Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCI-102

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet d’une interaction survenue le 19 avril 2016 entre un homme de 31 ans et des membres du Service de police de Toronto (SPT). Après son arrestation, l’homme a reçu un diagnostic de fracture de l’os mince de l’orbite de l’œil droit, du côté du nez, et d’entorse de la cheville.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 20 avril 2016, à 19 h 45, le SPT a signalé l’incident à l’UES. Le 19 avril 2016, des agents ont répondu à un appel au 911 d’une femme qui signalait la présence d’un homme en possession d’une arme à feu et d’un couteau. À l’arrivée des agents, l’homme s’est enfui dans une camionnette U-Haul, que les agents ont suivie. L’homme a abandonné la camionnette et a couru à pied en direction de l’arrière d’une résidence à proximité. Les agents ont trouvé l’homme à l’intérieur d’un garage. Une bagarre entre l’homme et les agents est alors survenue. L’homme a ensuite été arrêté et conduit à l’hôpital, où on a posé un diagnostic de fracture de la cavité orbitaire.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignant

Homme de 31 ans, qui a participé à une entrevue

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1  N’a pas consenti à participer à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais ses notes ont été reçues et examinées

AI no 2  N’a pas consenti à participer à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais ses notes ont été reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements se sont déroulés dans le garage simple d’une résidence de Toronto. Le garage contenait des outils divers, des outils à bois et du matériel d’entretien paysager, de même que plusieurs boîtes et contenants d’entreposage. L’accès au garage s’est fait par une porte piétonne ordinaire, située sur le côté, puisque la porte principale du devant était fermée à clé.

L’UES a obtenu des photos de la camionnette U-Haul et de son contenu par le SPT. Une arme à feu, un pied-de-biche, deux couteaux et plusieurs pièces d’identité et autres objets volés, qui ont été récupérés dans la camionnette.

Preuves médicolégales

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont effectué des tests sur l’arme à impulsions de l’AI no 1, qui ont révélé que l’arme avait été activée à trois reprises, 5 secondes chaque fois.

Elle a été activée pour la première fois à 21 h 21 min 13 s, pour la deuxième fois à 21 h 21 min 22 s et pour la troisième fois à 21 h 21 min 32 s.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais ils n’ont rien trouvé de pertinent.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au SPT les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • les communications – résumé de la conversation,
  • le rapport d’incident général,
  • les rapports du système de répartition assisté par ordinateur (ICAD),
  • la liste des agents concernés,
  • les notes des agents concernés,
  • les armes à feu acquises par la police (Programme canadien des armes à feu),
  • le rapport supplémentaire sur les biens saisis du plaignant, et
  • la déclaration de la TC no 1.

Description de l’incident

Le 19 avril 2016, la TC no 1 a appelé le 911 pour signaler que le plaignant était en possession d’un grand couteau et d’une arme à feu et se trouvait dans une camionnette U-Haul.

À 20 h 14, l’AT no 4 a reçu un appel et s’est rendu à la résidence identifiée par l’AT no 1. Comme il arrivait à la résidence avec son partenaire, une camionnette U-Haul est passée à proximité de l’AT no 4, qui était dans sa voiture de police. Le plaignant était au volant de la camionnette et il semblait en détresse. L’AT no 4 a fait demi-tour et a suivi la camionnette avec sa voiture. La camionnette a traversé deux intersections avec panneau d’arrêt obligatoire sans s’arrêter. L’AT no 4 et son partenaire ont décidé d’arrêter le véhicule, et ils ont par conséquent fourni au centre de répartition une description du plaignant. L’AT no 4 était environ 200 mètres derrière la camionnette U-Haul lorsque le plaignant est sauté en dehors de la camionnette, qui était toujours en mouvement, et a couru vers une clôture. Le plaignant a sauté par-dessus une clôture de près de 2 mètres pour s’enfuir derrière des résidences de la rue. L’AT no 4 a couru après le plaignant mais a été incapable de le trouver, tandis que son partenaire courait jusqu’à la camionnette dans l’intention de l’immobiliser

Les AI étaient de service lorsqu’ils ont reçu, à 20 h 17, l’appel radio concernant l’incident. Ils ont appris que le plaignant avait quitté le secteur avec la camionnette U-Haul et que d’autres agents le poursuivaient. À 20 h 31, les AI ont retrouvé la camionnette abandonnée et ont parcouru le quartier pour tenter de retrouver le plaignant, mais sans succès. Les AI sont retournés au secteur où se trouvait la camionnette U-Haul et ont poursuivi les recherches à pied, avec l’aide de l’AT no 2 et de l’AT no 3 (assistant de meneur de chien), avec son chien.

Lorsque le chien s’est immobilisé devant la porte du garage d’une résidence, l’AT no 3 a poussé la porte du garage et a vu dans le garage un homme dont l’apparence concordait avec la description de celui recherché. Il a communiqué l’information aux autres agents. L’AI no 1 a approché de la porte du garage, avec l’AI no 2 derrière lui. L’AI no 1 a pénétré dans le garage, où il faisait noir, et il a allumé la lumière de son arme à feu. C’est alors qu’il a aperçu le plaignant. Il s’est ensuivi une bagarre entre l’AI no 1 et le plaignant. L’AI no 1 est tombé à la renverse sur une pile de bois et d’autres objets. Le plaignant s’est retrouvé sur lui. L’AI no 1 a libéré sa main gauche et a donné un coup de poing au visage du plaignant. L’AI no 2 est entré dans le garage et a attrapé le plaignant de manière à libérer l’AI no 1. L’AI no 2 a crié au plaignant de montrer ses mains, tout en le frappant de sa main libre pendant qu’il luttait avec lui au sol. L’AI no 1 a alors crié « Taser » et a activé son arme à impulsions. Les sondes ont atteint le plaignant au dos, ce qui l’a amené à rouler sur le côté. L’AI no 1 a crié au plaignant de montrer ses mains, mais celui-ci s’est retourné sur lui-même et s’est couché à plat ventre, tout en dissimulant ses mains. L’AI no 1 a activé son arme à impulsions une deuxième fois, et l’AI no 2 a immédiatement attrapé le bras gauche du plaignant, mais il ne voyait toujours pas son bras droit. Par conséquent, l’AI no 1 a activé son arme à impulsions une troisième fois. L’AI no 2 a alors réussi à attraper le bras droit du plaignant et à lui menotter les mains derrière le dos.

D’autres agents étaient sur les lieux, et le plaignant a été arrêté. Une ambulance a été appelée, car l’AI no 2 craignait que le plaignant soit sous l’influence d’une substance illégale et celui-ci se plaignait de douleurs à la cheville. Le plaignant a été conduit à l’hôpital, où il a été établi qu’il avait une fracture de la cavité orbitaire droite et une entorse de la cheville.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1), Code criminel3 : Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 19 avril 2016, des agents du SPT ont répondu à un appel du 911 concernant un homme ayant une arme à feu qui avait eu une altercation. Durant l’arrestation subséquente du plaignant, celui-ci a subi des blessures qui ont par la suite été diagnostiquées comme une entorse de la cheville et une fracture de la paroi médiale gauche de la cavité orbitale et une légère compression de la paroi médiale (en termes non techniques, une fracture de l’os mince de l’orbite de l’œil droit, du côté du nez). Les AI nos 1 et 2 auraient, d’après le plaignant, fait usage d’une force excessive et auraient ainsi occasionné des blessures au plaignant.

Les deux agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES, comme la loi les y autorise, mais ils ont tous deux remis leurs notes pour qu’elles soient soumises à un examen, et voici ce qu’on y a trouvé.

L’AI no 1 a indiqué dans ses notes qu’il était de service avec l’AI no 2 le 19 avril 2016, lorsqu’ils ont reçu un appel radio au sujet d’un homme qui était en possession d’une arme à feu et d’un grand couteau. L’AI no 1 a conduit jusqu’aux lieux de l’incident, où il a reçu de nouveaux renseignements par radio. On disait que le plaignant avait quitté le secteur dans une camionnette U-Haul et que des agents de la division avaient entamé une poursuite. À 20 h 31, les AI ont approché du secteur, où ils ont trouvé la camionnette U-Haul, et ils ont continué de parcourir le quartier en voiture pour tenter de retrouver le plaignant, mais sans succès. Les AI sont alors revenus dans le secteur où la camionnette abandonnée se trouvait et ils y ont rencontré l’AT no 3, (assistant de meneur de chien) avec son chien, ainsi que l’AT no 2. Ils sont alors tous partis à pied, à la recherche du plaignant. L’AI no 1 signale dans ses notes que le chien s’est arrêté devant la porte d’un garage et que l’AT no 3 a poussé la porte du garage. Celui-ci a indiqué à l’AI no 1 qu’il avait aperçu à l’intérieur du garage un homme dont l’apparence concordait avec la description de celui recherché. L’AI no 1 a approché de la porte du garage, avec l’AI no 2 derrière lui. L’AI no 1 a alors pénétré dans le garage, où il faisait noir, et il a allumé la lumière de son arme à feu. C’est alors qu’il a vu le plaignant. Celui-ci est demeuré immobile en fixant droit devant lui. L’AI no 1 a crié au plaignant de se coucher au sol, mais le plaignant s’est mis à pousser sur la porte du garage pour la refermer.

D’après ses notes, l’AI no 1 aurait à ce stade attrapé le plaignant par le chandail pour tenter de le déplacer, et le plaignant aurait attrapé le bras gauche de l’AI no 1 pour le pousser sur le côté. Le plaignant aurait alors donné une poussée à l’AI no 1, qui serait tombé à la renverse sur une pile de bois et d’autres objets, et le plaignant se serait retrouvé sur lui. L’AI no 1 a signalé qu’il avait alors voulu désamorcer son arme à feu pour l’empêcher de se déclencher et qu’il avait libéré sa main gauche pour donner au plaignant des coups de poing au visage, tout en gardant son arme hors de portée du plaignant. C’est alors que l’AI no 2 est entré dans le garage et a relevé le plaignant pour libérer l’AI no 1. Une fois sur pied, l’AI no 1 a fixé son arme à feu et a pris son arme à impulsions à la place. L’AI no 2 a crié au plaignant de montrer ses mains, tandis qu’il le frappait de sa main libre en luttant au sol avec le plaignant. Le plaignant a placé ses mains sous son corps, en position de tortue. L’AI no 1 a alors crié « Taser », pour prévenir l’AI no  2 qu’il allait se servir de son arme à impulsions, ce qu’il a fait. Les sondes ont atteint le plaignant au dos, ce qui l’a amené à se tourner sur le côté. L’AI no 1 a crié au plaignant de montrer ses mains, mais celui-ci a roulé sur lui-même pour se coucher à plat ventre, avec ses mains dissimulées sous lui. L’AI no 1 a déployé son arme à impulsions une deuxième fois, et le plaignant s’est tourné sur le côté droit. L’AI no 2 a attrapé le bras gauche du plaignant, et l’AI no 1 a ordonné au plaignant de cesser de lutter. Celui-ci a néanmoins continué de se bagarrer avec l’AI no  2, et l’AI no 1 était incapable de voir sa main droite. Il a donc activé son arme à impulsions une troisième fois, après quoi l’AI no 1 a trébuché et est tombé sur divers objets entassés dans le garage. L’AI no 2 a enfin réussi à attraper le bras droit du plaignant et à lui passer les menottes derrière son dos. Quelques secondes plus tard, d’autres agents sont arrivés sur les lieux. L’AI no 1 avait mal au genou, et il s’est aperçu qu’il avait une lacération à la jambe gauche.

Dans ses notes, l’AI no 2 indique que lui ainsi que l’AI no 1 ont reçu à 20 h 17 un appel signalant la présence d’un homme en possession d’une arme à feu et d’un grand couteau. Les notes des deux AI concordent pour ce qui est de l’appel initial et de leurs actions jusqu’à ce qu’ils arrivent au garage et que l’AT no 3 pousse la porte du garage et dise qu’un homme dont la description correspondait à celui recherché se trouvait dans le garage. L’AI no 2 aurait aperçu le plaignant dissimulé derrière la porte de garage, et l’AI no 1 lui aurait crié de s’étendre au sol. L’AI no 2 aurait entretemps envoyé un message radio aux autres unités pour dire que le plaignant avait été trouvé et indiquer à quel endroit. L’AI no 2 avait l’impression que le plaignant était sous l’influence d’une substance illégale, car il restait muet et les fixait d’une manière étrange. L’AI no 2 a vu l’AI no 1 attraper le bras du plaignant et tenter de l’amener à se coucher sur le sol en lui tirant sur le bras quand le plaignant a attrapé le bras de l’AI no 1 et l’a poussé, le faisant ainsi tomber sur une pile de bois et d’autres objets. L’AI no 2 a alors vu l’AI no 1 frapper le plaignant avec son poing.

L’AI no 2 mentionne que le garage était rempli de toutes sortes d’objets. Ses notes disent qu’il a crié au plaignant de se coucher au sol et qu’il l’a poussé dans cette direction, le faisant tomber sur une caisse de lait contenant des bouts de bois, et que le plaignant a placé ses bras sous lui. L’AI no 2 a commencé à essayer de tirer sur les bras du plaignant pour les prendre, mais celui-ci résistait et grognait et il refusait de se rendre. L’AI no 2 a indiqué qu’il avait donné plusieurs coups sur les bras et les épaules du plaignant pour l’amener à obtempérer mais que celui-ci a continué de refuser de montrer ses mains. L’AI no 1 aurait alors crié « Taser », et l’AI no 2 aurait lâché le plaignant pour que l’AI no 1 puisse déployer son arme à impulsions. L’AI no 2 aurait ensuite vu le plaignant se tourner sur le côté droit, puis se remettre sur le ventre, en cachant toujours ses mains. L’AI no 1 aurait donc activé son arme à impulsions une deuxième fois et l’AI no 2 aurait immédiatement attrapé le bras gauche du plaignant, mais il ne voyait toujours pas son bras droit. L’AI no 1 aurait, par conséquent, activé son arme pour une troisième fois, et le plaignant se serait tourné sur le côté droit. L’AI no 2 aurait alors pu attraper immédiatement le bras droit du plaignant et lui menotter les mains derrière le dos.

Durant l’entrevue avec les enquêteurs, l’AT no 3 a indiqué qu’il avait d’abord vu le plaignant dissimulé derrière la porte du garage. Il se tenait immobile et fixait les agents. Il a ensuite vu les AI le pousser et lui crier de se coucher au sol et, comme le plaignant refusait de coopérer, une bagarre s’est ensuivie. Puisqu’il est demeuré en dehors du garage avec son chien d’assistance, l’AT no 3 n’a pas vu ce qui s’était passé par la suite dans le garage, mais il a confirmé les notes des deux AI en disant qu’il les avait entendus crier à plusieurs reprises au plaignant de montrer ses mains et qu’il avait entendu l’arme à impulsions déployée à deux reprises. L’AT no 3 a précisé que l’incident à l’intérieur du garage avait duré en tout environ 40 secondes.

De même, les AT nos 1 et 2 n’étaient pas en position d’observer ce qui se passait dans le garage, mais l’AT no 2 a entendu les agents crier au plaignant de montrer ses mains et les bruits de ce qui lui a semblé une bagarre entre les agents et le plaignant. Il a aussi entendu que l’arme à impulsions avait été déployée, comme l’AT no 1, qui a aussi confirmé qu’il avait entendu les agents dire au plaignant de montrer ses mains puis de se coucher au sol. Il a aussi entendu dire « Taser, taser », avant le déploiement de l’arme à impulsions.

L’examen de l’arme à impulsions a de plus confirmé qu’elle avait été activée à trois reprises, soit à 21 h 21 min 13 s, puis à 21 h 21 min 22 s, et enfin à 21 h 21 min 32 s, pendant 5 secondes chaque fois.

Il ressort des éléments de preuve que deux agents seulement, soit les AI nos 1 et 2, ont pénétré dans le garage avec le plaignant. Même si le plaignant prétend avoir reçu des coups de pied à différents endroits sur le corps, on n’a pas trouvé de blessures ni d’ecchymoses confirmant ses dires. Les seules blessures du plaignant étaient une entorse de la cheville et une fracture de l’orbite. Pour cette raison, j’estime que les blessures constatées sur le plaignant corroborent la version des faits donnée par les AI.

Je me suis donc basé sur la version des faits donnée par les AI. À partir de là, j’ai dû déterminer si les agents avaient fait usage d’une force excessive dans leur interaction avec le plaignant. Compte tenu de l’information dont les AI disposaient au moment de la confrontation à l’intérieur du garage, soit que le plaignant était en possession à la fois d’une arme à feu et d’un grand couteau, ils devaient le maîtriser le plus vite possible et le menotter pour éviter qu’il ne prenne une de ces armes et qu’il puisse menacer la sécurité des agents et des membres du public. Les AI ne pouvaient supposer que le plaignant avait laissé ses armes derrière lui, lorsqu’il avait sauté de la camionnette U-Haul, et ils ne pouvaient se permettre de prendre ce risque.

Les AI se sont retrouvés avec le plaignant dans un lieu qui a été décrit comme encombré lorsque le plaignant a poussé l’AI no 1 et l’a fait tomber sur une pile d’objets, où il s’est retrouvé avec le plaignant sur lui. Malgré la vitesse à laquelle se sont déroulés les événements et la précarité de sa situation, l’AI no 1 a eu la présence d’esprit de désamorcer son arme à feu et a réussi à libérer son bras pour frapper le plaignant au visage dans l’intention de le maîtriser tout en fixant son arme et en se protégeant lui-même. Même s’il se peut que le plaignant ait été blessé à différents moments durant l’altercation avec les policiers durant les tentatives d’arrestation, il est fort probable que ce soit un coup de poing donné à ce moment-là qui soit la cause de la fracture de la cavité orbitaire du plaignant. Le radiologiste est d’ailleurs d’avis que c’est le type de blessure qui peut être occasionnée par un coup de poing au visage.

Vu le fait que l’altercation s’est produite dans un espace restreint, le danger que représentait pour les agents un homme qu’on disait en possession à la fois d’une arme à feu et d’un long couteau et la vitesse à laquelle se sont déroulés les événements, sans compter que l’homme en question semblait être sous l’influence d’une substance illégale, ce qui rendait ses réactions bizarres et imprévisibles, il était crucial que le plaignant soit appréhendé le plus vite possible. Malheureusement, les agents n’ont pas toujours la possibilité d’agir avec lenteur et précaution dans des situations aussi précaires.

Même si je juge que les blessures du plaignant ont sans doute été causées par les gestes posés par l’AI no 1 pendant qu’il tentait de maîtriser et peut-être aussi de désarmer le plaignant, je juge que, conformément au paragraphe 25 (1) du Code criminel3, les agents n’ont pas employé une force supérieure à ce qui était raisonnablement nécessaire pour exercer leurs fonctions légitimes afin d’arrêter un homme combattif, qui était peut-être armé. La jurisprudence à ce sujet est claire. Elle dit qu’il ne faut pas évaluer le degré de force employé par les agents en se basant sur des normes de gentillesse, d’après l’arrêt R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.), et qu’ils ne devraient pas non plus être jugés au regard d’une norme de perfection, selon l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206. J’ai donc des motifs suffisants, d’après les éléments de preuve examinés, de juger que les actions des agents entraient dans les limites prescrites en droit criminel et qu’il n’y a pas de raisons de croire que des actes criminels aient été commis, et il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 9 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.