Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-317

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un jeune homme âgé de 16 ans le 17 décembre 2016, pendant son arrestation pour introduction par effraction.

L’enquête

Notification de l’UES

Le samedi 17 décembre 2016, à 13 h 45, la Police régionale de Peel (PRP) a informé l’UES de la blessure subie par le plaignant pendant son arrestation.

La PRP a déclaré que le 17 décembre 2016, à 4 h 30, des agents de la PRP ont procédé à l’arrestation du plaignant au terme d’une poursuite à pied, à la suite d’une introduction par effraction. Le plaignant a été arrêté dans la cour arrière d’une résidence à Mississauga.

Les agents de police de la PRP ont dû aider le plaignant à passer au-dessus d’une clôture après l’avoir arrêté et, durant cette manœuvre, le plaignant a fait une chute et est tombé sur la tête. Il a été transporté à l’hôpital et examiné, mais aucune blessure n’a été découverte hormis une enflure mineure.

Plus tard ce jour-là, le plaignant a été transporté à un deuxième hôpital avec une extrême prudence. À 13 h 19, la PRP a été informée par l’hôpital que le plaignant avait l’os orbitaire droit fracturé.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES : 2

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les preuves. Ils ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes, de photographies, de croquis et de mesures.

Plaignant :

Homme âgé de 16 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

Agents témoins (AT)

AT n° 1  A participé à une entrevue

AT n° 2  A participé à une entrevue

AT n° 3  A participé à une entrevue

AT no 4  A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue; ses notes ont été reçues et examinées.

Preuve

Les lieux de l’incident

L’incident s’est produit dans la cour arrière d’une résidence à Mississauga, à proximité de la clôture côté nord. Il y avait un escabeau en aluminium près de la clôture et une section de treillis du dessus de la clôture était brisée. Il y avait de nombreuses traces de pas sur la neige.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques. La vidéo du système de télévision en circuit fermé (TVCC) du poste de la PRP a été reçue. Une vidéo de TVCC provenant d’un Tim Hortons situé à proximité a également été obtenue.

Résumé de la vidéo de TVCC du Tim Hortons

Le 17 décembre 2016, à 4 h 24 du matin, deux hommes sont vus en train de courir en direction sud sur le terrain de restaurant vers la clôture de bois côté sud, puis en train d’escalader la clôture avant qu’on les perde de vue. Une auto-patrouille entre sur le terrain du Tim Hortons, fait un virage à 180 degrés et roule en direction sud sur la promenade Confederation. D’autres auto-patrouilles et une unité canine arrivent sur les lieux. L’AT no 3 se rend à la clôture seul puis revient en courant vers son auto-patrouille, fait sortir son chien et commence à suivre la trace du suspect.

Résumé de la vidéo TVCC de la PRP

L’AI franchit l’entrée de service des véhicules alors que le plaignant est assis à l’arrière de l’auto-patrouille. L’AI et l’AT no 4 se parlent brièvement et l’AI escorte le plaignant jusqu’à l’aire de mise en détention. L’AT no 4 parle au plaignant. L’AI ramène le plaignant à l’auto-patrouille et l’auto-patrouille repart en franchissant l’entrée de service des véhicules.

Enregistrements de communications

L’AI a expliqué qu’il pouvait voir les traces de pas dans la cour arrière d’une résidence. Une source radio inconnue a annoncé un contact avec un suspect [maintenant connu comme le plaignant] dans une remise. Il a été signalé que le plaignant s’était peut-être blessé sur la clôture pendant son arrestation.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • copie audio – transmissions radio
  • vidéo TVCC du poste de la PRP
  • chronologie des événements
  • notes des AT no 1, no 2, no 3 et no 4
  • détails de l’incident
  • procédure – emploi de la force
  • procédure – enquêtes criminelles
  • dossier de formation – l’AI

Description de l’incident

Aux petites heures du matin du 17 décembre 2016, le plaignant et son coaccusé étaient poursuivis à pied par plusieurs agents de la PRP pour une tentative alléguée d’introduction par effraction dans une résidence du voisinage. Le plaignant a escaladé plusieurs clôtures pour échapper aux agents, mais on a fini par retrouver sa trace, alors qu’il se cachait dans une remise située à l’intérieur d’une cour clôturée.

La police a donné l’ordre au plaignant de sortir de la remise, l’a mis en état d’arrestation pour tentative d’introduction par effraction et l’a menotté. Du fait que le portillon de jardin était condamné, pour faire sortir le plaignant de la cour arrière, on l’a fait monter sur un escabeau placé à côté de la clôture, pendant qu’il était toujours menotté, se pencher au-dessus de la clôture et se faire réceptionner par l’AI qui attendait de l’autre côté. Durant cette manœuvre, le plaignant est tombé sur le visage. Après que l’AI eût redressé le plaignant, ce dernier a tenté de s’enfuir et a été immobilisé sur le sol, tombant à nouveau face contre terre.

L’AI a amené le plaignant à un poste de la PRP, où il a été décidé que le plaignant devait être transporté à l’hôpital. Là, on lui a diagnostiqué une fracture isolée du plancher de l’orbite droite.

Dispositions législatives pertinentes

Article 348 du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :

  1. s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel
  2. s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel
  3. sort d’un endroit par effraction :
    1. soit après y avoir commis un acte criminel
    2. soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation
  2. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation

Paragraphe 24(1) du Code criminel – Tentatives

24 (1) Quiconque, ayant l’intention de commettre une infraction, fait ou omet de faire quelque chose pour arriver à son but est coupable d’une tentative de commettre l’infraction, qu’il fût possible ou non, dans les circonstances, de la commettre.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Vers 4 h du matin, le 17 décembre 2016, plusieurs agents de la PRP poursuivaient à pied le plaignant, un jeune homme de 16 ans, et son coaccusé pour une tentative alléguée d’introduction par effraction. Le plaignant a été retrouvé alors qu’il se cachait à l’intérieur d’une remise, dans la cour arrière d’une résidence du voisinage. La cour de cette résidence était encerclée d’une clôture de bois munie d’un treillis en bois sur le dessus[1]. Il n’y avait qu’une seule porte de jardin qui donnait sur la rue, côté nord de la propriété, près du garage, mais cette porte était barricadée[2]. Le plaignant a pénétré dans la cour arrière en escaladant la clôture, tout comme les policiers. Une fois que le plaignant a été localisé dans la remise, il a été arrêté pour tentative d’introduction par effraction et on l’a menotté avec les mains dans le dos. Pour faire sortir le plaignant de la cour arrière, il fallait qu’il monte sur un escabeau d’aluminium qui était placé près de la maison, qu’il se penche au-dessus de la clôture et qu’un agent de polie le tire de l’autre côté de la clôture. Cependant, alors qu’il était en train de passer par-dessus la clôture, le plaignant est tombé face contre terre. Le plaignant avait une blessure évidente et immédiate au visage et, lorsqu’on l’a amené à l’hôpital, on lui a diagnostiqué une fracture isolée du plancher de l’orbite droite.

Il est important de commencer par la cour arrière. Voici une photo de la porte de jardin barricadée, de l’escabeau utilisé et de la clôture.

Photo de scène 1

Voici un plan rapproché de l’endroit où le plaignant a franchi la clôture.

Photo de scène 2

Voici l’autre côté de cette clôture, là où le plaignant a atterri.

Photo de scène 3

Voici une photo de la clôture de l’autre côté de la maison.

Photo de scène 4

D’après les photos, il semble que la clôture fasse de sept à huit pieds de haut (2,13 à 2,44 mètres) lorsque du treillis est utilisé et six pieds (1,83 mètre) de haut lorsqu’il n’y a pas de treillis.

Il n’y a pas eu de témoins civils de cet incident – seulement le plaignant et les agents de police sur les lieux. Au moment de sa blessure, le plaignant était âgé de 16 ans. Dans son rapport d’arrestation, il est indiqué que le plaignant était de grande taille. Le plaignant allègue que, après son arrestation, l’AT no 2 l’a frappé aux côtes et à l’estomac avant qu’on le balance au-dessus de la clôture, puis que l’AI l’a frappé plusieurs fois au visage par la suite, ce qui a causé sa blessure.

L’AI a indiqué aux enquêteurs que, à 4 h 13, il a reçu un appel radio pour le signalement d’une introduction par effraction en cours de perpétration. Comme il se trouvait non loin de là, l’AI est arrivé sur les lieux immédiatement. Dans la cour arrière de la maison qui avait signalé la tentative de cambriolage, l’AI a vu des traces de pas sur le sol fraîchement recouvert de neige. Il reçut d’autres renseignements selon lesquels les suspects s’enfuyaient en courant en direction sud. L’AI a franchi, en les escaladant, plusieurs clôtures et suivi les traces de pas jusqu’à un petit centre commercial non loin de là. Au centre commercial, l’AI a vu les traces de pas aller jusque derrière une benne. L’AT no 2 a déclaré qu’il avait les suspects en vue dans le terrain de stationnement du Tim Hortons et qu’ils venaient de s’enfuir en direction sud en passant par-dessus une clôture. L’AI a décidé d’aller dans la cour arrière pour avoir un meilleur point d’observation lui permettant d’apercevoir le suspect. L’AI est entré dans une cour arrière, a escaladé une clôture puis s’est placé sur le toit d’une remise et a commencé à scruter les environs pour rechercher les suspects. Il a aperçu une ombre à deux ou trois maisons de l’endroit où il se trouvait. L’AI a immédiatement crié [traduction] « Police, ne bougez pas. » Le suspect a couru en direction d’une remise qui se trouvait dans la cour arrière où l’on l’avait aperçu. Les AT no 1, no 2 et no 3 sont arrivés dans cette cour arrière, ont localisé le plaignant dans la remise et lui ont dit d’en sortir. L’AI pouvait entendre les agents de police dire au plaignant [traduction] « Montrez-moi vos mains, ne bougez pas », mais il n’a pas vu le plaignant être arrêté. L’AI est descendu de la remise en sautant et allait prêter assistance lorsqu’il a entendu l’AT no 2 demander aux agents de police de sécuriser le périmètre. L’AI est retourné sur le toit de la remise pour rechercher le second suspect. L’AI a vu que les AT no 1, no 2 et no 3 se trouvaient toujours dans la cour arrière en question. L’AT no 2 a demandé à l’AI de déplacer son auto-patrouille jusqu’à un endroit plus proche pour transporter le plaignant. Il a aussi précisé à l’AI qu’il n’y avait pas de sortie dans la cour arrière. L’AI a embarqué dans son auto-patrouille puis l’a garée près de l’extérieur de la clôture de la cour arrière dans laquelle se trouvaient le plaignant et les agents de police.

L’AI a essayé d’entrer dans cette cour arrière, mais s’est rendu compte que le portail de jardin était condamné et qu’on ne pouvait pas l’ouvrir. Il a estimé la hauteur de la clôture à environ sept pieds (2,13 mètres)[3]. L’AT no 1 a dit à l’AI que le plaignant était menotté et qu’il y avait un escabeau du côté intérieur de la clôture. L’ AT no 1 a dit à l’AI qu’il allait faire marcher le plaignant jusqu’à l’escabeau et que l’AI allait réceptionner le plaignant de l’autre côté de la clôture[4]. L’AT no 1 a dit que c’était la seule façon de faire franchir la clôture au plaignant. L’AI a vu la tête et les épaules du plaignant au-dessus de la clôture, mais il ne lui voyait pas les mains. Le plaignant s’est penché en avant et a brisé le treillis de bois du dessus de la clôture. L’AI s’est rapproché de la clôture et saisi l’arrière du collet du plaignant tandis que celui-ci se penchait en avant. Soudainement, les pieds du plaignant se sont retrouvés complètement à la verticale et le plaignant au lieu d’être penché sur la clôture s’est retrouvé à l’envers. Le plaignant a alors dit [traduction] « Oh, merde » et est tombé directement, face la première, sur le sol recouvert de neige. Le visage du plaignant a percuté le sol relativement fort. Le plaignant a glissé en avant sur l’estomac et a juré deux ou trois fois. L’AI a saisi le plaignant sur le côté gauche et a vu que le plaignant avait les mains menottées dans le dos. L’AI a demandé au plaignant de se redresser, ce que ce dernier a fait. Le plaignant semblait très agité et extrêmement tendu. L’AI a dit au plaignant qu’ils allaient se diriger vers l’auto-patrouille et, tandis que l’AI avait les deux mains sur le bras gauche du plaignant, il a forcé ce dernier à marcher. Après cinq ou six pas, le plaignant a fait un mouvement brusque et s’est libéré de l’emprise de la main gauche de l’AI. L’AI avait encore la main droite sur le bras gauche du plaignant. Il a empoigné le dos de la veste du plaignant et a mis le plaignant au sol afin de le contrôler et de le garder sous contrôle. Le plaignant est tombé directement sur le sol, heurtant durement son visage sur le sol. L’AI a mis son genou sur les reins du plaignant et lui a dit qu’il n’allait nulle part. Le plaignant a commencé à pleurer et à s’excuser.

L’AI a remis le plaignant debout et a vu une goutte de sang sur le sol. Dans l’auto-patrouille, l’AI a vu une blessure mineure sur le côté droit du visage du plaignant, au niveau de la pommette et du sourcil. L’AI a remarqué que la blessure était légèrement enflée. L’AI a amené le plaignant au poste et a remarqué que la blessure du plaignant empirait et s’enflait. L’AI a informé l’AT no 4 de la raison pour laquelle le plaignant était là. L’AT no 4 a dit à l’AI de transporter le plaignant à l’hôpital. L’AT no 4 a demandé au plaignant comment il s’était blessé, et le plaignant lui a dit qu’il était tombé de la clôture.

L’AT no 2 a dit aux enquêteurs que, à 4 h 10, il a entendu un appel radio signalant une tentative d’introduction par effraction et qu’il a conduit en direction de l’endroit. En chemin, l’AT no 2 a vu deux hommes qui correspondaient à la description et marchaient en direction sud et vers le terrain de stationnement d’un centre commercial. L’AT no 2 les a ensuite vus adossés à une haute clôture de bois sur le terrain du Tim Hortons. Ils se sont tournés et ont vu l’AT no 2. L’AT no 2 est sorti de son véhicule de patrouille et leur a demandé d’arrêter, mais les deux hommes se sont retournés et ont escaladé la haute clôture de bois. L’AT no 2 a grimpé sur la clôture pour voir où allaient les suspects, et il a vu l’AI qui était debout au-dessus d’une clôture semblable d’une autre cour arrière, à environ quatre maisons de là. L’AT no 3 est aussi arrivé. L’AI a dit sur la radio de la police qu’il avait vu un homme, mais qu’il l’avait perdu de vue; cependant, il y avait des traces de pas sur la neige qui menaient à une remise se trouvant dans la cour qu’il scrutait. L’AT no 2 est retourné à son auto-patrouille et a conduit jusqu’à l’endroit où se trouvait l’AI. L’AT no 2 a immobilisé son véhicule et pouvait entendre le chien de l’AT no 3 en train d’aboyer en direction de la cour arrière de la propriété et les agents de police crier après quelqu’un. L’AT no 2 a escaladé la clôture et, en atterrissant dans la cour arrière, il a vu l’AT no 1 et l’AT no 3 qui étaient déjà là. La porte de la remise était ouverte et le plaignant en sortait en rampant. L’AT no 2 a vérifié la remise, mais il n’y avait personne d’autre à l’intérieur. L’AT no 1 a menotté le plaignant dans le dos. L’AT no 3 et son chien ont grimpé à nouveau sur la clôture et sont partis. L’AT no 2 s’est dirigé en marchant vers une porte de jardin dans la cour arrière, mais la porte était condamnée et plusieurs blocs de ciment en empêchaient l’ouverture. L’AT no 2 était conscient que l’AI se trouvait de l’autre côté de la clôture, du côté nord, et il a vu un escabeau en métal de trois pieds (0,91 mètre) de hauteur qui se trouvait par terre, dans la cour. L’AT no 2 a ouvert l’escabeau et l’a placé contre la clôture de bois, près de l’endroit où il pensait que l’AI se trouvait. L’AT no 2 pensait que l’AT no 1 pourrait faire sortir le plaignant en utilisant l’escabeau pour l’aider à passer par-dessus la clôture. L’AT no 2 ne croyait pas qu’il y avait lieu de retirer les menottes au plaignant. L’AT no 2 a entendu sur la radio que le second suspect était en train d’être poursuivi et, tandis qu’il sortait de la cour pour prêter assistance, l’AT no 1 était en train de faire avancer le plaignant jusqu’à l’escabeau pour le faire sortir de la cour. L’AT no 2 n’a pas vu comment on avait fait franchir la clôture au plaignant ni était témoin du résultat.

L’AT no 1 a dit aux enquêteurs que, à 4 h 13, il a reçu un appel indiquant que deux hommes avaient tenté de cambrioler une résidence et qu’on l’avait envoyé patrouiller l’endroit pour trouver les suspects. En répondant aux renseignements que l’AT no 2 avait transmis par radio, l’AT no 1 s’est rendu dans une cour arrière d’une résidence de l’endroit. L’AI se trouvait dans une cour arrière à proximité de là. Peu de temps après, l’AI a crié à l’AT no 1 qu’il pensait avoir vu un suspect dans une cour arrière, juste au nord de l’endroit où il se trouvait, et qu’il se pouvait que le suspect se cache dans une remise. L’AT no 1 est allé à la rencontre des AT no 2 et no 3, et les AT no 1 et no 3 ont grimpé sur la clôture, dans la cour arrière. Le chien policier a commencé à aboyer près d’une remise. L’AT no 1 a ouvert la porte de la remise et a vu que le plaignant se trouvait à L’intérieur. L’AT no 1 a dit au plaignant de sortir de la remise et de s’allonger sur le sol, mais le plaignant n’a pas obtempéré. Le plaignant a fini par sortir de la remise et s’est mis à plat ventre sur le sol puis a rampé vers l’AT no 1. L’AT no 1 a menotté le plaignant avec les mains dans le dos et lui a dit qu’il était en état d’arrestation pour tentative d’introduction par effraction. Le plaignant a dit qu’il n’avait rien fait de mal et a demandé ce qui se passait. L’AT no 1 a aidé le plaignant à se relever. L’AT no 1 a dit aux enquêteurs qu’il y avait deux portes de jardin dans la cour arrière, une de chaque côté de la maison, mais qu’elles étaient toutes deux coincées par la glace[5]. Comme il y avait un escabeau près de la clôture, l’AT no 1 a dit au plaignant qu’on allait lui faire franchir la clôture et qu’il serait transféré à un autre agent de police[6]. À ce moment-là, les AT no 3 et no 2 étaient partis, quoique l’AT no 1 ignorait comment ils étaient sortis de la cour ni où ils étaient allés. Comme le plaignant avait été réticent à sortir de la remise et qu’il fuyait la police avant cela, l’AT no 1 nourrissait des craintes pour ce qui était de retirer les menottes au plaignant. De plus, comme le plaignant n’a pas lui-même demandé à ce que les menottes lui soient enlevées ou réappliquées devant le corps, l’AT no 1 n’a pas cru que c’était nécessaire[7]. L’AT no 1 a demandé au plaignant de monter sur l’escabeau et a tenu le plaignant pendant que celui-ci s’exécutait. Une fois que le plaignant eut atteint la marche supérieure de l’escabeau, l’AT no 1 lui a dit que l’AI, qui se trouvait de l’autre côté de la clôture, le retiendrait et le ferait descendre. L’AT no 1 a tenu le plaignant à la taille et lui a demandé de pencher le torse sur le haut de la clôture. L’AT no 1 a demandé à l’AI si cela allait et l’AI a dit que oui. L’AT no 1 a commencé à faire passer le plaignant au-dessus de la clôture et le plaignant a lentement glissé au-dessus de la clôture pendant que l’AT no 1 tirait ses mains vers le bas. Lorsqu’il est arrivé au niveau des genoux, cependant, l’AT no 1 a entendu [traduction] « Oh, merde » et le plaignant a glissé sur la clôture et il y a eu un bruit sourd. L’AT no 1 n’a pas entendu de lutte de l’autre côté et a grimpé sur l’escabeau et sauté la clôture. La clôture a craqué et s’est fendue lorsqu’il est passé par-dessus. L’AT no 1 a vu l’AI dans son auto-patrouille et le plaignant assis à l’arrière. L’AT no 1 a estimé que de deux à trois minutes s’étaient écoulées depuis le moment où il avait fait franchir la clôture au plaignant.

Le 17 décembre 2016, l’AT no 3 travaillait comme membre de l’unité canine avec son chien de service policier lorsqu’il a reçu, à 4 h 08, l’appel signalant que deux suspects venaient de faire une tentative de cambriolage dans une résidence. L’AT no 3 a dit aux enquêteurs qu’il avait conduit jusqu’à l’endroit indiqué pour prêter assistance. En arrivant là, à 4 h 29, l’AT no 3 s’est garé sur le terrain de stationnement d’un Tim Hortons situé à proximité et a reçu d’autres renseignements selon lesquels les deux suspects étaient en train de sauter au-dessus de clôtures de maisons. L’AT no 3 et son chien ont traversé plusieurs cours arrière dans le voisinage jusqu’à ce qu’ils localisent une remise où le chien est immédiatement allé à la porte de la remise et a manifesté un comportement indiquant que quelqu’un se trouvait à l’intérieur. L’AT no 3 a ouvert la porte et une voix a été entendue de l’intérieur. Les AT no 1 et no 2 étaient présents et le plaignant a été sorti de la remise et mis à plat ventre sur le sol. Dès que l’AT no 3 a constaté que le plaignant était sous garde, lui et le chien ont immédiatement quitté l’endroit pour partir à la recherche du second suspect. L’AT no 3 n’a pas vu comment on a fait sortir le plaignant de la cour arrière ni n’a été témoin de la façon dont on lui a fait franchir la clôture.

L’AT no 4 a aussi été soumis à une entrevue et a déclaré que le 17 décembre, à 5 h 40, l’AI est arrivé avec le plaignant dans l’entrée de service des véhicules. L’AT no 4 a tout de suite remarqué que l’œil droit du plaignant était enflé, presque fermé, et qu’il y avait un bleu et une égratignure au-dessus de son œil, comme une éraflure. L’AT no 4 a donné l’instruction à l’AI d’emmener le plaignant à l’hôpital pour y faire traiter son œil. Le plaignant a dit qu’il allait bien, qu’il était tombé. Aucun autre détail n’a été donné ni par le plaignant ni par l’AI. L’AT no 4 a dit au plaignant qu’il aurait besoin d’aller à l’hôpital. Le plaignant s’est levé et l’AI a amené le plaignant à son auto-patrouille, puis ils sont partis à l’hôpital.

Ma première considération pour déterminer si j’ai des motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a été commise est de savoir si je peux accepter les allégations du plaignant comme étant véridiques ou même raisonnables dans les circonstances. Le plaignant n’allègue pas qu’il s’est blessé au visage en raison de sa chute au-dessus de la clôture. Il allègue plutôt qu’il a été longuement brutalisé tant par l’AT no 2 que par l’AI. Je retiens que le plaignant a cependant dit à l’AT no 4 qu’il était « tombé » lorsque ce dernier lui a demandé comment il s’était blessé (quoique l’AI était présent lors de cette déclaration et que le plaignant était peut-être réticent à dire ce qui s’était réellement passé pendant que l’AI était présent). À l’examen des dossiers médicaux du plaignant, il est clair que le plaignant n’a pas fait de déclaration sur la façon dont ses blessures ont été causées, hormis le fait qu’il était « tombé ». Toute description de la façon dont le plaignant s’était blessé que renfermaient les dossiers médicaux émanait clairement, vu les détails fournis, des agents de police accompagnateurs et/ou avait été répétée d’un professionnel de la santé à un autre. Là encore, une réticence de la part du plaignant à faire preuve de franchise à ce moment-là ne serait pas étonnante, puisque le plaignant était encore sous garde et n’avait pas encore été traité. Qui plus est, l’AI est resté avec le plaignant tout le temps qu’il a passé au premier hôpital et d’autres agents de police étaient présents durant toute la durée de son passage au deuxième hôpital. Les seuls commentaires aux dossiers relatifs à l’information qui semble émaner directement du plaignant disent que le jeune homme n’a pas été en mesure de dire quand il était tombé ni de quelle hauteur. Cela étaye ma conclusion que, tout au plus, le plaignant s’est de nouveau contenté de répéter qu’il était « tombé » au personnel hospitalier. Je ne doute pas, néanmoins, que le plaignant a fait des déclarations incohérentes à diverses personnes ce jour-là en affirmant qu’il s’était blessé en tombant plutôt qu’après avoir été longuement brutalisé par son agent de police accompagnateur. Personne, y compris le plaignant, ne conteste le fait qu’il est tombé. Et toute déclaration faite par le plaignant l’a été en présence de l’agent de police que le plaignant estimait responsable ou d’autres agents de police.

Plus difficile à concilier, toutefois, si l’on accepte le récit que le plaignant a fait de sa rencontre avec la police, est le fait que les dossiers médicaux décrivent la seule blessure du plaignant comme étant des coupures et une enflure à l’œil droit, ce qui est confirmé par les photos prises par les enquêteurs. À l’examen des dossiers des deux hôpitaux, il semble qu’il n’y avait pas d’autres conclusions ou marques observées ni de sensibilité notée ou signalée sur toute autre partie de son corps. Les photos ne révèlent pas non plus d’autres blessures au visage du plaignant. Cela est préoccupant car, raisonnablement, on s’attendrait à ce qu’il y ait quelque trace physique découlant de la longue et brutale agression à coups de poing, de genou et de matraque alléguée par le plaignant. Mais il n’y avait rien d’autre que l’enflure et les coupures évidentes autour de l’œil droit du plaignant.

Le manque de sincérité du plaignant lorsqu’il a discuté de la personne avec laquelle il était ce matin-là et sa tentative, à l’avenant, de minimiser son rôle dans les événements font douter de sa crédibilité et m’oblige à rechercher une certaine corroboration de ses allégations avant de les accepter comme raisonnables. Malheureusement, les dossiers médicaux et les photographies ne corroborent pas les allégations de brutalité policière de la part soit de l’AT no 2 ou de l’AI. Par conséquent, je ne puis conclure que le plaignant a été battu, comme il le prétend, par l’AI et ne saurais davantage conclure que la blessure à son œil droit a été causée par une telle agression.

Alors comment la blessure à l’œil du plaignant a-t-elle été causée? Une cause possible de la blessure est la chute que le plaignant a faite de la clôture face contre terre. Compte tenu de la taille du plaignant, de la hauteur et de l’instabilité de la clôture et du treillis, et du fait qu’il s’est penché en avant sur la clôture avec les mains menottées dans le dos, ce qui fait qu’il ne pouvait pas contrebalancer son corps ou amortir sa chute, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’une telle chute cause comme blessure une fracture de l’os orbitaire. L’AI a également décrit aux enquêteurs une manœuvre subséquente de mise au sol du plaignant quelques instants après sa chute, manœuvre durant laquelle il a de nouveau heurté le sol durement, une fois encore face contre terre. C’est à ce moment-là que l’AI a remarqué du sang sur le sol et donc que la fracture pouvait aussi s’être produite alors. Ou encore, elle aurait pu se produire quelques instants plus tôt, après la chute, et la première trace de sang serait survenue après la mise au sol. En ce qui concerne ce placement du plaignant au sol, le récit qu’en a fait l’AT no 1 ne corrobore pas les dires de l’AI car il indique qu’il n’a pas entendu de lutte de l’autre côté de la clôture après la chute du plaignant et que, lorsqu’il a lui-même escaladé la clôture et vu l’AI et le plaignant dans l’auto-patrouille, à peine deux ou trois minutes s’étaient écoulées. Cela étant dit, le témoignage de l’AT no 1 ne contredit pas non plus le récit de l’AI, puisque la mise au sol, telle qu’elle a été décrite, a été rapide et n’a pas impliqué de cris ni de lutte prolongée.

Dans un cas comme dans l’autre, les blessures du plaignant au côté droit du visage se sont produites pendant qu’il était avec l’AI. La question est donc de savoir si l’AI devrait être tenu criminellement responsable de ces blessures. Si les blessures subies par le plaignant ont résulté de sa chute sur le sol, la preuve de l’AI était que, alors que le plaignant allait franchir la clôture, il s’est dirigé vers la clôture et a agrippé le dos du col de la veste du plaignant. Les pieds du plaignant, toutefois, se sont, de façon imprévisible, retrouvés dans les airs et le plaignant est tombé directement sur la tête. Manifestement, l’agent de police ne s’attendait pas à un tel résultat. L’AI n’avait pas pénétré dans la cour arrière de la maison et, en raison du type de clôture, il ne pouvait pas voir la cour arrière à travers la clôture. Il n’avait donc aucune idée de ce qu’étaient les conditions du côté intérieur de la clôture, à quoi ressemblait l’escabeau, quelle était sa hauteur, comment il était utilisé ou quelle était la taille du plaignant et quelles sortes de vêtements il portait alors. D’après ses notes, l’AI était bien conscient du fait que le plaignant avait été menotté dans le dos, de sorte qu’il aurait de la difficulté à franchir l’obstacle sans assistance. Et l’AI savait qu’il lui fallait attraper le plaignant lorsqu’il se pencherait au-dessus de la clôture pour l’empêcher de tomber. Malheureusement, alors que l’AI a agrippé le manteau du plaignant, il s’est produit certains événements de l’autre côté de la clôture dont il n’était pas au courant et le plaignant est passé d’un coup au-dessus de la clôture, de toute sa taille et tout son poids. J’accepte que l’AI n’a pas pu empêcher le plaignant de tomber. Par conséquent, pour ce qui est de l’implication de l’AI dans la chute du plaignant du haut de la clôture, il s’agissait d’un accident que l’AI n’a pas été en mesure d’empêcher, et l’AI ne devrait pas être tenu responsable de toute blessure qui en a résulté pour le plaignant.

Un ensemble différend de considérations entre toutefois en jeu si les blessures du plaignant ont résulté de sa mise au sol par l’AI. L’AI a dit aux enquêteurs qu’après être tombé le plaignant semblait agité et tendu et qu’il lui a fallu tirer le plaignant vers l’auto-patrouille. Après avoir fait quelques pas, le plaignant, d’un mouvement brusque, s’est dégagé de l’emprise d’une main de l’AI. L’AI était seul alors, et il était impératif qu’il garde le contrôle du plaignant, qui était en état d’arrestation et alors qu’un second suspect était toujours au large. Ainsi, l’AI a tiré le plaignant vers lui avec sa main droite pour le déséquilibrer, a placé sa main gauche à l’arrière du cou du plaignant et a tiré le plaignant vers le centre de sa masse corporelle. Le plaignant est tombé durement sur le sol, encore une fois face contre terre, et l’AI a mis son genou sur les reins du plaignant. En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Je ne doute pas que l’AI exécutait légitimement ses fonctions au moment où il a mis le plaignant au sol, étant donné que le jeune homme avait déjà été arrêté pour tentative d’introduction par effraction et était escorté vers l’auto-patrouille. En ce qui a trait à la force utilisée pour mettre le plaignant au sol, je note, d’après les photos des lieux de l’incident, que l’endroit du placage au sol était alors recouvert de neige, ce qui a pu influer sur le résultat réel de la mise au sol intentionnelle. Étant donné que les efforts de l’AI se sont limités à tirer le plaignant pour lui faire perdre l’équilibre et le placer au sol, puis à mettre son genou sur le dos du plaignant, je conclus que l’AI n’a pas employé plus de force que nécessaire pour contrôler le plaignant et que ses gestes étaient justifiés dans les circonstances. La jurisprudence établit clairement que, si les actions des agents de police doivent correspondre à la tâche à exécuter, on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. cv. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206). Je n’ai pas de motif raisonnable de croire que l’AI ait commis une infraction criminelle et il n’y a aucun motif de déposer des accusations contre lui en l’espèce.

En dernier lieu, je me suis penché sur la question de savoir si les infractions de négligence criminelle ou d’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence ont été commisses en l’espèce. Bien que la décision de l’AT no 1 et de l’AT no 2 de faire sortir le plaignant de la cour arrière en le faisant passer par-dessus la clôture alors qu’il était menotté dans le dos était mal avisée pas mûrement réfléchie, elle n’atteint pas le niveau d’un écart marqué et important par rapport à la conduite d’une personne raisonnablement prudente dans les circonstances, et constitue encore moins une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard du bien-être d’une personne au point qu’une infraction de négligence criminelle causant des lésions corporelles a pu être commise.

Date : 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Comme on peut le voir sur les photos, il n’y avait du treillis que sur environ 5/6e de la longueur de clôture côté ouest et sur la clôture côté sud (arrière) de la propriété. Il n’y avait pas de treillis au-dessus de la clôture côté est ou côté nord de la propriété. [Retour au texte]
  • 2) [2] Les photos de la propriété montrent que les occupants de l’habitation entraient dans la cour arrière soit directement depuis la résidence ou par le garage, qui avait des portes de garage des deux côtés (côté rue et côté cour arrière). [Retour au texte]
  • 3) [3] Dans ses notes, l’AI décrit la clôture comme faisant de sept à huit pieds (2,13 à 2,44 mètres) de haut. [Retour au texte]
  • 4) [4] Dans ses notes, l’AI était au courant de la décision qui avait été prise alors de ne pas enlever les menottes au plaignant parce que celui-ci avait déjà tenté de s’échapper et que l’AI serait seul de l’autre côté de la clôture pour mettre sous garde le plaignant une fois qu’il aurait franchi la clôture. [Retour au texte]
  • 5) [5] Dans ses notes, l’AT no 1 ne fait mention que d’une porte de jardin et indique que la porte était bloquée par de la neige et ne pouvait pas s’ouvrir. [Retour au texte]
  • 6) [6] Dans ses notes, l’AT no 1 décrit la clôture comme ayant dix pieds (3,05 mètres) de haut. [Retour au texte]
  • 7) [7] L’AT no 1 ne fait pas mention de cette raison dans ses notes. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.