Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-266

Attention :

Cette page affiche un contenu graphique pouvant choquer, offenser et déranger.

Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 27 ans lors de son arrestation le 23 octobre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le dimanche 23 octobre 2016, à 14 h 47, le Service de police régional de Halton (SPRH) a informé l’UES que le plaignant avait subi une blessure lors de sa mise sous garde.

Selon le SPRH, vers 1 h 38, des agents du SPRH ont répondu à une plainte concernant une femme inconnue [désignée par la suite comme le témoin civil (TC) no 2] qui hurlait et criait et tentait d’entrer de force dans une résidence à Oakville.

Les agents du SPRH sont arrivés sur les lieux et ont arrêté le TC no 2. Un homme [désigné plus tard comme le plaignant] qui vivait à proximité a commencé à crier contre les policiers pour avoir appréhendé le TC no 2. Alors que le TC no 2 était escorté et placé dans un véhicule de police, le plaignant a saisi l’un des policiers et a tenté de l’écarter du TC no 2.

Par conséquent, les agents du SPRH ont arrêté le plaignant et l’ont transporté au poste de police. Vers 8 h 15, le plaignant s’est réveillé et se plaignait d’un mal de tête et d’une douleur au visage. On l’a ensuite transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic posé, il avait une fracture orbitaire.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les preuves. Ils ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 27 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est déroulée dans une entrée entre deux résidences à Oakville. Le plaignant et le TC no 2 habitent dans une des résidences. Le TC no 2 se trouvait dans la cour arrière de la résidence voisine.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Enregistrements des communications

Enregistrements des communications audio et Rapport sur la chronologie des événements

Les enquêteurs de l’UES ont obtenu et examiné les enregistrements des communications audio et le rapport sur la chronologie des événements du SPRH, qui ont révélé ce qui suit :

  • À 1 h 25, le SPRH a reçu un appel au numéro 9-1-1 d’un homme [désigné par la suite comme le TC no3], qui a demandé que des agents de police se rendent à sa résidence. On entend une femme [désignée par la suite comme le TC no 2] hurler et crier en arrière-plan
  • À 1 h 27, l’AT no2 a été envoyé à la résidence du TC no 3 à Oakville
  • À 1 h 35, l’AT no2 est arrivé à la résidence; et
  • À 1 h 41, l’AT no2 a déclaré qu’il avait une personne sous garde [désignée par la suite comme le TC no 2]

Le rapport sur la chronologie des événements obtenu du SPRH concordait avec les enregistrements des communications audio.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPRH et les a examinés :

  • rapport d’arrestation et de mise en détention – le plaignant
  • consultation du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) – le plaignant
  • chronologie des événements
  • détails de l’incident
  • vidéo enregistrée dans la cellule
  • notes des AT nos 1, 2, 3 et 4
  • notes d’un employé de police non désigné
  • résumé de l’incident
  • dossier de garde du détenu – le plaignant; et
  • déclaration de témoin – TC no

Description de l’incident

Aux premières heures du matin du 23 octobre 2016, le plaignant et le TC no 2 étaient très ivres. Le TC no 2 a tenté d’entrer dans la résidence de son voisin, et le TC no 3 a appelé le numéro 9-1-1.

L’AT no 2 est arrivé à la résidence en premier, et a procédé à l’arrestation du TC no 2 dans la cour arrière de son voisin. L’ AI est arrivé alors que le TC no 2 était en train d’être arrêté. Le plaignant s’est opposé à l’arrestation du TC no 2 et a saisi l’AT no 2 à l’épaule alors que ce dernier amenait le TC no 2 à sa voiture de patrouille. L’AI a repoussé le plaignant et lui a dit qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait contre un agent. Le plaignant est devenu agressif et l’AI l’a mis au sol. Le visage du plaignant s’est congé contre le sol. Une fois qu’il était menotté et avait été placé dans le véhicule de patrouille, le plaignant a commencé à se frapper la tête contre la cage métallique à l’intérieur.

Plus tard ce matin-là, le plaignant s’est plaint d’un mal de tête et de douleur au visage. Il a été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture orbitaire.

Lois pertinentes

Paragraphe 270(1), Code criminel - Voies de fait contre un agent de la paix

270(1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Section 25(1), Criminal Code - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 octobre 2016, peu avant 1 h 30, on a demandé à des agents de police de se rendre à une maison à Oakville. Le TC no 2 cognait à la porte d’une maison et criait que les occupants devaient la quitter puisqu’il s’agissait de sa maison. Elle était très ivre, et sa maison était en fait la maison voisine. L’AT no 2 est intervenu et a procédé à l’arrestation du TC no 2 dans la cour arrière du voisin de la femme. L’AI a également répondu à l’appel, arrivant après l’AT no 2. À l’arrivée de l’AI, l’époux du TC no 2, le plaignant, l’a affronté. Le plaignant était lui aussi très intoxiqué, et il s’est opposé à l’arrestation du TC no 2 (même s’il niait la connaître – vraisemblablement à cause de sa grande ivresse). Comme l’AT no 2 escortait le TC no 2 à la voiture de patrouille, le plaignant a saisi l’AT no 2 à l’épaule. L’AI a repoussé le plaignant et lui a dit qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait contre un policier. Le plaignant est devenu agressif et l’AI l’a mis sur le sol. Le visage du plaignant a heurté le sol. Plus tard ce matin-là, le plaignant s’est réveillé au poste de police et s’est plaint d’un mal de tête et d’une douleur au visage. Il a été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture orbitaire.

Étant donné leur forte intoxication, ni le TC no 2 ni le plaignant avaient des souvenirs fiables de leurs interactions avec la police ce matin-là. Il n’y avait pas non plus d’enregistrement audio ou vidéo provenant d’une caméra dans le véhicule ou d’un autre dispositif de l’interaction du plaignant avec la police ce soir-là. Par conséquent, mon examen se limite aux éléments de preuve fournis par les TC nos 1 et 3 et les agents qui ont répondu à l’appel. Malheureusement, le TC no 3 n’a pas été témoin de l’arrestation ou du placement au sol du plaignant. Le TC no 1 a vu encore moins. Parmi les agents qui sont intervenus suite à l’appel, seuls l’AI et l’AT no 2 ont participé à l’arrestation du plaignant et en étaient témoins. Les deux agents ont constaté que le plaignant était très intoxiqué et agressif et qu’il refusait de coopérer.

L’AI a déclaré que lorsqu’il a poussé le plaignant pour l’éloigner du TC no 2, le plaignant est devenu agité et a immédiatement levé les bras et avaient les poings serrés. L’AI et l’AT no 2 se sont approchés du plaignant et l’ont poussé vers le véhicule stationné dans l’entrée de la résidence du plaignant. L’AI voulait menotter le plaignant, mais le plaignant s’est retourné et a tenté de lui décocher des coups de poing. L’AI a saisi le bras gauche du plaignant avec son bras gauche et a placé son bras droit autour de l’épaule droite du plaignant et a tiré le plaignant vers le sol. À ce moment-là, le visage du plaignant a heurté le sol.

Le témoignage de l’AT no 2 corrobore en grande partie celui de l’AI. L’AT no 2 a déclaré que pendant qu’il amenait le TC no 2 à la voiture de patrouille, le plaignant s’est approché de lui, a saisi son épaule droite, l’a tiré en arrière et lui a dit de relâcher le TC no 2. L’AI est arrivé et a éloigné le plaignant du TC no 2 et a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait contre un agent. Le plaignant a reçu l’ordre de placer ses mains derrière son dos. Le plaignant s’est retourné vers l’AI de façon agressive. L’AI a saisi le bras gauche du plaignant et a tiré le plaignant vers le sol. Le plaignant est tombé en heurtant son visage au sol, et l’AI était par-dessus lui. Le plaignant a commencé à résister. L’AT no 2 a prêté main-forte à son collègue en retirant les bras du plaignant, qui étaient sous son corps. Une fois menotté, le plaignant s’est cogné la tête contre la cage.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Lorsque le plaignant l’a saisi, l’AT no 2 escortait le TC no 2 à la voiture de patrouille. L’AI avait des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait agressé un agent de la paix, de sorte qu’il pouvait être placé en état d’arrestation. Le plaignant a continué de faire preuve d’agressivité, de rechercher la confrontation et de refuser de coopérer avec l’AI à ce moment-là, et l’AI l’a donc mis au sol afin de pouvoir le menotter. Au cours de son placement au sol, le plaignant s’est cogné la tête. Étant donné qu’on a observé le plaignant après l’arrestation se cogner la tête contre la cage à l’intérieur du véhicule, je ne peux affirmer avec certitude que la fracture orbitaire du plaignant s’est produite au moment de son placement au sol ou qu’il se l’est infligé durant son comportement à l’intérieur de la voiture de patrouille.

Néanmoins, même en supposant que la fracture s’est produite au moment où l’AI forçait le plaignant à se mettre sur le sol, étant donné le degré d’intoxication et d’agressivité que manifestait le plaignant et son refus de coopérer, je conclus que la conduite de l’AI était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire pour assurer la mise sous garde du plaignant. La jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 RCS 206).

Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions de l’AI étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif de croire qu’il a commis une infraction criminelle. Aucune accusation ne sera portée.

Date : 3 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.