Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-325

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme âgé de 48 ans durant son arrestation, le 30 décembre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 30 décembre 2016, à 9 h 05, le Service de police de Hamilton (SPH) a informé l’UES de la blessure grave que le plaignant avait subie plus tôt ce matin‐là, durant son arrestation.

Le SPH a déclaré que, un peu après minuit, le 30 décembre 2016, des agents de sécurité qui gardaient une cour de matériaux de construction sur la rue Barton ont alerté le SPH d’une introduction par effraction en cours de perpétration sur le site. La compagnie de sécurité avait les suspects sous surveillance vidéo. Des agents de police du SPH se sont rendus sur les lieux et ont été informés que les suspects avaient fui les lieux à bord d’une Pontiac Grand Prix.

Les policiers patrouilleurs ont rapidement trouvé le véhicule abandonné et ont commencé à fouiller les alentours. Un agent de l’unité canine, faisant équipe avec deux policiers de l’équipe tactique, a localisé le plaignant dans une cour arrière. Le plaignant a ensuite été arrêté et, ultérieurement, il s’est plaint d’une douleur au côté gauche. À l’hôpital, le plaignant a été examiné et ont lui a trouvé une fracture sur une côte à gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Plaignant :

Homme de 48 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue.

AT no 2  A participé à une entrevue.

AT no 3  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été examinées[1].

AT no 4  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été examinées[2].

AT no 5  N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 6  A participé à une entrevue[3].

AT no 7  N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées.

AT no 8  N’a pas participé à une entrevue, mais sa déclaration et ses notes ont été reçues et examinées.

De plus, les notes d’un autre agent non désigné ont été reçues et examinées.

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté dans la cour arrière d’une maison individuelle, dans l’est de la ville.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques.

Les enregistrements vidéos ont été obtenus des nombreuses caméras qui couvrent le vaste terrain de la cour de matériaux de construction, sur la rue Barton Est. La qualité des vidéos était très bonne et montrait clairement deux malfaiteurs en train de rassembler des objets dans la cour de construction dans le but de les voler. L’identification a été difficile parce que les deux individus portaient des cagoules. L’un d’entre eux, toutefois, était vêtu d’une salopette ou d’une combinaison de couleur foncée et d’une veste foncée en nylon, précisément les vêtements que portait le plaignant lors de son arrestation.

Preuve matérielle

Un couteau pliant a été saisi du plaignant à son arrestation. En voici une photo.

Un couteau pliant.

Élément obtenu du service de police

L’UES a demandé au SPH les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • rapport d’arrestation et de mise en détention du plaignant
  • résultat de l’interrogation de la base de données du Centre d’information de la police canadienne (CIPC)
  • chronologie des événements
  • détails généraux sur la propriété
  • liste des personnes impliquées
  • rapport de l’agent des scènes de crime
  • vidéo de la mise en détention du plaignant produite par le SPH
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 5, de l’AT no 7 et de l’AT no 8
  • rapport sur les détails de l’incident
  • photos du couteau pliable saisi du plaignant
  • rapport d’incident supplémentaire
  • déclaration rédigée de l’AT no 1, de l’AT no 2, de l’AT no 7 et de l’AT no 8
  • notes et déclaration rédigée d’un agent non désigné
  • déclaration d’un témoin civil non désigné
  • liste des victimes/témoins

Description de l’incident

Aux petites heures du matin, le 30 décembre 2016, deux hommes ont été observés sur la vidéo de surveillance d’une cour de matériaux de construction, à Hamilton, en train de voler des biens. Les hommes sont partis dans une Pontiac Grand Prix et ont été localisés non loin de là. Le coaccusé du plaignant a été arrêté et avisé de son implication dans l’introduction par effraction à la cour de matériaux de construction. Le plaignant a été retrouvé alors qu’il se cachait derrière une remise.

Le plaignant a résisté aux efforts de l’AI et de l’AT no 1 pour l’arrêter et le menotter. Durant son arrestation, le plaignant a été mis au sol et chaque agent lui a administré un coup de distraction pour le faire obtempérer — l’AT no 1 a donné un coup de poing sur la partie supérieure du dos du plaignant et l’AI lui a donné un coup de genou sur le côté gauche, à mi‐hauteur. Le plaignant a finalement été menotté et amené au poste du SPH.

Le plaignant s’est ultérieurement plaint de douleurs aux côtes et a été emmené à l’hôpital, où une radiographie a confirmé une fracture sans déplacement à la dixième côte du côté gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 348 du Code criminel – Introduction par effraction dans un dessein criminel

348 (1) Quiconque, selon le cas :

  1. s’introduit en un endroit par effraction avec l’intention d’y commettre un acte criminel
  2. s’introduit en un endroit par effraction et y commet un acte criminel
  3. sort d’un endroit par effraction :
    1. soit après y avoir commis un acte criminel
    2. soit après s’y être introduit avec l’intention d’y commettre un acte criminel

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel passible de l’emprisonnement à perpétuité, si l’infraction est commise relativement à une maison d’habitation
  2. soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si l’infraction est commise relativement à un endroit autre qu’une maison d’habitation

Analyse et décision du directeur

Le 30 décembre 2016, à 12 h 38 min 24 s du matin, un appel du service 911 a été reçu par le SPH en provenance d’une compagnie de surveillance de sécurité indiquant qu’une introduction par effraction semblait en cours sur l’une des propriétés dont la compagnie assure la surveillance, sur la rue Barton Est, dans la ville de Hamilton. L’AI, l’AT no 1 et l’AT no 2, avec son chien de l’unité canine, de même que d’autres agents de police, ont été envoyés sur les lieux pour faire enquête.

D’après l’enregistrement du système de télévision en circuit fermé (TVCC) de la cour à matériaux de construction, deux hommes cagoulés sont vus sur le terrain de l’entreprise de construction et semblent voler des biens; on peut y voir l’un d’eux portant une salopette ou une combinaison foncée et une cagoule.

Selon le rapport d’incident déposé par la police de Hamilton, une compagnie de sécurité qui surveille le terrain de l’entreprise de construction au moyen d’une surveillance vidéo a observé deux hommes à l’intérieur du terrain clôturé en train de sortir des matériaux de construction; la police a été appelée. À leur arrivée, les agents de police ont fait enquête et ont observé deux hommes en train d’escalader la clôture, embarquer dans une Pontiac Grand Prix de couleur foncée et fuir les lieux; ce même véhicule a ensuite été arrêté par des policiers et deux hommes en sont sortis en s’enfuyant. Après enquête, il a été constaté que le véhicule était enregistré sous le nom d’un ami du plaignant, qui a déclaré que le plaignant était en possession du véhicule ce soir‐là. L’un des hommes qui s’étaient enfuis du véhicule, le coaccusé du plaignant, a été poursuivi à pied et arrêté; il a ultérieurement avoué son implication dans l’introduction par effraction à la cour de construction. De plus, on a trouvé, dans la voiture de modèle Grand Prix, divers outils dont il a été établi qu’ils provenaient de la cour de construction après enquête policière.

Dans sa déclaration aux enquêteurs de l’UES, le plaignant a nié toute implication dans l’introduction par effraction.

L’AT no 2 et son chien de service se sont rendus à la cour de construction pour tenter de localiser les auteurs de l’infraction d’introduction par effraction et ont vu quelqu’un en train d’escalader la clôture puis, peu de temps après, un véhicule a quitté l’endroit. Après avoir reçu des renseignements selon lesquels la Grand Prix avait été arrêtée et deux hommes s’étaient enfuis à pied, l’AT no 2 s’est rendu sur les lieux et a commencé à fouiller les environs à 1 h 18; il était accompagné de l’AI et de l’AT no 1. L’AT no 2 a déclaré que son chien a commencé à montrer de l’intérêt pour la cour arrière d’une résidence et a commencé à tirer énergiquement sur la laisse. Une fois dans la cour de la maison, il a continué de manifester un signe d’intérêt derrière une remise située sur la propriété et le plaignant, qui portait une salopette et une cagoule, a été trouvé derrière la remise. L’AT no 2 a entendu le plaignant lui demander de retenir le chien; l’AT no 2 a alors fait l’habituelle mise en garde de la police, a crié au plaignant de sortir, a retenu son chien et a reculé de 7 à 10 pieds (2,13 à 3,05 mètres).

Le plaignant a nié avoir résisté à son arrestation ou avoir fait quoi que ce soit pour provoquer les policiers.

L’AI et l’AT no 1 ont tous deux déclaré qu’ils ont plusieurs fois demandé au plaignant de montrer ses mains et de sortir, que le plaignant s’est montré avec les mains devant le corps mais qu’il n’est pas sorti. Les agents ont dit que le plaignant se tenait juste là, sans bouger, et que c’est alors que l’AT no 1 a saisi le plaignant à un bras et l’AI l’a saisi par le devant de ses vêtements, puis ils l’ont extirpé de l’arrière de la remise. L’AI a alors ordonné au plaignant de se coucher sur le sol; encore une fois, le plaignant n’a pas obtempéré. L’AI a déclaré qu’il a alors fait tourner le plaignant sur le côté et a essayé de le mettre au sol, mais que le plaignant opposait une forte résistance et refusait de se coucher. L’AT no 1 a entendu plusieurs fois l’AI ordonner au plaignant de se mettre sur le sol. L’AI a alors fait un croche‐pied au plaignant pour le faire tomber rapidement, de manière à pouvoir le maîtriser et prendre le contrôle de ses mains. Une fois que le plaignant s’est trouvé à plat ventre sur le sol, il a enfoui ses mains sous son corps et, bien qu’on lui ait plusieurs fois ordonné de tendre ses mains, il a de nouveau refusé d’obtempérer. Après de nombreuses tentatives infructueuses de l’AI et de l’AT no 1 de saisir les mains du plaignant pour pouvoir le menotter, le plaignant continuait de résister et l’AT no 1 lui a assené un coup de poing sur le haut du dos tandis que l’AI lui a simultanément donné un coup de genou sur le côté gauche, à mi‐hauteur. L’AT no 1 a indiqué qu’il craignait que le plaignant puisse être armé, si bien qu’il était important qu’on lui place les mains dans le dos et qu’il soit maîtrisé. Le plaignant a finalement abandonné ses mains après ces coups de distraction et il a été menotté dans le dos. L’AI a estimé qu’il a fallu environ deux minutes pour procéder à l’arrestation du plaignant du fait qu’il se débattait, tandis que l’AT no 1 a estimé cette durée à environ 45 secondes. Lors d’une fouille subséquente, un couteau pliant a été trouvé dans la poche avant du pantalon du plaignant.

Le plaignant allègue que, alors qu’il était menotté, l’un des agents de police lui a donné à deux reprises un coup de genou dans les côtes à gauche et qu’il a senti quelque chose craquer après avoir reçu le deuxième coup de genou. Le plaignant n’a pas mentionné qu’il a reçu des coups de genou de l’AI et un coup de poing dans le dos de l’AT no 1 pendant que ses mains se trouvaient encore sous son corps. À la lumière de cela, je suis en mesure de conclure que le plaignant n’a été frappé que deux fois par les agents de police, ce qui coïncide avec la preuve fournie par l’AI et l’AT no 1.

Dans cette affaire, il y a peu de différences entre la preuve du plaignant et la preuve de l’AI et de l’AT no 1. Les agents de police admettent qu’ils ont administré au plaignant un coup de genou au côté gauche et un coup de poing au milieu du dos. Le plaignant, qui était alors à plat ventre, croyait qu’il s’agissait de deux coups de genou, mais je conclus, d’après la position dans laquelle le plaignant se trouvait alors, qu’il est peu probable que le plaignant ait été en mesure de différencier les deux coups qu’il a reçus. En outre, le plaignant n’a pu identifier quel policier avait fait quoi. Étant à plat ventre sur le sol, le plaignant ne pouvait clairement pas déterminer si les deux coups reçus venaient du même agent de police ou de deux policiers différents.

Bien que l’AT no 2 portait surtout son attention sur son chien et qu’il n’a pas vu ni l’un ni l’autre des agents de police administrer des coups de distraction au plaignant, il a pu corroborer que lui aussi avait observé le plaignant au sol, les mains sous le ventre, pendant qu’on lui ordonnait, à plusieurs reprises et sans succès, de sortir ses mains et de les mettre dans le dos.

Le plaignant s’est ultérieurement plaint de douleurs aux côtes et a été transporté à l’hôpital, où une radiographie a confirmé la présence d’une fracture sans déplacement à la dixième côte du côté gauche.

À la lumière de cette preuve, je n’ai aucun mal à conclure que le coup de genou que l’AI a assené sur le côté gauche du plaignant a été la cause de la blessure de ce dernier. Je n’ai pas non plus de difficulté à conclure que le plaignant n’a pas obtempéré aux commandes des agents de police, ni pour se coucher sur le sol ni pour abandonner ses mains. Je conclus que, dans ces circonstances, les policiers étaient fondés à craindre que le plaignant puisse être armé et qu’ils devaient agir rapidement pour le menotter et réduire tout risque qu’il pourrait poser. Comme la lutte qui a été nécessaire pour maîtriser et fouiller le plaignant a duré approximativement de 45 secondes à deux minutes, du fait que le plaignant résistait constamment et refusait d’obtempérer, je ne saurais conclure que les actions des agents, lorsqu’ils ont chacun administré un coup de distraction, étaient excessives dans les circonstances. Il est bien possible qu’un seul coup aurait pu suffire pour faire obtempérer le plaignant, mais, étant donné, comme c’est le cas ici, que les choses se déroulaient rapidement, que le plaignant résistait activement, que les agents tentaient de le maîtriser dans un espace confiné et mal éclairé et qu’il y avait un autre suspect potentiel dans les environs, il est compréhensible que chaque agent ait agi simultanément pour maîtriser le plaignant sans d’abord consulter son collègue pour voir ce qu’il allait faire.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. S’agissant d’abord de la légalité de l’appréhension du plaignant, d’après les renseignements dont la police était en possession, à savoir qu’une personne de sexe masculin portant une combinaison et une cagoule avait été vue s’enfuyant de l’endroit d’une introduction par effraction à bord d’une voiture foncée de modèle Grand Prix, que ce même homme a ensuite été vu sortant de la Grand Prix alors arrêtée par les agents de police pour s’enfuir et que les agents de police ont ensuite trouvé un homme portant une combinaison et une cagoule se cachant derrière une remise dans la cour arrière d’une résidence au milieu de la nuit, il est clair que les agents de police avaient plus que des motifs raisonnables de croire que le plaignant était le suspect qu’ils recherchaient et qu’il pouvait être mis en état d’arrestation pour vol par effraction, en contravention du Code criminel. Ainsi, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

Pour ce qui est de la force utilisée par les agents de police dans leurs tentatives de maîtriser le plaignant, je conclus que leurs actions étaient justifiées dans les circonstances et qu’ils n’ont pas employé plus de force que nécessaire pour maîtriser le plaignant, lequel enfouissait ses mains sous le ventre et a continué de représenter une menace pour les policiers jusqu’à ce qu’on le menotte et qu’on le fouille pour trouver des armes. De plus, j’estime que le couteau que l’on a trouvé sur le plaignant et qui se trouvait dans la poche droite de son pantalon, un endroit qui lui était aisément accessible tant qu’il gardait ses mains sous son corps, constitue une preuve concluante du risque auquel les policiers pouvaient être exposés s’ils ne procédaient pas avec prudence et ne maîtrisaient pas le suspect le plus tôt possible pour le menotter. Dans ces circonstances, lorsque l’AI et l’AT no 1 ont chacun limité leur emploi de la force à un coup, chaque coup ayant été administré simultanément et n’ayant pas été répété une fois que les agents ont pris le contrôle des mains du plaignant et que le risque était réduit, j’estime qu’ils ont agi de façon raisonnable et que leurs gestes n’ont pas constitué un emploi excessif de la force, malgré la blessure subie par le plaignant. Pour en arriver à cette conclusion, je garde à l’esprit l’état du droit applicable tel qu’établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, qui dit ceci :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell (1981), 60 C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218]

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension du plaignant et la manière dont elle a été effectuée étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans ce dossier, que les gestes posés par les agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Date : le 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] L’AT no 3 a participé à la sécurisation de la scène de l’introduction par effraction. [Retour au texte]
  • 2) [2] L’AT no 4 était présent à l’hôpital pendant que le plaignant était examiné. [Retour au texte]
  • 3) [3] L’AT no 6 a participé en suivant, dans son véhicule de patrouille, l’ambulance jusqu’à l’hôpital. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.