Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCD-036

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet du décès d’un homme de 56 ans qui s’est tué au moyen d’une arme à feu en présence de deux agents du service de police de Toronto (SPT) le 9 février 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 février 2016 à 8 h 42, l’UES a été avisée de l’incident par le service de police de Toronto (SPT). Celui-ci a indiqué qu’il avait reçu à 5 h 57 un appel au 911 d’un homme qui disait avoir l’intention de se suicider. Il voulait que des agents de police viennent sur place pour récupérer l’arme à feu qu’il avait l’intention d’utiliser, pour éviter que qui que ce soit d’autre soit blessé. Des agents ont été dépêchés sur les lieux indiqués et, lorsqu’ils sont arrivés à une distance d’environ 7 mètres de l’homme en question, celui-ci s’est tiré une balle. À 6 h 45, l’homme a été déclaré mort à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux, où ils ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont notamment pris des notes, des photos et des mesures et ils ont fait des croquis. Un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires était présent lors de l’examen post-mortem et a enregistré l’information à ce sujet.

Plaignant

Homme de 56 ans décédé, pour qui le dossier médical a été obtenu et examiné

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et a remis ses notes, qui ont été examinées

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu du côté sud de l’entrée menant au Bathurst Lawn Memorial Park (cimetière), situé sur l’avenue Chelmsford, au sud de l’avenue Pleasant, à Toronto.

L’accès est protégé par une barrière verrouillée. Une clôture délimite le côté est du cimetière. Une caisse de lait se trouvait du côté du boulevard, au sud de l’entrée du cimetière, en face de la clôture. Il y avait deux zones de taches de sang au sud, avec des débris de fournitures médicales dispersés.

Éléments de preuve matériels

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES ont ramassé sur les lieux :

  • une arme à feu Glock 17 de 9 mm Luger (enregistrée au nom du plaignant) contenant une cartouche pleine avec un chargeur;
  • le permis de possession et d’acquisition d’une arme à feu appartenant au plaignant;
  • une note contenant les coordonnées des membres de la famille du plaignant.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a ratissé le secteur à la recherche d’éléments de preuve sous forme d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies, mais les enquêteurs n’ont rien trouvé.

Enregistrements des communications

L’UES a recueilli les enregistrements audio des communications de la police et des services ambulanciers et de l’appel du plaignant au 911.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au SPT les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • le rapport de l’appel au 911;
  • le document d’acquisition d’une arme à feu du Programme canadien des armes à feu;
  • le rapport d’incident;
  • le rapport des détails de l’événement du système de répartition assisté par ordinateur;
  • les notes des AT nos 1, 2 et 3;
  • le rapport de fiche de service;
  • la procédure du SPT relative aux personnes émotionnellement perturbées (avec les annexes A et B).

Description de l’incident

À 5 h 55 le 9 février 2016, le SPT a reçu un appel du plaignant au 911. L’homme de 56 ans a déclaré qu’il avait l’intention de se tuer par balle. Il a aussi indiqué au téléphoniste du 911 qu’il voulait que des agents de police se rendent à l’entrée du cimetière Bathurst Lawn Memorial Park pour venir chercher l’arme à feu.

À 6 h, l’AI et l’AT no 3 ont été dépêchés sur les lieux.

L’AT no 3, qui conduisait une voiture de police en direction sud sur l’avenue Chelmsford, avec ses projecteurs de droite et de gauche allumés, est passé le long du cimetière, qui était du côté ouest de la rue. L’AI et l’AT no 3 ont alors observé le plaignant qui faisait des gestes de ses deux mains, avant de s’approcher de la clôture du cimetière et de s’asseoir sur une caisse.

L’AT no 3 a immobilisé sa voiture de police, à une distance de 3 m à 7 m au nord du plaignant. Lorsque l’AT no 3 a éteint le moteur et s’est apprêtée à sortir de la voiture avec l’AI, le plaignant a fait feu sur lui-même.

L’AI a demandé une ambulance par radio, tandis que l’AT no 3 procédait à des manœuvres de réanimation cardiorespiratoire en attendant l’arrivée des pompiers de Toronto et d’une ambulance.

Le plaignant a été conduit à l’hôpital, où il a été déclaré mort. L’examen post-mortem a permis de déterminer que la cause du décès était une blessure par balle intra-buccale (dans la bouche).

Analyse et décision du directeur

La cause du décès du plaignant n’est pas en litige. Dans cette affaire tragique, le plaignant avait l’intention de se suicider, à cause de la détérioration continue de son état de santé physique. Le 9 février 2016, à environ 6 h 11, le plaignant s’est lui-même infligé une blessure par balle à la tête en plaçant le canon d’une arme à feu Glock 17 de 9 mm Luger dans sa bouche et en appuyant sur la détente. Les blessures résultantes ont été massives et mortelles. Le plaignant a été conduit en ambulance à l’hôpital, où il est arrivé à 6 h 42, et il a été déclaré mort à 6 h 45. Dès l’arrivée, le plaignant n’avait plus de signes vitaux depuis environ 30 minutes, ce qui a été communiqué au médecin de garde par le personnel d’urgence.

Le 10 février 2016, un examen post-mortem a été effectué, conformément à un mandat du coroner. Le 12 juillet 2016, le rapport du coroner concluait que le décès résultait d’une blessure par balle intra-buccale avec perforation de l’arrière de la tête du plaignant.

Celui-ci avait des problèmes de santé depuis peu. En effet, le 8 février 2016, il était retourné chez lui après une hospitalisation.

Le lendemain matin, à 5 h 55, le plaignant a appelé le 911. Durant une brève conversation, il a déclaré qu’il allait se suicider avec une arme à feu dans les minutes qui allaient suivre et il a demandé au répartiteur de ne pas essayer de le faire changer d’idée, car ce serait peine perdue. Il a donné son prénom et il a demandé que des agents de police se rendent à l’entrée du cimetière Bathurst Lawn Memorial Park pour récupérer son arme à feu.

À 6 h, l’AI et l’AT no 3 ont reçu un message radio de la police transmettant toute l’information reçue par le répartiteur du 911. Les ambulanciers ont aussi reçu la même information.

L’AT no 3 roulait vers le sud sur l’avenue Chelmsford le long du cimetière se trouvant du côté ouest de la rue. Les projecteurs de droite et de gauche étaient allumés, et l’AT no 3 a remarqué que le plaignant était debout devant la voiture de police en faisant des signes de ses deux mains. L’AT no 3 l’a ensuite vu se diriger vers la clôture du cimetière et s’asseoir sur une caisse. L’AT no 3 a alors arrêté la voiture de police à environ 3 m à 7 m du plaignant, mais à cette distance, elle était incapable de voir le plaignant clairement. À 6 h 11, comme l’AT no 3 approchait sa main de la clé pour éteindre le moteur, elle a entendu un « petit bruit sec », qui ressemblait à un coup de feu. L’AT no 3 a indiqué à l’AI que le plaignant venait de se tirer une balle, qu’il s’était effondré et qu’il était inerte. L’AT no 3 a pris le pistolet semi-automatique qui se trouvait dans la main droite du plaignant et l’a lancé derrière elle à l’AI.

À 6 h 13, l’AI a appelé par radio le répartiteur de la police pour demander une ambulance d’urgence et a précisé que l’arme à feu avait été récupérée. L’AT no 3 ne percevait pas le pouls du plaignant, mais elle a néanmoins continué les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire jusqu’à l’arrivée des pompiers de Toronto et des ambulanciers, à 6 h 14. Une ambulance supplémentaire a été demandée, et un moniteur cardiaque a été branché. On a alors constaté que le cœur du plaignant battait toujours. Des plaques de gel pour défibrillation ont été placées sur le plaignant, et celui-ci a été installé dans l’ambulance à 6 h 17. L’AI était dans l’ambulance avec deux pompiers, deux ambulanciers paramédicaux et un superviseur paramédical. L’ambulance est arrivée à l’hôpital à 6 h 42, et le plaignant a été déclaré mort à 6 h 45.

Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, je ne vois aucune raison de condamner les actions de l’AI ni des autres membres du personnel d’urgence présents. L’AI n’a absolument rien fait, ni rien omis de faire, qui ait pu contribuer au décès du plaignant. À signaler qu’il n’y a eu aucun manquement à la procédure du service de police de Toronto relative aux personnes émotionnellement perturbées. J’estime donc qu’il n’existe aucun motif valable permettant de conclure que des actes criminels ont été commis. Après avoir examiné les éléments de preuve, je conclus que le suicide tragique du plaignant a été mis à exécution rapidement et que la police n’a rien pu faire durant le peu de temps où les agents étaient sur les lieux. L’événement est tragique, mais c’est le plaignant qui est à l’origine son décès. Aucune accusation ne sera donc déposée.

Date : 5 septembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.