Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-059

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les circonstances des blessures graves subies par un homme de 38 ans lors de son arrestation pour état d’ivresse dans un lieu public le 1er mars 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 2 mars 2016, à 10 h 45, le Service de police de Sarnia (SPS) a avisé l’UES de la blessure sous garde subie par le plaignant.

Le rapport du SPS indiquait ce qui suit : le 1er mars 2016, à 20 h 32, le plaignant a été conduit au poste du SPS après avoir été arrêté au refuge Inn of the Good Shepherd pour état d’ivresse. Le plaignant a commencé à se débattre et a été plaqué à terre dans la salle d’enregistrement à 20 h 37. Il a été placé dans une cellule pour la nuit, et le lendemain matin s’est plaint d’une douleur à la jambe. Il a été conduit à l’hôpital où il a été constaté qu’il avait une fracture du tibia. Le plaignant a été transféré par la suite dans un hôpital de London pour y recevoir d’autres soins.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre de spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant

A participé à une entrevue; dossiers médicaux reçus et examinés.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

Les éléments de preuve

Les lieux

La cellule 7 du poste du SPS est une pièce rectangulaire avec une porte métallique pleine, dotée d’une fenêtre à hauteur du visage. Elle est assez grande, sans lit, mais avec un W.-C. et un petit lavabo. Une caméra de surveillance est fixée sur le mur de la cellule. La caméra est activée par la détection de mouvement et n’a pas de fonction audio.

Caméras de surveillance

Aire de transfert sécurisé :

On voit sur cette vidéo un véhicule utilitaire sport de police du SPS arriver dans l’aire de transfert. À 20 h 30, l’AI fait sortir le plaignant de l’arrière du véhicule, côté passager, en le saisissant par le bras et, avec l’aide de l’AT no 1, l’escorte dans l’aire d’enregistrement.

Vidéo de l’aire d’enregistrement :

La caméra de surveillance de l’aire d’enregistrement n’a pas de fonction audio.

Sur la vidéo, à 20 h 20, on voit l’AT no 1 et l’AI entrer dans l’aire d’enregistrement avec le plaignant. Le plaignant est menotté dans le dos et semble tituber. Le plaignant refuse d’obéir aux ordres de l’AT no 1 et de l’AI. Il s’obstine à dépasser la ligne noire, marquée sur le sol, qui délimite l’aire désignée devant le comptoir d’enregistrement. L’AI tire le plaignant en arrière à plusieurs reprises pour le ramener derrière la ligne.

L’AT no 1 saisit le bras droit du plaignant pour l’empêcher de bouger. Le plaignant se retourne vers l’AT no 1. L’AI semble retirer des petits objets des poches du plaignant et les placer sur le comptoir d’enregistrement. L’AI a de la difficulté à fouiller le plaignant qui résiste activement et bouge dans tous les sens.

À 20 h 35 min 26 s, l’AT no 2 arrive dans l’aire d’enregistrement et va derrière le comptoir; il tient un document placé sur une planchette à pince. L’AT no 2 s’éloigne du comptoir et commence à noter des choses sur le document. Le plaignant continue à se tourner vers l’AT no 1. L’AT no 1 recule et parle à l’AT no 2 en se référant à son carnet de notes. L’AT no 1 retourne ensuite à sa position initiale, à côté du plaignant.

À 20 h 37 min 21 s, l’AI commence à fouiller la taille du plaignant. Le plaignant résiste une fois de plus, ce qui rend la fouille difficile.

Vers 20 h 37 min 37 s, l’AT no 2 se penche vers l’avant pour dire quelque chose au plaignant. Quelques instants plus tard, l’AI et l’AT no 1 escortent le plaignant et disparaissent du champ de vision de la caméra. L’AT no 2 suit l’AT no 1 et l’AI et disparait aussi du champ de vision de la caméra.

La vidéo s’arrête à 20 h 44 min 35 s

Cellule 7 :

Dans la cellule 7, les enregistrements vidéo étaient déclenchés par les mouvements, sans capacité audio.

À 20 h 37 min 41 s, le plaignant entre dans la cellule, suivi par l’AI. Le plaignant est menotté dans le dos. Le plaignant se débat et essaye de forcer l’AI à le lâcher. On peut voir le plaignant se pencher en avant pour s’écarter de l’AI. L’AI tient de ses deux mains le bras gauche du plaignant.

On voit l’AT no 2 debout à l’extérieur de la porte de la cellule, qui regarde ce qui se passe à l’intérieur. L’AT no 1 apparait dans le champ de vision de la caméra et entre dans la cellule pour aider l’AI.

À 20 h 37 min 48 s, on voit sur la vidéo le plaignant qui s’oppose activement aux tentatives de l’AT no 1 et de l’AI de le mettre à terre. Le plaignant se penche vers l’arrière comme pour éviter d’être poussé en avant par l’AT no 1 et l’AI. L’AT no 1 semble avoir la jambe droite devant la jambe droite du plaignant. On peut voir l’AI s’écarter pour faire pivoter le plaignant en avant, vers la gauche, et le mettre à terre.

À 20 h 37 min 52 s, le plaignant est poussé en avant par l’AI, et tous les trois atterrissent à plat ventre sur le plancher de la cellule. Il semble que l’AI atterrit sur le corps du plaignant. On voit la jambe gauche du plaignant qui dépasse entre les jambes de l’AI. On voit aussi l’AT no 1 sur le sol, près du côté droit du plaignant. L’AT no 1 et l’AI continuent de lutter avec le plaignant qui ne cesse de se débattre.

On voit sur la vidéo l’AI essayer de maintenir le plaignant sur le côté gauche tandis que l’AT no 1, du côté droit, essaye de le maintenir à plat ventre. Elle se place rapidement à la hauteur de la tête du plaignant. Le plaignant, allongé sur le côté, se déplace sur le plancher avec la jambe droite tendue en avant et la jambe gauche repliée vers la poitrine. L’AI semble essayer de saisir une des jambes du plaignant. L’AI tire sur le bas de la jambe gauche du plaignant vers son pied droit.

On peut voir l’AI fouiller le plaignant à la hauteur de la taille. L’AT no 2 entre dans la cellule et retire les chaussures de sport blanches du plaignant. On peut voir l’AT no 2 lancer ces chaussures dans le couloir, à l’extérieur de la cellule. L’AI et l’AT no 1 font rouler le plaignant sur le côté droit depuis la position à plat ventre. L’AT no 2 reste debout devant la porte de la cellule et observe l’AT no 1 et l’AI poursuivre la fouille.

L’AI retire la ceinture du plaignant et la tend à l’AT no 2. L’AT no 2 jette la ceinture dans le couloir. L’AI et l’AT no 1 poussent ensuite le plaignant pour le placer sur le côté gauche. L’AI poursuit la fouille de la taille et des poches.

Vers 20 h 40 min 00 s, l’AI semble remettre un objet à l’AT no 2 qui le saisit et s’éloigne de la cellule.

À 20 h 40 min 6 s, l’AT no 2 revient dans la cellule. Il se baisse et ramasse quelque chose par terre tandis que l’AT no 1 et l’AI continuent de fouiller le plaignant.

À 20 h 40 min 49 s, le plaignant replie sa jambe gauche contre son ventre. Les trois agents se placent tous à la hauteur du torse du plaignant. L’AT no 1 se relève et sort rapidement de la cellule, hors du champ de vision de la caméra. L’AI et l’AT no 2 continuent de maintenir le plaignant à terre. L’AT no 1 retourne à la hauteur du torse du plaignant tandis et l’AT no 2 retourne à la porte.

L’AT no 1 et l’AI retirent la veste du plaignant et la passent à l’AT no 2. L’AI et l’AT no 1 retirent les menottes des poignets du plaignant. On voit l’AI sortir en premier de la cellule parce qu’il est le plus éloigné de la porte. L’AT no 1 sort en dernier et semble le faire avec précaution.

À 20 h 43 min 56 s, on voit le plaignant essayer de se relever et de s’asseoir, mais sans y parvenir. Il reste allongé sur le côté et saisit sa jambe gauche, qui semble lui faire mal. À un moment donné, il tente de se relever pour se mettre debout, mais son genou gauche lâche et il s’effondre immédiatement, près du W.-C. Il tend la main droite pour saisir son genou gauche. Tout au long de la vidéo, on voit à plusieurs reprises le plaignant essayer de se relever puis s’effondrer en se tenant le genou gauche. Le plaignant se déplace dans la cellule et s’allonge sur le côté gauche, contre le bas de la porte de la cellule. Il reste dans cette position jusqu’à ce qu’on le libère dans la matinée.

Au cours de l’incarcération du plaignant, les preuves vidéo montrent qu’il a essayé d’attirer l’attention d’un agent chargé de la surveillance des cellules en frappant sur la porte de la cellule de la main droite. Malheureusement, on n’a pas d’enregistrement sonore. On ne sait pas si le plaignant a fait assez de bruit dans sa cellule pour alerter un agent et s’il a crié pour signaler qu’il était blessé. Cependant, il est clair, d’après la vidéo, que le plaignant semblait souffrir d’une blessure au genou et qu’aucun agent n’a ouvert la porte de la cellule pour s’assurer directement de son bien-être.

Dossier de vérification de la cellule

Il y a, au total, neuf entrées dans le registre des contacts avec le prisonnier pour le mardi 1er mars et le mercredi 2 mars 2016, avec des notes des agents chargés du contrôle des cellules. Sur les neuf contacts, cinq seulement pourraient être considérés comme significatifs, car on voit sur la vidéo de la cellule quelqu’un debout à l’extérieur de la cellule, juste derrière la fenêtre de la porte, pendant un certain temps pour s’assurer du bien-être du plaignant.

Selon le registre des prisonniers, à 22 h 30, 1 h 45, 5 h et 6 h, rien n’indiquait sur la vidéo de la cellule 7 qu’un agent a regardé par la fenêtre de la cellule pour voir le plaignant qui était allongé près du bas de la porte.

Le 20 juillet 2016, lorsque l’UES a constaté qu’il était possible qu’aucune vérification physique de la cellule n’ait été effectuée, on a demandé au SPS une autre vidéo montrant l’extérieur de la cellule 7. Le SPS a répondu qu’il n’avait plus cette vidéo parce qu’il conserve ces enregistrements pendant moins d’un mois.

Documents obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPS, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’arrestation,
  • chronologie de l’événement,
  • données du CIPC sur le plaignant,
  • registre d’admission sous garde,
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 3,
  • antécédents du plaignant,
  • politique – Arrestation, détention, transport, soins aux détenus,
  • politique – Usage de la force,
  • avis d’infraction provinciale – Ivresse dans un lieu public,
  • avis d’infraction provinciale – Contenant d’alcool ouvert 1,
  • avis d’infraction provinciale – Contenant d’alcool ouvert 2,
  • dossier de participation à la formation - AT no 1,
  • CD de la vidéo de l’aire de transfert,
  • CD de la vidéo de l’aire d’enregistrement,
  • CD de la vidéo de la mise sous garde et du placement en cellule du plaignant, et
  • sommaire de la déposition de l’AT no 2.

Description de l’incident

Le 1er mars 2016, le plaignant s’est rendu au refuge pour sans-abris The Inn of the Good Shepherd Lodge, à Sarnia. En raison de son comportement au refuge, on a appelé le SPS.

Lorsque l’AI et l’AT no 1 sont arrivés au refuge, ils ont trouvé le plaignant agité et bagarreur. Les deux agents ont détecté une forte odeur d’alcool dans l’haleine du plaignant, lequel montrait clairement des signes d’ivresse, notamment de la difficulté à garder son équilibre. Comme le refuge renvoyait le plaignant, les agents lui ont demandé s’il avait un autre endroit où il pourrait passer la nuit. Le plaignant a répondu par la négative. Préoccupé par la météo hivernale, l’AI et l’AT no 1 ont arrêté le plaignant pour ivresse dans un lieu public, leur intention étant de l’amener au poste de police et de le libérer le lendemain matin.

Le plaignant a été conduit au poste du SPS. Au cours du trajet, le plaignant était agité et a mis l’AI au défi de se battre à leur arrivée au poste. Au poste du SPS, le plaignant a été conduit devant l’AT no 2. Il était agressif et peu coopératif et, une fois dans l’aire d’enregistrement, a refusé que l’AI et l’AT no 1 le fouillent. L’AT no 2 a ordonné qu’on procède à la fouille du plaignant dans la cellule 7, surnommée la « cellule de dégrisement ».

Dans la cellule 7, le plaignant a résisté aux tentatives des agents de la fouiller en position debout. Du fait du comportement du plaignant, l’AT no 2 a ordonné qu’on le mette à genoux ou à plat ventre pour le fouiller. On a ordonné à plusieurs reprises au plaignant de se mettre à genoux, mais il a refusé. Pour tenter mettre le plaignant à terre, l’AI et l’AT no 1 ont placé leurs jambes devant les genoux du plaignant. L’AI est parvenu à tirer le plaignant vers l’avant, mais le plaignant a trébuché sur la jambe de l’AT no 1. Les trois ont perdu l’équilibre et sont tombés. L’AI, un homme de forte corpulence, a atterri sur le plaignant, la jambe gauche de ce dernier dépassant entre les jambes de l’AI. Le plaignant continuait à se débattre une fois à terre, mais l’AI et l’AT no 1 sont néanmoins parvenus à le fouiller. À aucun moment au cours de la fouille le plaignant ne s’est plaint d’avoir été blessé.

Contrairement aux politiques du SPS, les vérifications de la cellule durant la nuit ont été superficielles. De ce fait, ce n’est que le lendemain matin, au moment de la libération du plaignant, qu’on a découvert qu’il souffrait beaucoup et qu’il ne pouvait pas prendre appui sur sa jambe gauche. L’AT no 3 a appelé une ambulance et le plaignant a été transporté à l’hôpital où il a été examiné puis transféré dans un hôpital de London pour y subir une intervention chirurgicale. On a découvert que le plaignant avait une fracture du genou gauche. Il a subi une intervention chirurgicale pour reconstruire l’os et l’articulation. Néanmoins, du fait qu’il n’a pas reçu des soins à temps, le plaignant a perdu l’usage du bas de sa jambe gauche de façon permanente et il risque de devoir se faire amputer.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25 (1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Paragraphe 31 (4), Loi sur les permis d’alcool – Ivresse

(4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission;

Article 31 (5), Loi sur les licences d’alcool – Arrestation sans mandat

(5) Un agent de police peut, sans mandat, procéder à l’arrestation de la personne qu’il trouve en contravention au paragraphe (4) si, à son avis, la protection de quiconque exige cette mesure.

Article 267, Code criminel – Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme;
  2. inflige des lésions corporelles au plaignant.

Article 219, Code criminel - Négligence criminelle

  • 219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :
  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

Définition de devoir

(2) Aux fins de la présente section, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Article 221, Code criminel – Causer des lésions corporelles par négligence criminelle

221 Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Analyse et décision du directeur

Le 1er mars 2016, l’AI et l’AT no 1 ont arrêté le plaignant au refuge Inn of the Good Shepherd. Alors qu’il était sous garde, le plaignant a subi une blessure grave qui l’a laissé sans l’usage de sa jambe gauche, et il se peut qu’il perde complètement cette jambe à l’avenir.

L’AT no 1 et l’AI ont reçu un appel du refuge Inn of the Good Shepherd demandant qu’on fasse sortir le plaignant; ils ont fait tout leur possible pour tenter de trouver un endroit où le plaignant pourrait passer la nuit, ailleurs qu’en prison. N’ayant rien trouvé, ils l’ont arrêté pour ivresse dans un lieu public en vertu de la Loi sur les permis d’alcool. Personne ne s’est plaint de la façon dont les agents ont traité le plaignant dans le refuge ou lorsqu’ils l’ont arrêté et fait sortir du refuge.

Les déclarations de l’AI et de l’AT no 1, ainsi que celle de l’agent chargé de l’enregistrement au poste, l’AT no 2, sont cohérentes dans leur description des événements. Les trois agents ont indiqué qu’à son arrivée au poste de police de Sarnia, le plaignant était ivre, bagarreur et peu coopératif. Ils ont précisé que comme le plaignant refusait de se laisser fouiller dans l’aire d’enregistrement et qu’il se débattait, on l’a conduit à la cellule 7, qui est considérée comme un endroit plus sûr pour fouiller les prisonniers agressifs ou résistants du fait qu’elle est plus grande qu’une cellule normale et ne contient pas de couchette. Comme le plaignant continuait de résister à la fouille, l’AT no 2 a ordonné de le mettre à genoux ou à plat ventre pour le fouiller. L’AT no 1 et l’AI ont expliqué dans leurs déclarations que cette méthode était considérée comme la plus sûre pour fouiller un prisonnier agressif, pour toutes les personnes présentes, y compris le prisonnier lui-même et les policiers qui procèdent à la fouille. Les agents ont tenté cette manœuvre à plusieurs reprises, en présence de l’AT no 2, jusqu’à ce qu’ils parviennent à mettre le plaignant à terre et qu’ils procèdent alors à cette fouille.

On peut voir sur la vidéo ce qui s’est passé dans la cellule 7 à ce moment-là. À 20 h 37 min 48 s, on voit le plaignant s’opposer activement à l’AT no 1 et l’AI qui tentent en vain de le mettre au sol. À 20 h 37 min 52 s, l’AI pousse le plaignant en avant, et tous les trois atterrissent à plat ventre sur le plancher de la cellule. On voit aussi que le plaignant continuait de se débattre une fois à terre. Sur la vidéo, il semble que l’AI a peut-être atterri sur le corps du plaignant, car on voit la jambe gauche de ce dernier dépasser entre les jambes de l’AI. Il est regrettable que la vidéo de la cellule n’ait pas de fonction audio, mais le plaignant ne semble pas du tout souffrir d’une blessure à ce moment-là. Il est important de noter que le plaignant est menotté pendant toute cette interaction et que ce n’est qu’au moment où ils vont sortir de la cellule que les agents lui retirent les menottes.

Pendant le reste de la détention du plaignant au poste de police, il ne semble pas qu’il ait eu d’autres contacts physiques avec des policiers. Par conséquent, il est évident que le plaignant a été blessé durant ou avant sa fouille dans la cellule 7. Étant donné qu’on voit le plaignant debout, prenant appui sur ses deux jambes, dans l’aire d’enregistrement, il est clair qu’il n’était pas blessé à ce moment-là. Les trois agents ont déclaré qu’à aucun moment au cours de l’interaction dans la cellule 7, le plaignant ne s’est plaint d’une douleur ou d’une blessure. On peut seulement imaginer qu’il était peut-être tellement ivre qu’il ne pouvait pas sentir sa blessure à ce moment-là. Néanmoins, dès 20 h 43 min 56 s, on voit, sur la vidéo déclenchée par mouvement, le plaignant qui essaye de se relever pour s’assoir, mais sans y parvenir. On voit clairement le plaignant saisir sa jambe gauche et semblant souffrir. Par la suite, il tente de relever à plusieurs reprises, mais son genou gauche lâche et il s’effondre en saisissant son genou gauche. Il finit par s’allonger sur le côté gauche, contre la porte de la cellule où il reste jusqu’à ce qu’on le libère dans la matinée. À aucun moment durant la nuit, un agent n’est entré dans la cellule 7 ou n’a entrouvert la porte pour s’assurer du bien-être du plaignant, malgré les coups que ce dernier donnait sur la porte, comme le montre la vidéo. En raison du manque d’enregistrement sonore, il est impossible de savoir exactement ce que le plaignant disait ou s’il appelait à l’aide suffisamment fort pour qu’on l’entende.

Le plaignant n’allègue pas qu’un agent l’a frappé ou lui a donné des coups de pied à un moment quelconque, ce que la vidéo confirme. Il est assez évident que c’est lorsqu’il a été mis à terre – et qu’il s’y opposait activement – qu’il a été blessé. Il est peut-être banal de dire que si la politique du SPS (Arrestation, détention, transport et soins des prisonniers) avait été respectée, notamment par une surveillance adéquate qui, dans le cas d’un prisonnier en état d’ébriété, aurait dû avoir lieu toutes les 30 minutes, on aurait pu découvrir beaucoup plus tôt la blessure du plaignant et éviter les conséquences graves de cette blessure pour le plaignant. Il ressort clairement de la vidéo que, dès 20 h 34 min 56 s, le plaignant était conscient qu’il souffrait beaucoup et avait perdu l’usage de sa jambe gauche, et qu’il a tenté en vain d’obtenir de l’aide.

Il ne relève pas du mandat de l’UES de déterminer si le SPS a été civilement négligent ou est civilement responsable des conséquences à long terme que le plaignant devra endurer. Il appartient à quelqu’un d’autre de trancher cette question. Notre mandat consiste à déterminer si les agents qui sont intervenus auprès du plaignant dans la nuit du 1er mars 2016 agissaient dans l’exercice légitime de leurs fonctions, si la force qu’ils ont utilisée pour appréhender et mettre sous garde le plaignant était justifiée et s’ils ont commis ou non une négligence criminelle par la suite en omettant d’offrir de l’assistance médicale au plaignant, causant par la même des lésions corporelles au plaignant. Sur cette base, il y a deux questions distinctes à trancher, à savoir :

  1. L’AI et l’AT no 1 ont-ils eu recours à une force excessive dans leurs interventions auprès du plaignant et lui ont-ils causé des lésions corporelles en contravention du paragraphe 267 (b) du Code criminel?
  1. Le SPS, sous la direction du sergent de garde qui exerçait un pouvoir et un contrôle dans l’aire des cellules lors de la détention du plaignant, a-t-il commis une négligence criminelle en contravention de l’article 219 du Code criminel et causé des lésions corporelles (en contravention de l’article 211) au plaignant.

En ce qui concerne la première question, le plaignant allègue que l’AI a utilisé une force excessive à son encontre la nuit en question lorsqu’il a atterri par terre. Toutefois, si les agents agissaient dans l’exercice légitime de leurs fonctions et à une fin licite lorsqu’ils ont mis le plaignant à terre, leur acte peut être justifié, malgré ses conséquences malheureuses et involontaires.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Tout d’abord, en ce qui concerne la légitimité de l’appréhension du plaignant, il est clair qu’il était en état d’ivresse, provocateur et bagarreur au moment de son contact avec la police. Il est également clair que le refuge Inn of the Good Shepherd ne voulait pas accueillir le plaignant à ce moment-là en raison de son état et que le plaignant commettait donc une intrusion. Les agents agissaient dans le cadre de leurs fonctions lorsqu’ils ont répondu à l’appel et se sont rendus sur place pour faire sortir le plaignant. En outre, il semble qu’avant de le placer en état d’arrestation, ils ont exploré toutes les autres solutions possibles pour s’assurer que le plaignant serait en sécurité et ne serait pas laissé à geler dehors. Après avoir recherché en vain d’autres solutions, les agents ont agi légalement lorsqu’ils ont placé le plaignant en état d’arrestation pour avoir enfreint la Loi sur les permis d’alcool. L’appréhension du plaignant était donc légalement justifiée dans les circonstances.

Une fois au poste de police, les agents étaient tenus de fouiller le plaignant avant de le placer dans une cellule, pour la sécurité du plaignant et celle des agents avec lesquels il pourrait entrer en contact. C’est le plaignant lui-même, de par sa combativité et sa résistance physique à la fouille, probablement en grande partie liées à son état d’intoxication, qui a conduit les agents à utiliser la seule option à leur disposition. L’AI et l’AT no 2 ont tous deux indiqué qu’à leur connaissance et d’après leur expérience, mettre à terre un prisonnier agressif pour le fouiller est la méthode la plus sûre pour toutes les personnes présentes. Il semble qu’il s’agissait d’une méthode couramment utilisée au SPS puisque l’AT no 2 a ordonné aux policiers d’escorter le plaignant jusqu’à la cellule 7 à cette fin et a surveillé l’exécution de cette manœuvre. L’AT no 1 a indiqué qu’elle avait déjà utilisé cette manœuvre auparavant et réussi à mettre le prisonnier à terre sans blessure. Il serait facile de juger après coup les actes des agents, mais il ressort clairement de la vidéo qu’ils ont fait tout leur possible pour tenter de mettre à terre le plaignant de manière contrôlée, mais que le plaignant faisait obstacle à ces tentatives. Tout se déroulait rapidement et lorsque l’AI a tiré le plaignant vers l’avant pour le mettre à terre, le plaignant a entraîné dans sa chute les deux agents; il se peut que l’AI ait atterri sur la jambe gauche du plaignant, causant ainsi la blessure. Il est clair que cette chute s’est déroulée avec une force et une rapidité nettement supérieures à ce qui était prévisible et à quoi on pouvait s’attendre dans les circonstances.

Même si la blessure du plaignant a été causée par les agents du SPS lorsqu’ils l’ont mis à terre pour tenter de le fouiller en toute sécurité avant de l’enfermer dans une cellule, je conclus qu’en vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents n’ont pas utilisé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire dans l’exécution de leurs tâches licites en tentant de fouiller et de placer dans une cellule un homme qui était très ivre, bagarreur, et leur opposait une forte résistance. Je conclus que le plaignant a frappé le sol plus violemment que ne l’avaient prévu les agents étant donné la force additionnelle créée par la chute des agents qui sont tombés simultanément sur le plaignant, lequel faisait tout son possible pour contrecarrer les agents dans l’exécution légitime de leurs fonctions. Par conséquent, malgré la gravité de la blessure, j’ai des motifs raisonnables d’être convaincu que les actes des agents sont restés dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations sur cette base.

Considérons maintenant la deuxième question, à savoir si le sergent de garde chargé des cellules du SPS pendant la nuit en question a ou non fait preuve de négligence criminelle (art. 219 du Code criminel) et causé des lésions corporelles (art. 221 du Code criminel) au plaignant.

L’infraction de négligence criminelle comporte les éléments essentiels suivants :

219. (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Aux fins de la présente section, « devoir » désigne une obligation imposée par la loi.

La Cour d’appel de l’Ontario, dans sa décision R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (Ont. C.A.), a défini les exigences légales de la négligence criminelle comme suit :

[traduction] La négligence criminelle n’exige pas de preuve d’intention ou de volonté délibérée, l’indifférence est suffisante. … Ainsi, l’accusé peut être reconnu coupable sur la preuve d’une conduite qui indique un écart marqué et important par rapport à la norme que respecterait une personne raisonnable dans les circonstances, lorsque l’accusé a soit a eu conscience d’un risque grave et évident pour la vie et la sécurité d’autrui, sans pour autant l’écarter, soit ne lui a accordé aucune attention.

Même si la décision dans l’affaire R. c. Sharp porte spécifiquement sur la négligence criminelle d’un conducteur, elle s’applique de façon générale à tous les actes pour lesquels il est démontré qu’ils constituent « un écart marqué et important par rapport à la norme de conduite qu’on attend d’une personne raisonnablement prudente dans les circonstances », lorsque l’accusé « a fait preuve d’une insouciance téméraire à l’égard de la vie et la sécurité d’autrui » en faisant quelque chose, ou en omettent de faire tout ce qu’il avait légalement le devoir de faire.

D’après les faits dans cette affaire, la responsabilité du bien-être du plaignant pendant qu’il était dans les cellules du SPS incombait à trois sergents successivement : le premier, l’AT no 2, était présent lorsque le plaignant a été emmené au poste et a constaté que ce dernier était ivre, résistait aux efforts des agents et devait être mis à terre par une manœuvre généralement considérée comme la méthode la plus sûre pour fouiller un prisonnier en état d’ébriété; l’AT no 2 ne savait apparemment pas que le plaignant avait été blessé. Le deuxième sergent, l’AT no 4, avait été appelé au poste pour prendre la relève de l’AT no 2 et n’était pas au courant de la blessure du plaignant et de sa lutte avec la police. Finalement, le troisième sergent, l’AT no 3, a pris la relève de l’AT no 2 à 5 h 30 du matin et a été informé seulement que le plaignant avait été arrêté pour état d’ébriété dans un lieu public et qu’il s’était conduit « comme un con ».

En ce qui concerne les deux derniers agents, il est clair que l’AT no 3 et l’AT no 4 ignoraient que le plaignant pouvait être blessé et qu’ils ne savaient pas non plus qu’il y avait eu une interaction physique entre le plaignant et les agents qui avaient procédé à son arrestation. Pour ce qui est de l’AT no 3, qui est entré en service à 5 h 30, le plaignant dormait pendant la période où il l’a observé et dès que le plaignant lui a dit qu’il était blessé, il a fait le nécessaire pour qu’il reçoive des soins médicaux. L’AT no 3 ne savait donc pas au départ que le plaignant avait besoin d’assistance et il a fait le nécessaire dès qu’il l’a appris. De toute évidence, l’AT no 3 n’a rien fait de répréhensible.

L’AT no 4, qui n’était de garde que pendant la pause-repas de l’AT no 2 à 23 h, a vérifié la fiche d’enregistrement, a constaté que la dernière vérification du plaignant avait eu lieu à 22 h 30 et a effectué la vérification visuelle requise de la cellule en regardant par la fenêtre à 23 h 36. L’AT no 4 a vu que le plaignant était en colère, criait et profanait des jurons, mais il n’a rien vu ni entendu qui indiquerait que le plaignant souffrait ou avait besoin d’assistance. On ne peut donc lui attribuer aucune faute.

Enfin, en ce qui a trait à l’AT no 2 – qui était l’agent de garde responsable de l’aire des cellules entre le moment où plaignant a été amené au poste, à 20 h 32, et celui où l’AT no 4 a pris brièvement sa relève pour sa pause-repas, de 23 h à minuit, puis jusqu’à la fin de son quart de travail, à 5 h 30 – selon sa propre déclaration, confirmée par celles de l’AI et de l’AT no 1 – il était présent lorsque le plaignant a été mis au sol, mais il ignorait que ce dernier avait été blessé. Je trouve cela très probable en raison de l’état d’ivresse du plaignant et de son comportement déjà bruyant, querelleur et bagarreur et du fait qu’aucun des trois agents ne l’a entendu se plaindre d’une blessure. À la lumière des témoignages des trois agents, il est clair que c’était sous la direction de l’AT no 2 que le plaignant a été amené au sol pour être fouillé, car cette manœuvre était considérée comme la plus sûre. À cet égard, tout au moins, il est clair que l’AT no 2 était attentif aux problèmes présentés par le plaignant et a recouru à la méthode la plus sûre pour la sécurité de tous, y compris celle du plaignant, en décidant de placer le plaignant dans la cellule avant de le fouiller.

En ce qui concerne la conduite de l’AT no 2, une fois que le plaignant a été enfermé dans la cellule, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour établir une « insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui » et, par conséquent, une infraction de négligence criminelle, pour les motifs suivants :

Même si l’article 14.3 de la politique du SPS relative à l’arrestation, à la détention et au transport des prisonniers ainsi qu’aux soins à leur fournir, indique qu’il faut vérifier les prisonniers en état d’ivresse toutes les 30 minutes, je ne peux pas conclure qu’une politique instituée par un service de police équivaut à une « obligation imposée par loi » comme l’a précisé le tribunal dans l’arrêt R. v. Coyne (1958), 124 C.C.C. 176 (N.B.C.A.).

En outre, rien ne prouve que l’AT no 2 savait que le plaignant était blessé.

Même si la vidéo de la cellule montre le plaignant en train de frapper sur la porte de la cellule et peut-être crier, l’absence d’enregistrement sonore ne permet pas de savoir si le plaignant criait pour obtenir de l’assistance ou continuait simplement à être bruyant et indiscipliné comme il l’avait été jusque-là. On ne sait pas non plus si les agents chargés de l’aire des cellules ont ou non été alertés du fait qu’il était blessé.

Selon le registre de détention, la cellule du plaignant a été vérifiée à neuf reprises entre le moment où il a été enfermé, vers 20 h 40, et celui où l’AT no 3 a ouvert la porte de la cellule pour le libérer, à 7 h 10 le lendemain matin. Au cours de cette période, le plaignant a apparemment dormi de 0 h 45 à 7 h 10 du matin, lorsque l’AT no 3 est venu pour le réveiller. Même si la politique du SPS exigeait que les agents vérifient les personnes en état d’ébriété toutes les 30 minutes et que le registre indique que ces vérifications ont été effectuées à intervalles de près d’une heure et même d’une heure et demie à plusieurs reprises, je déduis du fait que l’AT no 4 a été appelé à faire des heures supplémentaires pour prendre momentanément la relève de l’AT no 2 que le service de police avait un effectif insuffisant au moment en question et que c’était probablement une nuit particulièrement chargée. De ce fait, même si les vérifications visuelles depuis la porte de la cellule étaient sans doute loin d’être idéales, je ne peux pas conclure que le retard de 30 à 60 minutes entre les vérifications par rapport à l’intervalle recommandé démontre une « insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui ». En outre, comme la vidéo de l’extérieur de la cellule n’était pas disponible et que des éléments de preuve montrent que, malgré le manque de vérification physique directe des cellules, l’AT no 2 était en mesure de surveiller les prisonniers sur un écran, je ne peux pas établir définitivement le nombre de fois que le plaignant a effectivement été observé en personne à travers la fenêtre de la cellule ou par quelqu’un qui regardait l’écran en direct.

Pour les motifs qui précèdent et comme je l’ai indiqué plus haut, même si la conduite des agents du SPS n’a sans doute pas été idéale et que leur manque de diligence peut avoir retardé le moment où le plaignant a reçu des soins médicaux, ce qui a aggravé sa blessure, je ne peux pas trouver de preuves suffisantes pour conclure que leur conduite s’élevait au niveau requis pour constituer des motifs raisonnables de croire qu’ils ont commis une négligence criminelle en contravention du Code criminel. Il n’y a donc pas lieu de porter des accusations criminelles dans cette affaire.

Date : 23 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.