Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-114

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une interaction entre la police et un homme de 24 ans, le 6 mai 2016. L’homme a plus tard reçu un diagnostic de fracture de l’os orbitaire.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 6 mai 2016, à 7 h 30, l’UES a été avisée par le Service de police de London (SPL) des blessures subies par le plaignant alors qu’il était sous garde.

Le SPL a indiqué que le 6 mai 2016, à 00 h 06, des agents de police se trouvaient dans un immeuble locatif près de l’angle des rues Wellington et Horton Est dans le cadre d’une autre investigation. Les agents de police ont aperçu le plaignant qui était un suspect recherché. Voyant les agents de police l’approcher, le plaignant a pris la fuite et les agents de police se sont lancés à sa poursuite. Après que le plaignant a quitté l’immeuble, les agents de police ont tenté de le saisir pour le placer sous garde et une bagarre a suivi. Pendant le processus d’enregistrement au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs au ventre et a été transporté à l’hôpital à 1 h 02. à 4 h 30, le plaignant a reçu un diagnostic de fracture de l’os orbitaire. Le SPL n’a pas établi des lieux de l’incident. Le plaignant se trouvait dans l’aire des cellules et devait être transporté au palais de justice de London à 9 h.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignante

Homme de 24 ans; a participé à une entrevue, dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été obtenues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été obtenues et examinées

Éléments de preuve

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Les enquêteurs de l’UES ont fait le tour du secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, et ont trouvé ce qui suit :

Résumé de l’enregistrement vidéo dans l’immeuble locatif :

4 mai 2016

À 1 h 03, les enregistrements vidéo de l’immeuble locatif montrent le plaignant qui se dirige vers l’entrée de l’immeuble. Il entre dans l’immeuble en portant ce qui semble être un petit sac noir, qu’il tient serré sous son bras droit. Pendant qu’il marche, on voit clairement qu’il n’a pas de blessure au visage.

Vers 1 h 06, le plaignant pénètre dans un appartement.

À 1 h 09, il ressort rapidement de l’appartement sans le sac noir et s’éloigne de l’angle de la caméra. Le plaignant apparaît à plusieurs endroits, une main tenant le côté gauche de son visage. Il apparaît en dernier avec un sac en plastique appliqué sur son œil gauche blessé. Son manteau est taché de sang et il a une marque sur son front, au-dessus de son œil gauche. Les mouvements du plaignant indiquent qu’il souffre beaucoup.

6 mai 2016

À 00 h 08, le 6 mai 2016, la vidéo montre les AI se dirigeant vers les portes de l’ascenseur, dans le lobby de l’immeuble. Quelques instants plus tard, le plaignant sort de l’ascenseur en tenant un vélo sur le côté gauche de son corps. Alors que l’AI no 1 s’avance pour arrêter le plaignant, ce dernier jette le vélo en avant, en direction des agents de police. Le plaignant prend la fuite et regarde par-dessus son épaule gauche les agents qui se sont lancés à sa poursuite. Le plaignant traverse un couloir, les agents derrière lui, et sort de l’immeuble. à ce moment-là, l’AI no 2 attrape le chandail du plaignant, dans son dos.

L’AI no 1 s’approche presque immédiatement et saisit le plaignant. Les agents de police et le plaignant tournent en rond, car le plaignant se débat dans l’intention de se libérer et de courir vers le terrain de stationnement. L’AI no 1 ceinture le plaignant avec ses bras à partir du dos, mais le plaignant parvient à se libérer de la prise de l’AI no 1 lorsqu’il se débarrasse de son chandail, en le faisant passer par-dessus sa tête.

Les agents de police semblent chercher à saisir n’importe quelle partie du plaignant pour l’empêcher de se dégager. L’AI no 1 et l’AI no 2 essaient tous deux de donner un coup de genou au plaignant. Aucun de ces coups ne semble être fort, car les agents de police n’ont pas un bon équilibre et que le plaignant ne cesse de bouger. Les coups semblent n’avoir eu aucun effet sur le plaignant. Les trois personnes poursuivent leur lutte sur l’allée, retournent vers l’immeuble et s’approchent d’un petit arbre.

À 00 h 08, 37 sec., en pleine altercation, les agents de police parviennent à mettre à terre le plaignant sur une aire recouverte de gazon ou de graviers, vers la droite, et en grande partie cachée de la caméra. On voit ce qui semble être les pieds du plaignant et les mollets nus de l’un des agents de police. Selon la position des jambes et des pieds des deux hommes, le plaignant est probablement couché sur le ventre et un des agents de police est assis sur son dos. Les pieds du plaignant continuent de bouger, ce qui suggère que la lutte se poursuit.

À 00 h 10, 16 sec., l’AI no 2 est debout et retourne vers l’immeuble.

À 00 h 10, 30 sec., les mouvements des jambes du plaignant cessent.

À 00 h 10, 50 sec., l’AI no 1 est debout, vers la droite de l’allée.

À 00 h 10, 55 sec., des passants commencent à apparaître à l’extérieur de l’immeuble.

À 00 h 11, 11 sec., l’AT no 6 arrive de la gauche et se dirige vers l’endroit où se trouve le plaignant, hors de l’angle de la caméra.

À 00 h 12, 8 sec., les pieds du plaignant disparaissent de l’angle de la caméra.

On ne voit aucun coup donné sur la tête du plaignant.

Vidéo de l’enregistrement au poste du SPL :

Les agents de police sont présents dans l’aire d’enregistrement au poste de police. Ils parlent d’un appel de type code 1 à l’immeuble locatif et un prisonnier est amené.

À 00 h 44, le 6 mai 2016, une porte s’ouvre et le plaignant avance. Il est conduit vers un X peint sur le plancher. Il n’est pas menotté. L’AT no 1 entre par la même porte. Le plaignant se tient droit, la tête penchée en avant et son menton reposant sur sa poitrine. Il tient son bras gauche le long de son flanc et son bras droit, en avant, sur son ventre. Il porte un chandail gris, à manches longues, des pantalons foncés et des chaussures grises. Le sergent responsable de l’enregistrement pose des questions biographiques au plaignant. Le plaignant parle clairement du nez. Le sergent et le plaignant ne sont pas d’accord sur ce que le plaignant sait des accusations qui sont portées contre lui et sur la question de savoir si le plaignant a résisté à l’arrestation.

À 00 h 45, le plaignant lève la tête pour faire face au sergent. On voit clairement que le plaignant a un œil au beurre noir. On le voit toucher son front et mettre sa main gauche sur sa tête pendant un moment.

À 00 h 48, le plaignant dit : « Je veux aller à l’hôpital, mes côtes sont cassées … parce qu’on m’a tabassé hier soir. » Le sergent demande au plaignant pourquoi il n’est pas allé à l’hôpital aujourd’hui et ce dernier répond : « Parce que je ne pensais pas que c’était si grave. » Le sergent demande si l’œil au beurre noir date aussi de la nuit dernière et le plaignant répond : « Ouais » Le sergent pose une question au sujet des douleurs aux côtes et le plaignant répond : « ça faisait mal hier soir, mais ça fait très mal maintenant. » On demande au plaignant de montrer son visage et il obéit.

À 00 h 51, le sergent demande à l’AT no 1 d’emmener le plaignant à l’hôpital et il s’en va quelques instants plus tard.

À 4 h 57, l’AT no 2 et le plaignant arrivent dans l’aire d’enregistrement par la double porte. L’AT no 2 déclare au sergent responsable de l’enregistrement que le plaignant a un rendez-vous médical de suivi avec un plasticien pour une fracture de l’os orbitaire. Le sergent demande si la blessure s’est produite la nuit dernière et l’AT no 2 répond : « Ils ne savent pas ». L’AT no 2 ajoute que le plaignant a été agressé deux jours auparavant et qu’il a perdu connaissance sous les coups. Le plaignant ne fait pas de commentaire. L’AT no 2 déclare que le plaignant n’a pas de côte cassée.

À 4 h 59, 10 sec., il est décidé que le plaignant serait placé dans la cellule 13. Le sergent demande plus de renseignements au sujet de l’agression et l’AT no 2 répond que l’agression a eu lieu le mercredi dans l’immeuble locatif. Le plaignant n’a pas voulu identifier ses agresseurs pour ne pas leur causer des ennuis.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPL, qu’elle a obtenus et examinés :

  • résumés détaillés des appels
  • Rapport d’incident
  • Renvoi de l’hôpital à un médecin - Plaignant
  • London Middlesex Housing Corporation [LMHC] – entente de logement avec le SPL pour l’adresse
  • LMHC – Avis d’introduction non autorisée adressé au plaignant, du 27 avril 2016
  • Photo signalétique du plaignant
  • Dossier de détention – Description - Plaignant
  • Notes - AT no 1, AT no 2, AT no 3, AT no 4, AT no 5, AT no 6 et AT no 7
  • Registre d’activités des agents – 5 et 6 mai 2016 - AI
  • Procédure du SPL – Usage de la force
  • Procédure du SPL – Soins des prisonniers et détention, et
  • Témoignages anticipés – AI no 1 et AI no 2

Description de l’incident

Le 27 avril 2016, les AI ont aperçu le plaignant qui endommageait les caméras de surveillance dans un immeuble locatif de la LMHC, à London. Les AI ont interpellé le plaignant et lui ont ordonné de ne pas retourner vers l’immeuble. Plusieurs jours plus tard, un mandat d’arrestation a été émis pour le plaignant au motif qu’il avait endommagé les caméras.

Le 4 mai  2016, le plaignant se trouvait à nouveau dans l’immeuble locatif. Il a été agressé pendant qu’il se trouvait dans un appartement de l’immeuble. L’agression n’a pas été signalée et la police n’est pas intervenue.

Le 6 mai 2016, le plaignant est retourné à l’immeuble. Les AI se trouvaient dans l’immeuble pour une investigation sur une autre affaire. Les AI ont vu le plaignant dans l’ascenseur et ont décidé de l’arrêter à cause du mandat d’arrestation qui avait été émis contre lui.

Lorsque le plaignant est sorti de l’ascenseur pour pénétrer dans le lobby, les AI se sont approchés de lui. Le plaignant tenait une bicyclette contre son flanc gauche. L’AI no 1 a tendu le bras pour attraper le bras gauche du plaignant et l’a informé qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant a regardé l’AI no 1, a retiré son bras, a fait tomber la bicyclette et s’est enfui en courant dans le couloir sud, vers la droite. L’AI no 1 a trébuché sur la bicyclette. L’AI no 2 s’est lancé à la poursuite du plaignant, l’AI no 1 derrière lui. L’AI no 2 a attrapé l’arrière du vêtement du plaignant au moment où ce dernier sortait par la porte vers l’extérieur. Le plaignant s’est tortillé pour se débarrasser du vêtement qu’il portait et celui-ci est resté entre les mains de l’AI no 2. L’AI no 2 a fait des efforts pour tenir le plaignant alors que ce dernier tentait de s’enfuir. L’AI no 1 a attrapé le plaignant et a tenté sans succès de le ramener vers l’immeuble. Le plaignant luttait pour s’enfuir en direction du terrain de stationnement. Les deux agents de police lui criaient sans arrêt de cesser de résister et qu’il était en état d’arrestation. Le plaignant n’a pas obéi. La lutte a duré quelque temps, le plaignant se servant de ses jambes et de son torse pour se libérer. L’AI no 1 lui a donné deux coups de genou. Un a manqué sa cible parce que le plaignant bougeait trop et le deuxième a atteint l’avant-bras du plaignant qui se trouvait devant sa poitrine.

Le plaignant s’est saisi du poignet droit de l’AI no 1 et refusait de le lâcher. L’AI no 1 a donné un coup de poing au plaignant sur le visage et ce dernier s’est immédiatement effondré, visage plaqué au sol. L’AI no 1 a atterri sur le côté gauche du corps du plaignant et l’AI no 2 se trouvait sur le côté droit du plaignant. Les agents de police n’ont pas réussi à maîtriser le plaignant et le plaignant a frappé l’AI no 1 à la jambe droite avec son genou gauche. L’AI no 1 est parvenu à se saisir du bras gauche du plaignant, mais n’a pas pu le tirer derrière son dos pour pouvoir le menotter. L’AI no 1 a donné deux coups de poing au plaignant sur le côté gauche de son abdomen. Les coups n’ont eu aucun effet et le plaignant tentait encore de s’enfuir. L’AI no 1 a alors donné un coup de poing au plaignant sur la bouche et le nez. Le plaignant s’est immédiatement calmé et il a été menotté.

Peu après son arrivée au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs aux côtes et il a été transporté à l’hôpital. à l’hôpital, il a été déterminé que le plaignant ne souffrait pas de blessure aux côtes, mais une fracture de l’orbite oculaire gauche lui a été diagnostiquée.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 2 (1), Loi sur l’entrée sans autorisation – L’entrée sans autorisation est une infraction

2. (1) Est coupable d’une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende d’au plus 10 000 $ quiconque n’agit pas en vertu d’un droit ou d’un pouvoir conféré par la loi et :

  1. sans la permission expresse de l’occupant, permission dont la preuve incombe au défendeur :
    1. ou bien entre dans des lieux lorsque l’entrée en est interdite aux termes de la présente loi,
    2. ou bien s’adonne à une activité dans des lieux lorsque cette activité est interdite aux termes de la présente loi;
  2. ne quitte pas immédiatement les lieux après que l’occupant des lieux ou la personne que celui-ci a autorisée à cette fin le lui a ordonné.

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 6 mai 2016, les AI se trouvaient dans un immeuble locatif à London pour enquêter sur une affaire sans lien avec le plaignant, lorsque leur attention a été attirée par le plaignant qu’ils ont aperçu dans l’immeuble, alors qu’ils savaient qu’il n’avait pas le droit de s’y trouver et qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrestation pour méfait après avoir endommagé les caméras de l’immeuble. En conséquence, les AI ont tenté d’arrêter le plaignant. Après une poursuite dans l’immeuble et une lutte avec le plaignant, les AI ont arrêté ce dernier et lui ont passé les menottes. Arrivé au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs aux côtes et il a été transporté à l’hôpital. à l’hôpital, il a été établi qu’il n’avait pas de blessure aux côtes, mais qu’il avait subi une fracture légèrement déplacée du maxillaire gauche touchant le plancher de l’orbite et les parois antérieures et postérieures du sinus maxillaire gauche et la déformation de la paroi latérale de l’orbite gauche (fracture de l’os orbitaire gauche).

Le plaignant a expliqué qu’il avait été agressé dans l’immeuble locatif quelques jours auparavant. Ce fait est confirmé par l’enregistrement vidéo de surveillance du 4 mai 2016, où l’on voit le plaignant pénétrer dans l’immeuble sans aucune blessure visible au visage, à 1 h 03, et ressortir d’un appartement à 1 h 09, en tenant le côté gauche de son visage avec sa main ou en appliquant un sac en plastique sur son œil gauche. Son manteau porte des traces de sang et il a une marque sur le front au-dessus de l’œil gauche. Les mouvements du plaignant, tels qu’ils ressortent de la vidéo, indiquent qu’il souffre beaucoup. L’incident du 4 mai n’a aucun lien avec son interaction avec la police deux jours plus tard.

Il y a lieu de noter que le plaignant s’est plaint au sergent responsable du processus d’enregistrement au poste de police que ses côtes étaient cassées et c’est la raison pour laquelle il a été transporté à l’hôpital; à ce moment-là il ne s’est pas plaint de douleurs au visage ou à l’œil gauche. Après un examen à l’hôpital, aucune blessure aux côtes n’a été diagnostiquée. Dans la vidéo du processus d’enregistrement au poste de police, on entend le plaignant dire : « Je veux aller à l’hôpital, mes côtes sont cassées … parce qu’on m’a tabassé hier soir. » Lorsque le sergent a demandé au plaignant si son œil au beurre noir datait aussi de la nuit précédente – c’est-à-dire l’incident où la police n’est pas intervenue – le plaignant a répondu par l’affirmative. En réponse à une question au sujet de ses côtes, le plaignant a expliqué : « ça faisait mal hier soir, mais ça fait très mal maintenant. » Ainsi, il ressort clairement de la vidéo du processus d’enregistrement que le plaignant n’a jamais attribué sa blessure faciale à son interaction avec la police. Il a simplement dit que sa blessure préexistante s’était aggravée après son contact avec la police. Par ailleurs, le plaignant a répété à toutes les personnes avec lesquelles il a parlé pendant son interaction avec la police, et par la suite à l’hôpital, qu’il avait subi sa blessure au visage lorsqu’il a été agressé le 4 mai 2016, et pas pendant ses contacts avec la police. Ce n’est que plus tard que le plaignant indique n’être plus tellement sûr si la blessure a été causée pendant son agression du 4 mai ou pendant son interaction avec la police.

Le fait que la région de l’œil gauche du plaignant soit déjà noire et enflée avant son interaction avec la police appuie ses nombreux commentaires précédents selon lesquels sa blessure n’avait pas été causée par la police, mais bien par les coups qu’il a reçus le 4 mai d’un agresseur inconnu qu’il a refusé d’identifier. En outre, il est tout à fait possible que la blessure ait été causée ou aggravée après son arrestation, car on a vu le plaignant cogner sa tête contre l’écran en plexiglas séparant les sièges avant et arrière de la voiture.

Après avoir examiné les éléments de preuve, mais en attribuant le plus de poids aux déclarations du plaignant, confirmées par l’enregistrement vidéo de l’immeuble locatif et les témoins de la police auxquels le plaignant a indiqué avoir subi les blessures lorsqu’il a été attaqué, le 4 mai 2016, par des agresseurs inconnus, je n’ai aucun motif raisonnable de croire que la blessure du plaignant a été causée par la police. En plus, après avoir examiné les actes des AI, je conclus que les agents n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire dans les circonstances pour appréhender et menotter une personne combative, résistante et qui cherchait à s’enfuir.

En vertu du paragraphe 25 (1) du Code criminel, les agents de police ne doivent utiliser la force que si elle est raisonnablement nécessaire pour l’exécution de leurs responsabilités légales. En ce qui concerne la légalité de l’appréhension du plaignant : lorsque les policiers ont tenté d’appréhender le plaignant, ils étaient en possession d’un enregistrement vidéo de l’immeuble locatif, qui révélait que le plaignant avait endommagé les caméras de l’immeuble et qu’il pouvait donc être arrêté pour avoir commis une infraction de méfaits contre les biens, en contravention du Code criminel. En outre, les policiers avaient demandé, et obtenu, un mandat d’arrestation contre le plaignant pour cette infraction. Par ailleurs, le plaignant avait auparavant commis une infraction d’entrée sans autorisation sur le bien-fonds et pouvait être arrêté pour cette infraction, en vertu du paragraphe 2 (1) de la Loi sur l’entrée sans autorisation. Ainsi, la poursuite et l’appréhension du plaignant étaient justifiées en droit dans les circonstances.

Quant à la question de l’usage de la force utilisée par les agents de police dans leur tentative de maîtriser le plaignant, je conclus que leurs actes étaient plus que justifiés dans les circonstances et qu’ils n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant qui faisait clairement d’énormes efforts pour éviter d’être appréhendé par la police. Il a notamment jeté sa bicyclette devant l’AI no 1, s’est tortillé pour se débarrasser de son sac à dos et plus tard de son chandail afin d’échapper à l’AI no 2, s’est servi de ses jambes et de son torse pour se libérer des policiers, et n’a pas cessé de crier et de se débattre, même après qu’il a été menotté, comme l’ont observé les agents qui sont arrivés sur les lieux après les faits.

Comme je l’ai indiqué plus haut, je trouve qu’il est très probable que le plaignant ait subi sa blessure lorsqu’il a été tabassé le 4 mai 2016. Cependant même si la blessure a été causée ou aggravée par les efforts des agents pour maîtriser le plaignant, je ne peux pas conclure que les agents de police ont utilisé une force excessive à la lumière des efforts extrêmes que le plaignant a déployés pour éviter l’appréhension. Dans ce dossier, il est évident que l’intensité de la force utilisée par l’AI no 1 et par l’AI no 2 a progressé d’une façon mesurée et proportionnée en réaction à la résistance du plaignant et à la détermination de ce dernier d’éviter l’arrestation, et qu’elle entre dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à sa détention légale.

La jurisprudence a clairement établi que même si la conduite des policiers doit être proportionnée à la tâche, on ne peut pas attendre des policiers qu’ils mesurent la force appliquée avec précision (cite>R. c. Baxter

(1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (Ont. C.A.) et les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 S.C.R. 206). En règle générale, plus la résistance est forte, plus il devient nécessaire d’utiliser une force plus grande.

Pour terminer, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la détention du plaignant et la façon dont elle a été exécutée étaient légales, malgré la blessure qu’il a subie, même si je devais conclure que les agents avaient causé cette blessure, ce que je ne suis pas prêt de faire. Par conséquent, je suis convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les actes des agents de police entrent dans les limites prescrites par le droit pénal et qu’il n’y a aucun motif de déposer des accusations dans ce cas.

Date : 23 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.