Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-PCI-144

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant l’hospitalisation d’un homme de 23 ans survenue le 5 juin 2016 dans le comté de Norfolk après qu’il ait été impliqué dans une interaction avec des agents de la Police provinciale de l’Ontario plus tôt ce matin là.

L’enquête

Notification de l’UES

La Police provinciale de l’Ontario a avisé l’UES de l’incident le 5 juin 2016 à 6 h 25.

La Police provinciale a signalé que le 5 juin 2016 à 2 h 10, le plaignant avait été arrêté pour ivresse dans un lieu public près d’un hôtel dans le secteur de la route Turkey Point et de la promenade Cedar. Le plaignant a été transporté au poste de police du comté de Norfolk de la Police provinciale de l’Ontario. à 2 h 50, le personnel a vu le plaignant en convulsions sur le plancher de sa cellule. Les membres des services médicaux d’urgence sont arrivés et ont emmené le plaignant à l’hôpital pour traiter son intoxication, mais il n’avait subi aucune blessure.

Le 5 juin 2016 à 12 h 30, un membre de la Police provinciale a fait le point et a rapporté que le plaignant avait repris connaissance; toutefois, il a continué d’avoir des convulsions et, par conséquent, le docteur lui a de nouveau administré un sédatif.

Le 6 juin 2016 à 12 h 16, un membre de la Police provinciale a indiqué que le personnel de l’hôpital procédait au transfert du plaignant vers le centre des sciences de la santé de Hamilton.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Plaignant

Homme de 23 ans, a participé à une entrevue; ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 N’a pas participé à une entrevue, docteur de l’hôpital, dossiers médicaux examinés

Témoin employé de la police

TEP no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées

éléments de preuve

éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait des recherches pour mettre la main sur des enregistrements audio ou vidéo et sur des photographies. Ils ont obtenu les éléments de preuve suivants :

Vidéo de la salle de mise en détention

  • Le 5 juin 2016 à 2 h 4, le plaignant a été escorté de l’auto patrouille de l’AI jusqu’à l’aire de transfert sécurisée par l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 4. Le plaignant avait les mains menottées devant lui et semblait calme et coopératif. Le plaignant portait alors des culottes courtes de style cargo et n’avait pas de chandail.
  • à 2 h 6, le plaignant s’est assis sur un banc pendant que l’AI se tenait debout à sa gauche. L’AT no 2 et l’AT no 4 se tenaient debout à la droite du plaignant. Le plaignant semblait calme et il avait l’air de discuter avec les agents.
  • à 2 h 8, le plaignant a tenté de se lever, mais l’AT no 2 a placé sa main sur son épaule et l’a poussé pour le forcer à se rasseoir. Il semble que le plaignant parlait de façon agressive en relevant la tête et en agitant le haut de son corps.
  • à 2 h 11, l’AI et l’AT no 2 ont relevé le plaignant du banc et le plaignant s’est mis à s’agiter. Les agents de police ont attrapé le plaignant par le haut et le bas du corps et l’ont emmené vers la porte du corridor menant aux cellules. Le plaignant remuait constamment, s’est élancé et a placé ses pieds sur le cadre de la porte menant au corridor. Les agents ont éventuellement réussi à passer la porte tout en transportant le plaignant et l’ont placé sur le banc d’une cellule.

Images vidéo de la cellule

  • à 2 h 12, le plaignant a été placé dans une cellule par l’AI et l’AT no 2, qui ont par la suite immédiatement quitté celle ci. Le plaignant s’est avancé jusqu’à la porte de la cellule lorsqu’elle s’est fermée et a semblé hurler entre les barreaux. Sur les images, on peut voir le plaignant faire les cent pas et tenter de briser la serrure de la porte de la cellule. On peut aussi voir le plaignant tenter de couvrir la lentille de la caméra de sa cellule avec un morceau de papier vert.
  • à 2 h 20, l’AI est retourné à la cellule et a semblé converser avec le plaignant à travers les barreaux. L’AI a enlevé les menottes du plaignant.
  • à 2 h 35, l’AI est retourné à la cellule et a semblé de nouveau converser avec le plaignant à travers la porte. Le plaignant a joué avec la serrure de la porte de la cellule et s’est baissé pour atteindre le bas de la porte de la cellule.
  • à 2 h 47, le plaignant s’est assis sur le siège de toilette, a baissé la tête et a posé sa tête entre ses mains.
  • à 2 h 51, le plaignant a commencé à glisser tranquillement du siège de toilette et est éventuellement tombé sur le sol. Le plaignant était étendu sur son flanc droit et son corps était pris de convulsions de façon continue.
  • à 2 h 54, l’AI et l’AT no 5 sont arrivés, l’AI a ouvert la porte de la cellule et a porté assistance au plaignant qui était allongé sur le sol. On peut voir l’AI vérifier la respiration du plaignant à de nombreuses reprises, on voit l’AI retourner le corps du plaignant en position couchée et placer une couverture sous sa tête.
  • à 3 h 6, les services médicaux d’urgence sont arrivés et ont finalement placé le plaignant sur une civière afin de le transporter à l’extérieur du poste de police.

éléments obtenus auprès des services policiers

L’UES a demandé les éléments et les documents suivants au poste de police du comté de Norfolk de la Police provinciale, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’arrestation du plaignant;
  • registre de divulgation;
  • courriel de l’inspecteur concernant les enregistrements audio de l’aire des cellules;
  • rapports sur la chronologie des événements;
  • rapport d’incident général;
  • liste des agents impliqués;
  • liste des personnes impliquées;
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4 et de l’AT no 5;
  • notes du TEP;
  • rapport de détention du prisonnier;
  • avis d’infraction provinciale du plaignant relatif à la Loi sur les permis d’alcool.

Description de l’incident

à environ 1 h le 5 juin 2015, le plaignant et quelques amis se trouvaient à un hôtel de Turkey Point, dans le comté de Norfolk. Le plaignant était intoxiqué et attendait à l’extérieur de l’hôtel, sous l’auvent d’un commerce voisin. Deux auto patrouilles, respectivement conduites par l’AI et par l’AT no 1, étaient stationnées de l’autre côté de la rue face à l’hôtel. à environ 1 h 20, les agents ont vu le plaignant sortir de l’hôtel. Il criait et a déchiré son chandail avant de le lancer au sol. Peu après, l’un des deux agents a projeté avec son auto patrouille un puissant faisceau de lumière en direction du plaignant, et ce dernier a baissé la tête.

L’AI et l’AT no 1 se sont approchés du plaignant. Lorsque les agents lui ont demandé de s’identifier, le plaignant a refusé. Il avait une attitude agressive à l’endroit des agents, il sentait l’alcool et son discours était décousu. L’AI a ensuite menotté le plaignant en lui mettant les mains derrière le dos et lui a indiqué qu’il était en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public. Alors que le plaignant se dirigeait vers l’auto patrouille, il a commencé à offrir de la résistance. Par conséquent, l’AI a penché le plaignant vers l’avant sur le capot de la voiture de police pendant que l’AT no 1 procédait à la fouille sommaire de celui ci. Le plaignant a finalement été placé dans l’auto patrouille et transporté au poste de police de Norfolk.

Rendu au poste de police, le plaignant, qui était calme et coopératif, a été escorté à la salle de mise en détention. Toutefois, le plaignant est ensuite devenu fâché et agité et a refusé de se lever lorsqu’on le lui a ordonné; en conséquence, l’AI a saisi le plaignant par les bras et a tenté de le lever alors qu’il se débattait, tirait pour se défaire de l’emprise de l’agent et se démenait. L’AI et l’AT no 2 ont placé le plaignant dans une cellule.

à environ 2 h 50, le plaignant a été pris de convulsions et a perdu connaissance. On a appelé une ambulance et le plaignant a été transporté à l’hôpital où il a été branché à un respirateur artificiel avant d’être transporté au centre des sciences de la santé de Hamilton où il a finalement obtenu son congé.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25. (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 31, Loi sur les permis d’alcool – Ivresse

(4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission;
  2. dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun.

(5) Un agent de police peut, sans mandat, procéder à l’arrestation de la personne qu’il trouve en contravention au paragraphe (4) si, à son avis, la protection de quiconque exige cette mesure.

Analyse et décision du directeur

Le 5 juin 2016 à environ 2 h 10, le plaignant a été arrêté à l’extérieur d’un hôtel à Turkey Point, dans le comté de Norfolk, par l’AI et l’AT no 1 du poste de police de Norfolk de la Police provinciale de l’Ontario. Le plaignant a été arrêté en vertu de la Loi sur les permis d’alcool pour une infraction au paragraphe 31(4), c’est à dire, avoir été en état d’ivresse dans un lieu public. Le plaignant a été transporté au poste de police de Norfolk, où on l’a mis dans une cellule. à environ 2 h 51, le plaignant a vraisemblablement été pris de convulsions et a perdu connaissance. On a appelé une ambulance et le plaignant a été transporté à l’hôpital où il a été branché à un respirateur artificiel avant d’être transporté au centre des sciences de la santé de Hamilton où il a finalement obtenu son congé.

Le plaignant soutient que, excepté lorsque l’AT no 3 lui a asséné un coup de pied derrière les genoux pour l’amener au sol, aucun agent ne l’a frappé et qu’il n’a subi aucune blessure physique.

L’AI a accepté de participer à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES dans le cadre de laquelle il a confirmé qu’il effectuait une patrouille générale dans le secteur de l’hôtel durant la soirée du 4 juin 2016, commençant vers 23 h 35, et qu’il a rencontré l’AT no 1 à cet endroit. L’AI a corroboré le témoignage du plaignant et indiqué qu’il avait aperçu le plaignant sortir de l’hôtel, que l’AT no 1 avait dirigé un faisceau de lumière vers le plaignant lorsqu’il se tenait sur le porche d’un commerce voisin et que le plaignant s’était baissé. L’AI a ajouté que le plaignant criait lorsqu’il est d’abord sorti de l’hôtel et qu’il avait arraché son chandail pour le lancer au sol. Par ailleurs, l’AI a indiqué qu’il avait continué d’observer le plaignant vu qu’il flânait devant un commerce, qui était fermé à ce moment là, et qu’il soupçonnait que le plaignant puisse envisager de s’adonner à des activités illégales.

L’AI a également corroboré le témoignage du plaignant en indiquant qu’il avait, en compagnie de l’AT no 1, approché le plaignant et qu’il lui avait demandé ce qu’il faisait, et qu’en réponse à sa demande, le plaignant avait refusé de s’identifier auprès des agents. Toutefois, l’AI a ajouté que le plaignant a immédiatement eu une attitude agressive envers les agents, qu’il pouvait sentir une forte odeur d’alcool émanant de l’haleine du plaignant, que ce dernier avait des troubles de l’élocution et de la difficulté à former des phrases, et lorsqu’on lui a demandé de s’identifier, le plaignant est devenu de plus en plus agité. Le plaignant a admis avoir consommé de l’alcool, et subséquemment, à 1 h 32, l’AI l’a mis en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu public, en vertu de l’article 31 de la Loi sur les permis d’alcool, en raison du fait que, selon l’AI, le plaignant était intoxiqué et agressif et troublait la paix. L’AI a indiqué qu’il craignait que s’il ne procédait pas à l’arrestation du plaignant, ce dernier endommage des biens ou se blesse lui même. L’AI a indiqué que dès qu’il a avisé le plaignant qu’il était en état d’arrestation, ce dernier a tendu les mains vers les agents et a été menotté. L’AI a précisé qu’au début, le plaignant était calme et coopératif, mais pendant qu’il était escorté vers l’auto patrouille, il a commencé à crier haut et fort, il est devenu plus agité et a commencé à tirer, à se tordre et à se démener dans le but de s’échapper.

L’AI a indiqué que le plaignant était étonnamment fort pour quelqu’un de sa taille (environ 68 kilogrammes) et qu’il a continué de résister lorsqu’ils sont arrivés à l’auto patrouille, après quoi, l’AI a penché le plaignant face première sur le capot de la voiture de police pendant que l’AT no 1 procédait à la fouille sommaire du plaignant. L’AI a indiqué qu’il a dû placer son avant bras dans le bas du dos du plaignant pour l’immobiliser pendant qu’il continuait de résister et de bouger. L’AI a indiqué qu’une fois la fouille terminée, lui et l’AT no 1 ont tenté d’asseoir le plaignant sur la banquette arrière de son auto patrouille, mais que le plaignant avait placé ses pieds sur le cadre de la porte et poussait pour ne pas y entrer. à ce moment, l’AT no 1 a soulevé le plaignant par les jambes, pendant que l’AI tenait le haut du corps de ce dernier, afin de le déposer sur le sol sablonneux. Le plaignant s’est ensuite calmé et les agents l’ont pris de nouveau pour le faire entrer tête première sur la banquette arrière de l’auto patrouille de l’AI. Une fois à l’intérieur, le plaignant s’est immédiatement redressé en position assise et a continué de crier. L’AI a transporté le plaignant au poste de police, pendant que l’AT no 1 le suivait dans sa voiture.

Malgré l’état d’ébriété du plaignant, la version des faits du plaignant semble étonnamment exacte puisqu’elle est entièrement corroborée par la déclaration de l’AI, excepté en ce qui concerne le nombre d’agents ayant accompagné le plaignant dans l’auto patrouille. Bien que le TC no 2 croie que la tête du plaignant a rebondi à plusieurs reprises sur le capot de l’auto patrouille, le plaignant, quant à lui, n’a jamais mentionné un tel incident dans sa déclaration, ce qui concorde avec le témoignage de l’AI. Je suis porté à croire que ce que le TC no 2 a vu était, en fait, l’AI qui tentait de maintenir la tête du plaignant sur le capot de l’auto patrouille avec son avant bras, pendant que le plaignant continuait de bouger. J’accepte le témoignage du plaignant, tel qu’il est confirmé par l’AI, et je conclus que cette allégation du TC no 2 s’avère peu fiable et infondée. Cette conclusion est également appuyée par les rapports des ambulanciers, de même que par les dossiers médicaux, qui ne répertorient aucune blessure ou aucun traumatisme au niveau de la tête ou du corps du plaignant, alors que l’on aurait pu s’attendre à retrouver de telles blessures si la tête du plaignant avait frappé le capot d’une voiture, à l’exception des éraflures aux poignets et aux chevilles (notées dans les dossiers) qui semblent davantage être le résultat de la mise en contention.

L’AI a également déclaré que bien que le plaignant ait constamment hurlé des injures à l’endroit de l’AI en route vers le poste de police, celui ci ne s’est jamais plaint de blessures. à 2 h 4, le plaignant a été escorté à la salle de mise en détention et, à ce moment, il était calme et coopératif; cependant, selon l’AI, comme l’a confirmé la vidéo de la salle de mise en détention, le plaignant s’est de nouveau emporté et est devenu agité, en plus de refuser de se lever lorsqu’on le lui a ordonné; en conséquence, l’AI a pris le plaignant par les bras et a tenté de le lever alors qu’il se débattait, tirait pour se défaire de l’emprise de l’agent et se démenait. L’AI et l’AT no 2, encore une fois, comme on peut le voir dans la vidéo, ont transporté le plaignant jusqu’à la porte de sa cellule où ce dernier a placé ses pieds sur le cadre de la porte et a tenté de se pousser tout en continuant de lutter.

à 2 h 52, l’AI a indiqué dans ses notes que l’AT no 5 l’a informé que le TEP avait vu le plaignant gisant sur le plancher de sa cellule. Environ 10 secondes plus tard, l’AI et l’AT no 5 se sont rendus à la cellule, où l’AI a vu le plaignant gisant sur son flanc droit et tout son corps tremblait comme s’il était pris de convulsions. On a appelé une ambulance, et l’AI ainsi que l’AT no 5 ont continué de surveiller le plaignant, qui était inconscient, et de lui porter assistance jusqu’à ce que les ambulanciers arrivent et l’emmènent à l’hôpital. L’AI a indiqué qu’à aucun moment il n’a utilisé une force excessive contre le plaignant ni n’a vu le plaignant se cogner la tête sur une surface dure. L’AI était d’avis qu’il a fait tout ce qu’il a pu pour prendre soin du plaignant.

Les déclarations de l’AT no 1 et de l’AT no 3 concordaient pleinement avec celles du plaignant et de l’AI par rapport à ce qui s’est passé à l’extérieur de l’hôtel; la seule différence est que l’AT no 1 a indiqué qu’il soupçonnait que le comportement erratique du plaignant était peut être dû à autre chose que l’alcool et croyait qu’il était sous l’influence de drogues, puisque son niveau d’agitation et de combativité fluctuait. Pour cette raison, l’AT no 1 a indiqué qu’il avait demandé au plaignant s’il avait consommé autre chose que de l’alcool, mais le plaignant n’a pas répondu.

Les détails fournis par l’AI concernant les événements survenus au poste de police concordent parfaitement avec ceux fournis dans la déclaration de l’AT no 2 de même qu’avec ceux des entrées des carnets de notes rédigées par l’AT no 4, l’AT no 5 et le TEP, ainsi qu’avec les vidéos de la cellule et de la salle de mise en détention.

Les rapports des ambulanciers indiquent que le plaignant n’avait pas de blessures visibles ni de traumatismes. Dans le même ordre d’idées, les dossiers médicaux indiquent : « multiples éraflures mineures sur le corps et les membres. La plupart semblent être liées à la mise en contention. Il ne démontrait aucun signe de traumatisme important à la tête » [traduction] et décrivaient le plaignant comme étant « combatif et agressif à l’hôpital et on a dû lui administrer des sédatifs à plusieurs reprises » [traduction] et « le patient a été mis en contention durant la nuit en raison de son niveau d’agitation » [traduction]. L’analyse toxicologique effectuée à l’hôpital a permis de conclure que le plaignant avait « consommé une quantité considérable d’alcool et que l’analyse toxicologique avait permis de déceler de la cocaïne, de la MDMA et des amphétamines » [traduction]. On a déterminé que son taux d’alcoolémie était plus de deux fois supérieur à la limite permise. Au cours de son séjour dans les deux hôpitaux, différents docteurs ont fait état de leurs diagnostics comme suit dans les dossiers médicaux du plaignant : « Niveau de conscience réduit, probablement l’effet d’une combinaison d’alcool éthylique et de drogues » [traduction]; « 6 juin 2016 niveau de conscience réduit dû à la consommation de plusieurs substances (cocaïne, alcool éthylique, ecstasy, métamphétamines) » [traduction]; « Le patient a consommé de multiples surdoses de drogues illicites et une grande quantité d’alcool » [traduction]; « Apparemment, il aurait dit au personnel infirmier qu’il avait intentionnellement tenté de mettre fin à ses jours lorsqu’il a pris la surdose » [traduction]; « Il a été en mesure de dire clairement que ce n’était pas une tentative de suicide. Il a consommé plus de cocaïne, de MDMA et d’alcool que d’habitude afin de s’intoxiquer. Il était bouleversé en raison de sa rupture avec sa copine » [traduction]; « Diagnostic posé lors de l’admission : insuffisance respiratoire aiguë, convulsions dues à la consommation de plusieurs drogues récréatives. Diagnostic posé au moment du congé : même diagnostic » [traduction]; et finalement « évaluation : je me demande si ces convulsions étaient dues à l’alcool » [traduction].

Bien que les dossiers médicaux n’aient pas établi précisément la cause des convulsions du plaignant, il est clair qu’aucun des différents docteurs ayant examiné le plaignant n’a attribué son état à d’autres choses que sa consommation excessive d’alcool et de drogues; tous ont clairement indiqué qu’il n’y avait pas de signe de blessure physique ou de traumatisme à la tête. Les résultats des examens médicaux semblent confirmer les déclarations du plaignant, de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 3 voulant que la force n’ait pas été utilisée pour appréhender le plaignant, sauf lorsqu’il a été plaqué une fois sur le sol sablonneux, moment au cours duquel il ne s’est pas cogné la tête.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’employer la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Tout d’abord, en ce qui concerne la légitimité de l’arrestation du plaignant, il est clair, à la lumière des témoignages de toutes les personnes ayant été en contact avec le plaignant, que ce dernier était intoxiqué lorsqu’il était à l’extérieur de l’hôtel durant cette soirée. De plus, les observations des agents de police à l’extérieur de l’hôtel indiquent que le plaignant a lancé son chandail, était bruyant, agité et agressif et qu’il troublait la paix. L’arrestation du plaignant en vertu de la Loi sur les permis d’alcool était donc légalement justifiée dans les circonstances.

En ce qui concerne l’intensité de la force utilisée par les agents dans leurs tentatives d’arrêter, de fouiller et de transporter le plaignant, je conclus que leur comportement était justifié dans les circonstances et qu’ils n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, qui était particulièrement agité et résistant, probablement en raison de son niveau d’intoxication. Je conclus également qu’il n’y a aucune preuve qui démontre que le plaignant a subi une blessure commise par les policiers; plutôt, les difficultés respiratoires et les convulsions du plaignant semblent être un résultat direct de sa surconsommation d’alcool et de drogues illicites, comme l’indiquent les conclusions tirées par les docteurs qui l’ont traité; de plus, les dossiers médicaux indiquent clairement qu’aucun membre du personnel soignant ayant examiné le plaignant n’a trouvé de traces de traumatisme ou de blessure. En fait, au vu du dossier, il est peut être heureux que le plaignant ait été arrêté au matin du 5 juin; si cela n’avait pas été le cas, et qu’il avait été laissé aux soins de ses amis qui étaient visiblement eux mêmes en état d’ébriété avancé, il n’est pas certain que le dénouement aurait été le même.

Soit dit en passant, à mon avis, la diligence du TEP qui a constamment gardé un œil sur le plaignant dans sa cellule, et la vitesse à laquelle il a signalé ses observations de même que l’intervention rapide de l’AI et de l’AT no 5 qui ont prodigué des soins au plaignant et appelé de l’aide médicale sont louables et ont peut-être sauvé la vie de ce dernier.

Au vu du dossier, il est clair que la force utilisée par l’AI, l’AT no 1 et l’AT no 3 n’était pas supérieure à ce qui était nécessaire pour surmonter la résistance importante offerte par le plaignant, et elle est restée dans la limite de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à l’arrestation légitime de l’homme. La jurisprudence est claire, on ne peut s’attendre à ce que les agents apprécient avec exactitude la mesure de la force qu’ils doivent utiliser (R. c. Baxter [1975] 27 C.C.C. [2d] 96 [ONCA]) et l’on ne peut juger ceux ci au regard d’une norme de perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206).

Pour conclure, au regard des raisons susmentionnées, je suis convaincu que la détention du plaignant et la manière dont elle a été effectuée étaient légitimes et qu’il n’y a aucune preuve permettant d’établir un lien de causalité entre les actes des agents ayant appréhendé le plaignant et son état de santé subséquent. Par conséquent, j’ai des motifs raisonnables de croire que les agents ont agi dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire. Aucune accusation ne sera donc portée.

Date : Le 18 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.