Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-TCI-261

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 26 ans pendant son interaction avec la police, le 1er mars 2010, vers 3 h 30 du matin.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été informée de l’incident par le Service de police de Toronto (SPT) le 18 octobre 2016, à 8 h 30. Le SPT a déclaré qu’en raison d’accusations au criminel portées contre trois agents de police dans un dossier de l’UES datant de 2015, le SPT avait immédiatement suspendu les agents en question. Le SPT a passé en revue les suspensions et est tombé sur l’allégation du plaignant qui dit avoir été victime de voies de fait aux mains de l’un des agents impliqués (AI).

D’après les renseignements, le 1er mars 2010, à 3 h 30, le plaignant a été arrêté sur le croissant Cameo pour vol à l’intérieur de véhicules. Le plaignant a allégué que les AI l’ont emmené à un parc canin, cour Rockcliffe. Le plaignant a allégué que les AI l’ont frappé au visage et lui ont fait perdre connaissance. Le plaignant a eu le nez cassé. Les AI ont ensuite déposé le plaignant avenue Clouston. Le plaignant a appelé une ambulance et a été transporté à l’hôpital. Les dossiers médicaux du plaignant indiquent qu’il a dit au médecin qu’il avait été agressé par la police.

L’examen indique en outre que, le 1er mars 2010, le plaignant a informé le SPT de l’agression, mais qu’aucune mesure n’a été prise. Le 13 avril 2010, le plaignant a de nouveau signalé l’agression au SPT. Le SPT a alors mené une enquête interne. Le SPT a conclu que l’affaire était sans fondement. Le plaignant n’a pas fait de déposition officielle.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Plaignant

Homme de 26 ans; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

TC n° 1 A participé à une entrevue.

TC n° 2 A participé à une entrevue.

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue.

AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 4 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 5 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 6 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 7 A participé à une entrevue.

AT n° 8 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées; une entrevue n’a pas été jugée nécessaire.

AT n° 9 A participé à une entrevue.

AT n° 10 A participé à une entrevue.

AT n° 11 A participé à une entrevue.

AT n° 12 A participé à une entrevue.

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AI no 2 N’a pas consenti à participer à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

[Remarque : Un agent impliqué est un agent de police dont la conduite semble, de l’avis du directeur de l’UES, avoir causé le décès ou les blessures graves qui font l’objet d’une enquête.

En vertu du Règlement de l’Ontario 267/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers, les agents impliqués sont invités à participer à une entrevue avec l’UES, mais n’y sont pas légalement obligés, et ils ne sont pas tenus non plus de présenter une copie de leurs notes à l’UES.]

Preuve

Les lieux de l’incident

Le lieu de l’arrestation est une petite rue résidentielle. L’endroit exact où les AI ont fait la rencontre du plaignant est inconnu, mais il a été décrit comme se trouvant près du croissant Cameo.

Le second lieu de l’incident est un petit parc que le SPT a décrit comme étant un parc pour chiens, cour Rockcliffe[1].

Ni l’un ni l’autre des lieux de l’incident n’a été visité ou traité par l’UES en raison de la longue période qui s’est écoulée depuis.

Enquête interne du SPT

Le SPT a mené une enquête interne sur cette affaire entre avril et novembre 2010. Des résumés des entrevues menées auprès des agents de police ont été fournis, de même que les propres notes de l’agent chargé de l’examen.

Mentionnons qu’à cette époque il n’y avait pas de caméras d’installées à bord des véhicules de police de la division du SPT.

Les données du système de géolocalisation automatisée des véhicules ont été examinées par le SPT, et il a été noté que le véhicule de police attribué ce jour‐là aux AI no 1 et no 2 s’est rendu sur les lieux de l’incident, croissant Cameo, et est resté là jusqu’à 5 h 38. Les agents se sont ensuite rendus en auto‐patrouille à la cour Rockcliffe, arrivant là à 5 h 41, et repartant à 5 h 52.

L’UES a été verbalement avisée que le dossier de la plainte avait été fermé pour cause d’absence de fondement en lien avec l’allégation de voies de fait, mais qu’un certain nombre de manquements à la politique interne avaient été documentés et avaient été traités en vertu du Code de conduite.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPT les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapports du Système de traitement des enquêtes criminelles (CIPS)
  • rapport d’enquête dans la collectivité
  • coordonnées d’une personne d’intérêt
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapport d’incident général
  • résumé sur le délinquant connu
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4, de l’AT no 5, de l’AT no 6, de l’AT no 7, de l’AT no 8, de l’AT no 9, de l’AT no 10, de l’AT no 11 et de l’AT no 12
  • rapports d’incident
  • fouille de la personne – plaignant
  • système automatisé de répartition (ADS) – résumé de conversation
  • dossier de la Couronne du SPT
  • résumés d’entrevues du SPT – AT no 1, AT no 2, AT no 3, AT no 4, AT no 5, AT no 6, AT no 10, AT no 11 et AT no 12
  • résumés d’entrevues du SPT auprès de deux agents non désignés
  • résumé d’une entrevue du SPT – AI no 2
  • notes de registre de l’enquêteur du SPT

Description de l’incident

Aux petites heures du matin, le 1er mars 2010, le plaignant a été arrêté par les AI pour vol dans des véhicules à moteur. Le plaignant était alors en état d’intoxication. Après son arrestation, le plaignant a été placé à l’intérieur de l’autopatrouille puis emmené par les AI à un terrain de stationnement situé derrière une école élémentaire, puis à un parc plus isolé non loin de là. Un certain moment s’est écoulé et les AI ont fait signé au plaignant une promesse de comparaître et l’ont relâché après l’avoir conduit dans le voisinage de la résidence d’un de ses amis. Le plaignant avait alors des blessures visibles au visage et à la tête.

Une ambulance a été appelée par l’ami du plaignant et le plaignant a été transporté à l’hôpital. à l’hôpital, un examen a été fait au tomodensitomètre (TDM) et n’a révélé aucun traumatisme crânien interne, quoique l’on ait noté que le plaignant avait des éraflures et lacérations au visage et à l’arrière de la tête. On lui a ensuite donné son congé de l’hôpital avec des instructions à suivre pour la surveillance d’une possible lésion à la tête.

Analyse et décision du Directeur

Le 1er mars 2010, vers 3 h 30 du matin, le plaignant a été arrêté par l’AI no 1 et l’AI no 2 pour des vols à l’intérieur de véhicules à moteur. Après son arrestation, il a été emmené par les agents de police à un terrain de stationnement situé derrière l’école intermédiaire Rockcliffe, puis à un parc canin plus isolé se trouvant de l’autre côté de la rue. Le plaignant a ensuite été libéré sous promesse de comparaître à 5 h 09. Après que le plaignant fut relâché et se fut rendu chez un ami, il a été transporté en ambulance à l’hôpital. à l’hôpital, on a noté que le plaignant avait des éraflures et des lacérations au visage et à l’arrière de la tête, puis on lui a donné son congé de l’hôpital avec des instructions à suivre pour surveiller d’éventuels symptômes de commotion.

La question qu’il me faut trancher ici est de déterminer comment le plaignant a subi ces blessures. Le plaignant soutient qu’il a été frappé plusieurs fois à la tête par les AI, tant au lieu initial de l’incident, lorsqu’il était à l’intérieur de l’autopatrouille, qu’ultérieurement, dans le parc pour chiens. Les dossiers médicaux provenant de l’hôpital et datés du 1er mars 2010 indiquent que le plaignant a dit au médecin de service qu’il avait été agressé et assommé par la police. Ce même jour, le plaignant a parlé de l’agression à divers agents du SPT. Aucune mesure n’a été prise. Environ six semaines plus tard, le plaignant a de nouveau signalé l’agression au SPT. L’UES a été avisée, et le SPT a plutôt décidé de conduire une enquête interne sur les allégations. Six mois plus tard, le SPT a déterminé que les allégations étaient sans fondement, curieusement sans que le plaignant ne fasse une déposition officielle ou, semble‐t‐il, sans qu’aucun effort n’ait été fait pour trouver ou questionner d’autres témoins civils.

Deux témoins civils ont été interviewés par les enquêteurs de l’UES. Malheureusement, comme le SPT n’avait pas identifié ou questionné d’éventuels témoins des allégations du plaignant au moment de son enquête interne, en 2010, les entrevues avec l’UES ont eu lieu plus de sept années après l’incident. étant donné qu’il s’est écoulé une si longue période depuis, je crains de me fier à l’exactitude du souvenir que ces témoins ont de l’incident. Quoi qu’il en soit, ni l’un ni l’autre des témoins ne se souvenait d’avoir vu l’AI no 1 ou l’AI no 2 frapper le plaignant d’un coup de pied, d’un coup de poing ou autrement à aucun moment. En fait, les deux témoins civils ont vu le plaignant sur le sol au moment de l’arrivée des policiers sur les lieux. Le TC no 1 a indiqué qu’il a vu le plaignant se prendre les pieds et tomber au bout de son entrée de cour en se heurtant le visage si fort sur le sol qu’il a perdu connaissance et ne bougeait plus. En outre, il se souvenait que le plaignant était sur le sol depuis une ou deux minutes avant que les deux agents ne le relèvent et le placent à l’arrière de leur autopatrouille. De la même façon, le TC no 2 a vu le plaignant sur le sol avant l’arrivée de la police, mais il n’a pas vu comment le plaignant était arrivé là.

Lors de son entrevue avec l’UES, près de six ans et demi après l’incident, le plaignant n’avait aucun souvenir de ce qui s’était produit immédiatement à l’arrivée de la police, mais il a pu décrire les événements qui se sont produits après, lorsqu’il a été placé à l’arrière de l’autopatrouille. Manifestement, le fait que les témoins civils ne se souviennent pas d’avoir vu les agents de police violenter le plaignant de quelle que façon que ce soit sur les lieux de l’incident contredit grandement la version des faits fournie par le plaignant. Les deux témoins civils ont décrit le plaignant comme étant alors très intoxiqué, et même le plaignant lui‐même a reconnu que sa consommation d’alcool pouvait avoir altéré son souvenir des événements. Cela porte à s’interroger sur la fiabilité de sa version des événements subséquents.

L’AI no 1 a déclaré que lorsque lui et l’AI no 2 sont arrivés sur les lieux, le plaignant se tenait debout à l’extrémité de l’entrée de cour. Il a affirmé avoir vu le plaignant s’en prendre subitement à l’AI no 2. Cela n’a été corroboré par ni l’un ni l’autre des témoins civils. Ce que l’AI no 1 a vu ensuite était le plaignant à plat ventre sur le sol et l’AI no 2 en train de le menotter. Le plaignant n’opposait pas de résistance et l’AI no 1 n’a pas vu l’AI no 2 agresser le plaignant d’aucune façon. L’AI no 1 se souvenait que le plaignant avait un peu de sang sur la lèvre supérieure et d’avoir entendu l’AI no 2 offrir d’appeler une ambulance, mais que le plaignant a décliné toute attention médicale. Il importe de noter que l’AI no 1 s’est souvenu de ce détail dans son entrevue plus de sept années après l’incident alors qu’il n’avait consigné aucune note indiquant la blessure du plaignant dans son calepin. L’AI no 1 n’avait pas non plus écrit, dans son calepin, de notes sur le fait que le plaignant avait été amené soit au terrain de stationnement derrière l’école intermédiaire Rockcliffe soit au parc à chiens. Or, il a été en mesure de parler de ces événements en détail, durant son entrevue, plus de sept ans plus tard. L’AI no 1 a nié avoir donné un coup de poing au plaignant et il a déclaré ne pas avoir vu l’AI no 2 donner un coup de poing au plaignant à aucun moment pendant qu’il était avec eux. En conséquence, l’AI no 1 n’a aucune explication à offrir pour les blessures du plaignant. étant donné les préoccupations évidentes que suscite le témoignage de l’AI no 1, je suis réticent à accorder quelque poids à sa version de l’événement à moins qu’elle ne soit corroborée par d’autres éléments de preuve.

Dans l’entrevue à laquelle il a été soumis en août 2010 aux fins de l’enquête interne du SPT, l’AI no 2 a déclaré que, lorsqu’il est arrivé sur les lieux, il a d’abord vu le plaignant en train de s’éloigner de lui en marchant en direction nord. Là encore, cela ne correspond pas à ce que les deux témoins civils avaient en mémoire. L’AI no 2 a dit au plaignant d’arrêter et ce dernier est devenu agressif. L’AI no 2 a mis le plaignant en état d’arrestation pour vol et, pendant l’arrestation, il y a eu une altercation et l’AI no 2 a mis le plaignant au sol. L’AI no 2 croyait avoir peut‐être heurté le plaignant de son coude. Le plaignant a résisté quelques secondes puis a obtempéré, permettant à l’AI no 2 de le menotter. Après que le plaignant fut placé à l’arrière de l’autopatrouille, l’AI no 2 a remarqué une petite coupure sur la lèvre supérieure du plaignant et un léger saignement de nez. L’AI no 2 a offert au plaignant de recevoir une attention médicale, mais le plaignant a refusé. L’AI no 2 a reconnu avoir d’abord emmené le plaignant à un terrain de stationnement derrière l’école intermédiaire Rockcliffe et ensuite, parce qu’il pensait que l’endroit ne convenait pas leur discussion privée, l’avoir emmené au parc canin de l’autre côté de la rue. L’AI no 2 a nié avoir violenté le plaignant. J’ai aussi du mal à accepter la version des faits fournie par l’AI no 2, d’autant plus qu’il y a des erreurs qui portent à s’interroger dans les notes consignées dans son calepin au sujet de l’heure à laquelle le plaignant a été relâché, du moment auquel il a parlé à l’AT no 12 et de l’absence d’une entrée ultérieure concernant le rapport de blessure pour le plaignant.

À cause du temps qui s’est écoulé depuis, on n’a pas pu retracer d’autres témoins des événements ou, même si on avait pu en trouver, ils n’auraient pu fournir une preuve significative pour les fins de notre enquête. Il est indéniable que notre enquête a été fortement compromise par le passage du temps. Bien que le plaignant ait avisé par deux fois le SPT de ses allégations, le SPT ne nous en a avisés que six ans et demi plus tard. L’enquête de l’UES a permis d’établir que le SPT n’avait pas donné suite à la première plainte du plaignant (le jour de l’incident) et qu’il s’était limité à conduire une enquête à l’interne après la seconde notification du plaignant (six semaines plus tard). Cette enquête interne a duré six mois et n’a pas comporté d’identification ou d’interrogation de témoins indépendants, pas plus qu’une déposition formelle du plaignant n’a été prise. Toutefois, comme l’AI no 1 fait actuellement l’objet d’accusations au criminel, le SPT a procédé à un examen des dossiers de l’AI no 1 et, ce faisant, a trouvé la plainte originale du plaignant.

Finalement, il n’existe aucun enregistrement audio ou vidéo de ce qui s’est passé durant l’interaction avec le plaignant. Par conséquent, ni la version des événements donnée par les trois agents présents[2] ni le compte rendu de l’incident fait par le plaignant ne peut être corroboré. En l’absence de tout élément de preuve réel ou indépendant pouvant corroborer les allégations d’agression faites par le plaignant, il ne me reste plus que le souvenir que le plaignant a des événements. J’ai le sentiment que quelque chose s’est produit, aux petites heures du matin, le 1er mars 2010, entre le plaignant et les AI, après son arrestation et son transport à l’école publique puis au parc canin. Malheureusement, étant donné les réserves que j’aie avec le témoignage de chacune des parties, c’est‐à‐dire le plaignant et les AI, et l’atteinte que le passage extrême du temps porte à notre capacité à dûment enquêter sur ces allégations, je ne peux raisonnablement dire ce qui s’est passé. Les blessures du plaignant peuvent avoir été causées aussi bien par une solide chute que par un coup de poing donné au visage.

Par conséquent, je n’ai pas de motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, de sorte qu’aucune accusation ne sera portée.

Date : le 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Le parc canin à cet endroit n’existe plus. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’AT no 12 était aussi présent sur les lieux le 1er mars 2010. Il avait un souvenir indépendant limité des événements, mais il s’est souvenu, en relisant ses notes, qu’il s’était rendu dans les environs du croissant Cameo et qu’il avait aidé d’autres agents de polices à sillonner le voisinage, à la recherche d’un second suspect qui s’était enfui à pied. Il savait qu’une personne avait été arrêtée, mais il n’a pas eu d’interaction directe avec le plaignant. Il se souvenait que le plaignant était assis sur la bordure de la rue, près du véhicule de police conduit par les AI. L’AT no 12 ne se souvenait pas d’avoir vu des signes de blessure sur le plaignant. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.