Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-PFI-220

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur un incident qui s’est déroulé le 23 août 2016, vers 22 h 55, à Napanee. Le plaignant, qui avait 30 ans au moment de l’incident, a subi une blessure par balle et une fracture de la clavicule.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident par la Police provinciale de l’Ontario.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes, des photographies, des enregistrements vidéo, des croquis et des mesures.

Plaignant

A participé à une entrevue

TC A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été revues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

Agents impliqué

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé à l’intérieur et aux alentours d’une tente-roulotte de camping, dans le camping Bass Cove Family Campground situé au 5558 County Road 8, à Napanee.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Il y avait une roulotte Master Coach Deluxe de 27 pieds sur le côté sud d’un chemin de gravier orienté est/ouest; l’avant de la remorque faisait face à l’ouest.

éléments de preuve matériels

La porte d’entrée de la roulotte faisait face au chemin et il y avait des fenêtres des deux côtés. La fenêtre à droite de la porte, face au chemin, avait été brisée depuis l’extérieur. Un morceau de moustiquaire de cette fenêtre avait été découpé et était par terre, sous la fenêtre. Il y avait aussi un peu de sang au bas du cadre de la fenêtre à gauche de la porte d’entrée.

Un trou d’un diamètre de quatre à cinq centimètres avait été percé dans la paroi extérieure de la roulotte, du côté opposé à la porte d’entrée, par un objet provenant de l’intérieur. Sous ce trou, on a retrouvé au sol un projectile « ARWEN » .

à l’intérieur et à droite de la porte, le lit à l’avant de la roulotte était jonché de verre brisé. Il y avait plusieurs taches de sang sur le drap-housse du lit ainsi qu’un certain nombre d’objets, dont des petites pilules blanches « BAC10 », une carte de santé de l’Ontario et un couteau universel à poignée en plastique dont la lame était cassée.

Sur le mur, on a constaté des traces de sang sur l’interrupteur entre la fenêtre et la porte de gauche, ainsi que sur le cadre de la fenêtre inférieure, correspondant aux taches de sang du cadre de la fenêtre à l’extérieur.

éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais n’ont rien trouvé.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications de la police ont été recueillis et examinés.

  • La TC appelle le 9-1-1 dans la soirée du 23 août 2016 pour signaler que le plaignant avait besoin d’aide parce qu’il lui avait envoyé des courriels dans lesquels il disait qu’il allait se suicider
  • L’AT no 4 indique que le plaignant est seul dans la roulotte et qu’il pointe une arme à feu contre sa tête, en menaçant de s’en servir. L’AT no 4 suggère qu’on apporte une ARWEN sur les lieux, et le répartiteur indique que l’Unité d’intervention tactique a été déployée

éléments obtenus auprès de la Police provinciale

L’UES a demandé les documents et objets suivants à la Police provinciale, qu’elle a obtenus et examinés

  • Manuel de l’ARWEN
  • Registre des agents de service – Détachement de Napanee – 2016
  • Courriel de la Police provinciale au sujet de l’Unité d’intervention tactique
  • Courriel du Détachement de Napanee de la Police provinciale - RMS SP16239133
  • Courriels et messages textes échangés entre la TC et le plaignant
  • Chronologie des événements
  • Renseignements pour obtenir un formulaire de télémandat
  • Présentation Powerpoint de formation sur l’usage de la force non létale
  • Notes des AT
  • Rapports d’incident
  • Historique des contacts avec la police
  • Télémandat pour pénétrer dans une maison d’habitation, et
  • Déclaration de la TC

Description de l’incident

Le 23 août 2016, vers 18 h 53, le Détachement de Napanee de la Police provinciale a reçu un appel au 9-1-1. La TC signalait qu’après avoir mis fin à sa relation avec le plaignant ce jour-là, ce dernier lui avait envoyé de nombreux courriels exprimant son intention de mettre fin à ses jours. La TC a indiqué l’endroit où le plaignant se trouvait.

L’AT no 3 et l’AT no 4 sont arrivés en premier sur les lieux, chacun dans son propre véhicule de police. Le plaignant leur a demandé ce qu’ils voulaient en criant par la fenêtre, s’est ensuite pointé un pistolet à balles BB sur la tête et a appuyé sur la gâchette, mais le pistolet n’a pas fonctionné. Le plaignant a ensuite pris un récipient d’essence à briquet, l’a déversé sur son corps et a dit aux agents qu’il allait y mettre le feu. Le plaignant avait également des petites bouteilles de propane à l’intérieur de la roulotte et a dit aux policiers qu’il allait tout faire sauter. Les agents ont essayé de le convaincre de sortir de la remorque, mais sans succès.

Des membres de l’Unité d’intervention tactique (UIT) de la Police provinciale, dont l’AI, ont commencé à arriver sur les lieux. Vers 22 h 55, après que le plaignant se soit tailladé à plusieurs reprises la poitrine et les deux poignets, l’AI a déchargé deux projectiles en plastique de son ARWEN, dont un a atteint le plaignant. L’impact a projeté le plaignant en arrière, contre l’une des fenêtres de la remorque. Des membres de l’UIT sont alors entrés dans la roulotte pour appréhender le plaignant, qui a été conduit en ambulance à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une fracture à la clavicule gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. En ce qui concerne la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement des éléments de preuve que le plaignant avait l’intention de se suicider et a agi à cette fin, notamment en essayant de se tirer dans la tête avec une arme à plombs, en s’arrosant avec de l’essence à briquet pour y mettre le feu, en plaçant des bouteilles de propane sur la cuisinière de la roulotte pour provoquer une explosion et en se tailladant les poignets, la poitrine et l’abdomen avec un couteau. Par conséquent, la police avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant présentait un danger pour lui-même ou des tiers, et donc des motifs de l’appréhender en vertu de la Loi sur la santé mentale. L’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne le degré de la force utilisée par l’AI pour maîtriser le plaignant, je conclus que ses actes étaient plus que justifiés dans les circonstances et qu’il n’a pas utilisé plus de force que nécessaire pour maitriser le plaignant qui, de toutes évidences, était en train de se blesser gravement et aurait probablement mis fin à ses jours sans l’intervention de la police. étant donné toutes les blessures que le plaignant s’était déjà infligées et tous les dommages matériels qu’il avait déjà causés, en menaçant de les poursuivre, les agents avaient sans aucun doute des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait l’intention et les moyens de se suicider s’il n’était pas maîtrisé. Même s’il est clair que la blessure à la clavicule qu’a subie le plaignant a été causée par l’un des projectiles de l’ARWEN déployés dans le but de le neutraliser, je ne peux pas conclure que cela constitue l’usage d’une force excessive. En effet, les éléments de preuve montrent clairement que les policiers ont d’abord essayé verbalement de dissuader le plaignant de mettre à exécution son intention déclarée et que ce n’est qu’après que cette tentative a échoué que l’AI a utilisé son ARWEN, lorsque cela semblait la seule solution possible pour sauver la vie du plaignant malgré ses intentions évidentes et ses efforts pour mettre fin à ses jours. De ce fait, je conclus que les actes de l’AI n’ont pas excédé ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à l’appréhension légitime du plaignant, préserver sa vie et assurer la sécurité publique.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs exposés ci-dessus, que l’appréhension du plaignant et la manière dont elle a été exécutée étaient licites, malgré la blessure que le plaignant a subie. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes des agents sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 25 juillet 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.