo du pub Molly Bloom

La caméra sur le portillon du patio n’a pas capté l’événement et son enregistrement ne présente aucun intérêt pour l’enquête. La caméra du 25, rue Richmond Sud, a enregistré le taxi arrêté sur Richmond, face au nord, et deux hommes à l’extérieur du pub entrant dans le taxi.

En arrière-plan, en direction nord sur la rue Richmond, on voit un véhicule de police blanc portant les inscriptions du SPL dans la voie centrale. Le taxi démarre et le véhicule de police du SPL est à une distance d’environ six longueurs de voiture derrière, roulant en direction du nord.

Description de l’incident

Le 4 avril 2016, vers 12 h 12, un taxi qui roulait vers le sud, sur la rue Richmond, s’est arrêté sur le côté ouest de la rue, à la hauteur du pub Molly Bloom qui se trouve de l’autre côté de la rue, juste au nord de la voie ferrée. La plaignante, la TC no 2, la TC no 3 et un homme étaient à bord du taxi. Les rues étaient enneigées, et il continuait de neiger. La TC no 2 et l’homme sont sortis du taxi et ont traversé la rue Richmond. L’endroit où ils ont traversé n’était ni une intersection avec signalisation ni un passage protégé pour piétons. La TC no 2 et l’homme ont traversé devant une berline blanche qui roulait vers le sud, l’obligeant à freiner brusquement. L’AI était dans un véhicule identifié du SPL et roulait vers le nord. La TC no 2 et l’homme ont continué à traverser la rue Richmond devant le véhicule de police. La plaignante est alors sortie du taxi et a suivi la TC no 2 et l’homme, traversant à son tour la rue Richmond, derrière la berline blanche. La plaignante a continué de l’autre côté de la rue et a été heurtée par le coin gauche avant du véhicule de police conduit par l’AI. Le véhicule de police roulait à une vitesse d’environ 15-20 km/h. La plaignante a été transportée à l’hôpital par ambulance, où il a été conclu qu’elle avait subi une fracture de la tête de l’humérus droit, une rupture d’un nerf dans le bras droit et une commotion cérébrale. Le véhicule de police n’a subi aucun dégât.

Dispositions législatives pertinentes

Article 219, Code criminel - Négligence criminelle

219 Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Article 221, Code criminel - Causer des lésions corporelles par négligence criminelle

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Paragraphe 249 (1) a), Code criminel - Conduite dangereuse de véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

(a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

Analyse et décision du directeur

Le 4 avril 2016, vers 12 h 12, la plaignante a traversé la rue Richmond, au sud de la rue Piccadilly, près d’un passage à niveau, à London. La chaussée était couverte de neige et il continuait de neiger. Lorsque la plaignante a traversé la rue Richmond, elle a été heurtée par un véhicule de police du SPL que conduisait l’AI. La plaignante a été transportée à l’hôpital par ambulance, où il a été conclu qu’elle avait subi une fracture de la tête de l’humérus droit (une fracture dans la partie de l’os près du coude) et une commotion cérébrale. Selon le site Web de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons, il s’agit apparemment d’une blessure fréquemment causée lorsqu’on essaye d’amortir une chute en tendant le bras, l’impact de la chute se répercutant sur le haut de l’avant-bras et provoquant une rupture de l’os le plus petit (le radius) de l’avant-bras. Les fractures du radius se produisent souvent dans la partie de l’os près du coude, appelée la « tête ». La blessure au bras droit de la plaignante a nécessité une intervention chirurgicale et l’insertion d’épingles et de plaques pour stabiliser la fracture sur son épaule et son bras. Au cours de l’intervention chirurgicale, le médecin a également repéré une rupture d’un nerf à l’épaule.

On dispose de peu d’éléments de preuve solides dans cette affaire. Aucun des témoins civils n’a indiqué avoir observé la collision proprement dite, et les autres témoins possibles n’ont pas pu être identifiés ou ont refusé de coopérer. Les caméras vidéo du pub Molly Bloom, à proximité immédiate de l’incident, ne fonctionnaient pas ou leur enregistrement était d’utilité limitée.

Ce que l’on sait de façon certaine c’est que la plaignante, la TC no 3 et la TC no 2 sont arrivées dans un taxi qui roulait vers le sud et dont elles sont sorties sur le côté ouest de la rue Richmond, juste avant la voie ferrée. Le pub Molly Bloom est situé sur le côté est de la rue Richmond, au numéro 700, juste au nord de la voie ferrée. La TC no 2 et l’homme ont traversé la rue Richmond en direction du pub, suivis par la plaignante. Il n’y avait pas de passage protégé pour piétons ni de feux de circulation à cet endroit. Étant donné les commentaires que la TC no 2 et l’homme ont faits à la police, il semble qu’ils n’avaient aucune idée que c’était en fait le véhicule de police qui avait heurté la plaignante.

Outre la collision elle-même, et les blessures qui en ont découlé, la seule preuve qui pourrait être invoquée pour constituer des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise est l’enregistrement GPS du véhicule de police ainsi que les déclarations faites aux enquêteurs de l’UES par les deux agents présents dans le véhicule de police au moment de la collision, soit l’AI et son partenaire pour cette soirée, l’AT no 2.

Il ressort clairement de l’enregistrement GPS que l’AI n’a, à aucun moment, dépassé la limite de vitesse de 50 km/h en vigueur dans cette partie de la rue Richmond. À 12 h 11 min 22 s, l’enregistrement GPS indique que le véhicule de police roulait à 40,1 km/h sur la rue Richmond situé, juste après l’avenue Central, à environ 450 mètres au sud de la collision. À 12 h 11 min 37 s, l’enregistrement GPS indique que le véhicule de police roulait à 42,7 km/h et passait à la hauteur de la rue Pall Mall, soit à environ 240 mètres au sud de la collision. Lorsque le véhicule a traversé la rue Piccadilly, juste au nord de la voie ferrée, il roulait à 9 km/h; c’était à proximité immédiate de l’endroit où la collision a eu lieu. À 12 h 12 min 45 s, le véhicule était immobile et est resté dans cette position.

Selon l’AI, il était au volant de son véhicule, juste au sud de la rue Piccadilly, lorsqu’il a vu un taxi déposer un homme et une passagère qui ont ensuite traversé la rue Richmond, d’ouest en est, en direction d’un pub. Il a précisé dans sa déclaration qu’il avait observé qu’un véhicule roulant vers le sud avait dû freiner brusquement pour éviter de heurter ces deux personnes. Il a remarqué à ce moment-là que ces deux personnes traversaient la rue Richmond à un endroit où il n’y avait pas de feux de circulation ni de passage pour piétons et qu’il avait envisagé de leur parler de l’infraction de traversée illégale, en vertu du Code de la route. L’AI a estimé qu’il roulait à environ 20 km/h lorsqu’il a traversé la voie ferrée, mais qu’il a ralenti à environ 15 km/h lorsqu’il a vu les deux piétons traverser la chaussée. Il a décrit la route comme étant couverte de neige et précisé qu’il neigeait à ce moment-là.

L’AI a déclaré qu’il a ensuite vu la plaignante arriver en courant devant son véhicule et que l’avant de son véhicule, côté passager, a heurté la plaignante. Il a déclaré que cela s’était produit si rapidement qu’il n’avait pas eu le temps de réagir. Il a vu la plaignante, partiellement propulsée sur le capot par le choc, et qui est ensuite tombée sur la chaussée. L’AI a alors arrêté son véhicule, activé ses feux d’urgence, appelé une ambulance et porté secours à la plaignante en attendant l’arrivée de cette dernière.

La déclaration de l’AT no 2 aux enquêteurs corrobore le récit de l’AI. L’AT no 2 a également vu la femme et l’homme sortir du taxi et traverser devant la berline blanche, obligeant celle-ci à freiner. Il a également indiqué que cette berline blanche était parallèle au véhicule de police lorsque la plaignante est apparue devant ce dernier. Il pense que comme elle a surgi de derrière la berline, il n’a pu la voir qu’au moment où elle était déjà devant le parechoc droit du véhicule de police. L’AT no 2 était également d’avis que tout s’était passé tellement vite que cela n’avait pas laissé le temps de réagir. L’AT no 2 estime qu’au moment de l’impact, le véhicule de police roulait à environ 20 km/h. Cette faible vitesse pourrait expliquer le fait qu’il n’y a aucune marque de l’impact sur le véhicule de police.

Les éventuelles infractions à prendre en compte dans ces circonstances seraient celles de négligence criminelle causant des lésions corporelles ou de conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention des articles 221 et 249 du Code criminel, respectivement.

L’infraction de négligence criminelle exige de démontrer que le conducteur a fait preuve d’une « insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » et que sa conduite « constitue un écart marqué et important par rapport à la conduite d’un conducteur raisonnablement prudent dans des circonstances où l’accusé soit a eu conscience d’un risque grave et évident pour la vie d’autrui, sans pour autant l’écarter, soit ne lui a accordé aucune attention ». De même, l’infraction de conduite dangereuse exige également une conduite qui équivaut à « un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable observerait dans la situation de l’accusé ».

En l’espèce, les éléments de preuve montrent clairement que l’AI a conduit en tout temps à une vitesse inférieure à la limite autorisée, probablement pour tenir compte de l’état de la route et des conditions météorologiques, et aucune preuve ne permet de conclure que sa conduite pourrait constituer un écart marqué par rapport à la norme de prudence qu’exercerait une personne raisonnable. Dans toutes les circonstances de cette affaire - y compris le fait que l’AI conduisait à une vitesse inférieure à la limite autorisée, tenait compte de l’état de la route et des conditions météorologiques, prêtait attention aux autres usagers de la route, en étant peut-être distrait momentanément par ceux-ci, y compris par l’homme et la femme qui étaient sortis du taxi et traversaient la rue Richmond, forçant un autre véhicule à freiner brusquement pour éviter une collision, et le fait que son véhicule automobile a touché une piétonne - je ne trouve rien à redire aux actes de l’AI ni à la façon dont il conduisait. Il est clair que la plaignante s’est engagée sur la chaussée dans de mauvaises conditions météorologiques et d’éclairage, à un endroit où il n’y a pas de passage pour piétons ni de feux de circulation.

Par conséquent, après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve et malgré le fait que le véhicule de police conduit par l’AI a heurté la plaignante qui a subi des blessures suite à cette collision, je conclus que la manière dont l’AI a conduit son véhicule est resté dans les limites prescrites par le droit criminel. De ce fait, je conclus que les éléments de preuve dans cette affaire ne fournissent pas de motifs raisonnables de porter des accusations. En conséquence, il n’y a pas lieu de déposer des accusations criminelles contre cet agent et aucun chef d’accusation ne sera donc porté.

Date : 24 juillet 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Tout agent de police impliqué dans deux collisions qui auraient pu être évitées doit suivre un cours en ligne du Réseau canadien du savoir policier sur la conduite de véhicules de police. Tout agent de police impliqué dans trois collisions qui auraient pu être évitées doit se rendre au CPO pour suivre une formation de rattrapage (d’une journée). [Retour au texte]
  • 2) [2] L’homme qui était avec la TC no 2 a refusé de fournir une déclaration aux enquêteurs de l’UES. [Retour au texte]
  • 3) [3] Les enquêteurs de l’UES n’ont pas été en mesure d’identifier les deux hommes qui étaient à l’intérieur du taxi. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.