Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-PCI-097

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par la plaignante, une femme de 22 ans, qui a été constatée après son arrestation pour ivresse dans un lieu public le 15 avril 2016, vers 2 h 42 du matin.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 15 avril 2016, à 18 h 40, la Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES que la plaignante avait été blessée alors qu’elle était sous garde. Dans son rapport, la Police provinciale a indiqué que le 15 avril 2016, vers 2 h 42 du matin, la Police provinciale avait arrêté la plaignante pour ivresse dans un lieu public au motel Lamplighter, à Sioux Lookout. Après l’arrestation, la plaignante a été conduite à l’hôpital où il a été constaté qu’elle avait une fracture et une dislocation de l’épaule. La plaignante a dû subir une intervention chirurgicale. Elle a affirmé aux médecins de l’hôpital qu’elle avait été plaquée à terre par la police.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Plaignante

Interrogée, mais ses dossiers médicaux n’ont pas pu être obtenus et examinés [1]

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

Témoin employé de la police

TEP no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à participer à une entrevue avec l’UES ou à lui fournir ses notes, comme la loi l’y autorise.

Éléments de preuve

éléments obtenus auprès de la Police provinciale

L’UES a demandé les documents suivants à la Police provinciale, qu’elle a obtenus et examinés :

  • compte rendu d’opération,
  • données AVL-GPS – 15 avril 2016,
  • données AVL-GPS- Système de répartition assistée par ordinateur –15 avril 2016,
  • données AVL-GPS-Carte,
  • liste des agents en service,
  • courriel de la Police provinciale au sujet du dossier audio des communications,
  • détails de l’événement,
  • notes des agents témoins nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6,
  • rapport de garde de personne en détention, et
  • vérification de la sécurité de personne en détention.

Normes et politiques internes du service de police

L’UES a examiné le manuel et les politiques de la Police provinciale relatives à l’arrestation et la mise en détention, aux soins et au contrôle des prisonniers ainsi qu’au recours à la force. La page 1 de la politique relative aux soins et au contrôle des prisonniers porte la mention suivante : [traduction]

Attention médicale initiale

Lorsqu’une personne placée en état d’arrestation a besoin d’une assistance médicale, le membre en uniforme qui procède à l’arrestation doit veiller à ce que cette personne reçoive les soins médicaux appropriés avant d’être placée en détention et à tout moment par la suite, tant qu’elle est sous la garde de la Police provinciale.

Description de l’incident

Le 15 avril 2016, la Police provinciale de l’Ontario a reçu un appel du TC no 3, qui logeait au motel Lamplighter, dans la ville de Sioux Lookout, déclarant que la plaignante, la TC no 1 et la TC no 2 étaient au motel, en état d’ivresse et faisant du tapage. à la suite de cet appel, l’AI et l’AT no 2 du Détachement de Sioux Lookout de la Police provinciale se sont rendus au motel, situé au 326 Highway 72, à Sioux Lookout, et ont arrêté la plaignante, la TC no 1 et la TC no 2 pour état d’ivresse dans un lieu public. L’AI a arrêté la plaignante et la TC no 2 et les a transportées au poste du détachement de Sioux Lookout de la Police provinciale. L’AT no 2 a arrêté et transporté la TC no 1. Les trois femmes étaient extrêmement ivres.

Au moment de son enregistrement au poste du détachement, la plaignante s’est plainte auprès de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4 et du TEP qu’elle avait mal à l’épaule gauche. La seule explication qu’elle a fournie à ce moment-là à propos de la cause de sa blessure était lorsqu’elle a dit à l’AT no 5 qu’elle s’était fait mal au bras la veille en jouant au ballon sur glace. La plaignante n’a reçu aucune assistance médicale à ce moment-là et elle a été placée dans une cellule pour la nuit. La plaignante a mentionné de nouveau sa blessure à l’AT no 5 et à l’AT no 6 lorsqu’elle a été libérée sans condition à 9 h 28 du matin ce même jour. L’AT no 6 a conduit la plaignante à l’hôpital où il a été constaté qu’elle avait une facture à l’épaule gauche et une dislocation partielle de l’articulation. à l’hôpital, la plaignante a allégué que sa blessure avait été causée par l’AI au cours de son arrestation.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 31 (4), Loi sur les permis d’alcool – Ivresse

(4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

a) dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission;

Paragraphe 25 (1), Code criminel3 – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 15 avril 2016, le TC no 3, qui logeait au motel Lamplighter, dans la ville de Sioux Lookout, a appelé la police en déclarant que trois jeunes femmes étaient ivres et faisaient du tapage dans le motel. En réponse à cet appel, l’AT no 2 et l’AI du détachement de Sioux Lookout de la Police provinciale se sont rendus au motel. Une fois sur place, les agents ont arrêté la plaignante, la TC no 1 et la TC no 2 pour état d’ivresse dans un lieu public, en contravention de la Loi sur les permis d’alcool. à la suite de son interaction avec la police, la plaignante s’est plainte d’une douleur à l’épaule et a finalement été emmenée à l’hôpital où il a été constaté qu’elle avait une fracture de l’os de l’humérus (à l’épaule gauche) et une dislocation partielle de l’articulation.

La preuve dans cette affaire est loin d’être claire, du fait de deux versions diamétralement opposées des faits tels que relatés aux enquêteurs de l’UES. La plaignante a refusé de fournir une déclaration aux enquêteurs, sauf pour les aviser que son épaule gauche avait été fracturée le 15 avril 2016 lors de son arrestation à l’hôtel Lamplighter. L’AI a également refusé de participer à une entrevue, comme la loi l’y autorise.

Tous les témoins s’entendent sur le scénario factuel suivant : le 15 avril 2016, au petit matin, la plaignante, la TC no 1 et la TC no 2 étaient en état d’ivresse au Motel Lamplighter. Le TC no 3 a contacté la police et deux véhicules de police sont arrivés au motel.

Dans son entrevue avec les enquêteurs de l’UES, l’AT no 2 a déclaré que le 15 avril 2016, à 2 h 01 du matin, lui-même et l’AI se sont rendus séparément au motel Lamplighter en réponse à une plainte au sujet de femmes en état d’ivresse. L’AT no 2 a précisé qu’à son arrivée, l’AI était déjà dans le stationnement, de même que les trois femmes, et que l’AI avait déjà menotté la TC no 2 et l’avait assise sur le siège arrière de son véhicule. Il a décrit la TC no 2 comme étant en larmes, mais coopérative, et a indiqué qu’il n’y avait pas eu de problème pour l’escorter jusqu’au véhicule de police. L’AT no 2 a ajouté qu’il avait lui-même arrêté la TC no 1 qui avait également été menottée derrière le dos et assise dans le véhicule de police du TC no 2. Il décrit la TC no 1 comme étant aussi coopérative. L’AT no 2 a aussi déclaré qu’il avait vu l’AI s’occuper de la plaignante qui était debout aux côtés du TC no 3, après quoi elle a été menottée dans le dos, toujours en position debout. L’AT no 2 a décrit la plaignante comme querelleuse, mais coopérative, et a affirmé qu’il n’y avait eu aucun problème lorsque l’AI l’avait escortée jusqu’à son véhicule de police et l’avait fait s’assoir sur le siège arrière. L’AT no 2 a déclaré qu’il n’était entré à aucun moment dans la chambre du motel et qu’il n’avait pas vu l’AI le faire non plus et que ni l’un ni l’autre n’avait eu de démêlée physique avec la plaignante.

Je trouve préoccupant que l’AT no 2, l’AT no 4, l’AT no 3 et le TEP étaient tous au courant (certains dès 2 h du matin) que la plaignante se plaignait d’une blessure et avait besoin d’assistance médicale et que malgré cela, rien n’a été fait pour lui venir en aide. Ceci est contraire à la politique sur les soins et le contrôle des prisonniers qui exige que les agents veillent à ce que toute personne en état d’arrestation qui a besoin d’assistance médicale ait accès à une telle assistance avant d’être enregistrée et à tout moment par la suite tant qu’elle est sous garde. Malgré cette politique et les nombreuses plaintes que la plaignante a faites à diverses personnes au poste de la Police provinciale de l’Ontario, elle n’a reçu aucune assistance médicale avant sa libération le lendemain matin à 9 h 25.

Il est également troublant que lorsqu’une infirmière de l’hôpital a avisé l’AT no 1 que la plaignante avait une fracture à l’épaule et avait affirmé que la police en était responsable, plutôt que de contacter immédiatement l’UES, il a choisi d’aller à l’hôpital et de parler en privé avec la plaignante au prétexte qu’il devait évaluer sa blessure pour voir si elle avait atteint le seuil de gravité justifiant d’en aviser l’UES et ce, en dépit du fait que du personnel médical qualifié avait déjà conclu que la plaignante avait une fracture à l’épaule. Il est également troublant que l’AT no 1, dans sa propre déclaration, concède avoir parlé par la suite à la plaignante à l’hôpital et obtenu sa version des événements, plutôt que de laisser aux enquêteurs de l’UES le soin de le faire.

Malgré ces préoccupations, mon mandat consiste à déterminer si la police, dans son interaction avec la plaignante, a utilisé une force excessive et a causé ainsi une blessure. Au vu de l’ensemble des éléments de preuve dont je dispose et, plus particulièrement, des déclarations des TC no 3 et no 5 qui confirment celle de l’AT no 2 [2], je ne pas conclure qu’il existe des motifs raisonnables de croire que la blessure subie par la plaignante résulte de son interaction avec la police. Les éléments de preuve sont clairs dans le fait qu’aucun des agents de police n’est entré dans la chambre du motel comme il est allégué et qu’aucun des agents n’a utilisé de force physique à l’encontre de la plaignante ou de la TC no 2 puisque l’une et l’autre ont obéi aux ordres de la police et ont été menottées et assises dans le véhicule de police sans incident.

étant donné qu’il n’y a aucune allégation d’utilisation de la force par des agents contre la plaignante dans le véhicule ou au poste de police, ou en fait, n’importe quand après son arrestation, je dois fonder mes conclusions sur les éléments de preuve liés à l’arrestation de la plaignante au motel Lamplighter. Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus, au vu du dossier devant moi, que les allégations formulées par la plaignante à diverses personnes sont loin d’atteindre le critère de motifs raisonnables permettant de croire qu’une infraction d’infliction de lésions corporelles a été commise. Même si la blessure de la plaignante et d’autres éléments de preuve auraient pu être convaincants dans d’autres circonstances, étant donné que cette allégation est directement contredite par deux témoins indépendants et sobres, je ne suis pas en mesure de déterminer avec certitude et exactement comment la plaignante a subi cette blessure. Subsidiairement, même si je pouvais conclure que la blessure a été causée par un agent, je n’aurais aucun moyen d’identifier l’agent en question. Par conséquent, en l’absence de preuves claires et convaincantes, je ne peux pas conclure à l’existence de motifs de porter des accusations criminelles dans cette affaire.

Date : 31 juillet 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Le 15 avril 2016, un enquêteur de l'UES a parlé avec la plaignante au téléphone. La plaignante a confirmé que son épaule gauche avait été fracturée plus tôt ce jour-là, durant son arrestation à l’hôtel Lamplighter, à Sioux Lookout. Par la suite, malgré de nombreuses tentatives, l'UES n'est pas parvenue à organiser une entrevue avec la plaignante, car elle n'a jamais retourné ses appels téléphoniques, a refusé une rencontre en personne à l’hôpital et n'a pas répondu à une lettre qui lui a été envoyée par la poste. En outre, l'UES n'a pas pu obtenir de la plaignante son accord pour la communication de ses renseignements médicaux. [Retour au texte]
  • 2) La TC 3 et la TC 5 étaient l’une et l’autre dans une position unique et pouvaient voir directement toutes les interactions entre la police et la plaignante, et elles n'avaient aucune motivation apparente à ne pas dire la vérité. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.