Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-288

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par une femme de 72 ans qui été découverte après l’arrestation de celle-ci le 12 novembre 2016 pour ivresse dans un lieu public.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 16 novembre 2016, à 11 h 55, le Service de police régional de Peel a avisé l’UES et lui a fourni les renseignements ci-dessous.

Le samedi 12 novembre 2016, à 23 h 56, le Service de police régional de Peel a répondu à un appel à un logement en copropriété de Mississauga concernant une femme [la plaignante] qui agissait de façon désordonnée. Les agents ont trouvé la plaignante en état d’ébriété dans une zone à usage commun de l’immeuble en copropriété. Ils l’ont arrêtée pour ivresse dans un lieu public et ils l’ont gardée pour la nuit dans une cellule. Elle a été libérée le lendemain matin.

Le mercredi 16 novembre 2016, la plaignante a de nouveau été arrêtée pour un motif tout à fait différent. Au moment de l’arrestation, la plaignante avait le bras gauche dans une écharpe. Quand on lui a demandé ce qu’elle avait au bras gauche, la plaignante a répondu que son épaule gauche avait été fracturée par la police durant son arrestation du 12 novembre 2016. Il a par la suite été établi, d’après le dossier médical de la plaignante à l’hôpital, qu’elle avait subi une fracture sans déplacement de l’humérus proximal.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Plaignante

Femme de 72 ans, qui a participé à une entrevue et dont le dossier médical a été obtenu et examiné

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1  A refusé de se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué, mais ses notes ont été obtenues et examinées

AI no 2  A refusé de se soumettre à une entrevue et de remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Éléments de preuve matériels

Le TC no 1 a remis à l’UES des photos des blessures de la plaignante prises le 13 novembre 2016.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Enregistrements des caméras de surveillance du Service de police régional de Peel

12 h 44 min 26 s : La voiture de police où se trouve la plaignante entre dans l’aire de transfert.

12 h 56 min 27 s : La plaignante se fait sortir de la voiture. Elle était étendue sur la banquette arrière et l’AI no 1 l’aide à se rasseoir. Elle a besoin d’assistance pour se mettre debout. Elle est ensuite amenée dans le hall d’admission. Elle ne présente aucun signe de blessure au bras gauche.

1 h 0 min 8 s : La plaignante est installée sur un banc. Elle ne présente toujours aucun signe de blessure au bras.

1 h 2 min 45 s : Les bagues, le bracelet et le collier de la plaignante sont retirés. Toujours aucun signe de blessure.

1 h 6 min 23 s : On fait sortir la plaignante du hall d’admission. Aucun signe de blessure.

1 h 8 min 46 s : La plaignante est placée dans la cellule F5. Elle s’assoit sur le banc.

1 h 9 min 55 s : La plaignante se frotte continuellement l’épaule gauche. Elle cogne sur les barreaux de la cellule avec sa main droite. L’AT no 2 parle avec la plaignante un court instant et repart. La plaignante a l’air de ménager son bras gauche.

9 h 36 min 37 s : On fait sortir la plaignante de la cellule pour la relâcher. Tandis qu’elle est dirigée dans le couloir, elle ménage son bras gauche.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au Service de police régional de Peel les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • le registre des activités de la plaignante
  • la chronologie des événements
  • les enregistrements des communications
  • l’enregistrement vidéo de la période d’emprisonnement (2 parties)
  • les notes des AT nos 3 et 4
  • le rapport des détails de l’incident
  • le rapport sur les renseignements relatifs à la prisonnière
  • le rapport sur la gestion de la prisonnière
  • le rapport sur les enregistrements audio du Service de police (téléphone)
  • le rapport sur les enregistrements audio du Service de police (radio)
  • le registre de divulgation du Service de police

Description de l’incident

Dans la soirée du 12 novembre 2016, la plaignante était dans son logement de Mississauga, où elle avait consommé une grande quantité d’alcool. Elle était en état d’ébriété avancé et elle a appelé le 911 à trois reprises, en commençant par un appel où elle ne disait pas un seul mot et en terminant par un appel où elle menaçait de tuer des policiers.

Trois agents du Service de police régional de Peel ont répondu à chaque appel de la plaignante : la première fois, c’était l’AT no 4, l’AI no 1 et un agent non désigné du Service de police régional, la deuxième fois, l’AT no 4, l’AI no 1 et l’AT no 2. Les deux premières fois, la plaignante a reçu un avertissement pour son comportement et on lui a conseillé d’aller dormir. La troisième fois, par contre, lorsque la plaignante s’est mise à tempêter dans le couloir à usage commun de son immeuble et qu’elle est tombée par terre, elle a été arrêtée pour ivresse dans un lieu public et elle a été conduite au poste de police. Une fois au poste, la plaignante a été admise et gardée en cellule pour la nuit. Même si, à partir d’un moment donné durant la nuit, la plaignante a commencé à ménager son bras gauche, elle n’a nullement mentionné aux agents qu’elle était blessée.

Le lendemain matin, la plaignante a signalé aux TC nos 1 et 3 qu’elle souffrait. Elle avait aussi plusieurs ecchymoses aux deux bras. Le 15 novembre, la plaignante s’est rendue à l’hôpital, et des radiographies ont révélé une fracture sans déplacement de l’humérus proximal gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Les paragraphes 31 (4) et 31 (5), Loi sur les permis d’alcool : Possession ou consommation illégales

31 (4) Nul ne doit être en état d’ivresse :

  1. dans un lieu où le public accède sur invitation ou permission
  2. dans la partie d’une habitation à plusieurs logements qui sert à l’usage commun.

(5) Un agent de police peut, sans mandat, procéder à l’arrestation de la personne qu’il trouve en contravention au paragraphe (4) si, à son avis, la protection de quiconque exige cette mesure.

Analyse et écision du directeur

Le 12 novembre 2016, la plaignante était chez elle dans la ville de Mississauga. Durant la soirée, le Service de police régional de Peel a reçu trois appels au 911 provenant de chez elle et, à chaque occasion, trois agents, soit l’AT no 4 et deux autres agents, soit l’AI no 1 et un agent non désigné du Service de police régional de Peel la première fois et l’AI no 1 et l’AI no 2 la deuxième fois, se sont rendus à la résidence. Après le troisième appel, la plaignante a été mise en état d’arrestation pour ivresse dans un lieu à usage commun, conformément à l’alinéa 31 (4) b) de la Loi sur les permis d’alcool, et conduite au poste de police où elle a été placée dans une cellule pour la nuit et relâchée le lendemain matin. La plaignante prétend que, pendant qu’elle était sous la garde de la police, elle a subi une fracture sans déplacement de l’humérus proximal gauche.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, la plaignante était incapable de préciser si les agents qui se sont rendus à son logement étaient des hommes ou des femmes et pourquoi et où elle a été amenée par les agents. En fait, la plaignante n’avait aucun souvenir de ce qui s’était passé entre le moment où elle était partie avec les agents et son réveil le lendemain matin dans une cellule du poste de police. Elle n’arrivait pas à se souvenir comment sa blessure à l’épaule s’était produite.

Pendant l’enquête, les TC nos 1 et 3 ont été interrogés en plus de la plaignante, mais aucun des deux n’était présent durant l’interaction avec la police. Les AI nos 1 et 2 ont tous les deux refusé d’être interrogés, comme la loi les y autorise. L’AT no 1 a cependant remis aux enquêteurs pour qu’ils en prennent connaissance ses notes sur les communications avec la plaignante le 12 novembre 2016. Le troisième agent, l’AT no 4, de même que trois autres agents témoins et le TC no 2, ont tous participé à une entrevue et tous les agents témoins ont soumis leurs notes à un examen. De plus, les enquêteurs ont eu accès aux enregistrements et au registre des communications, au dossier médical de la plaignante relatif à l’incident, aux vidéos de l’aire de transfert, du hall d’admission et de la cellule au poste de police où la plaignante a été gardée pour la nuit et à des photographies des blessures de la plaignante prises par le TC no 1.

J’ai indiqué plus haut que la plaignante prétendait avoir subi sa blessure à l’épaule pendant qu’elle était sous la garde de la police. Pour partir d’une simple allégation et avoir des motifs raisonnables de croire qu’un crime a été commis, il faut avoir des éléments de preuve. Il ne fait aucun doute que la plaignante a eu une esquille osseuse et une petite fracture de l’épaule gauche. Pourtant, il n’existe absolument aucun élément de preuve pouvant expliquer comment la blessure s’est produite, à quel moment, de quelle façon et qui lui a infligé, si une personne extérieure est responsable. Dans une affaire comme celle-ci, où il n’y a pas de témoin indépendant de l’interaction avec la police et où la plaignante n’a aucun souvenir de l’incident, il est pratiquement impossible de partir de simples spéculations pour réunir des éléments de preuve représentant des motifs suffisants pour porter des accusations au criminel.

Les éléments de preuve dont on dispose ici sont les enregistrements et le registre des communications et ils révèlent qu’un appel du 911 à partir du logement de la plaignante dans la ville de Mississauga a été reçu à 21 h 44 min 1 s. Rien n’a été dit durant le premier appel, sauf que la ligne est restée ouverte et on a fini par entendre une voix de femme disant « Go to Hell! » [Allez au diable!] La voix a ensuite tempêté contre la téléphoniste du 911.

D’après les notes de l’AI no 1 et la déclaration de l’AT no 4, l’AI et un agent non désigné du Service de police régional de Peel ont été envoyés sur les lieux et, puisque le fait que la femme ayant appelé semblait incohérente et qu’on soupçonnait un problème de santé mentale soulevait certaines inquiétudes, l’AT no 4 a décidé de les rejoindre, car il avait une arme à impulsions. À l’arrivée de l’AT no 4, les trois agents ont pénétré dans l’immeuble, ont frappé à la porte de la plaignante et sont entrés. L’AT no 4 a indiqué que la plaignante était ivre et devait s’appuyer sur un comptoir pour rester debout. Dans ses notes, l’AI no 1 a indiqué que la plaignante était tombée sur le derrière mais que, tout compte fait, elle semblait « coherent, happy and able to take care of herself » [cohérente, joyeuse et capable de prendre soin d’elle]. C’est pourquoi les agents ont choisi de ne pas porter d’accusations. Ils ont donc simplement donné un avertissement à la plaignante et ils sont partis.[1]

À 22 h 33 min 19 s, un deuxième appel du même numéro a été reçu. Cette fois, la plaignante disait que la police était stupide et devait réparer son gâchis. L’AT no 4 ainsi que les AI nos 1 et 2 se sont alors rendus à sa résidence. La plaignante était alors moins cordiale et l’AT no 4 a signalé qu’elle devait se tenir à la porte pour rester debout, mais qu’elle avait lâché prise et était tombée à la renverse sur le dos et que l’AI no 1 ou l’AI no 2 l’avait aidée à se remettre debout, après quoi elle était allée s’appuyer sur le comptoir. L’AI no 1 a dit que la plaignante était en colère et agressive et qu’elle ne tenait pas bien sur ses jambes et qu’elle criait parce qu’elle en voulait à la police d’être venue et niait que c’est elle qui l’avait appelée. Encore une fois, la police s’est contentée de conseiller à la plaignante d’aller au lit.

À 23 h 23 min 4 s, un autre appel est parvenu du même numéro. Cette fois, la plaignante a dit que si les mêmes agents se présentaient chez elle encore une fois, elle les tuerait. Elle a aussi déclaré que « they » [ils] avaient de la chance qu’elle n’ait pas d’arme à feu, puis elle a ajouté qu’elle en avait peut‐être une. Après ce troisième appel, l’AT no 4 et les AI nos 1 et 2 sont retournés à la résidence de la plaignante et l’AT no 4 a précisé qu’à leur arrivée, elle leur criait après en parlant de leur niveau de scolarité et elle a trébuché et est tombée par en avant dans le couloir à usage commun de l’immeuble. L’AT no 4 a signalé que les agents l’avaient encore une fois aidée à se remettre debout et que l’AI no 2 avait ensuite mis la plaignante en état d’arrestation pour ivresse dans une zone à usage commun. Elle a alors été menottée les mains derrière le dos et emmenée au poste de police. Les notes de l’AI no 1 indiquent que la plaignante s’était encore une fois montrée agressive et en colère, puis disent ensuite ceci : « falls into hallway. Female advises she cannot stand on her own. Needs to hold on to something or someone” [tombe dans le couloir. La femme dit être incapable de se tenir debout toute seule. Elle doit se tenir sur quelque chose ou sur quelqu’un.]

Dans la vidéo montrant l’arrivée au poste de police, le 13 novembre au matin à 12 h 56 min 27 s, dans l’aire de transfert, on voit la plaignante étendue dans la voiture de police qui a besoin d’aide pour se mettre debout. Dans la vidéo du hall d’admission, à l’intérieur du poste de police, la plaignante ne donne pas l’impression d’être blessée ni de ménager un bras par rapport à l’autre et elle ne semble pas non plus avoir de douleur. Ce n’est qu’une fois dans la cellule, sur la vidéo de surveillance de la cellule, qu’on peut voir pour la première fois, à 1 h 9 min 55 s, la plaignante qui se frotte continuellement l’épaule gauche et qui ménage son bras gauche. Le matin suivant, lorsqu’on la fait sortir de la cellule pour la libérer, la plaignante semble ménager son bras gauche. Pendant tout le temps que la plaignante a passé au poste de police, elle a été surveillée par caméra et par les agents d’admission et il ne fait aucun doute que, quelle que soit la manière dont la blessure de la plaignante s’est produite, une chose est sûre, c’est que ce n’est pas au poste de police.

Ce qui ressort de l’ensemble des éléments de preuve, c’est que la plaignante elle-même ne sait pas comment sa blessure s’est produite. Elle a simplement supposé que ça devait être arrivé pendant qu’elle était sous la garde de la police, mais il n’y a aucun élément de preuve suffisant pour établir qu’une infraction a été commise. Les seuls témoignages dont on dispose sont les déclarations de l’AT no 4 et les notes de l’AI no 1, qui indiquent clairement qu’ils ont vu la plaignante tomber à deux reprises, uniquement parce qu’elle avait du mal à tenir sur ses jambes et qu’elle était en état d’ébriété avancé. Puisqu’elle est tombée à deux reprises en présence de la police, on peut fort bien supposer qu’elle a fait d’autres chutes quand il n’y avait pas de témoins et que c’est ainsi qu’elle s’est blessée. Les notes de l’AI no 1 disent que la plaignante était incapable de se tenir debout toute seule, et cette affirmation semble confirmée sans l’ombre d’un doute par le fait qu’elle a fait deux chutes, auxquelles des agents ont assisté, et par la vidéo de l’aire de transfert.

Au vu du dossier, il apparaît évident que, dans la soirée du 12 novembre 2016, la plaignante était dans un état d’ébriété extrêmement avancé, à un point tel qu’elle ne se rappelle pas des incidents qui ont mené à son incarcération ni de ce qui a causé sa blessure à l’épaule gauche. Ce qui ressort aussi clairement de l’ensemble des éléments de preuve, c’est que la plaignante ne ressentait aucune douleur, à cause de son état d’ébriété, et qu’elle n’a pas commencé à montrer de signes de blessure avant, semble-t‐il, que se soit écoulé un délai suffisant pour que les effets analgésiques de l’alcool aient commencé à se dissiper. Pour cette raison, il est impossible de déterminer à quel moment exactement la plaignante s’est blessée et si quelqu’un d’autre est responsable ou si la blessure résulte simplement d’une chute. Je n’ai aucun mal à croire, d’après la preuve présentée par le TC no 2, que les ecchymoses aux bras de la plaignante se sont probablement produites lorsque des personnes la soutenaient par les bras, puisqu’elle a été à deux reprises relevée du sol par des agents et qu’elle a ensuite été tenue par les bras à la fois quand elle est sortie de la voiture de police et quand elle a été placée dans la cellule. De toute évidence, les gestes en question ne représentent pas un usage excessif de la force puisqu’il n’a fallu qu’un contact physique minime pour aider la plaignante, qui était dans un état d’ébriété trop avancé pour se tenir toute seule sur ses jambes. Pour ce qui est de la blessure à l’épaule de la plaignante, je conclus qu’il n’y a absolument aucun élément de preuve pouvant étayer, à partir de spéculations, la moindre allégation qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un crime a été commis dans cette affaire. D’après l’ensemble des éléments de preuve, il semble que les agents se soient montrés très patients envers une personne en état d’ébriété très avancé qui les insultait et qu’ils aient eu assez d’indulgence pour lui permettre de rester dormir chez elle jusqu’à la troisième fois où elle a monopolisé de précieuses ressources policières et où elle a été arrêtée pour ivresse dans un lieu public. Le fait qu’elle soit tombée plusieurs fois et qu’elle ait eu du mal à rester debout était amplement suffisant pour laisser croire aux agents que la plaignante représentait un danger pour elle-même.

Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire et qu’il n’existe aucune preuve que la police ait eu des gestes répréhensibles à l’endroit de la plaignante.

Date : 3 octobre 2017

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Les agents ont envisagé de porter une accusation de méfait public, mais je n’ai pas la conviction qu’ils auraient eu les motifs suffisants pour le faire en se basant sur le premier appel au 911. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.