Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-259

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Le présent rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur les blessures subies par un homme de 43 ans lors d’une interaction le 9 octobre 2016 avec trois agents de police du Service régional de police de Waterloo (SPRW) lors d’une fête célébrant Oktoberfest où de l’alcool était servi.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 11 octobre 2016, à 12 h 45, l’homme a communiqué avec l’UES et a déclaré avoir subi une blessure lors de son arrestation par des agents de police du SPRW le 9 octobre 2016, lors d’une fête célébrant Oktoberfest dans l’aréna Queensmount, au 1260, boulevard Queen’s, à Kitchener. Des agents du SPRW se seraient approchés de lui et lui auraient dit qu’ils l’arrêtaient pour ivresse publique. Les agents de police l’ont poussé et l’ont placé sur le sol pour procéder à son arrestation. L’homme a précisé que plusieurs agents lui avaient donné des coups de pied et des coups de poing et l’avaient étranglé pendant qu’ils se trouvaient sur lui. L’un des agents ayant procédé à l’arrestation était l’agent impliqué (AI) no 1 (voir ci-dessous). L’homme a été transporté au poste de police où l’on a procédé aux formalités. Plusieurs heures plus tard, il a été accusé de voies de fait contre un agent de la paix et relâché.

Après sa libération, l’homme s’est rendu à l’hôpital et a été examiné par une infirmière praticienne et s’est plaint qu’il avait le cou endolori, avait de la difficulté à avaler et avait de nombreuses contusions et égratignures. Des radiographies ont été prises, mais n’ont révélé aucune fracture d’os. L’homme a déclaré que, selon le diagnostic posé, il avait des symptômes ressemblant à ceux d’une commotion cérébrale. Il n’a pas été examiné par un médecin à ce moment-là.

Le 12 octobre 2016, l’homme a consulté son médecin de famille, qui a déterminé qu’il avait une commotion cérébrale et une grave entorse au cou

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant

Entretien avec l’homme âgé de 43 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

TC no 10 A participé à une entrevue

TC no 11 A participé à une entrevue

TC no 12 A participé à une entrevue

TC no 13 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 7 A participé à une entrevue

AT no 8 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas participé à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué. Notes obtenues et examinées.

AI no 2 N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 3 N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans un aréna de hockey intérieur (aréna Queensmount au 1260, boulevard Queen’s) à Kitchener lors d’un événement célébrant Oktoberfest. Il y avait de nombreuses chaises et tables sur la patinoire (sans glace) à l’intérieur des panneaux de hockey, ainsi qu’une scène avec deux gros écrans de projection suspendus de part et d’autre. Il y avait des kiosques d’alcool, de souvenirs, de billets et de jeux.

Voici une photo prise par les EJ de l’UES :

L’incident s’est produit dans un aréna de hockey intérieur

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les documents suivants du SPRW et les a examinés :

  • Détails de la répartition assistée par ordinateur (RAO) concernant deux incidents
  • Enregistrements des communications
  • Dossier de détention dans le bloc cellulaire
  • Dossier de détention dans le bloc cellulaire de la Division centrale
  • Résumé du dossier de la Couronne
  • Registre de divulgation
  • Détails de la répartition du système RAO
  • Notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8
  • Deux rapports d’incidents
  • Détails de deux incidents
  • Plan opérationnel de l’unité de police pour l’Oktoberfest – 5 au 16 octobre 2016
  • Feuille de détention du détenu
  • Enregistrement vidéo provenant des cellules centrales
  • Notes originales et carte professionnelle de l’AT no5; et
  • Déclarations des témoins au SPRW – TC nos 2, 4, 5 et 6

Description de l’incident

Au cours de la soirée du 9 octobre 2016, le plaignant, le TC no 7, le TC no 1 et le TC no 12 ont assisté à un événement célébrant Oktoberfest à l’aréna Queensmount de Kitchener. Les quatre avaient consommé de l’alcool avant d’assister à l’événement et ont continué de consommer de l’alcool une fois dans l’aréna. Le plaignant est un homme de taille imposante, mesurant 6 pieds 3 pouces et pesant 270 livres. Le CT no 7 est également décrit comme un homme de grande taille.

Il y avait une trentaine de gardiens de sécurité à l’événement célébrant Oktoberfest, ainsi que plusieurs agents à service rémunéré. À l’intérieur de l’aréna, il y avait une scène devant laquelle se trouvaient des tables pour les clients. Il y avait aussi des écrans de projection de chaque côté de la scène montrant un match de baseball. Aux deux extrémités de l’aréna, il y avait des petites tables à cocktail, mais on ne voyait pas bien les écrans de projection de ces endroits. Sur le périmètre de la patinoire, il y avait divers kiosques d’alcool, de souvenirs, de billets et de jeux. Étant donné qu’il y avait de l’argent dans ces kiosques, qui étaient entièrement ouverts, les clients n’étaient pas autorisés à se tenir dans la zone entre les kiosques, et des gardiens de sécurité étaient affectés à ces endroits pour empêcher que quelqu’un prenne l’argent dans les kiosques.

Après l’arrivée du plaignant et des personnes qui l’accompagnaient, le plaignant et le TC no 7 se sont appuyés contre les panneaux debout sur le sol de l’aréna entre deux kiosques pour regarder le match de baseball sur les écrans de projection. Toutes les places devant les écrans étaient occupées. Une jeune gardienne de sécurité, le TC no 8, était affectée dans la zone à ce moment-là, mais elle ne pouvait se tenir à son poste assigné en raison de l’endroit où se trouvaient le plaignant et le TC no 7. Elle leur a demandé de quitter la zone, ce qu’ils ont fait, mais ils sont revenus par la suite. Le TC no 8 a de nouveau demandé au plaignant et au TC no 7 de quitter le secteur. Ils l’ont fait, mais ils sont revenus une fois de plus. À la lumière de ces interactions, le plaignant savait clairement que l’endroit où il se trouvait en la compagnie du TC no 7 était réservé strictement aux bénévoles et aux gardiens de sécurité, mais il est constamment revenu et y restait quand même, parce qu’il s’agissait d’un excellent endroit d’où regarder le match de baseball. Il n’est pas surprenant que le superviseur de la gardienne de sécurité, le TC no 6, et un autre gardien, le TC no 2, se soient approchés du plaignant et du TC no 7 pour leur demander de quitter le secteur. Le plaignant a refusé.

Le TC no 6 et le TC no 2 ont quitté et ont demandé de l’aide policière. Ils sont retournés plus tard avec deux agents du SPRW, soit l’AI no 1 et l’AI no 3. L’AI no 1 est nettement plus petit que le plaignant et le TC no 7. L’AI no 2 suivait l’AI no 1, et l’AI no 3 est arrivé peu après.

L’AI no 3 a demandé au plaignant et au TC no 7 de quitter le secteur. Le plaignant a refusé en haussant la voix. L’AI no 1 a déterminé que le plaignant allait poser un problème, car il manifestait des signes d’intoxication, y compris des gestes exagérés et un comportement agressif, et consommait activement de l’alcool. Le plaignant s’est fait dire plusieurs fois de quitter les lieux. Il a refusé. Les témoins ont observé que le plaignant a levé le bras vers les agents de police comme s’il s’apprêtait à jeter sa bière sur eux et qu’il a ensuite poussé l’AI no 1 à la poitrine.

Le plaignant a été placé au sol sur l’estomac par l’AI no 3 et l’AI no 1. Il y a eu une échauffourée alors que les agents, auxquels s’étaient joint l’AI no 2, tentaient de passer les menottes au plaignant. Selon la prépondérance de la preuve, y compris les déclarations de témoins civils indépendants, il est évident que le plaignant a activement résisté aux efforts faits par les agents pour le maîtriser et lui passer les menottes et, à un moment donné, a même levé les agents de police du sol. Les agents ont eu recours à la force en réponse à la résistance que leur opposait le plaignant, notamment en lui donnant des coups de genou dans le dos et des coups de poing au dos et à la tête et en lui appliquant ce qui a été décrit par l’AI no 1 comme une « quasi prise d’étranglement ». Le recours à la force a cessé une fois le plaignant menotté. Après qu’on lui avait mis les menottes, le plaignant a continué à résister aux efforts de la police pour le sortir de l’aréna. Tout le monde l’a décrit comme étant bruyant, en colère et extrêmement agité.

Une heure après la libération du plaignant de la station tôt le lendemain matin, il a communiqué avec le SPRW pour se plaindre qu’il avait été agressé par les agents qui l’avaient arrêté. Il a rappelé le SPRW environ une heure après son premier appel, voulant savoir quand les agents de police viendraient chez lui pour prendre connaissance de sa plainte. Lorsque les agents de police se sont présentés à sa résidence pour discuter de sa plainte, le plaignant était toujours dans un état très agité. À ce moment-là, il a toutefois refusé des soins médicaux.

Plus tard ce matin-là, le plaignant s’est rendu au service d’urgence d’un hôpital. Deux jours plus tard, il a été examiné par son médecin de famille. Selon le diagnostic posé, il avait une commotion cérébrale, une entorse dorsale et cervicale, des contusions périorbitales du côté droit, un léger saignement dans l’œil droit et de la douleur à la paroi de la cage thoracique. Toutes les blessures constatées par son médecin de famille correspondaient au genre de blessures qu’auraient causées le placement au sol du plaignant et les coups de genou et coups de poing donnés dans le dos et à la tête alors qu’ils tentaient de le maîtriser et lui avaient finalement passé les menottes.

Lois pertinentes

Paragraphe 270(1), Code criminel - Voies de fait contre un agent de la paix

270(1) Commet une infraction quiconque exerce des voies de fait :

  1. soit contre un fonctionnaire public ou un agent de la paix agissant dans l’exercice de leurs fonctions, ou une personne qui leur prête main-forte
  2. soit contre une personne dans l’intention de résister à une arrestation ou détention légale, la sienne ou celle d’un autre, ou de les empêcher
  3. soit contre une personne, selon le cas :
    1. agissant dans l’exécution légale d’un acte judiciaire contre des terres ou des effets, ou d’une saisie
    2. avec l’intention de reprendre une chose saisie ou prise en vertu d’un acte judiciaire

Paragraphe 25(1), Code criminel - Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Au moment où l’AI no 1 et l’AI no 3 ont abordé le plaignant et lui ont demandé de quitter le secteur entre les kiosques, le plaignant était en colère et recherchait la confrontation. Il a refusé de partir et est allé jusqu’à pousser l’AI no 1. À ce moment-là, le plaignant a fait l’objet d’une arrestation légale pour voies de fait contre un agent de la paix et intrusion. Les agents de police ont tenté de forcer le plaignant à se coucher sur le sol dans l’intention de le menotter. Le plaignant a clairement et farouchement résisté à ces efforts, et l’AI no 2 a été obligé de prêter main-forte. Au moment où on lui passait les menottes, le plaignant a reçu des coups de genou et coups de poing et on lui a appliqué au moins une « quasi prise d’étranglement ». Il n’y a aucune preuve laissant supposer que les agents ont eu recours à une force quelconque contre le plaignant une fois qu’il portait les menottes. Je crois que ses blessures ont été causées par l’intervention des agents de police.

Néanmoins, compte tenu de la taille et de l’agressivité du plaignant et de sa décision de ne pas se soumettre à l’intervention légale des agents, je conclus que la conduite des trois AI était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire pour assurer la mise sous garde du plaignant. La jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak [2010] 1 RCS 206). Par conséquent, je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actions de l’AI étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a aucun motif de croire qu’il a commis une infraction criminelle. Aucune accusation ne sera portée.

Date : 5 octobre 2017

Original signé par

Joseph Martino
Directeur par intérim
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.