Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-194

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de reseignments

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 27 ans, le 24 juillet 2016, à la suite d’une bagarre dans un bar de Kitchener.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 24 juillet 2016 à 12h44, le Service de police régional de Waterloo (SPRW) a signalé que ce même jour, vers 2h04 du matin, le SPRW avait répondu à un appel au bar Roxxanne’s Bar and Grill, à Kitchener. Le plaignant avait pris la fuite avant l’arrivée des policiers au bar.

Le plaignant s’est ensuite rendu à l’hôpital pour des blessures qu’il avait subies lors de la bagarre au bar. Vers 3h30 du matin, des agents du SPRW se sont rendus à l’hôpital pour placer le plaignant en état d’arrestation pour son implication dans la bagarre. Le plaignant a résisté à son arrestation et s’est battu avec les policiers.

Le plaignant a reçu par la suite un diagnostic de fracture du bas du dos. Le plaignant a été libéré de l’hôpital et placé sous la garde de la police en attendant une enquête sur le cautionnement.

On ignore si les blessures du plaignant résultaient de la bagarre au bar ou de son interaction avec les policiers lors de son arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre de spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignant : Homme de 27ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été reçus et examinés

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no  3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ontété reçues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ontété reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

Il y avait deux lieux distincts dans cette affaire : le premier était un club de strip-tease, appelé « Roxxanne’s Bar and Grill », où le plaignant avait été impliqué dans une bagarre entre plusieurs personnes. Le deuxième était à l’hôpital où le plaignant s’était rendu seul pour une grosse coupure à l’arrière de la tête.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

L’UES a fait le tour du secteur à la recherche de preuves sous forme d’enregistrements vidéo, audio ou photographiques, et a localisé les vidéos du Roxxanne’s Bar and Grill et de l’hôpital.

Roxxanne’s Bar et Grill

Le Roxxanne’s Bar and Grill (« le bar Roxxanne ») a six caméras de surveillance, qui visent différents angles et qui ont enregistré la bagarre dans laquelle le plaignant était impliqué avant son interaction avec les agents du SPRW. Sur la vidéo de la caméra 3, on voit quelqu’un qui saisit et donne des coups de poing et de pied au plaignant. On voit un homme qui piétine le dos du plaignant tandis que d’autres continuent de lui donner des coups de poing et de pied. La caméra4 montre cinq hommes inconnus qui arrivent et commencent à attaquer le plaignant en lui donnant des coups de poing de pied puis en le piétinant. On voit notamment un de ces hommes piétiner à plusieurs reprises le dos du plaignant de son pied gauche.

Vidéo de l’hôpital

Sur une vidéo remise par l’hôpital, on voit le plaignant qui se débat contre deux agents de police du SPRW et deux agents de sécurité de l’hôpital. Personne n’est observé en train d’asséner un coup de pied ou de poing au bas du dos du plaignant. La vidéo montre plutôt une manœuvre de maintien en place.

Enregistrements des communications

Les enregistrements des communications démarrent à 2h04 du matin, le 24 juillet 2016, et commencent par des appels au 9-1-1 au sujet de la bagarre au bar Roxxanne.

Les enregistrements révèlent que divers agents du SPRW concluent que le plaignant est à l’origine de la bagarre au bar et qu’ils ont des motifs de procéder à son arrestation. Le plaignant s’est enfui, et des agents du SPRW poursuivent des suspects, qui s’avèrent ne pas être le plaignant.

à 3 h 06, deux appels proviennent de patients de l’hôpital où se trouve le plaignant. L’un de ces patients est une femme qui n’a pas été identifiée, mais, à 3 h 15 du matin, un homme qui s’est identifié signale au répartiteur du SPRW que l’homme responsable de la bagarre au bar Roxxanne est à l’urgence de l’hôpital. L’appelant fournit une description détaillée du plaignant, ainsi que la plaque d’immatriculation du véhicule de la mère du plaignant.

à 3 h 22, l’AI no 2 puis l’AI no 1 arrivent à l’hôpital. Ils confirment les accusations en suspens et se rendent à l’unité des soins de courte durée pour arrêter le plaignant. L’hôpital refuse de divulguer le nom du plaignant au centre de répartition du SPRW avant l’arrivée de l’AI no 1 et de l’AI no 2.

Preuves médicolégales

Les tests toxicologiques effectués à l’hôpital ont révélé que le plaignant avait consommé de la cocaïne et de l’alcool.

Documents obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPRW, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Rapport du système de répartition assistée par ordinateur;
  • Enregistrements des communications;
  • Synopsis du dossier du cas;
  • Notes des agents témoins AT no 1, no 2, no 3, no 4, no 5 et no 6;
  • Incidents précédents avec le plaignant;
  • Feuille de détention de prisonnier;
  • Registres d’équipe;
  • Déclarations préparées de l’AI no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 5 et de l’AT no 6;
  • Liste des témoins; et
  • Déclarations des témoins – deux témoins civils non désignés – au sujet de la bagarre au bar Roxxanne.

Description de l’incident

Dans la nuit du 23 au 24 juillet 2016, le plaignant a été impliqué dans une bagarre au bar Roxxanne, à Kitchener. Le plaignant s’est enfui avant l’arrivée de la police et s’est présenté seul à l’hôpital pour une grosse coupure à l’arrière de la tête.

L’AI no 1 s’est rendu au bar Roxxanne et a confirmé, en regardant la vidéo de la bagarre, que le plaignant était responsable et qu’on pouvait l’arrêter pour diverses infractions violentes. Au même moment, le SPRW a reçu deux appels au 9-1-1 en provenance de l’hôpital signalant la présence du plaignant qui, selon les appelants, était responsable de la bagarre au bar. L’un des appelants a indiqué que le plaignant avait affirmé être tombé dans un escalier. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont rendus à l’unité de soins de courte durée de l’hôpital pour procéder à l’arrestation du plaignant.

à la vue de l’AI no 1 et de l’AI no 2, le plaignant a foncé vers eux et a tenté de s’enfuir dans le couloir. Les deux agents ont tenté de saisir le plaignant et sont tombés par terre. Le plaignant s’est cogné contre diverses pièces d’équipement avant de tomber lui aussi au sol. Avec l’aide du TC no 2 et du TC no 3, et après que l’AI no 1 ait utilisé sa matraque pour dégager le bras du plaignant de dessous son corps, les agents ont été en mesure de le menotter.

Des radiographies subséquentes ont montré que le plaignant avait des fractures aux vertèbres du bas du dos.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 24 juille 2016, vers 3 h 30 du matin, l’AI no 1 et l’AI no 2 se sont rendus à l’hôpital en réponse à un appel signalant la présence de l’auteur d’une agression armée survenue plus tôt au Roxxanne’s Bar and Grill (« le bar Roxanne »), à Kitchener[1]. à leur arrivée à l’hôpital, les agents ont placé le plaignant en état d’arrestation pour voies de fait. à la suite de son interaction avec la police, le plaignant a été examiné à l’hôpital et a reçu un diagnostic de fractures au bas du dos.

Le plaignant a subi une plaie à la tête, qui a été refermée à l’hôpital par des agrafes et des points de suture, ainsi que des fractures aux vertèbres du bas du dos. Le plaignant a soutenu que ces fractures avaient été causées à l’hôpital, et non lors de l’altercation au bar. Le plaignant n’a pas pu identifier l’agent de police qui aurait causé ces blessures.

Dans le cadre de leur enquête sur cette affaire, les enquêteurs de l’UES ont interrogé sept témoins civils, en plus du plaignant, et ont reçu les déclarations écrites ou verbales de six témoins de la police, y compris les deux agents impliqués du SPRW, l’AI no 2 et l’AI no 1, qui ont tous deux accepté de participer à une entrevue. De plus, les enquêteurs ont eu accès aux carnets de tous les policiers concernés, aux vidéos des caméras de surveillance de l’hôpital et du bar Roxxanne, ainsi qu’au registre et à l’enregistrement des communications du SPRW. Tous ces éléments de preuve permettent d’obtenir une image claire de ce qui s’est passé.

Le TC no 5 et le TC no 6 ont été témoins de l’arrestation du plaignant à l’hôpital. Ni l’un ni l’autre n’ont indiqué que l’AI no 1 ou l’AI no 2 aient pu agir de façon inappropriée en appréhendant le plaignant. Le TC no 2 et le TC no 3 étaient également présents à l’hôpital et ont été témoins de l’arrestation du plaignant. Ni l’un ni l’autre n’ont vu l’AI no 1 ou l’AI no 2 frapper ou recourir à la force pour maîtriser le plaignant. Les témoins civils ont décrit le plaignant comme étant un homme grand et costaud.

L’AI no 2 a expliqué qu’il s’était rendu au bar Roxxanne pour enquêter sur une bagarre qui venait de s’y produire. On lui avait donné des renseignements détaillés au sujet de la bagarre, notamment que le personnel du bar pensait que le plaignant en était l’instigateur principal et qu’il s’était enfui avant l’arrivée des policiers du SPRW. Selon les renseignements reçus par la suite, le plaignant était peut-être à l’hôpital. L’AI no 1 a déclaré qu’il irait à l’hôpital avec l’AI no 2. L’AI no 2 a conclu qu’il avait des motifs raisonnables et probables d’arrêter le plaignant pour deux chefs d’agression armée, un chef de voies de fait, et un chef d’avoir troublé la paix, en contravention du Code criminel.

Le plaignant était dans une salle d’urgence d’un hôpital. à leur arrivée à cet hôpital, l’AI no 2 et l’AI no 1 ont avisé le plaignant qu’ils avaient des motifs de procéder à son arrestation pour avoir commis des voies de fait. Le plaignant a alors immédiatement baissé la tête, a commencé à respirer fortement, et s’est précipité en direction des deux policiers. L’AI no 1 était convaincu que le plaignant avait l’intention de les plaquer, comme un joueur de football. Selon lui, le plaignant mesurait environ 6pi 1po et pesait près de 260livres. L’AI no 2 a affirmé que le plaignant aurait facilement pu passer entre eux et continuer sa course dans le couloir. Les deux policiers ont d’abord tenté de saisir le plaignant pour l’immobiliser, mais n’y sont pas parvenus. Ils l’ont alors immédiatement poursuivi et l’AI no 2 a réussi à saisir le short du plaignant puis, sur une distance d’environ cinq pieds, à le faire tomber sur le sol. L’AI no 2 a vu le plaignant tomber dans l’infirmerie. Cependant, l’AIno 2 estime avoir exercé très peu de force physique sur le plaignant pour le mettre à terre, car il avait déjà commencé à perdre l’équilibre et à tomber plus ou moins de lui-même. L’AI no 2 a précisé qu’une fois le plaignant à plat ventre au sol, il a appuyé sur le haut de son dos et sur ses épaules pour l’empêcher de se relever. L’AI no 1 est venu prêter main-forte à l’AI no 2 car le plaignant continuait de résister vigoureusement et proférait des injures aux deux agents de police. Le TC no 3 a aidé l’AIno 1 à menotter le plaignant, qui a ensuite été immobilisé sur une civière au moyen de dispositifs de retenue de l’hôpital. L’AIno 2 a déclaré que la force employée par les deux agents n’a pas excédé ce qui était nécessaire pour empêcher le plaignant de bouger, afin de le menotter. L’AIno 2 a précisé qu’aucun policier ni agent de sécurité n’a donné de coup de pied, de poing ou de genou au plaignant durant l’arrestation. L’AIno 2, après avoir examiné à la fois la vidéo de l’arrestation du plaignant à l’hôpital et celle de la bagarre au bar Roxxanne, est convaincu que toute blessure subie par le plaignant doit s’être produite lors de la bagarre au bar.

Le témoignage de l’AI no 1 corrobore celui de l’AI no 2. L’AI no 1 a vu le plaignant tenter de s’enfuir de la pièce où on l’avait placé à l’hôpital. L’AI no 1 a vu le plaignant baisser son épaule droite, « comme un taureau », et le frapper d’un coup dans la poitrine. L’AI no 1 a ajouté qu’il avait tenté de faire tomber le plaignant au sol, mais que lui-même et l’AI no 2 étaient tous les deux tombés par terre en heurtant le chariot de soins. Ensuite, lorsque le plaignant est tombé sur le sol, le TC no 3 est venu aider l’AI no 1 et l’AI no 2. Le plaignant avait les mains posées à plat sur le sol et tentait en vain de repousser l’AI no 2 et le TC no 3. Comme l’AI no 1 avait de la difficulté à maîtriser le plaignant, il a utilisé sa matraque ASP pour soulever le bras du plaignant. Le TC no 2 est arrivé et a aidé l’AI1 à finir de menotter le plaignant. Par la suite, l’AI no 1 a escorté le plaignant jusqu’au service de radiologie, où il a entendu le plaignant dire à l’infirmière qu’il avait été blessé au dos longtemps auparavant.

La fiche médicale du plaignant a révélé qu’il avait des fractures aux vertèbres L3, L4 et L5. Le dépistage toxicologique à l’hôpital a confirmé qu’il avait consommé de l’alcool et de la cocaïne. Le plaignant a été orienté vers le TC no 7 à la suite de ses plaintes au sujet de sa douleur au bas du dos. Toutefois, le TC no 7 n’a pas été en mesure de déterminer si la blessure du plaignant était nouvelle ou non.

Il y avait des enregistrements vidéo pris sous six différents angles au bar Roxxanne. Sur la vidéo de la caméra3, on voit quelqu’un qui s’agrippe au plaignant et lui donne des coups de poing et de pied. On voit un homme qui piétine le dos du plaignant tandis que d’autres continuent de lui donner des coups de poing et de pied. La caméra4 montre cinq hommes inconnus qui arrivent et commencent à attaquer le plaignant en lui donnant des coups de poing et de pied puis en le piétinant. Fait à noter, on peut voir un homme frapper plusieurs fois le dos du plaignant de son pied. Sur la vidéo de l’hôpital, on voit le plaignant qui se débat contre deux agents de police du SPRW et deux agents de sécurité de l’hôpital. Cette vidéo révèle que le plaignant n’a reçu aucun coup de pied ou de poing ni été frappé autrement dans le bas du dos ou une autre partie du corps. Le seul recours à la force employé par l’AI no 1 et l’AI no 2 que l’on peut voir sur la vidéo est le poids qu’ils ont exercé sur le plaignant pour le maintenir en place et le maîtriser.

En évaluant tous les éléments du dossier de preuve, je suis d’avis que le témoignage du plaignant et celui du TC no 1 concernant le degré de force utilisé par l’AI no 1 et l’AI no 2 pour procéder à l’arrestation du plaignant n’est pas fondé et est contredit par plusieurs témoins civils totalement indépendants et impartiaux, par les agents de police AI no 1 et AI no 2 du SPRW, et surtout, par la vidéo de surveillance de l’hôpital qui a saisi en détail le menottage et l’arrestation du plaignant. Plus précisément, la vidéo corrobore entièrement le témoignage du TC no 6, montrant que l’AI no 2 est seulement parvenu à saisir le short du plaignant pendant un bref instant. La vidéo corrobore également les déclarations du TC no 3 et de l’AI no 2 selon lesquels, lorsque le plaignant est tombé sur le sol, il l’a fait plus ou moins seul en semblant perdre l’équilibre. En outre, un aspect important de la vidéo confirme le récit de l’AI no 2 selon lequel la seule force exercée pour effectuer l’arrestation du plaignant était d’appuyer sur lui pour l’empêcher de se relever.

En vertu du paragraphe25(1) du Code criminel, les agents de police ont le droit d’utiliser la force dans l’exécution de leurs fonctions légitimes, mais seulement dans la limite de ce qui est raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Premièrement, pour ce qui est de la légitimité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la vidéo de la bagarre au bar Roxxanne que les agents de police du SPRW avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis diverses infractions criminelles. La poursuite et l’arrestation du plaignant étaient donc légalement justifiées dans les circonstances. En ce qui concerne la force utilisée par l’AI no 1 et l’AI no 2 dans leurs tentatives de maitriser le plaignant, je conclus que leurs actes étaient plus que justifiés dans toutes les circonstances. J’ai observé les deux policiers ainsi que les agents de sécurité de l’hôpital sur la vidéo de l’hôpital. à mon avis, il ne fait aucun doute qu’ils n’ont pas utilisé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, un homme que des témoins civils ont décrit comme grand, costaud et enragé.

à mon avis, la force utilisée par l’AI no 1 et AI no 2 pour appréhender le plaignant était minime et ne dépassait nullement ce qui était raisonnable dans toutes les circonstances. En parvenant à cette conclusion, j’ai tenu compte de l’état du droit, tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S.206, à savoir :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), (1981) 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :
[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p.218]

étant donné que le plaignant avait déjà été impliqué dans une altercation sérieuse au bar Roxxanne et qu’il avait utilisé sa force considérable pour foncer entre les deux policiers qui tentaient de l’arrêter, il n’était pas exagéré de penser qu’il était plus que capable de continuer à agir de façon agressive si on ne le maitrisait pas. Je suis d’avis que si la blessure du plaignant n’était pas ancienne, il est plus que probable qu’elle se soit produite au bar Roxxanne lorsque le plaignant a été piétiné avec force. Il serait difficile d’imaginer comment la force minimale utilisée par l’AI no 1 et l’AI no 2 pour maîtriser le plaignant à l’hôpital aurait pu lui causer des blessures au dos alors que les coups extrêmes infligés au plaignant au bar ne l’auraient pas fait. Même si les blessures avaient été causées par les tentatives des agents de maîtriser le plaignant, je ne pourrais pas conclure qu’il s’agirait d’un usage excessif de la force. Il est très clair que la force utilisée par l’AI no 1 et l’AI no 2 n’excédait pas ce qui était nécessaire pour surmonter la puissance physique du plaignant et la résistance qu’il leur opposait. Il ne fait aucun doute que les actes de l’AI no 1 et l’AI no 2 sont tout à fait restés dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à une mise sous garde légale.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs exposés ci-dessus, que la mise sous garde du plaignant et la manière dont elle a été exécutée étaient licites, malgré la blessure que ce dernier a subie, même si je devais conclure que les agents ont causé cette blessure, ce que je ne suis pas enclin à faire. Les blessures subies par le plaignant sont le résultat direct de sa propre agressivité incontrôlée au bar Roxxanne et à l’hôpital. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actes des agents AI no 1 et AI no 2 ne sont pas sortis des limites prescrites par le droit criminel. En conséquence, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 22 septembre 2017

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’AT no 1 avait reçu un appel du centre de répartition au sujet d’une grande bagarre au bar Roxxanne dont le personnel avait décrit le plaignant comme étant responsable de la bagarre. L’AT no 1 s’est rendu au bureau du gérant du bar pour visionner la vidéo de la bagarre, sur laquelle on voyait des détails suffisants pour constituer des motifs d’arrestation du plaignant en vertu de trois chefs d’accusation : agression armée, troubler la paix et méfaits. L’AT no 2, l’AT no 3 et l’AT no 4, l’enquêteur chargé de l’enquête, ont corroboré le témoignage de l’AT no 1. [Retour au texte]

Note:

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