Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TFI-205

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur les blessures par balles subies par un homme âgé de 39 ans durant une interaction avec des agents de police du Service de police de Toronto (SPT) au centre-ville de Toronto le 8 août 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le lundi 8 août 2016, à 6 h 41, le SPT a informé l’UES que le plaignant avait été blessé suite à l’utilisation d’une arme à feu.

Le SPT a déclaré qu’un de ses agents avait utilisé son arme à feu dans le secteur des rues Dundas et Yonge, à Toronto. Le SPT avait reçu un appel au 9-1-1 à 6 h 30 lui signalant une attaque à l’arme blanche près de la Place Dundas. Des agents de police du SPT sont arrivés à l’intersection de la rue Dundas et de la rue Yonge. Ils ont interpellé un homme de race blanche dans la quarantaine [maintenant connu comme le plaignant] et ont tiré sur lui. Le plaignant a été transporté à l’hôpital.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 8

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 3

Les EJ de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont repéré et préservé des éléments de preuve. Ils ont filmé et mesurée numériquement la scène et en ont créé un croquis à l’échelle. Les objets ont été photographiés à l’endroit où ils se trouvaient et ont été mesurés afin d’être inclus au croquis. Les EJ ont pris possession de l’arme à feu utilisée par l’agent durant l’incident et ont aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires (CSJ) aux fins d’analyse.

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 39 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

TC no 5  A participé à une entrevue

TC no 6  A participé à une entrevue

TC no 7  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

AT n° 5  Non interviewé, mais notes obtenues et examinées

Agents impliqués (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

Le EJ de l’UES ont examiné l’endroit où l’arme à feu avait été utilisée sur la rue Dundas Ouest, entre la rue Bay et la rue Yonge. Il s’agit d’un district commercial à forte densité qui comprend un complexe d’entreprises au centre commercial Atrium sur la rue Bay au nord et au Centre Eaton de Toronto, au côté sud de la rue Dundas Ouest. La rue Dundas Ouest est une rue est-ouest avec deux voies de circulation dans chaque direction et les voies du centre sont partagées avec des tramways. Il y a de larges trottoirs et de l’éclairage des deux côtés de la rue.

Il y avait une voiture de patrouille identifiée sur les lieux, une Crown Victoria 2011. Elle était stationnée dans la voie ouest à côté du trottoir et directement devant Timothy’s World Coffee (TWC). Elle comportait une trace de balle sur le panneau arrière droit, où une balle avait pénétré dans le puits de roue et une plus petite trace de balle sur le côté droit du pare-chocs arrière. Il y avait une troisième trace de balle sur une porte d’acier au côté nord de la rue, juste à l’ouest de TWC. Il y avait de nombreux éléments de preuve sur le sol à l’arrière du véhicule, sous la voiture et le long du côté droit de la voiture. Les éléments de preuve incluaient des vêtements tachés de sang qui étaient ceux du plaignant et qu’on avait apparemment retirés de ce dernier en les coupant, ainsi que des fragments de balles, des douilles et une mare de sang. Sur le trottoir entre la voiture et le café, il y avait quatre boîtes à fleurs surélevées. On a trouvé des douilles dans ces boîtes.

Au moment de la préservation des éléments de preuve, on a trouvé un autre projectile dans le paquet de vêtements coupés et retirés du corps du plaignant.

Schéma des lieux

Schéma des lieux.

Éléments de preuve matériels

On a fouillé les lieux et on y a trouvé les objets suivants :

  • Six douilles de calibre 40 de Smith & Wesson Winchester
  • Fragments de projectiles
  • Lame de couteau à éplucher bleu brisée au manche (lame de 95 mm, manche de 107 mm)
  • Articles vestimentaires coupés et tachés, comprenant une veste grise, une chemise bleue et une cravate bleu et blanc; et
  • Des chaussures Skechers, des chaussettes, des clés, une ceinture, un téléphone cellulaire BlackBerry et un portefeuille contenant de nombreuses pièces d’identité

Voici une photo du couteau saisi :

Photo du couteau saisi.

Preuves médico-légales

Plusieurs douilles, des fragments de balles (y compris les fragments retirés du corps du plaignant pendant la chirurgie), une arme à feu Glock 22 de l’AI, une lame de couteau et un manche de couteau ont été envoyés au CSJ pour analyse.

Le CSJ, dans son rapport sur l’arme à feu, a conclu que, dans les limites de la certitude raisonnable, quatre des douilles trouvées sur les lieux provenaient de cette arme à feu. Il n’était pas possible de déterminer de manière concluante si deux autres fragments de chemise de balles provenaient de la même arme à feu. Les autres fragments de chemise de balle, de noyau de balle et de métal n’avaient aucune utilité particulière pour la détermination de leur provenance.

Un rapport biologique du CSJ a révélé qu’il y avait du sang sur le manche et sur la lame du couteau. Aux deux endroits, le sang était celui de plus d’une personne. Toutefois, aucune autre analyse n’était requise, car des témoins indépendants ont confirmé que le plaignant avait été impliqué dans une attaque au couteau contre une autre personne avant d’être abattu par l’AI.

Le couteau a été soumis à une analyse pour déterminer s’il comportait des empreintes digitales, mais les résultats étaient négatifs.

Preuve vidéo

Des images de télévision en circuit fermé (TVCF) ont été recueillies de caméras aux endroits suivants :

  • Centre commercial The Atrium sur la rue Yonge au nord de la rue Dundas et sur la rue Dundas entre la rue Yonge et la rue Bay du côté nord de la rue; et
  • Centre Eaton

TVCF du centre commercial The Atrium :

5 h 20
Début de la vidéo
5 h 21 m 45 s
Un homme d’âge avancé marche sur le trottoir. Un homme [maintenant connu comme le plaignant] marche derrière lui. Le plaignant glisse la main droite dans la poche intérieure gauche de son veston et puis en levant les deux mains au-dessus de la tête frappe l’homme d’âge avancé par derrière [on sait maintenant qu’il a poignardé sa victime]. Puis, le plaignant assène un coup à l’homme d’âge avancé avec son poing gauche et ce dernier s’affaisse sur le trottoir, dans un enfoncement. Le plaignant donne alors des coups de pied et des coups de poing à l’homme d’âge avancé
5 h 23 m 18 s
le plaignant tient un objet inconnu dans la main gauche; et
5 h 23 m 25 s
Le plaignant s’approche de l’homme d’âge avancé qui gît sur le trottoir pour ensuite poursuivre son chemin. Un homme portant un sac à dos noir [aujourd’hui connu comme étant le TC no 3] se trouve près de l’homme d’âge avancé au sol. Le plaignant quitte les lieux en se dirigeant vers le sud sur la rue Yonge et puis vers l’ouest sur la rue Dundas
5 h 26 m 9 s
Le plaignant marche sur le trottoir
5 h 37 m 51 s
Le TC no 3 marche vers le plaignant du côté nord de la rue Dundas à l’ouest de Spring Rolls. Le TC no 3 s’arrête et semble échanger des mots avec le plaignant avant de s’éloigner
5 h 56 m 45 s
Le TC no 3 se trouve sur trottoir et observe le plaignait d’une certaine distance. Le TC no 3 dépose son sac à dos sur le trottoir et continue de surveiller le plaignant
5 h 59 m 40 s
Un gardien de sécurité vêtu d’une chemise blanche se trouve sur le trottoir près du TC no 3 et tous deux regardent le plaignant d’une certaine distance
6 h 01 m 47 s
Une voiture de patrouille se déplace dans la voie ouest de la rue Dundas et le TC no 3 la hèle pour qu’elle s’arrête au bord du trottoir
6 h 01 m 55 s
Une fois que la voiture de patrouille est arrêtée au bord du trottoir, un agent de police du côté passager [maintenant connu comme étant l’AI] sort du véhicule et dit quelque chose au plaignant. L’AI a son arme à feu à la main quand il sort de la voiture de patrouille. Le conducteur [maintenant connu comme étant l’AT no 1] de la voiture de patrouille sort du véhicule, son arme à feu dégainée. L’AI se trouve entre la voiture et la porte ouverte du côté passager. Le plaignant se trouve au milieu du trottoir
6 h 01 m 59 s
Le plaignant lève la main gauche vers la poitrine, puis courre vers l’AI du côté passager de la voiture de patrouille. L’AI recule et s’éloigne de la porte du côté passager vers le coin arrière de la voiture de patrouille. L’arme de l’AI émet un éclair, pendant que l’agent s’éloigne du plaignant en reculant. Le plaignant tombe vers la voiture de patrouille. Alors que l’AI recule, son arme à feu émet un autre éclair
Il y a plusieurs personnes, y compris des agents de sécurité, qui observent les agents.
Le plaignant roule par terre proche du coin arrière du côté passager de la voiture de patrouille
6 h 04 m 47 s
Une voiture de patrouille se déplaçant dans le sens opposé apparaît sur la chaussée et est suivie d’autres voitures de patrouille. L’AI continue de surveiller le plaignant; et
6 h 12 m 8 s
Une ambulance arrive sur les lieux

Images de TVCF du Centre Eaton :

Les séquences de la télévision en circuit fermé du Centre Eaton corroborent les enregistrements numériques obtenus du centre commercial The Atrium.

Documents obtenus du Service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPT et puis les a examinés :

  • Communications – Résumé des conversations
  • Rapport général d’incident
  • Répartition assistée par ordinateur Intergraph (ICAD)
  • ICAD – Rapport détaillé des événements
  • ICAD – Rapport des messages courants
  • Registres des terminaux de données mobiles (TDM) - messages courants
  • Registres TDM – Activité d’interrogation
  • Quatre rapports de fiche de service du 8 août 2016
  • Notes des AT nos 1, 2, 3, 4 et 5
  • Procédure de recours à la force et d’utilisation du matériel du SPT, y compris l’annexe A – Modèle de recours à la force de l’Ontario
  • Processus de fouille de personnes, y compris l’annexe B – Évaluation des risques – degré de fouille

Description de l’incident

Vers 5 h 20, le 8 août 2016, un homme d’âge avancé marchait sur le trottoir devant le centre commercial The Atrium, sur la rue Yonge au nord de la rue Dundas, à Toronto.

Des caméras de télévision en circuit fermé (TVCF) ont filmé – et des témoins ont vu – le plaignant s’approcher de l’homme d’âge avancé, lever les mains au-dessus de la tête et poignarder l’homme d’âge avancé dans le dos avant de lui assener un coup de poing. Une fois que la victime se trouvait au sol, le plaignant lui a donné des coups de poing et des coups de pied.

Quelqu’un a appelé le numéro 9-1-1. Juste avant 6 h, l’AI et l’AT no 1 ont répondu à un appel radiophonique concernant une attaque à l’arme blanche dans le secteur de la rue Dundas et de la rue Yonge. Quelques minutes plus tard, le TC no 3 a pris pied sur la chaussée dans la rue Dundas et a hélé une voiture de patrouille pour qu’elle s’arrête et a attiré l’attention de l’AI et de l’AT no 1 sur le plaignant.

La voiture de patrouille s’est arrêté au bord du trottoir à hauteur du plaignant, et l’AI est sorti de la voiture par la porte du côté passager, tout en dégainant son arme à feu. Il a ordonné au plaignant de laisser tomber son couteau. Le plaignant a refusé.

Avec son bras étendu et en tenant un objet à la main, le plaignant a bondi vers l’AI. Le plaignant s’est rapproché d’environ un à quatre mètres de l’AI, qui à ce moment-là a déchargé son arme à feu, et le plaignant a été touché par plusieurs balles, à l’épaule et au torse. Le plaignant est tombé au sol. Il tenait un couteau à la main.

Le plaignant a été transporté d’urgence à l’hôpital, où il a subi une intervention pour de multiples blessures par balles.

Lois pertinentes

Article 34, Code criminel – Défense — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

a)croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;

b)commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;

c)agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

a)la nature de la force ou de la menace;

b)la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;

c)le rôle joué par la personne lors de l’incident;

d)la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;

e)la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;

f)la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

g)la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;

h)la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

Analyse et décision du directeur

Le 8 août 2016, l’AI et l’AT no 1 ont répondu à un message radiophonique qui les informait d’une attaque à l’arme blanche dans le secteur de la rue Dundas et de la rue Yonge à Toronto. En sillonnant le secteur plus étendu pour trouver la personne armée d’un couteau, un témoin les a hélés dans le secteur de la rue Dundas, entre la rue Bay et la rue Yonge, et quelques moments plus tard, les agents ont eu une interaction avec le plaignant. Au cours de cette interaction, l’AI a tiré sur le plaignant avec son arme à feu.

Plus tôt ce matin-là, à partir d’environ 5 h 21, dans une vidéo enregistrée par une télévision en circuit fermé (TVCF), on voit le plaignant s’approcher d’un homme d’âge avancé sur le trottoir devant le centre commercial The Atrium, sur la rue Yonge, au nord de la rue Dundas, à Toronto. Le plaignant, qui par la suite a été identifié avec certitude, porte un costume et une cravate de couleur grise. Dans la vidéo, on voit qu’il s’approche de l’homme âgé, retire un objet de la poche intérieure de son veston et en levant les deux mains au-dessus la tête et en adoptant une posture qui ne peut être décrite que comme une position d’attaque, frappe l’homme d’âge avancé par derrière avec l’objet qu’il tient dans les mains, pour ensuite lui assener un coup avec le poing gauche, ce qui cause la chute de la victime; puis, le plaignant donne plusieurs coups de poing et de pied à la victime gisante au sol.

Cet incident a été observé par le TC no 3, qui a fourni une déclaration aux enquêteurs de l’UES. Son interaction avec le plaignant est enregistrée sur la TVCF de plusieurs établissements commerciaux situés le long de la rue Dundas, entre la rue Yonge et la rue Bay.

La vidéo de la TVCF révèle qu’à 6 h 01 m 47 s, une voiture de police se dirigeait vers l’ouest sur la rue Dundas lorsque le TC no 3 s’est rendu sur la chaussée pour informer les agents où se trouvait le plaignant et pour les diriger vers lui.

La vidéo montre aussi qu’à 6 h 01 m 55 s, la voiture de patrouille, conduite par l’AT no 1, et dans laquelle se trouvait l’AI dans le siège du côté passager avant, s’est arrêtée au bord du trottoir, à l’endroit où se trouvait le plaignant. On voit l’AI sortir de la voiture de patrouille par la porte du côté passager avant, brandissant son arme à feu. L’AT sort la porte du conducteur, ce qui le place au milieu de la rue Dundas, et la voiture de patrouille le sépare du plaignant et de l’AI. L’AT no 1 a la main sur son arme à feu, mais ne la dégaine pas tout de suite.

À ce moment-là, plusieurs témoins civils observaient l’interaction entre la police et le plaignant. À l’arrivée de la voiture de patrouille, six témoins civils, en plus de l’AT no 3, se trouvaient dans le secteur et regardaient le déroulement des événements. De plus, nous avons la chance d’avoir les images enregistrées à différents points d’observation par de nombreuses caméras de TVCF situées à l’extérieur de divers établissements commerciaux, du début de l’incident jusqu’à sa conclusion.

Bien que les enregistrements vidéo ne comportent pas de son, si l’on se fonde sur les points de vue indépendants et variés des sept témoins civils et les images des TVCF, la preuve quant au déroulement des événements est extrêmement claire. Six des témoins civils ont déclaré aux enquêteurs que la police a crié contre le plaignant de laisser tomber le couteau ou de laisser tomber ce qu’il tenait à la main. Tous les témoins, dont les affirmations sont clairement corroborées par les images des TVCF, ont déclaré que le plaignant a alors levé la main gauche et a couru vers l’AI, qui se tenait toujours debout du côté passager de son véhicule. L’AI a reculé pour s’éloigner du plaignant. Le plaignant a poursuivi son élan vers l’agent avec le bras levé et l’agent a fait feu sur le plaignant et l’a touché.

Les enregistrements des TVCF révèlent qu’à 6 h 01 m 59 s, le plaignant a porté la main gauche à la poitrine pour ensuite courir vers l’AI, qui se tenait debout du côté passager de son véhicule. On voit l’AI reculer de la porte du côté passager vers l’arrière de la voiture de patrouille. Le plaignant courre vers l’AI. On voit un éclair à la bouche de l’arme de l’AI. L’agent continue de reculer pour s’éloigner du plaignant. Alors que l’AI continue de reculer, il y a un deuxième éclair causé par la décharge de son arme à feu et le plaignant tombe au sol près de la roue arrière du véhicule.

Il ne fait aucun doute que l’AI a agi dans les limites de son devoir lorsqu’il s’est rendu sur les lieux et a commencé à intervenir en réponse à l’allégation faite par le TC no 3 selon laquelle le plaignant avait agressé et poignardé un homme âgé plus tôt ce matin-là. La seule question que je dois trancher est donc de savoir si le fait d’abattre le plaignant était justifié. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que c’était le cas. La disposition applicable du Code criminel est le paragraphe 34(1), qui fournit la justification juridique du recours à la force pour se défendre et défendre autrui.

N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances, en tenant compte des différents facteurs énoncés au par. 34(2), y compris la nature de la menace, si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme, l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel et la proportionnalité de la réaction.

Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, il est clair que le plaignant avait déjà poignardé une personne ce matin-là et que la police en était au courant. Les agents ont crié plusieurs fois au plaignant de laisser tomber son arme. Lorsque le plaignant s’est lancé vers l’AI, celui-ci a reculé de manière défensive. L’AI a seulement déchargé son arme à feu quand le plaignant s’est mis à courir vers lui en adoptant ce qui a été décrit comme un mode d’attaque et que l’AI lui a ordonné à plusieurs reprises de laisser tomber le couteau, sans qu’il obtempère. Une fois que le plaignant était sur le sol, l’AI n’a pas continué de faire feu.

Bien qu’il n’ait pas parlé à l’UES, on peut raisonnablement déduire de l’ensemble de la preuve que l’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignait userait ou pourrait user de force contre lui ou son partenaire, qu’il a déchargé son arme à feu afin de se défendre ou de se protéger et de défendre ou de protéger son partenaire contre cette menace de blessures corporelles graves ou de décès; et que ses actions étaient raisonnables dans les circonstances.

À la suite de l’examen de la législation pertinente et de l’ensemble de la preuve, je conclus que l’AI a agi de façon raisonnable dans toutes les circonstances, à la lumière de tous les renseignements dont il disposait et qu’il n’a pas utilisé plus de force que nécessaire. Suite à l’examen de la vidéo, il est incontestable que l’attaque du plaignant contre l’agent était soudaine et sans provocation. De plus, il ressort clairement de la réaction de l’AI no 1, comme le montrent les images fournies par les TVCF où on le voit faire un saut en arrière et dégainer presque instinctivement son arme à feu en réponse au mouvement soudain et violent du plaignant, qu’il craignait aussi que la vie de son partenaire fût menacée. Bien que l’AT no 1 n’ait pas déchargé son arme à feu, il avait l’avantage d’être de l’autre côté de la voiture de patrouille et d’être éloigné ainsi du plaignant; un avantage que l’AI n’avait pas.

L’ensemble de la preuve satisfait aux trois exigences de l’article 34 du Code criminel. Je conclus donc qu’en déchargeant son arme à feu, l’AI a agi pour se protéger et protéger d’autres personnes du plaignant et n’a pas utilisé plus de force que ce qui était raisonnable dans les circonstances. Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actes posés par l’agent étaient justifiés et tombaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations au criminel dans le cas examiné ici.

Date : le 3 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.