Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-231

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoi
  • le nom de tout témoin civi
  • les renseignements sur le lieu de l’inciden
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquêt
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 33 ans durant son arrestation qui a eu lieu le 9 septembre 2016 vers 20 h.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 9 septembre 2016, à 22 h3 0, le Service de police de Hamilton (SPH) a signalé à l’UES une blessure subie dans la soirée par une personne pendant qu’elle était sous garde. Le SPH a déclaré que vers 20 h, le plaignant était fortement sous l’influence d’une substance illégale et de l’alcool pendant qu’il était à bord d’un autobus urbain et qu’il s’était engagé dans une lutte avec un autre passager. Les agents du SPH sont arrivés sur les lieux et ont arrêté le plaignant à cause de l’état dans lequel il était pour avoir autant consommé. Ils l’ont ensuite conduit à l’hôpital.

Le SPH a signalé que, pendant qu’il était à l’hôpital, le plaignant était devenu furieux et agressif envers les agents. Il a alors attrapé l’arme à feu d’un des agents, et ceux-ci ont réagi en le plaquant au sol. Une fois qu’il a été maîtrisé, le plaignant a été examiné par le personnel de l’hôpital, qui a diagnostiqué une fracture du coude. Il a été traité et gardé à l’hôpital en observation parce qu’il était sous l’influence de l’alcool et de drogues.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Plaignant

Homme de 33 ans, qui a participé à une entrevue et dont le dossier médical a été obtenu et examiné

Témoins civils[1]

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

De plus, les notes et les déclarations de deux autres agents non désignés ont été obtenues et examinées.

Agent impliqué

AI A refusé de se soumettre à une entrevue et de remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

Les lieux n’ont pas été préservés pour un examen.

Enregistrements des communications

Enregistrements des communications du 911

Dans l’enregistrement de l’appel au 911, on entend une femme demandant la police et une ambulance parce qu’elle a vu un homme couvert de sang passer près d’un arrêt d’autobus et marcher dans la rue. L’homme avait du sang sur le bras et les mains et la femme a fait le commentaire suivant : « seem[ed] quite agitated » [il semble très agité]. La femme est demeurée au téléphone avec le répartiteur et a ensuite indiqué que l’homme était entré dans une banque et qu’elle avait vu la police arriver.

Dans un autre appel au 911, un homme, qui s’est identifié comme un employé d’une entreprise de transport, a demandé qu’une ambulance se rende jusqu’à un autobus pour un homme qui avait été blessé durant une bagarre dans l’autobus. Il a aussi demandé que la police vienne vu que la personne ayant pris part à la bagarre était toujours sur les lieux et semblait être sous l’influence de l’alcool ou de drogues.

Enregistrements des communications par radio

Des agents ont été dépêchés sur les lieux où se trouvait l’homme couvert de sang marchant sur la route.

On entend un agent dire qu’il a identifié la victime des voies de fait dans l’autobus et que les autres passagers avaient indiqué qui était l’assaillant. Lorsque l’agent dit : « I’m gonna go arrest buddy » [je vais procéder à l’arrestation du gars], le répartiteur signale que l’homme se dirige vers une Banque TD.

En réponse à la question de l’AT no 2, qui demande le nom et la date de naissance du plaignant, le répartiteur dit que le plaignant est signalé comme quelqu’un de violent et que, en janvier 2016, il « reached out to an officer’s belt to grab hold of the Taser » [avait attrapé le ceinturon d’un agent pour lui prendre son Taser] et il avait dit souhaiter que la police lui tire dessus et le tue.

Un agent signale par la suite qu’il avait besoin d’un sergent à l’hôpital. L’agent, essoufflé, dit ceci : « […] there was a fight. He might be hurt. » [Il y a eu une bagarre. Il se peut qu’il soit blessé.]

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPH, qu’elle a obtenus et examinés :

  • le rapport d’enregistrement d’arrestation (plaignant)
  • la chronologie des événements – système de répartition assisté par ordinateur
  • le rapport de blessure durant le service pour l’AT no 1
  • les notes des AT nos 1 et 2
  • les notes de deux agents non désignés
  • le rapport des détails des incidents
  • les rapports d’incident
  • la procédure relative à l’utilisation de la force et de l’équipement
  • la procédure relative à l’arrestation et à la comparution en cour
  • le profil individuel du plaignant
  • la déclaration des AT nos  1 et 2
  • la déclaration de deux agents non désignés

Description de l’incident

Le 9 septembre 2016, peu après 19 h, le SPH a reçu des appels au 911 signalant une altercation survenue dans un autobus urbain et un homme couvert de sang marchant dans la rue. L’AI et les AT nos 1 et 2 ont été déployés sur les lieux et ont trouvé le plaignant inconscient et couvert de sang dans une Banque TD des environs. L’AI a pratiqué un message du sternum dans l’intention de ranimer le plaignant. Celui-ci a fini par reprendre conscience, mais il était désorienté : il ne se rendait pas compte qu’il était blessé, il avait de la difficulté à articuler et il dégageait une odeur d’alcool.

Comme il s’inquiétait du bien-être du plaignant, l’AT no 1 a appelé une ambulance. Une fois l’ambulance arrivée, le plaignant a été conduit à l’hôpital, où il a été attaché sur un brancard. Lorsqu’on l’a autorisé à se lever pour aller aux toilettes, il est devenu violent avec l’AI et l’AT no 1 et il a tenté de partir de l’hôpital. Les agents ont alors essayé de le maîtriser, et le plaignant a opposé de la résistance et a tenté d’attraper l’arme à impulsion de l’AT no 1. Par conséquent, l’AI et l’AT no 1 ont plaqué le plaignant au sol, et celui-ci est tombé les mains sous lui. Le plaignant a continué de résister et il a refusé de se laisser menotter.

Le code blanc[2] a été diffusé par le personnel de l’hôpital, et des ambulanciers paramédicaux et du personnel de sécurité sont intervenus. Une fois menotté, le plaignant a continué d’être violent. Par conséquent, un médecin lui a administré un sédatif.

À l’examen du plaignant, on a constaté une fracture du coude droit sans déplacement.

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 25(1), Code criminel : Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 34, Loi sur les permis d’alcool : Possession ou consommation illégales

31(4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission
  2. dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun.

(5) Un agent de police peut, sans mandat, procéder à l’arrestation de la personne qu’il trouve en contravention au paragraphe (4) si, à son avis, la protection de quiconque exige cette mesure.

Articles 265 et 266, Code criminel : Voies de fait

265(1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

266 Quiconque commet des voies de fait est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Analyse et décision du directeur

Le 9 septembre 2016, le centre de répartition du 911 du SPH a reçu un appel signalant une bagarre dans un autobus urbain et un autre appel disant qu’un homme couvert de sang marchait dans la rue. L’AI et les AT nos 1 et 2 ont été déployés sur les lieux et ont trouvé le plaignant inconscient qui dégageait une odeur d’alcool dans une Banque TD des environs. Le plaignant a été transporté à l’hôpital en ambulance, où il s’est bagarré avec les deux agents ayant procédé à l’arrestation. à l’examen médical, une fracture du coude droit sans déplacement a été constatée.

Au cours de l’enquête, six témoins civils et deux agents témoins ont participé à une entrevue. Malheureusement, le plaignant n’avait aucun souvenir de l’incident et quatre des autres témoins civils n’avaient pas observé l’altercation. De plus, les ambulanciers paramédicaux qui étaient en position d’observer l’incident ont refusé de faire des déclarations aux enquêteurs de l’UES. L’AI a refusé de faire une déclaration et de remettre ses notes aux enquêteurs, comme la loi l’y autorise. De plus, les enquêteurs ont examiné les enregistrements des communications et les notes des AT nos 1 et 2 et de deux autres agents non désignés. Il n’y avait malheureusement aucun enregistrement de vidéosurveillance de l’endroit où l’incident est survenu, car l’hôpital n’est pas doté de caméras de surveillance.

D’après la déclaration de l’AT no 2, elle a, avec l’AI et l’AT no 1, répondu à un appel à 19h13 concernant un homme couvert de sang qui marchait dans une rue où circulaient des véhicules. Elle a ensuite appris que l’homme avait pris part à une altercation dans un autobus, où il aurait donné un coup de poing au visage à un autre passager. Durant sa conversation avec le conducteur de l’autobus, elle a appris que l’assaillant s’était dirigé vers la Banque TD sur le coin de la rue. Les trois agents se sont alors rendus à cette banque, où ils ont trouvé le plaignant inconscient et couvert de sang qui était étendu sur le sol. L’AI a procédé à un massage du sternum pour tenter de ranimer le plaignant, tandis que l’AT no 2 tentait d’appeler une ambulance. Le plaignant a fini par reprendre conscience, mais il semblait désorienté, il avait du mal à articuler, il dégageait une odeur d’alcool et il ne savait pas comment il s’était blessé. Le plaignant a été conduit à l’hôpital en ambulance, tandis que l’AI et l’AT no1 le suivaient dans leur voiture de police respective.

L’AT no 2 est alors retournée à l’autobus pour faire enquête sur les voies de fait, mais l’homme qui avait dit avoir reçu un coup de tête du plaignant a refusé de porter des accusations au criminel et de se faire soigner. à 20 h 3, l’AT no 2 était en train de quitter le secteur lorsqu’elle a entendu une communication par radio de la part de l’AI lui demandant son aide à l’hôpital par suite d’une altercation avec le plaignant. L’AT no 2 a signalé qu’une fois arrivée à l’hôpital, l’AI lui a dit que le plaignant s’était levé du brancard pour aller aux toilettes et, qu’en revenant, il avait tenté de sortir de l’hôpital. Les agents lui ont dit qu’il ne pouvait pas partir et ils l’ont ramené au brancard. C’est alors qu’il a commencé à être violent et a continué de tenter de s’enfuir. Tandis que les agents tentaient de le maîtriser, le plaignant a attrapé le ceinturon de l’AI pour prendre ses armes, et les agents l’ont plaqué au sol. Ils ont alors entendu un craquement, qui leur a donné l’impression que le plaignant venait de se disloquer l’épaule. Les deux agents ont aussi signalé à l’AT no 2 qu’il avaient tous les deux subi de légères blessures au genou en couchant le plaignant au sol. L’AT no 2 a indiqué qu’à 20 h 35, elle avait vu le plaignant cracher au visage de l’AI et continuer de crier pendant que le médecin lui administrait un sédatif et qu’il était amené jusqu’à une chambre à un lit.

La déclaration de l’AT no1 concorde avec celle de l’AT no 2. Il a ajouté que lorsqu’ils avaient fini par ranimer le plaignant à la banque, celui-ci s’était mis à faire des commentaires racistes et à divaguer. Le plaignant a déclaré à l’AT no1 qu’il avait frappé un passager de l’autobus pour protéger une passagère. Sur une échelle allant de 1 à 10, 10 correspondant à ivre mort, l’AT no1 a évalué que le plaignant dépassait 10. L’AT no1 a indiqué que les agents voulaient arrêter le plaignant pour voies de fait mais qu’ils ont trouvé qu’il avait trop consommé d’alcool et de drogue pour comprendre ce qui se passait. Ils ont donc plutôt décidé de le menotter et d’appeler une ambulance pour qu’il soit transporté à l’hôpital. Le plaignant est parti en ambulance à 19 h 40, et les agents l’ont suivi à l’hôpital en voiture. L’AT no1 a expliqué qu’à l’hôpital, le plaignant était attaché à un brancard au service des urgences en attendant un lit lorsqu’il a demandé d’aller aux toilettes. Lorsqu’il est revenu, il a indiqué qu’il devait partir de l’hôpital et il a commencé à se diriger vers le poste de soins infirmiers. C’est alors que l’AI l’a attrapé par le bras et lui a dit qu’il était en état d’arrestation. L’AT no 1 lui a alors attrapé l’autre bras et le plaignant a alors commencé à résister activement, en répétant qu’il devait quitter l’hôpital.

L’AT no 1 a indiqué que l’AI avait essayé de plaquer le plaignant contre le mur pour le menotter. L’AI tenait le bras droit du plaignant derrière son dos, tandis que l’AT no 1 lui tenait le bras gauche lorsque le plaignant a tenté d’attraper le ceinturon de service des agents et de prendre l’arme à impulsions de l’AT no 1 et d’autres de ses armes, mais pas son arme à feu. C’est alors que les agents ont décidé de plaquer le plaignant au sol. Les deux agents ont alors placé leurs jambes devant celles du plaignant et ils l’ont poussé vers l’avant pour lui faire faire ce que l’AT no1 a appelé un quart de tour vers la droite du plaignant. Le plaignant est tombé à plat ventre au centre du couloir, les mains sous lui. Lorsque les agents lui ont ordonné de cesser de résister et ont essayé de lui attraper les mains pour les lui menotter derrière le dos, l’AT no 1 a entendu un son qui lui a fait croire que le coude du plaignant était en train de se fracturer. L’AT no 1 a indiqué qu’un code blanc avait été diffusé et que des ambulanciers paramédicaux et du personnel de sécurité étaient intervenus. L’AT no 1 a évalué que l’altercation n’avait pas duré plus d’une minute du début à la fin et il a indiqué que le plaignant avait été menotté à 20 h 3. Le plaignant a ensuite été prévenu qu’il était en état d’arrestation et il a continué de se montrer violent et agressif, notamment en crachant au visage de l’AI, après quoi le médecin lui a administré un sédatif.

Les enregistrements des communications ont confirmé les déclarations des AT nos 1 et 2 en ce qui a trait à la nature des appels au 911 auxquels ils ont répondu, et les enregistrements des communications par radio ont confirmé que les agents se dirigeaient vers la Banque TD pour y arrêter l’assaillant responsable des voies de fait dans l’autobus. Les enregistrements montrent aussi que, lorsque l’AT no 2 s’est renseignée sur le plaignant en faisant une recherche à l’ordinateur, le centre de répartition a indiqué qu’il était signalé comme quelqu’un de violent et que, en janvier 2016, il « reached out to an officer’s belt to grab hold of the Taser » [avait attrapé le ceinturon d’un agent pour lui prendre son Taser] et avait dit souhaiter que la police lui tire dessus et le tue. à 20 h 3, on entend sur l’enregistrement un agent demander qu’un sergent vienne parce qu’il y avait eu une bagarre et que l’homme risquait d’être blessé. Il est évident que l’agent est à bout de souffle.

Les dossiers médicaux confirment que le plaignant a subi une fracture du coude droit sans déplacement. Les analyses toxicologiques confirment aussi que, comme le croyait l’AT no 1, le plaignant était en état d’ébriété avancé, avec une concentration d’alcool dans le sang quatre fois plus élevée que la limite fixée par la loi pour conduire un véhiculefootnote 3.

Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, des restrictions s’appliquent à l’usage de la force raisonnablement nécessaire pour que les policiers exécutent leurs fonctions légales. Commençons par évaluer si l’arrestation du plaignant était légale. Il ressort clairement de la déclaration du plaignant lui-même et de celles du conducteur d’autobus et de la victime des voies de fait, que le plaignant a frappé un homme dans l’autobus, ce qui justifiait son arrestation conformément à l’article 266 du Code criminel. De plus, le plaignant était dans un état d’ébriété très avancé dans un lieu public et pouvait donc être arrêté pour infraction au paragraphe 31 (4) de la Loi sur les permis d’alcool. Par conséquent, l’appréhension du plaignant était légalement justifiée dans les circonstances.

Pour ce qui est du degré de force employé par les agents pour tenter de maîtriser le plaignant, je juge que leurs actes étaient justifiés dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que ce qui était nécessaire pour maîtriser le plaignant, qui était dans un état d’ébriété avancé, en plus d’être agressif et combattif, et qui semblait vouloir échapper aux agents. Compte tenu du fait que le plaignant avait déjà blessé un homme dans l’autobus, on pouvait facilement imaginer qu’il était capable de recommencer s’il n’était pas maîtrisé. De plus, puisque le plaignant avait tenté d’attraper des armes de l’AT no1 et qu’il se trouvait dans un lieu public où étaient présents beaucoup de membres du personnel médical et de patients, j’estime que les agents ne pouvaient courir le risque que le plaignant réussisse à s’emparer d’une arme de la police et s’en serve. Les conséquences pouvaient en effet être tragiques si le plaignant n’était pas maîtrisé. Le fait qu’un médecin ait administré un sédatif au plaignant pour le calmer vient aussi appuyer cette conclusion.

Même si je considère que la blessure a été causée par les agents pendant qu’ils ont plaqué le plaignant au sol ou qu’ils essayaient d’attraper ses mains pour le menotter après l’avoir mis en état d’arrestation, je conclus que, conformément au paragraphe25(1) du Code criminel, les agents concernés n’ont pas employé un degré de force supérieur à ce qui était raisonnablement nécessaire pour exercer leurs fonctions légales dans le but d’arrêter et de maîtriser un homme ivre, combattif et extrêmement résistant. Pour parvenir à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit tel qu’il est présenté dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[TRADUCTION]
Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p.218]

De plus, la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Baxter (1975) 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.) a jugé qu’il ne fallait pas évaluer le degré de force employé par les agents en se basant sur des normes de gentillesse.

Compte tenu de ce qui précède, j’ai des motifs suffisants de croire que les agissements des agents ne dépassaient pas les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 18 septembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Les ambulanciers paramédicaux ont refusé de participer à une entrevue de l’UES . [Retour au texte]
  • 2) [2] Code d’urgence utilisé en cas de violence. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.