Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-137

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant des blessures graves subies par un homme de 28 ans lors d’une interaction avec des agents du Service de police de Sarnia (SPS) le 31 mai 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 1er juin 2016 à 0 h 30, un membre du SPS a signalé que le plaignant avait subi des blessures graves. On a avisé l’UES que le 31 mai 2016, le SPS avait reçu un appel lui demandant d’envoyer des agents à un appartement de la ville de Sarnia puisque le plaignant était allé visiter sa sœur et qu’il avait commencé à agir étrangement, et qu’il brandissait une hachette.On croyait que le plaignant était sous l’influence de drogues, probablement de la méthamphétamine.

De nombreux agents ont répondu à l’appel et l’agent impliqué (AI) a utilisé son arme à impulsions à de nombreuses reprises en vue de maîtriser le plaignant. Lorsque cette tactique s’est révélée inefficace, l’AI a utilisé sa matraque pour frapper le plaignant. Les coups portés ont eu peu d’incidence, les policiers sont donc sortis de l’appartement et l’ont encerclé pour permettre à l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) de faire son travail. Les membres de l’EIU sont entrés, ont cloué au sol le plaignant avec un bouclier et ont procédé à son arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes, des photographies, des mesures et des enregistrements vidéo.

Plaignant :

Homme de 28 ans, a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 N’a pas participé à une entrevue, a refusé de fournir une déclaration

Le porte‐à‐porte réalisé auprès des résidents de l’édifice à logements n’a pas permis de trouver d’autres témoins.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 8 A participé à une entrevue

AT no 9 A participé à une entrevue

De plus, les notes et la déclaration volontaire d’un autre agent non désigné ainsi que les déclarations volontaires de 11 autres agents non désignés ont été reçues et examinées.

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

L’édifice à logements de Sarnia est un immeuble de trois étages sans ascenseur, dont l’entrée est contrôlée. L’appartement est situé au troisième étage au fond du couloir faisant face à l’escalier. La superficie de l’appartement à deux chambres est inférieure à 1 000 pieds carrés. L’entrée menant à l’appartement comprend une porte donnant accès à un couloir commun et s’ouvre sur le salon. Le salon se prolonge jusqu’à une sortie menant au balcon et est en forme de « L », et s’ouvre sur une cuisine sur la gauche. La cuisine est immédiatement à la gauche de l’entrée.

La salle à manger était dans un désordre total. La table de cuisine avait été déplacée, un refroidisseur d’eau avait été renversé et un congélateur coffre était de travers, de plus, il y avait des débris partout sur le plancher de bois. Il y avait de grandes traces de sang sur les murs, le plancher, le congélateur et le refroidisseur d’eau. Les lieux ont été filmés et photographiés.

Schéma des lieux.

Éléments de preuve matériels

Les armes retrouvées sur les lieux comprenaient une lame de couteau noire brisée, une selle de vélo munie d’une tige et un cadre d’écran brisé en métal. Tous les témoignages faisant état de l’incident confirmaient la présence de ces objets. Une hachette avec un manche noire a été saisie par la police avant l’arrivée du personnel de l’UES. La hachette a été examinée et photographiée, comme on peut le voir ci‐dessous :

Une hachette avec un manche noire.

De nombreux dards et fils reliés à des électrodes d’armes à impulsions étaient dispersés dans l’appartement. Trois armes à impulsion ont été photographiées, déchargées et retournées au SPS. Le vaporisateur de poivre et la matraque télescopique ASP de l’AI ont été saisis.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du quartier à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais n’ont rien trouvé.

Enregistrements des communications

Le 31 mai 2016, on a enregistré 83 communications liées à cet incident entre 20 h 14 min 49 s et 22 h 28 min 26 s. Les extraits les plus importants sont résumés ci‐dessous.

À 20 h 14, le père du plaignant a appelé le répartiteur du SPS et a indiqué que son fils était assigné à résidence et qu’il se trouvait au domicile du TC no 1, sous l’influence de méthamphétamine en cristaux.

À 20 h 43, le TC no 2 a appelé le répartiteur de la police et l’a avisé qu’elle tentait de faire sortir le plaignant de l’appartement du TC no 1. Le TC no 2 a affirmé que le plaignant brandissait une arme blanche et que, par conséquent, les occupants de l’appartement s’étaient enfuis à l’exception du TC no 1.

À 20 h 49, le répartiteur a informé les agents répondant à l’appel que le plaignant était considéré comme violent et qu’il risquait de tenter de s’échapper. Le plaignant faisait face à plusieurs chefs d’accusation de violence et de voies de fait sur des policiers.

À 20 h 52, l’AT no 3, l’AI et l’AT no 9 sont arrivés à l’appartement, suivis peu après par l’AT no 2 et l’AT no 8.

Durant les diverses mises au point transmises par les agents sur les lieux, on peut entendre du tapage accompagné de cris inintelligibles en arrière-plan.

À 21 h 2, un agent inconnu a indiqué sur les ondes : « [traduction] … (inintelligible)… avec une hachette ». L’AT no 2 a dit à la radio : « [traduction] nous le tenons en joue ». En arrière‐plan, on peut entendre une personne inconnue crier le prénom du plaignant.

À 22 h 21, l’AT no 5 donne l’ordre « [traduction] bleu, bleu, bleu » indiquant aux membres de l’EIU de procéder à l’arrestation du plaignant.

Éléments obtenus auprès des services policiers

L’UES a demandé les éléments et les documents suivants au SPS, qu’elle a obtenus et examinés :

  • sommaire du dossier de l’affaire
  • enveloppe d’argent et formulaires du contrôle des biens
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 5, de l’AT no 6, de l’AT no 8 et de l’AT no 9
  • notes et déclaration volontaire d’un agent de police non désigné
  • politique sur le recours à la force
  • rapport d’événement additionnel – arrestation à risque élevé
  • dossiers de formation de l’AI
  • enregistrements des communications du 31 mai 2016
  • déclarations volontaires de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 6, de l’AT no 7, de l’AT no 8, de l’AT no 9 et de l’AI
  • déclarations volontaires provenant de 11 autres agents de police non désignés[1]

Description de l’incident

Le 31 mai 2016, le plaignant s’est présenté à l’appartement du TC no 1 dans la ville de Sarnia. À 20 h 14, le père du plaignant a appelé le répartiteur du SPS et a indiqué que son fils était assigné à résidence et qu’il se trouvait au domicile du TC no 1, sous l’influence de méthamphétamine en cristaux.

Une fois dans l’appartement du TC no 1, le plaignant s’est armé de couteaux et a refusé de quitter les lieux lorsqu’on le lui a demandé. Les autres occupants (à l’exception du TC no 1) ont quitté l’appartement et le TC no 2 a appelé la police à 20 h 43, affirmant que le plaignant brandissait une arme blanche et que, par conséquent, les visiteurs avaient fui l’appartement.

À 20 h 52, l’AT no 9, l’AI, l’AT no 8 et l’AT no 3 sont arrivés sur les lieux et se sont rendus à l’appartement. L’AT no 2 est arrivé peu après. Le TC no 1 a ouvert la porte et les agents sont entrés dans l’appartement où ils ont trouvé le plaignant hors de contrôle et hurlant des propos incohérents. À l’arrivée des agents, le plaignant s’est caché derrière un congélateur et s’est armé d’une selle de vélo munie d’une tige de métal de 12 pouces. Les policiers ont ordonné au plaignant de déposer son arme à plusieurs reprises, mais il a refusé d’obtempérer. L’AI et d’autres agents ont tenté de forcer le plaignant à laisser tomber la selle de vélo, notamment en utilisant un vaporisateur de poivre et en recourant plusieurs fois à leurs armes à impulsions, mais leurs efforts n’ont pas eu d’effet sur le plaignant.

Dans le but de forcer le plaignant à lâcher la selle de vélo, l’AI a frappé le bras gauche du plaignant à deux reprises juste au‐dessus du coude avec sa matraque. Après le deuxième coup, le plaignant est tombé au sol et a lâché la selle de vélo, mais il s’est saisi d’une hachette noire. L’AT no 2 et l’AI ont dégainé leurs armes à feu et ont ordonné au plaignant de lâcher son arme, mais en vain. Les agents ont de nouveau tiré à quelques reprises avec leurs armes à impulsions, mais cela n’a pas eu d’effet visible sur le plaignant. Lorsque le plaignant a été coincé derrière le congélateur, il a éventuellement laissé tomber la hachette, mais il est demeuré barricadé dans l’appartement jusqu’à l’arrivée de l’EIU. Le plaignant a été maîtrisé et menotté lorsque les membres de l’EIU sont arrivés et qu’ils ont fait leur entrée dans l’appartement.

Le plaignant a été transporté à l’hôpital où le personnel soignant a diagnostiqué une fracture ouverte au niveau de son coude gauche et une ecchymose sur le côté gauche de son cuir chevelu. Une analyse toxicologique effectuée à son arrivée a permis de révéler la présence de cocaïne, d’ecstasy, de méthamphétamine et de méthadone.

Disposition législative pertinente

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Il n’existe aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle en lien avec la blessure au coude gauche subie par le plaignant le 31 mai 2016.

Durant la soirée du 31 mai 2016, le plaignant était sous l’influence de méthamphétamine, ce qui était une violation des modalités de son engagement à ce moment. On a également décelé la présence de cocaïne, d’ecstasy et de méthadone dans son organisme. Il s’était armé d’une hachette, ce qui était une violation d’une ordonnance de la cour, et avait quitté sa résidence, où il était supposé demeurer en vertu de cette même ordonnance, pour se rendre à l’appartement du TC no 1.

Une fois dans l’appartement du TC no 1, le plaignant s’est armé de couteaux. On a demandé au plaignant de quitter les lieux, mais il a refusé. Craignant pour leur sécurité, les autres occupants ont quitté l’appartement et ont appelé la police. Ils ont indiqué à la police que le plaignant avait une arme blanche. Le père du plaignant a également appelé la police et a indiqué que son fils violait son ordonnance d’assignation à résidence et qu’il était sous l’influence de méthamphétamine en cristaux. Le TC no 1 est resté dans l’appartement avec le plaignant.À ce moment, le plaignant était considéré comme violent et risquait de tenter de s’échapper, et faisait face à des chefs d’accusation de violence et de voies de fait sur des policiers.Cette information a été transmise aux agents répondant à l’appel acheminé au 9‐1‐1.Environ 9 minutes après l’appel au 9‐1‐1, l’AT no 9, l’AI, l’AT no 8, et l’AT no 3 sont arrivés sur les lieux et se sont rendus à l’appartement.L’interaction entre la police et le plaignant a duré plus de 90 minutes, jusqu’à ce que l’EIU arrive et reçoive l’ordre de mettre le plaignant en état d’arrestation. En fin de compte, il aura fallu deux boucliers et le poids de quatre agents pour maîtriser, menotter et arrêter le plaignant. Au cours de ces 90 minutes, le coude gauche du plaignant a été fracturé.

Lorsque les quatre premiers agents sur les lieux se trouvaient à l’extérieur de l’appartement, ils ont entendu des cris. En raison de ces cris et de la mention par la personne ayant appelé le service du 9‐1‐1 que le plaignant était armé, et puisque l’on savait qu’il y avait une autre personne dans l’appartement, l’AI a tenté en vain de défoncer la porte. Une fois que le TC no 1 a ouvert la porte et que les agents sont entrés dans l’appartement, ces derniers ont trouvé le plaignant hors de contrôle et criant des propos incohérents. Le plaignant s’est ensuite caché derrière un congélateur et s’est armé d’une selle de vélo munie d’une tige de métal de 12 pouces. Il la brandissait devant les agents. Ces derniers ont ordonné à plusieurs reprises au plaignant de déposer son arme, mais il a refusé d’obtempérer. L’AI a déployé son vaporisateur de poivre, mais cela n’a eu aucun effet sur le plaignant. À un certain moment, le plaignant s’est approché de l’AI avec la selle et la tige. Plusieurs agents ont tiré avec leur arme à impulsions, y compris l’AI, mais cela n’a eu aucun effet sur le plaignant, qui retirait lui‐même de façon répétée les dards électriques.À l’exception de quelques cris et trébuchements, le plaignant n’a pas réagi à la douleur causée par l’utilisation des armes à impulsion.

En vue de forcer le plaignant à laisser tomber la selle de vélo munie d’une tige de métal, l’AI a frappé le bras gauche du plaignant avec sa matraque juste au‐dessus du coude. Le bras gauche du plaignant était tendu vers l’AI à ce moment, alors qu’il tenait toujours la selle munie d’une tige dans sa main droite. Le plaignant n’a pas réagi. L’AI a frappé le plaignant une deuxième fois avec sa matraque, causant la chute au plancher de ce dernier. Pendant qu’il était au sol, le plaignant a donné des coups de pied à l’AI, qui a ensuite utilisé sa matraque pour donner un coup à la jambe du plaignant. Tous les agents présents ont indiqué que ce sont les seuls moments où une matraque à été utilisée sur le plaignant. Le bras du plaignant a commencé à saigner. Cependant, le plaignant n’était pas maîtrisé ou dissuadé. Il a laissé tomber la selle de vélo pour attraper ce qui semblait être un couteau ou la hachette. Il s’est élancé comme s’il était sur le point de la lancer vers les agents. Un agent a demandé par radio l’assistance des services médicaux d’urgence craignant que le plaignant ne souffre de symptômes d’un délire aigu. L’AT no 2 et l’AI ont dégainé leurs armes dans un effort visant à maîtriser le plaignant et lui ont ordonné de lâcher son arme, mais, encore une fois, en vain. Les agents ont de nouveau utilisé leurs armes à impulsion, sans que cela n’ait d’effet sur le plaignant. Lorsque le plaignant a été piégé derrière le congélateur, éventuellement, il a laissé tomber la hachette, mais il est demeuré barricadé dans l’appartement. Il a seulement pu être maîtrisé et menotté une fois que l’EIU est arrivée et est entrée dans l’appartement. Rendu à l’hôpital, il a fallu administrer un sédatif au plaignant et le mettre en contention sur son lit.

Il semble y avoir peu de doutes sur le fait que la fracture au coude du plaignant a été causée par le coup porté à son bras gauche par l’AI avec sa matraque au cours de la confrontation dans l’appartement cette nuit‐là. L’AI lui‐même n’était pas surpris lorsqu’il a été informé de cette blessure. Les souvenirs que le plaignant a de cette soirée sont incomplets et peu fiables étant donné l’état dans lequel il se trouvait à ce moment.Le plaignant ne se souvient pas d’avoir tenu la hachette ou de la façon dont il s’est blessé au coude. Le compte rendu de l’incident du TC no 1 diffère des comptes rendus des agents sur plusieurs points importants. Par exemple, les souvenirs du TC no 1 concernant le nombre d’agents ayant déployé leurs matraques sont contredits par tous les agents présents, qui ont tous indiqué que seul l’AI avait utilisé sa matraque. Également, le nombre de coups portés au plaignant avant qu’il ne tombe au sol diffère également de ce qui a été rapporté par les agents, qui ont tous indiqué que, tout au plus, deux ou trois coups de matraque avaient été assénés par l’AI. De plus, le TC no 1 a indiqué que seul un agent avait dégainé son pistolet pour mettre en joue le plaignant, alors que les agents ont tous indiqué que deux agents l’avaient fait. Toutefois, le compte rendu du TC no 1 est conséquent avec les comptes rendus des autres agents en ce qui concerne le refus répété du plaignant d’obtempérer aux ordres verbaux lui intimant de lâcher son arme ainsi que le fait qu’il n’a pas été affecté par l’utilisation du vaporisateur de poivre et des armes à impulsions, qu’il n’a pas réagi lorsqu’il a été menacé par une arme à feu et qu’il a continué de brandir la hachette en présence de la police. Tous les témoins ont indiqué que, même après avoir été frappé à plusieurs reprises à l’aide d’une matraque, le plaignant n’a pas été neutralisé ou désarmé et la police ne pouvait procéder à son arrestation puisqu’il tenait une hachette.

Je souligne que la preuve médicale ne corrobore pas les allégations voulant que l’on ait frappé avec vigueur sur le plaignant à l’aide d’une matraque de 10 à 12 reprises. Si cela avait été le cas, on se serait attendu à ce que les blessures du plaignant soient beaucoup plus nombreuses et graves. De plus, il est clair que peu importe l’ampleur de la force utilisée, celle‐ci n’a pas permis de désarmer ou de dissuader le plaignant, et ce dernier est demeuré une menace pour les agents. En fait, les six premiers agents sur les lieux n’ont finalement pas été en mesure de l’arrêter, c’est pourquoi ils ont confié cette tâche à l’EIU et ont plutôt décidé de confiner le plaignant dans l’appartement.

Il est clair que cette nuit‐là, l’AI et les autres agents exécutaient leurs fonctions légitimes au moment des événements. Ils faisaient face à une personne violente et hors de contrôle qui avait plusieurs armes et qui menaçait de blesser les personnes présentes. Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’employer une force raisonnable dans l’exécution de leurs fonctions.À la lumière des renseignements qu’ils ont reçus avant d’entrer dans l’appartement et de la situation qu’ils ont observée sur place après leur arrivée, les agents avaient des motifs suffisants d’arrêter le plaignant dès le départ. Compte tenu de cela et des situations dans lesquelles l’AI et les autres agents se trouvaient, je crois qu’ils ont agi raisonnablement et qu’ils ont fait preuve d’une retenue et d’une patience remarquables. Dans les circonstances, leur recours à la force a progressé de façon mesurée et équilibrée pour tenter de surmonter la résistance armée du plaignant. Ils ont commencé par utiliser des ordres verbaux, puis le vaporisateur de poivre, les armes à impulsion et les coups de matraque, toutes ces tentatives ayant eu peu d’effet, voire aucun, sur le plaignant. Des agents ont même dégainé leurs armes à feu, et pourtant, le plaignant n’a pas lâché son arme. Heureusement, en dépit des circonstances et du comportement du plaignant, aucun coup de feu n’a été tiré. En fin de compte, l’AI et ses collègues ont été incapables de surmonter la résistance du plaignant, et il a seulement pu être maîtrisé, menotté et arrêté lorsque l’EIU est intervenue.

Je comprends que le plaignant souffre de graves problèmes de santé mentale; cependant, il était impossible de le raisonner ou de discuter avec lui en raison de son état mental. Les agents faisaient face à une situation violente, dynamique et imprévisible, et ils ont pris toutes les mesures raisonnables pour désarmer et contrôler le plaignant. Dans ces circonstances, je conclus que le coup de matraque donné par l’AI, qui a, malheureusement, brisé le coude du plaignant, restait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire pour tenter de désarmer et de maîtriser le plaignant en vue de procéder à son arrestation. La jurisprudence est claire, bien que la conduite des agents doive correspondre à la tâche à laquelle ils font face, l’on ne peut s’attendre à ce que ces agents apprécient avec exactitude la mesure de la force qu’ils doivent utiliser (R. c. Baxter [1975] 27 C.C.C. [2d] 96 [ONCA] ou l’on ne peut juger ceux‐ci au regard d’une norme de perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 R.C.S. 206). Par conséquent, il n’existe pas de motifs raisonnables permettant de porter des accusations dans cette affaire et aucune accusation ne sera déposée.

Date : Le 18 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Les notes, les déclarations volontaires et les rapports d’événement présentés par les agents de police qui n’ont pas été interrogés ont été examinés et étaient cohérents avec les témoignages des agents témoins, des civils et de l’agent impliqué interrogés. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.