Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-219

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES suite à une blessure grave subie par un homme de 21 ans dans le cadre d’une poursuite impliquant un agent du Service de police régional de Durham (SPRD) le 20 août 2016, vers 4 h 45 du matin. L’homme a été emmené à l’hôpital et soigné pour une côte fracturée et de possibles blessures à la gorge.

L’enquête

Notification de l’UES

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Plaignant

Homme de 21 ans; a participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé sur la bretelle de sortie de l’autoroute 401, direction ouest, donnant sur Thickson Road, à Whitby.

Schéma des lieux

Diagramme de scène

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies pris par des tiers, mais n’ont rien trouvé.

Preuves médicolégales

Se fondant sur l’examen des lieux, l’UES a procédé à une reconstitution de l’incident qui a estimé que le véhicule que conduisait le plaignant roulait à une vitesse de 166 à 186 km/h lorsqu’il s’est engagé sur la bretelle de sortie de Thickson Road.

Documentation obtenue auprès du Service de police régional de Durham

L’UES a demandé les documents suivants au SPRD), qu’elle a obtenus et examinés :

  • Données GPS-AVL du véhicule de police conduit par l’AI
  • Enregistrements des communications liés à l’incident en question
  • Copie de photos prises par le SPRD)
  • Résumé détaillé de l’appel – 2016-167720
  • Lettre de divulgation – 2016-08-22
  • Registre de divulgation avec réponses détaillées
  • Copie du rapport d’accident de véhicule à moteur, et
  • Notes des agents témoins.

Description de l’incident

Le 20 août 2016, suite à une visite chez son oncle, à Peterborough, et après avoir consommé de l’alcool et de la marijuana, le plaignant a décidé de rendre visite à sa petite amie à Scarborough. Le plaignant n’avait pas de permis de conduire, et n’en avait jamais eu, mais il a décidé de prendre les clés et la voiture d’un ami de son oncle, sans y être autorisé. Depuis Peterborough, le plaignant a pris la route 115 en direction sud, puis l’autoroute 401 en direction ouest vers Toronto. Tout en conversant avec sa petite amie sur son téléphone cellulaire et en écoutant la radio, il conduisait dans la voie de dépassement à 170 km/h.

Alors qu’il s’approchait de la limite entre les municipalités d’Oshawa et de Whitby, le plaignant a remarqué un véhicule identifié du SPRD) qui roulait dans la voie centrale, à côté de lui, ses feux d’urgence activés. Le plaignant a poursuivi sa route à vive allure, sans ralentir. L’AI a avisé le répartiteur qu’il tentait d’intercepter un véhicule qui roulait à une vitesse excessive et refusait de s’arrêter et a demandé du renfort.

En approchant de la bretelle de sortie de Thickson Road, le plaignant, a soudainement franchi la voie centrale et les deux voies latérales, puis est sorti de l’autoroute. L’AI a aussi pris la rampe de sortie, stationné son véhicule de police et repéré le véhicule gravement endommagé du plaignant, qui était toujours à l’intérieur, à une certaine distance à l’ouest de la bretelle de sortie. Le plaignant a perdu le contrôle de son véhicule sur la bretelle de sortie; son véhicule a culbuté d’avant en arrière avant de finalement s’immobiliser sur ses roues, dans un champ. Le plaignant a été emmené à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une fracture aiguë avec léger déplacement de la troisième côte antérieure gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Code criminel (article 249) – Conduite dangereuse de véhicules à moteur, bateaux et aéronefs

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu;

Analyse et décision du directeur

Si l’on considère l’ensemble de la preuve, il semble que le plaignant conduisait à une vitesse correspondant presque au double de la limite de vitesse au moment où l’AI l’a remarqué sur l’autoroute 401. L’AI avait donc des motifs suffisants de tenter de l’appréhender pour infraction au Code de la route (article 128, Vitesse).

L’AI, conformément au Règlement de l’Ontario 266/10, Poursuite visant l’appréhension de suspects, pris en vertu de Loi sur les services policiers, a informé le répartiteur presque immédiatement tout d’abord qu’il tentait d’appréhender un véhicule pour infraction au Code de la route, puis pour demander l’assistance d’une autre unité, et enfin pour l’aviser que le véhicule s’était éloigné et demander que les unités de Whitby en soient informées et soient également informées que le plaignant était possiblement un conducteur aux facultés affaiblies. Au total, entre le moment où l’AI a accéléré pour la première fois pour tenter de rattraper le plaignant et celui où la collision s’est produite, à peine trois minutes et 44 secondes se sont écoulées. Cependant, pendant ce laps de temps, il ne semble pas qu’il y ait eu de véritable poursuite jusqu’à ce que l’AI ait rattrapé le plaignant, car le plaignant a alors ralenti, semblant sur le point de s’arrêter, pour ensuite s’éloigner en accélérant.

L’infraction à prendre en considération dans cette affaire est celle de conduite dangereuse causant des lésions corporelles, en contravention de l’article 249 du Code criminel. La culpabilité serait fondée sur la conclusion que la conduite constituait un écart marqué par rapport au niveau de prudence qu’une personne raisonnable aurait exercé dans les circonstances. Conformément au jugement de la Cour suprême du Canada R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, 2008 CSC 5, la culpabilité exigerait d’avoir conduit d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu et que la conduite en cause ait constitué un « écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ».

Je constate qu’il n’y a aucune preuve que la conduite de l’AI ait créé un danger pour les autres usagers de la route. Il n’a, à aucun moment, perturbé la circulation, qui était très légère à cette heure-là. En outre, le temps était clair et l’état de la chaussée était bon, comme le révèlent les photos prises après la collision. Il est possible que le plaignant ne se serait pas engagé sur la bretelle de sortie à la vitesse à laquelle il l’a fait et perdu le contrôle de son véhicule s’il n’avait pas tenté pas de se soustraire à la police. Néanmoins, je conclus qu’il est responsable de ses propres blessures puisqu’il conduisait déjà à une vitesse dangereuse avant même de repérer l’AI, et a continué à rouler à la même allure pour tenter de s’enfuir.

En analyse finale, je suis convaincu, au vu du dossier, que l’AI agissait légalement lorsqu’il a tenté d’intercepter le véhicule conduit par le plaignant afin d’enquêter sur une infraction évidente au Code de la route et qu’il a exercé le degré de prudence prescrit par le droit criminel. En conséquence, il n’y a pas lieu de porter des accusations à l’encontre de cet agent.

Date : 10 août 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.