Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-321

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 32 ans identifié à la suite de son arrestation, le 23 décembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 décembre 2016, à 12 h 14, le Service de police du Grand Sudbury (SPGS) a avisé l’UES d’une blessure que le plaignant avait subie durant son arrestation.

Le SPGS a déclaré que, le 23 décembre 2016, à 1 h 14, des agents de police du SPGS se sont rendus à un appartement, à Sudbury, en raison d’un appel pour tapage. Le plaignant menaçait des personnes et les agents de police l’ont arrêté et mis au sol. Le plaignant a été emmené au poste de police et placé dans une cellule. À sa remise en liberté, un peu plus tard ce matin-là, le plaignant s’est plaint d’une blessure à la main droite et a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Plaignant :

Homme âgé de 32 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

AT no 5  A participé à une entrevue

AT no 6  A participé à une entrevue

AT no 7  A participé à une entrevue

AT no 8  A participé à une entrevue

AT no 9  A participé à une entrevue

AT no 10  A participé à une entrevue

AT no 11  A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1  N’a pas consenti à participer à une entrevue, ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 2  N’a pas consenti à participer à une entrevue, ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

AI no 3  N’a pas consenti à participer à une entrevue, ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté à l’extérieur de sa résidence, à Sudbury. Il s’agissait d’un immeuble à logements multiples.

Enregistrements des communications

Appel au 9-1-1

Le 23 décembre 2016, à 1 h 02, une connaissance du plaignant[1] a fait un appel au 9-1-1 et dit ceci :

[Traduction]

  • « Des vies sont en danger. »
  • « [Le plaignant] menace de me poignarder. »
  • « Il a des ciseaux à la main et il veut poignarder des gens. »
  • « Il s’appelle [le plaignant]. »
  • « Je m’appelle [nom du témoin]. »
  • « [Le plaignant] a 32 ans. Et il a pris des champignons magiques. »
  • « Il s’appelle [nom du plaignant]. »
  • « Il est dehors en ce moment avec des ciseaux à la main. »
  • « Il faut le maîtriser. Il doit être maîtrisé par les policiers. »
  • « Je suis dans le terrain de stationnement en ce moment. Ma portière est verrouillée. »
  • « Sa copine craignait pour sa vie. Je ne sais même pas où elle est allée. Elle s’est enfuie en courant. »

Enregistrement des communications

Les agents de police ont été informés que le plaignant menaçait de poignarder l’auteur de l’appel au 9-1-1 avec des ciseaux et que le plaignant était en liberté sous conditions et qu’il devait s’abstenir de consommer de l’alcool et d’autres substances intoxicantes.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPGS les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • liste des témoins civils
  • enregistrement de communications – appel au service 9-1-1
  • enregistrement de communications – communications avec la police
  • dossier de la Couronne
  • tableau de service – quart de jour (23 décembre 2016)
  • tableau de service – quarts de soir et de nuit (22 décembre 2016)
  • chronologie des événements
  • rapport général d’incident
  • déclaration de témoin du témoin civil non désigné
  • liste des agents impliqués
  • notes des AT no 1, no 2, no 3, no 4, no 6, no 7, no 8, no 9, no 10 et no 11
  • photos de la main et de l’épaule du plaignant
  • registre de prisonnier (partie 1)
  • registre de prisonnier (partie 2)
  • dossier des biens du prisonnier
  • procédure – garde et contrôle d’un prisonnier
  • procédure – arrestation
  • adresse du lieu de l’arrestation
  • vidéo du bloc cellulaire du SPGS
  • déclarations rédigées de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 8 et de l’AT no 9
  • déclaration rédigée du plaignant (original et résumé)

Description de l’incident

Aux petites heures du matin, le 23 décembre 2016, le plaignant était dans son appartement en train de fêter son anniversaire avec le TC no 1, le TC no 2, le TC no 3 et l’auteur de l’appel au 9-1-1 (qui n’allait pas participer à une entrevue avec UES). Le plaignant avait consommé de l’alcool et des champignons magiques.

Le plaignant a eu une dispute avec le TC no 1 et l’auteur de l’appel au 9-1-1 et les a chassés de l’appartement. Le plaignant a frappé le TC no 1 à la tête et les deux hommes ont commencé à se bagarrer. Le témoin civil qui a appelé le service 9-1-1 a allégué que le plaignant avait des ciseaux et qu’il essayait de le poignarder. Les AI no 1, no 2 et no 3 ont été les premiers agents à répondre à l’appel, étant suivis des AT no 2, no 3 et no 11. Le plaignant a opposé une résistance face aux efforts déployés par les AI no 1 et no 2 pour l’arrêter et le menotter, et le plaignant a été mis au sol. Une fois menotté, le plaignant a été amené au poste du SPGS.

Pendant qu’il était placé dans une cellule, le plaignant a déclaré que sa main droite était cassée et que son épaule droite était disloquée. Il a été transporté à l’hôpital, où une radiographie de sa main droite a révélé une fracture sans déplacement à la base de l’auriculaire. Une radiographie de son épaule droite n’a révélé aucune fracture ni dislocation.

Disposition législative pertinente

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 23 décembre 2016, vers 1 h 02, le SPGS a reçu un appel du 9-1-1 demandant de l’aide à un appartement dans la ville de Sudbury. L’auteur de l’appel a déclaré que le plaignant était sous l’effet des « champignons magiques », qu’il avait des ciseaux à la main et qu’il voulait poignarder des gens. L’auteur de l’appel a poursuivi en décrivant la situation comme une situation où « des vies sont en danger » et où le plaignant menaçait de le poignarder et qu’il fallait qu’il soit neutralisé et [traduction] « maîtrisé par la police ». Il a ajouté qu’il s’était enfermé dans sa voiture, dans le stationnement, et que le plaignant était [traduction] « à l’extérieur en ce moment, avec des ciseaux à la main » et que la copine du plaignant [traduction] « craignait pour sa vie » et s’était enfuie en courant. À la suite de cet appel, les AI no 1, no 2 et no 3, ainsi que les AT no 2, no 3 et no 11, ont été envoyés sur les lieux de l’incident.

Selon les déclarations des témoins, le plaignant fêtait son anniversaire à la maison; étaient présents à la fête le TC no 1, le TC no 2, le TC no 3 et la personne[2] qui a fini par appeler le service 9-1-1. Le plaignant ne conteste pas que, au cours de la soirée, il avait consommé de l’alcool et ingéré de la psilocybine sous forme de champignons magiques.

Le plaignant a indiqué qu’il soupçonnait le TC no 1 et l’auteur de l’appel au 9-1-1 de l’avoir drogué. Le plaignant a frappé au visage le TC no 1. Le plaignant et le TC no 1 se sont bagarrés dans le couloir. Il n’est pas contesté que le plaignant a donné un coup de poing au TC no 1.

L’auteur de l’appel au 9-1-1, dans sa déclaration à la police, a décrit le plaignant comme étant devenu [traduction] « fou furieux » après avoir ingéré les champignons magiques.

À l’arrivée de la police, les AI no 1 et no 3 étaient en train de parler au plaignant dans l’entrée de l’immeuble, pendant que l’auteur de l’appel au 9-1-1 et le TC no 1 se trouvaient à l’extérieur. L’AT no 11 a vu le plaignant essayer de pousser les AI no 1 et no 3 pour se frayer un chemin et ces derniers commencer à lutter avec le plaignant. L’auteur de l’appel au 9-1-1 a déclaré que le plaignant résistait et donnait des coups de pied aux agents de police tout en criant. Bien que les AI no 1, no 2 et no 3 aient décliné une entrevue avec les enquêteurs de l’UES, comme la loi le leur permet, selon l’information fournie tant par les témoins civils que par les agents témoins qui étaient sur place, il semble clair que le plaignant opposait une vive résistance aux agents de police et était violent envers eux. L’AT no 11 a indiqué que, pendant qu’il était en train d’interagir avec le témoin civil non désigné et le TC no 1, il avait le dos tourné au plaignant et aux agents de police qui essayaient de l’arrêter, mais il a continué d’entendre les agents ordonner au plaignant d’arrêter de résister. L’AT no 11 s’est alors retourné et a vu que le plaignant refusait de mettre ses mains derrière le dos. À un moment donné, le plaignant a été mis sur le sol, mais aucun des témoins civils ni l’AT no 11 n’a été en mesure de voir comment cela s’était produit; l’AT no 11 a déclaré que, même après que le plaignant fut placé au sol, il a continué d’entendre les ordres donnés au plaignant d’arrêter de résister.

Le plaignant a déclaré aux enquêteurs que, lorsqu’il est sorti dehors, un agent de police a saisi sa main droite, l’a serrée et l’a tordue. Dans la déclaration qu’il a fournie aux agents de police au sujet de la nuit de l’incident, le plaignant a indiqué qu’il croyait que neuf inconnus s’étaient jetés sur lui à l’extérieur de son immeuble et qu’il pensait qu’il s’agissait de policiers. Le matin suivant, le plaignant a informé l’AT no 9, l’agent de police qu’on avait chargé d’emmener le plaignant à l’hôpital, qu’il avait subi sa blessure à la main en raison de sa bagarre avec le TC no 1, alors qu’il a dit à l’AT no 6 (l’agent de police responsable de surveiller les personnes dans le bloc cellulaire) qu’il croyait s’être cassé la main droite et s’être disloqué l’épaule droite après que lui et le TC no 3 fussent agressés par un homme la veille au soir et après s’être battu avec l’homme en question. On présume que l’homme avec lequel il dit s’être battu était le TC no 1.

Lorsque le plaignant a été transporté à l’hôpital, une radiographie a confirmé qu’il avait [traduction] « une fracture longitudinale sans déplacement à la base du 5e métacarpien (l’os long de la main qui se connecte à l’auriculaire) avec un alignement satisfaisant ». Ce type de blessure est communément appelé « fracture du boxeur » car elle est le plus souvent causée lorsque l’on frappe de son poing serré un objet dur[3].

Voici ce que l’on peut lire au sujet de la fracture du boxeur dans le site Web du Hand and Wrist Institute (basé en Californie) :

[Traduction]
Une fracture du boxeur est causée lorsque l’on frappe avec force un objet avec le poing serré. Cela se produit habituellement lors d’un échange de coups de poing ou lorsqu’une personne donne un coup de poing dans un mur dans un accès de colère. À l’occasion, une chute sur un bras plié avec le poing fermé peut causer ce type de fracture. Également, si un poing serré est heurté par un objet, comme un bâton de baseball, il peut aussi se produire ce type de blessure.

La croyance du plaignant selon laquelle il s’était aussi disloqué l’épaule n’était pas fondée. Selon les dossiers médicaux, le plaignant avait aussi des éraflures et des enflures à l’épaule, au coude et à la cuisse gauches, que le personnel médical consulté a imputées au fait qu’il avait été [traduction] « agressé la veille au soir ». Il n’est indiqué nulle part, dans les dossiers médicaux, que le plaignant ait déclaré, à un moment ou un autre, que ses blessures avaient été causées par des agents de police.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, il semble clair que le plaignant était intoxiqué par des drogues et de l’alcool et que, par conséquent, il était devenu paranoïaque, irrationnel et violent. Les témoins l’ont décrit comme ayant été violent envers les policiers et ayant opposé une vive résistance. Aucun des témoins présents n’a corroboré l’allégation du plaignant selon laquelle un policier lui a serré et tordu la main droite. Et même si c’était vrai, il semble peu probable que cette manœuvre aurait été la cause de sa main cassée; il est beaucoup plus probable que le plaignant se soit fracturé la main en frappant le TC no 1 à la tête, comme le plaignant l’a lui-même indiqué à plusieurs agents de police cette nuit-là. De plus, bien qu’il semble clair qu’en raison de sa vive résistance et de son comportement violent les agents de police ont mis le plaignant au sol, rien ne prouve que ce placement au sol ait été à l’origine de la blessure du plaignant.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. S’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de l’appel au 9-1-1 ainsi que des déclarations de tous les témoins civils, y compris celle du plaignant lui-même, que le plaignant a commis des voies de fait sur le TC no 1 et qu’il était armé d’une paire de ciseaux qu’il brandissait pour menacer ses invités. Qui plus est, le plaignant était en état d’intoxication et donc en contravention de ses conditions ordonnées par la cour de ne pas consommer de l’alcool. Ainsi, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

En ce qui a trait à la force utilisée par les agents de police dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, je ne peux malheureusement pas accorder beaucoup de foi, si tant est qu’il y en ait, aux allégations du plaignant selon lesquelles un policier lui a saisi la main droite et l’a tordue et serrée. Je conclus que la crédibilité du plaignant, et davantage encore la véracité de son récit des événements, est fortement minée en raison de l’état d’intoxication et de paranoïa induit par la drogue dans lequel il se trouvait et qu’il en va de même de la fiabilité des allégations qu’il a faites dans sa déclaration relative à la nuit de l’incident selon laquelle neuf inconnus, qu’il pensait être des agents de police, se sont jetés sur lui. Il ressort clairement de la preuve livrée par les témoins ayant observé l’arrestation du plaignant que trois policiers au plus étaient impliqués dans son arrestation. En outre, bien que le plaignant ait reconnu une perte de mémoire lors de son entrevue avec les enquêteurs de l’UES, la nuit de l’incident, lorsque sa mémoire était encore fraîche, il a imputé sa blessure à son interaction violente avec le TC no 1 et non à son interaction avec la police.

À la lumière de cette preuve, je conclus que le comportement des agents de police ayant procédé à l’arrestation était justifié dans les circonstances et que les policiers n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, qui, manifestement, était hors de contrôle, donnant des coups de pied aux agents de police, opposant une résistance, criant (selon l’auteur de l’appel au 9-1-1) et essayant de pousser les agents pour se frayer un chemin (selon l’AT no 11). Bien qu’il soit possible que le plaignant ait subi sa blessure à la main lorsqu’il a été mis au sol par les agents de police, je crois plus probable que le plaignant a subi sa fracture à la main lorsqu’il a frappé le TC no 1 à la tête; cela dit, même si la fracture avait été causée lorsque les policiers ont mis le plaignant au sol dans leurs efforts pour le maîtriser, je ne saurais conclure qu’il y a eu là un emploi excessif de la force. Dans ce dossier, il est clair que la force employée par l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 a progressé de façon mesurée et proportionnée pour neutraliser et mâter le comportement résistant et violent du plaignant et que ce recours à la force était dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour procéder à la mise sous garde légale du plaignant. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux-ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.-B.) :

[Traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

En outre, la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.) indique que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que la mise sous détention du plaignant et la manière dont cela s’est fait étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant, et ce, même si je concluais que les agents avaient causé cette blessure, ce que je ne suis pas disposé à faire. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les gestes posés par les agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a donc pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Cette personne n’a pas donné suite aux tentatives de l’UES de fixer une entrevue. [Retour au texte]
  • 2) [2] Ce témoin n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de l’UES, si bien qu’on ne lui a pas donné de désignation dans le présent rapport. Les renseignements qu’il a fournis proviennent de l’appel au 9-1-1 et d’une déclaration qu’il a fournie au SPGS. [Retour au texte]
  • 3) [3] Wheeless’ Textbook of Orthopedics : www.Wheelessonline.com; www.orthosports.com; https://radiopaedia.org/articles/boxer-fracture-1; www.handandwristinstitute.com/boxers-fracture-doctor/etc. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.