Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-227

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur un incident survenu le 1er septembre à 15 h 40 et impliquant le Service de police régional de Niagara (SPRN). Le plaignant a tenté de s’échapper à pied lorsque les agents du Service de police se sont adressés à lui. Il a été rapidement rattrapé par les agents et il a résisté à leurs tentatives de lui passer les menottes. Les agents ont réussi à le maîtriser et à lui passer les menottes, après quoi il a été conduit à l’hôpital où on a constaté qu’il avait une fracture de l’os nasal.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident par le SPRN le 1er septembre 2016 à 22 h 15.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

Homme de 24 ans; a participé à une entrevue

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1  N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2  N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est produit dans le secteur de la rue Main et de la rue Ferry à Niagara Falls.

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo et de photographies, mais n’a rien trouvé de pertinent.

Éléments obtenus auprès du SPRN

L’UES a demandé les documents suivants au SPRN, qu’elle a obtenus et examinés :

  • photo d’enregistrement du plaignant;
  • registre de divulgation avec réponses à la demande de divulgation reçues jusqu’au 6 septembre 2016;
  • registre de divulgation, 19‐9‐2016;
  • dossier d’information;
  • liste des agents concernés;
  • rapport narratif initial, 16‐76859;
  • notes des agents témoins;
  • contact du SPRN, plaignant;
  • procédure, ordonnance générale 074.04, exécution des actes judiciaires;
  • mandat d’arrestation.

Description de l’incident

Le 1er septembre 2016, un mandat a été délivré pour l’arrestation du plaignant, parce qu’il s’était livré à des voies de fait infligeant des lésions corporelles, ce qui constitue une infraction au Code criminel en vertu de l’article 267. Par conséquent, l’unité des crimes de rue du SPRN, dont les AI et les AT font partie, devait procéder à l’arrestation du plaignant conformément au mandat. À environ 15 h 30, le plaignant a été trouvé dans un camion sur la rue Ferry, dans la ville de Niagara Falls. Celui-ci était en compagnie d’un ami, soit le TC no 1. L’AT no 5 surveillait le plaignant depuis environ une heure avant qu’il se rende au commerce de tatouage sur la rue Ferry. L’AT no 5 a ensuite vu le plaignant parler avec le TC no 2 lorsque les AT nos 6 et 3 ont indiqué que le plaignant devait être arrêté pendant qu’il se trouvait hors de son véhicule. L’AT no 5 a alors revêtu sa veste de policier, est sorti de son véhicule et s’est mis à courir en direction du commerce de tatouage. L’AI no 1 courait dans la même direction. Lorsque l’AT no 5 est arrivé à proximité du plaignant, il l’a avisé de son arrestation. Le plaignant a alors traversé la rue Ferry en courant et il est entré dans un stationnement et, pendant que l’AI no 1 continuait à le poursuivre, l’AT no 5 s’est arrêté au camion pour procéder à l’arrestation du TC no 1. Lorsque l’AT no 6 est arrivé au camion, l’AT no 5 s’est mis à courir dans la direction où le plaignant s’était enfui et il l’a vu au sol, entouré d’autres agents. Il est alors retourné au camion.

L’AI no 1 a plaqué le plaignant au sol parce que celui-ci s’enfuyait en courant, avec les mains dans les poches, avant de se retourner vers lui. Il craignait que le plaignant ait une arme à feu. L’AI no 2 a frappé le plaignant au visage, car il refusait de montrer ses mains, contrairement aux ordres. L’AI no 2 a ensuite frappé le plaignant au niveau des côtes pour libérer un de ses bras, puis il s’est mis à califourchon sur les jambes du plaignant et l’a frappé dans la région des cuisses à deux reprises, pour le maîtriser, car le plaignant résistait activement. Le plaignant n’a reçu aucun autre coup une fois que les menottes ont été passées. Après l’arrestation, il a été conduit à l’hôpital, où on a constaté qu’il avait le nez cassé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Premièrement, pour ce qui est de la légalité de l’arrestation du plaignant, il ressort clairement qu’un mandat d’arrestation avait été délivré par un juge de paix pour l’arrestation du plaignant, qui s’était livré à des voies de fait infligeant des lésions corporelles, ce qui constitue une infraction au Code criminel en vertu de l’article 267. De plus, l’AT no 5 a signalé qu’il avait vu le plaignant procéder à une transaction de drogues pendant la filature et, par conséquent, qu’il avait des motifs suffisants pour arrêter le plaignant pour une infraction à l’article 5, portant sur le trafic des substances, de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et à l’article 4, concernant la possession de substances, de la même loi.

En ce qui concerne la force utilisée par les agents dans leurs tentatives en vue de maîtriser le plaignant, j’estime que leurs agissements étaient justifiés dans les circonstances et qu’ils n’ont pas exercé plus de force que ce qui était nécessaire pour maîtriser le plaignant, puisqu’il refusait de montrer ses mains alors qu’on lui avait ordonné, qu’il avait la main droite dans la ceinture de son pantalon pendant qu’il s’enfuyait en courant et que les agents croyaient, d’après l’information qu’ils avaient, qu’il avait accès à des armes à feu, sans compter le fait qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt non encore exécuté pour une infraction liée à de la violence. De plus, puisque le plaignant s’était déjà enfui de la police et que l’AT no 3 avait remarqué qu’il luttait avec les AI nos 1 et 2 et que l’AT no 2 avait vu qu’il battait des jambes et donnait des coups de pied et luttait aussi avec son bras droit, il apparaissait évident qu’il n’allait pas se laisser arrêter sans résister.

Il est clair que l’AI no 1 a plaqué le plaignant au sol et qu’il l’a fait parce que le plaignant courait les mains dans les poches avant de se retourner vers lui. L’AI no 1 a d’ailleurs indiqué qu’il craignait que le plaignant ait une arme à feu. L’AI no 2 a frappé le plaignant au visage parce qu’il refusait de montrer ses mains, malgré les ordres, et l’AT no 3 a vu l’AI no 2 frapper le plaignant dans la région des côtes pour essayer de libérer un de ses bras. L’AT no 1 a admis qu’il avait donné un coup de poing au plaignant au triceps pendant que celui-ci fouillait sous son corps avec la main gauche. Pour sa part, l’AT no 2 s’est mis à califourchon sur les jambes du plaignant et l’a frappé du poing aux cuisses à deux reprises pour le maîtriser tandis qu’il résistait activement.

Il ressort de ce qui précède que les agissements des agents étaient dictés par l’information qu’ils possédaient au sujet du plaignant, c’est‐à-dire qu’il était soupçonné d’avoir accès à des armes à feu, qu’on l’avait vu procéder à des transactions de drogues, qu’il était recherché pour une infraction liée à des actes de violence, pour laquelle il y avait un mandat d’arrestation contre lui, et que plusieurs agents l’avaient vu se tenant les mains dans la région de la ceinture, soit l’endroit le plus probable pour dissimuler une arme à feu. Compte tenu de ces preuves, il était impératif que les agents arrêtent le plaignant et il aurait été insensé de leur part de ne pas prendre toutes les précautions nécessaires, y compris de le maîtriser le plaignant et de lui faire sortir les deux mains de sous son corps, afin de l’empêcher d’accéder à une arme pour ne pas risquer qu’il puisse les blesser eux-mêmes ou blesser des membres du public.

Compte tenu de toutes les preuves à ma disposition, je ne peux pas conclure que les agents ont recouru à une force excessive pour venir à bout de la résistance d’un homme potentiellement armé avec des antécédents de violence qui s’est d’abord enfui et qui a ensuite résisté aux agents qui essayaient d’attraper ses mains pour procéder à une arrestation légalement justifiée.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs exposés plus haut, que l’arrestation du plaignant et la manière dont elle a été exécutée étaient licites, malgré la blessure subie par le plaignant. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que la force exercée par les agents entrait dans les limites de ce qui est légalement justifié en droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 27 juillet 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur par intérim
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.