Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-120

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Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par L’UES sur les blessures subies par un homme sous garde âgé de 36 ans lors d’une interaction avec la police dans le district de Vanier le 10 mai 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 mai 2016, à 10 h 09 du matin, le Service de police d’Ottawa (SPO) a avisé l’UES d’une blessure sous garde survenue le 10 mai 2016 à 12 h 24. Dans son rapport, le SPO a indiqué que le plaignant a appelé la police le 10 mai 2016 pour qu’elle se rende à un immeuble d’appartements situé dans Vanier parce que le TC no 7 était en train de partir avec le véhicule du plaignant, lequel était immatriculé au nom de celle-ci. Les agents ont expliqué au plaignant qu’il ne s’agissait pas d’une affaire relevant de la police et lui ont indiqué quel était son recours civil. Les agents ont ensuite quitté les lieux et le plaignant a téléphoné de nouveau. Les mêmes explications lui ont alors été données.

Les policiers sont repartis et le plaignant a retéléphoné une autre fois. Les policiers du SPO ont alors arrêté le plaignant pour méfait public et pour avoir troublé la paix. Le plaignant a ensuite été conduit à l’hôpital, mais a quitté celui-ci avant d’avoir été traité. Il est toutefois revenu plus tard déclarant que son bras était fracturé, suite à quoi on lui a fait un plâtre.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

Homme de 36 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 N’a pas participé à une entrevue[1]

TC no 6 N’a pas participé à une entrevue

TC no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais a fourni une déclaration écrite au SPO

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 3 Notes examinées; entrevue jugée non nécessaire[2]

AT no 4 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Agents impliqués

AT no 1[3] A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise.

AT no 2  A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise.

Éléments de preuve

Les lieux

L’arrestation a eu lieu sur le terrain à l’extérieur d’un immeuble à étages résidentiel de huit appartements du district Vanier, à Ottawa. La résidence est située à l’angle nord-ouest de l’intersection. Une voie de desserte dans un axe est-ouest se trouve au nord de la résidence

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Des efforts ont été déployés pour identifier les caméras de surveillance municipales ou privées ayant pu saisir des images des lieux de l’arrestation dans le but de compléter les comptes rendus des témoins civils et de la police, mais rien de pertinent n’a été trouvé. Bien qu’un dépanneur adjacent soit doté d’un système de caméras de surveillance en service, une enquête a permis d’établir que les enregistrements n’étaient plus disponibles en raison du temps de boucle du système d’enregistrement relativement bref, soit 14 jours.

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPO, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapports d’incident – AI no 1, AI no 2, AT no 1, AT no 2, AT no 3,
  • notes des AT nos 1, 2, 3 et 4,
  • déclaration de témoin – TC no 7,
  • communications radio,
  • politique du service de police d’Ottawa relative aux arrestations, et
  • politique du service de police d’Ottawa relative au soin et au contrôle des détenus.

Description de l’incident

Le 10 mai 2016, des agents du SPO ont répondu à un appel 9-1-1 dans le quartier Vanier de la ville d’Ottawa. Le plaignant a appelé la police et signalé qu’il avait été attaqué et que son véhicule avait été volé. L’AT no 1 et l’AT no 4 se sont alors rendus sur les lieux et ont informé le plaignant que l’immatriculation d’un véhicule relevait du droit civil, qu’il ne s’agissait pas d’une affaire criminelle, et qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour qu’ils aient des motifs raisonnables de porter une accusation de voies de fait. Les policiers ont ensuite quitté les lieux. Le plaignant, n’étant pas satisfait de la réponse des policiers, a téléphoné le SPO à plusieurs reprises, exigeant qu’un sergent soit dépêché sur les lieux.

À la suite des appels subséquents du plaignant, l’AI no 2 ainsi que l’AT no 4 et l’AT no 1 se sont présentés sur les lieux. L’AI no 2 a discuté avec le plaignant et l’a informé que l’immatriculation d’un véhicule à moteur relevait du droit civil. Le plaignant a continué d’appeler le 9-1-1 pour que d’autres agents soient dépêchés sur les lieux. L’AT no 3 a donné l’instruction à l’AI no 2 de se rendre de nouveau à la résidence. L’AI no 1 s’est également présentée de nouveau sur les lieux pour discuter avec le TC no 7. À ce moment, le plaignant a été mis en état d’arrestation pour avoir troublé la paix et pour méfait public, a été menotté avec les mains derrière le dos, puis placé à l’arrière d’un véhicule de police.

Le plaignant a alors indiqué que son défibrillateur cardioverteur implantable (DCI) s’était déclenché. Une ambulance a par la suite été appelée.

Une fois l’ambulance arrivée sur les lieux, l’AI no 2 est monté à bord de l’ambulance pour retirer les menottes du plaignant, puis le plaignant a été transporté à l’hôpital. À son arrivée, le plaignant a quitté l’hôpital sans avoir été évalué.

Le jour suivant, le plaignant est retourné à l’hôpital où on a pris une radiographie de son bras gauche et constaté qu’il n’était pas cassé. Le 15 mai 2016, le plaignant s’est présenté à un autre hôpital pour faire examiner des blessures à la poitrine qu’il aurait potentiellement subies lors de son arrestation le 10 mai. À ce moment, on a déterminé qu’il avait peut-être une fissure à la quatrième côte du côté gauche. Toutefois, le 24 mai 2016, le radiologue qui avait examiné les radiographies du plaignant les a examinées de nouveau et a conclu qu’il était peu probable que le plaignant ait une côte fracturée.

Dispositions législatives pertinentes

Analyse et décision du directeur

Le 10 mai 2016, des agents du SPO ont répondu à un appel 9-1-1 dans le quartier Vanier de la ville d’Ottawa. Le plaignant avait appelé le 9-1-1 pour signaler que le TC no 7 avait volé son véhicule et que le TC no 2 l’avait attaqué. En réponse à cet appel, plusieurs agents se sont rendus à l’adresse, et le plaignant a finalement été mis en état d’arrestation pour avoir troublé la paix et pour méfait public. Il est allégué qu’au cours de l’arrestation, des officiers, plus précisément l’AI no 1 et l’AI no 2, ont utilisé une force excessive ayant causé une ou des blessures au plaignant. Les dossiers médicaux n’ont pas permis de déterminer si le plaignant avait réellement subi des blessures ou non.

Au moment de l’enquête de l’UES, le TC no 7 ne vivait plus en Ontario et n’était pas disponible pour une entrevue. Dans la déclaration écrite qu’elle a fournie à l’AI no 1, le TC no 7 a toutefois confirmé la déclaration du TC no 2 au sujet ce qui s’était passé, ajoutant les descriptions suivantes à propos du comportement du plaignant : il a commencé à capoter dans la face du TC no 2 et à me crier « you fucking took my car » [t’as pris mon estie de char]; il a dit à l’autre agent de police « get outta here with your attitude » [sacre ton camp avec ton attitude], même si l’agent en question n’avait encore rien dit; il capotait après les agents pour aucune raison; il criait à tue-tête après eux; il capotait après vous (la police), criant que vous l’aviez battu; je vous (AI no 1) ai vue l’arrêter et l’escorter jusqu’au véhicule.

Dans le rapport des ambulanciers paramédicaux qui ont évalué et transporté le plaignant, on a décrit le plaignant comme étant agressif et agité, et on a indiqué que le retard lié à son traitement était attribuable au fait qu’il s’agissait d’un « patient non coopératif ». Les ambulanciers ont également signalé qu’ils n’avaient pas été en mesure de prendre les signes vitaux du plaignant ou d’obtenir plus de renseignements auprès de lui parce qu’il était « trop agité au sujet de son interaction avec la police et occupé à parler sur son téléphone cellulaire ». Les ambulanciers ont conclu leur rapport avec le résumé suivant :

Appelé à l’adresse susmentionnée pour examiner un homme après que la police ait signalé que son stimulateur cardiaque se soit « déclenché ». Le patient a dit se sentir étourdi lorsqu’on l’a fait monter à l’arrière du véhicule de police les menottes aux mains. Il a alors signalé que son stimulateur cardiaque/défibrillateur s’était déclenché. À notre arrivée, le patient était agressif et en colère contre la police; il criait après les policiers et d’autres personnes se trouvant dans un immeuble situé tout près. Difficulté à évaluer le patient et à obtenir de lui des réponses, car il était davantage concentré sur les autres événements entourant son interaction avec la police. Le patient voulait initialement être évalué à l’hôpital en raison de son défibrillateur, mais était par la suite plus préoccupé par la possibilité d’une blessure à son bras ou son poignet gauche qu’aurait causé l’agent de police qui lui a retiré ses menottes.

Selon les dossiers médicaux, le 10 mai 2016, alors qu’il se trouvait à l’hôpital, le plaignant était agité et causait d’une voix forte au sujet de discussions avec son avocat. L’infirmière a indiqué qu’il voulait obtenir le nom de tous les agents de police et des membres du personnel des services médicaux d’urgence avec qui il avait été en contact ce jour-là, mais qu’il ne s’était plaint d’aucune question d’ordre médical et n’avait pas voulu rester pour voir un médecin. Un agent de police a fourni au plaignant des renseignements pour obtenir les noms, mais il n’était pas satisfait de cette information et voulait obtenir des documents. Il a alors commencé à prendre des photos, mais le chef d’équipe lui a dit de cesser de le faire. Le plaignant était apparemment mécontent parce que les documents de triage étaient rédigés en français. Il est devenu agressif et s’est mis à insulter les préposés dans la salle d’attente. On a éventuellement fait venir la sécurité qui l’a escorté jusqu’à la sortie.

Les dossiers médicaux du 11 mai 2016 indiquent que le plaignant est retourné à l’hôpital se plaignant que son poignet gauche était engourdi, mais il a toutefois été aperçu à ce moment par du personnel médical tenant son téléphone cellulaire dans cette même main sans aucune difficulté. Les dossiers indiquent que le plaignant attribut sa blessure au fait qu’il a été poussé dans la voiture par la police et qu’on a tiré de façon brutale sur son bras gauche pendant qu’on lui passait les menottes. On a constaté qu’il avait une contusion/entorse au poignet, mais il a refusé de prendre de l’ibuprofène (Advil).

Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AT no 4 a indiqué que lui et l’AT no 1 s’étaient rendus à 10 h 33 du matin à la résidence du plaignant en réponse à un appel signalant que ce dernier avait été étranglé par le TC no 2. L’AI no 1 avait simultanément été envoyée sur les lieux en réponse au même appel. Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AT no 4 a indiqué qu’ils ont rencontré le plaignant qui les a informés qu’il était venu pour parler avec le TC no 7 au sujet d’un véhicule qu’il possédait lorsque le TC no 7 s’est mise à l’étrangler. Le plaignant a expliqué aux agents qu’il était engagé dans un litige juridique avec le TC no 7 et qu’il avait besoin de son véhicule pour appuyer sa requête. Le plaignant a reconnu ne pas être titulaire d’un permis de conduire valide, mais a affirmé avoir acheté le véhicule et l’avoir immatriculé au nom du TC no 7. Le plaignant a alors montré à l’AT no 4 un contrat de vente rédigé à la main supposément signé par le TC no 7. Le plaignant soutenait que le TC no 7 refusait de lui céder la propriété du véhicule et qu’elle le lui avait par conséquent volé. Le plaignant a affirmé que le chauffeur de taxi qui l’avait conduit l’avait vu se faire étrangler par le TC no 7, à la suite de quoi l’AT no 4 a parlé avec le chauffeur de taxi qui a déclaré avoir vu une femme pousser le plaignant, mais non pas l’étrangler. L’AT no 4 est alors revenu et a informé le plaignant que l’immatriculation d’un véhicule à moteur relevait du droit civil et qu’il ne s’agissait pas d’une affaire criminelle. Le plaignant, fâché et mécontent de cette réponse, s’est alors mis à crier et a refusé de discuter davantage avec l’AT no 4, appelant plutôt le 9-1-1 et demandant que d’autres agents de police soient dépêchés sur les lieux. À ce moment-là, l’AI no 1, qui avait examiné les papiers d’immatriculation et qui pendant ce temps s’était trouvé dans l’appartement à discuter avec le TC no 3, est sorti et a également confirmé au plaignant qu’il s’agissait d’une affaire relevant du droit civil. Le plaignant a continué à se disputer et à faire des appels à partir de son téléphone, l’AT no 4 a alors répété que le plaignant allait devoir régler la question avec les autorités provinciales, après quoi les policiers ont quitté les lieux. L’AT no 4 a indiqué que les trois agents ont débattu davantage de la question et ont convenu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour qu’ils aient des motifs raisonnables de porter une accusation de voies de fait et que la question relative à la propriété du véhicule relevait du droit civil.

La répartitrice a indiqué que le plaignant a continué de demander que des agents de police soient envoyés pour répondre à sa plainte. L’AI no 2 a alors été dépêché sur les lieux pour discuter avec le plaignant. L’AT no 1, l’AT no 4 et l’AI no 1 ont tous rencontré l’AI no 2 pour lui donner les détails de ce qui s’était produit jusqu’à ce moment avant qu’il ne parte rencontrer le plaignant. Les agents sont également retournés à l’adresse avec l’AI no 2. L’AT no 4 a déclaré que l’AI no 2 a écouté le plaignant pour ensuite l’informer que son point de vue à ce propos était le même que celui des autres agents. Le plaignant s’est de nouveau fâché. Il était mécontent et a continué de faire des appels à partir de son téléphone cellulaire. Les agents ont alors quitté les lieux, laissant le plaignant assis sur le trottoir en train de parler au téléphone. La déclaration de l’AT no 1 est cohérente avec celle de l’AT no 4, et ni l’un ni l’autre n’est retourné sur les lieux de l’incident ni n’a observé l’arrestation du plaignant.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AI no 1 a confirmé la version des faits ci-dessus tels que décrits par l’AT no 1 et l’AT no 4. Elle a de plus déclaré que lorsque le plaignant a allégué que le TC no 2 l’avait étranglé, l’AI no 1 avait examiné le cou du plaignant et n’avait noté aucune blessure. Elle a remarqué que le plaignant était furieux et l’a entendu dire « You’re not going to fucking do anything » [Vous n’allez câlissement rien faire]. L’AI no 1 a de plus ajouté que lorsqu’elle est sortie pour parler avec le plaignant, elle lui a clairement fait part du fait qu’il n’était pas le bienvenu à la résidence et lui a demandé de quitter les lieux, sans quoi il allait être accusé d’intrusion. Elle a indiqué que le plaignant a continué à crier et à dire des obscénités. L’AI no 1 lui a alors dit d’arrêter de crier et de dire des jurons, sans quoi il allait être accusé de troubler la paix. En sa présence, le plaignant a alors de nouveau appelé le centre de répartition, a déclaré « These cops aren’t doing anything. Get me fucking new cops! » [Ces policiers ne font rien. Envoyez-moi d’autres policiers], puis a demandé à parler avec un sergent. Le plaignant a toutefois quitté les lieux, suite à quoi les agents sont eux aussi partis. L’AI no 1 a déclaré avoir entendu une communication radio à l’effet que l’AI no 2 ainsi que l’AT no 1 et l’AT no 2 s’apprêtaient à retourner à la résidence, après quoi les trois agents ont parlé avec elle.

L’AI no 1 a déclaré être retournée à la résidence après s’être rendu compte qu’elle n’avait pas les renseignements du véhicule pour son rapport. Par conséquent, le TC no 7 et elle se dirigeaient vers le stationnement pour récupérer le certificat d’immatriculation de la voiture lorsqu’elle a aperçu le plaignant qui se tenait debout près du véhicule, criant au téléphone. L’AI no 1 a déclaré avoir dit au plaignant de s’éloigner du véhicule, ce qu’il a fait. Pendant qu’elle se trouvait près du véhicule, l’AI no 2 est arrivé à la résidence et elle a entendu le plaignant dire à l’AI no 2 « Fuck you and your attitude. I’m fucking calling 911 again. » [Tu peux b’en aller te faire fourrer avec ton attitude, moé j’rappelle l’estie de 9-1-1]. Le plaignant s’est alors mis à appeler de nouveau. À ce moment-là, l’AI no 1 s’est dirigée directement vers le plaignant, l’a informé qu’il était en état d’arrestation pour avoir troublé la paix et pour méfait public, puis lui a menotté les mains derrière le dos. Le plaignant a réagi en disant : « Okay. Fuck, whatever. » [Okay. J’m’en câlisse.]. L’AI no 1 a déclaré que l’AI no 2 n’avait pas participé à l’arrestation, mais qu’il se trouvait à environ cinq pieds (1,5 m) de là et qu’il observait la scène. L’AI no 1 a indiqué que le plaignant n’avait opposé aucune résistance lorsqu’elle l’a menotté, mais qu’il avait crié qu’elle était en train de le frapper. L’AI no 1 a alors enlevé le téléphone des mains du plaignant, lui a retiré son portefeuille et d’autres effets personnels, les a mis dans son chapeau, puis a remis le tout à l’AI no 2. L’AI no 1 a alors saisi le plaignant par l’avant-bras gauche et l’a escorté jusqu’au véhicule de police. Le plaignant n’a opposé aucune résistance. Cette version des faits est corroborée par la déclaration écrite du TC no 7.

L’AI no 1 a déclaré avoir dirigé le plaignant vers la porte ouverte de son véhicule puis lui avoir demandé de monter à bord de celui-ci et de s’asseoir, ce qu’il a fait. Elle a affirmé avoir placé sa main sur la tête du plaignant pour éviter qu’il heurte celle-ci contre le cadre de la portière. Elle a indiqué que le plaignant est monté à bord du véhicule puis s’est assis avant qu’elle ne referme la portière. Elle a déclaré que le plaignant ne s’est à aucun moment heurté contre une partie quelconque de la cloison en montant à bord du véhicule ni ne s’en est plaint. L’AI no 1 a indiqué que le plaignant a continué de crier pendant qu’il était assis à l’arrière de la voiture.

L’AI no 1 a déclaré que l’AI no 2 s’est approché du véhicule de police et a déposé les effets du plaignant sur le couvercle fermé du coffre pendant qu’elle informait le plaignant de son droit à faire appel à un avocat et des mises en garde, et ce, alors qu’il continuait à l’injurier. Aussitôt que l’AI no 1 a eu fermé la portière, le plaignant s’est mis à se démener sur le siège arrière, s’agitant violemment et donnant des coups d’épaules dans la portière arrière du côté passager. L’AI no 1 a de nouveau ouvert la porte et a ordonné au plaignant d’arrêter. Le plaignant a alors demandé qu’on lui enlève ses menottes, déclarant que son stimulateur cardiaque lui donnait des chocs et qu’il allait communiquer avec les médias pour dénoncer le comportement des agents. Il a déclaré, selon l’AI no 1, que les menottes nuisaient à son stimulateur cardiaque et qu’il voulait qu’on lui enlève et qu’on le conduise à l’hôpital. Il criait que l’AI no 1 était en train de le frapper. L’AI no 1 a déclaré avoir alors ouvert la portière arrière et permis au plaignant de sortir ses pieds à l’extérieur du véhicule. L’AI no 2 a appelé une ambulance étant donné que le plaignant s’était plaint que son stimulateur cardiaque s’était déclenché. Cette fois encore, cette version des faits est corroborée par la déclaration écrite du TC no 7 ainsi que par la déclaration d’autres témoins.

L’AI no 1 a déclaré que le plaignant a continué de s’agiter et de crier pendant qu’il attendait l’arrivée de l’ambulance, mais qu’elle n’avait remarqué aucune blessure chez le plaignant et que ce dernier ne s’était plaint de rien d’autre que du fait que son stimulateur cardiaque s’était déclenché. Lorsque les ambulanciers paramédicaux sont arrivés, le plaignant s’est mis à crier et à demander qu’on retire ses menottes, mais un des ambulanciers a alors indiqué que, en raison de l’état agité du plaignant, il était préférable que celui-ci reste menotté. L’ambulancière a alors escorté le plaignant jusqu’à l’ambulance, pendant qu’il criait qu’il allait lui faire perdre son emploi et qu’il la traitait de « bitch » [chienne]. L’AI no 1 est alors retournée à son véhicule pour préparer la promesse de comparaître du plaignant après quoi elle s’est approchée de l’ambulance et a observé l’AI no 2 demander au plaignant de se lever afin qu’on puisse lui retirer ses menottes. L’AI no 1 a affirmé avoir entendu le plaignant déclarer que l’AI no 2 était en train de lui casser le bras pendant qu’on retirait ses menottes. L’AI no 1 a alors remis au plaignant son chapeau et ses effets personnels et a vu ce dernier les prendre à l’aide de ses deux mains. Le plaignant a ensuite appelé deux autres fois le 9-1-1 à l’aide de son téléphone cellulaire et l’AI no 1 a remarqué qu’il n’avait pas l’air de souffrir de douleurs ni d’avoir de problèmes de dextérité ou de problèmes de mouvement en dépit de son allégation selon laquelle son bras était cassé. Les observations de l’AI no 1 en ce qui a trait à l’état de santé du plaignant semblent concorder avec celles des ambulanciers paramédicaux et du personnel de l’hôpital.

L’entrevue de l’AI no 2 corrobore la déclaration de l’AI no 1, mais comporte toutefois quelques ajouts. Dans sa description de l’agitation du plaignant à l’arrière du véhicule de police, il a indiqué que celui-ci se mouvait comme s’il était électrocuté, suite à quoi l’AI no 2 a immédiatement appelé une ambulance. L’AI no 2 a indiqué que, une fois le plaignant dans l’ambulance, il a manipulé le poignet de ce dernier afin de pouvoir accéder au trou de la serrure des menottes. Le plaignant s’est alors mis à crier que l’AI no 2 était en train de lui casser le poignet. L’AI no 2 a déclaré n’avoir vu à aucun moment un officier employer de la force contre le plaignant, que le plaignant ne s’était pas plaint d’avoir été blessé par l’AI no 1 lorsqu’on l’a fait monter à bord du véhicule de police, et qu’il ne s’était plaint que de son stimulateur cardiaque qui s’était déclenché.

Au vu de l’ensemble des éléments de preuve, il est clair que, tout au long de son interaction avec la police, les ambulanciers paramédicaux et le personnel de l’hôpital, le plaignant s’est montré tapageur, impoli, agressif et combatif. Il est clair également que la déclaration du plaignant est diamétralement opposée à celle de l’AI no 1 et de l’AI no 2 en ce qui a trait à qui a effectué son arrestation et la façon dont celle-ci s’est déroulée. En ce qui a trait à la déclaration écrite du TC no 7, celle-ci confirme clairement les faits décrits par l’AI no 1 et l’AI no 2 à savoir qu’elle a expressément déclaré avoir vu l’AI no 1 arrêter le plaignant, l’escorter jusqu’au véhicule de police et le faire monter à bord de celui-ci. Ni l’AI no 1 ni l’AI no 2 n’a allégué que le plaignant avait opposé de la résistance lors de son arrestation ou lorsqu’on lui a mis les menottes. De plus, aucun élément de la preuve du plaignant ne permet de conclure que les blessures du plaignant ont été causées par l’emploi des menottes. Ceci est une fois de plus confirmé par la déclaration du TC no 7 laquelle indique que le plaignant « capotait » après la police « pour aucune raison ». On peut présumer que si la police avait maltraité le plaignant comme il l’allègue, le TC no 7 aurait considéré ceci comme étant une raison pour lui de « capoter ».

Plusieurs témoins civils ont entendu le plaignant se plaindre que son stimulateur cardiaque s’était déclenché alors qu’il se trouvait à l’arrière du véhicule de police. L’AI no 1 a décrit le plaignant comme étant en train de se démener, s’agitant sauvagement et frappant violemment la portière arrière du côté passager avec son épaule alors que l’AI no 2 a décrit le plaignant comme étant en train de se mouvoir comme s’il était électrocuté, suite à quoi l’AI no 2 a immédiatement appelé une ambulance. Comme il n’y a aucune indication dans les dossiers de l’hôpital ou dans les dossiers médicaux du plaignant à l’effet que son DCI se soit déclenché, il semble que le comportement du plaignant à l’arrière du véhicule de police n’était qu’un numéro visant à duper tant les civils que les policiers et à leur faire croire qu’il était en train d’avoir un trouble cardiaque quelconque relié à son stimulateur cardiaque. Cette conclusion est à mon avis d’autant plus appuyée par le fait que les ambulanciers paramédicaux ont noté qu’une fois que le plaignant s’est rendu compte qu’il souffrait peut-être d’une blessure au poignet, ce dernier semblait beaucoup moins préoccupé par le supposé trouble relié à son DCI, malgré le numéro auquel il s’était livré plus tôt.

Je n’ai trouvé aucun élément de preuve corroborant l’allégation du plaignant contre l’AI no 2 et il n’y a aucune mention dans le rapport des ambulanciers d’un abus quelconque de la part de l’AI no 2 à l’égard du plaignant lorsqu’il lui a retiré ses menottes. J’ai noté également que, bien que les ambulanciers aient précisé avoir remarqué une blessure à l’avant-bras du plaignant à l’endroit où ils ont observé une marque de menottes, ces derniers ont constaté que le plaignant avait une amplitude de mouvements normale au niveau des extrémités, tandis que le personnel médical de l’hôpital l’a observé utilisant son bras gauche pour tenir son téléphone cellulaire malgré le fait qu’il s’était plaint que son bras était engourdi.

Au vu de l’ensemble de la preuve, j’estime qu’il existe de nombreuses incohérences entre les allégations du plaignant et les plaintes qu’il a faites à la police, aux ambulanciers et au personnel de l’hôpital, et il est évident que le plaignant a exagéré voire carrément inventé les différents maux dont il disait souffrir. Il ressort de la déclaration du TC no 7 que le plaignant a effectivement été arrêté, menotté et mis à bord du véhicule de police par l’AI no 1 et que cette interaction, telle qu’observée par les témoins civils, s’est déroulée sans incident et n’a donné lieu à aucun geste ayant pu être à l’origine de la contusion ou de l’entorse à l’avant-bras ou au poignet gauche du plaignant. Par ailleurs, je doute que l’AI no 2, en présence des ambulanciers, ait fait preuve de quelque violence que ce soit qui aurait pu causer des blessures au plaignant lorsqu’il lui a retiré ses menottes. Les éléments de preuve montrent clairement que le DCI du plaignant ne l’a pas « électrocuté » à quelque moment que ce soit et que, par conséquent, son agitation violente à l’arrière du véhicule de police ne pouvait être qu’attribuée au fait qu’il prétendait recevoir des chocs électriques dans le but de faire de fausses allégations contre la police. Je n’ai en outre aucun motif raisonnable de croire que toute intervention policière, selon les déclarations des témoins civils indépendants, ait pu causer des blessures au plaignant. Les éléments de la preuve établissent clairement que ni l’AI no 1 ni l’AI no 2 ne s’est retrouvé seul avec le plaignant à quelque moment que ce soit et que, par conséquent, ni l’un ni l’autre n’aurait eu l’occasion de lui infliger les blessures décrites sans être observé par qui que ce soit. Pourtant, aucun des témoins ne déclare avoir observé de tels gestes. Je suis d’avis qu’il est plus que probable que le plaignant ait blessé son poignet/avant-bras après qu’il ait été arrêté et placé à l’arrière du véhicule de police, lorsqu’il se démenait sur le siège arrière, s’agitant sauvagement et frappant violemment la portière arrière du côté passager avec son épaule, prétendant être électrocuté par son DCI.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Tout d’abord, en ce qui concerne la légitimité de l’appréhension de l’homme, il ressort clairement des déclaratiosn des nombreux témoins civils que le plaignant faisait du tapage, criait, était vociférant et qu’il troublait la paix dans un endroit public (contrairement au paragraphe 175 (1) du Code criminel) à l’extérieur de la résidence. De plus, il mobilisait le service de répartition du 9-1-1 et plusieurs membres du personnel policier en appelant sans cesse le 9-1-1 alors qu’il avait été clairement informé à maintes reprises par plusieurs agents de police que cette question relevait du droit civil et qu’il devait cesser d’appeler le 9-1-1 et de mobiliser de précieuses ressources policières. Par conséquent, les agents de polices avaient également des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant pour méfait public contrairement à l’article 140 du Code criminel. L’arrestation et l’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée dans les circonstances.

En dernière analyse, je ne trouve aucune preuve que les gestes des agents ayant participé à l’arrestation, ou encore à la mise ou au retrait des menottes du plaignant aient pu causer une entorse ou une contusion au poignet de ce dernier. Si toutefois il s’avérait que telle était la cause de la blessure du plaignant, ce qui est peu probable, je suis d’avis que, en vertu de l’article 25 (1) du Code criminel, les agents impliqués n’ont pas utilisé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire dans l’exécution de leurs fonctions licites pour appréhender un homme agressif et agité. Je suis convaincu que le degré de force employé pour menotter et retirer les menottes du plaignant, comme en témoignent plusieurs témoins civils, était dans les limites de ce qui était nécessaire dans les circonstances. La jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluk [2010] 1 RCS 6). Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes de l’agent sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 11 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Le TC no 5 et le TC no 6, employés par le Service paramédic d’Ottawa, étaient les ambulanciers paramédicaux traitants. Bien qu’ils n’aient pas consenti à se soumettre à une entrevue, l’UES a pu obtenir des documents pertinents, y compris les rapports d’incident et les registres des communications des ambulanciers paramédicaux. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’AT no 3 n’était pas présent sur les lieux, n’a pas été témoin ni n’a participé à l’arrestation, et n’a eu aucun contact ultérieur avec les agents impliqués. [Retour au texte]
  • 3) [3] Au départ, seul l’AI no 2 avait été désigné d’après la description fournie par le plaignant, et l’AI no 1 était considéré être un agent témoin. Après avoir interrogé l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 4, il est devenu évident qu’ils avaient compris, d’après les conversations avec l’AI no 1 survenues à la suite de l’arrestation, que l’AI no 1 avait arrêté le plaignant et l’avait placé à l’arrière de son véhicule de police. Conséquemment, l’AI no 1 a été redésignée à titre d’agent impliqué. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.