Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-095

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 18 ans, laquelle blessure a été découverte après son arrestation le 27 avril 2017 pour invasion domiciliaire.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 27 avril 2017, à 10 h 30, le Service de police de Nipissing Ouest (SPNO) a appelé l’UES pour signaler une blessure subie par un homme sous garde.

Le SPNO a indiqué qu’à 4 h le même jour, des agents de police avaient répondu à un appel concernant une invasion domiciliaire à Nipissing Ouest. Puis, le plaignant avait apparemment sauté d’un appartement au deuxième étage. Les agents de police ont procédé à une fouille et ont arrêté le plaignant et deux complices.

Pendant qu’il était sous garde, le plaignant s’est plaint d’une blessure au dos et a été examiné à l’hôpital, où l’on a déterminé qu’il y avait peut‐être une fracture au coccyx à la base de la colonne vertébrale. Le plaignant et deux autres suspects demeureraient sous garde en vue de leur audience de libération sous caution.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 18 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC n° 3 A participé à une entrevue

TC n° 4 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées

Preuve

Les lieux de l’incident

Il y avait deux lieux importants :

Le lieu de l’incident était un bâtiment à deux étages à Sturgeon Falls. Le plaignant se trouvait dans un appartement au deuxième étage à cette adresse. Il est sorti par une fenêtre et est tombé 4,8 mètres jusqu’au sol en bas. La surface sur laquelle il a atterri était de l’asphalte en pente allant du mur du bâtiment jusqu’au trottoir.

Le lieu de l’arrestation était dans la cour arrière d’une autre résidence à Sturgeon Falls. Le plaignant était sur le ventre sur une plateforme en bois surélevée reposant sur le sol lorsqu’il a été arrêté. Le dessus de la plateforme en bois mesurait 1,05 sur 1,00 mètre et était à une distance de 0,12 mètre du sol.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a inspecté les lieux pour déterminer s’il y avait des enregistrements vidéo ou audio et des preuves photographiques, mais n’a pas réussi à en trouver.

Dossiers obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPNO les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • tableau de service;
  • chronologie des événements;
  • enregistrements des communications;
  • vidéo de l’entrée sécurisée, de la salle de mise en détention et de la cellule du SPNO;
  • rapport d’incident général (notes et rapport supplémentaire);
  • notes des AT nos 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7;
  • résumé de l’incident;
  • photographies du SPNO des lieux de l’incident et de la victime de l’invasion domiciliaire;
  • fiches du registre des prisonniers;
  • procédure – recours à la force;
  • procédure - arrestation;
  • procédure – garde et contrôle d’un prisonnier;
  • dossiers de formation – AT no1, AI no 1 et AI no 2;
  • rapport sur l’emploi de la force;
  • déclaration de la victime de l’invasion domiciliaire;
  • déclaration vidéo du TC no1;
  • déclaration vidéo du plaignant.

Description de l’incident

Tôt le matin du 27 avril 2017, le plaignant se trouvait dans un appartement au deuxième étage d’un bâtiment lorsqu’un témoin a appelé le numéro 9‐1‐1 pour signaler qu’il y avait des troubles venant de cette résidence.

Quand l’AI no 1 et l’AT no 1 ont répondu à l’appel et ont annoncé leur présence à la porte de l’appartement, le plaignant est sorti par une fenêtre au deuxième étage et est tombé au sol en contrebas, en atterrissant sur le dos sur le revêtement. Puis, le plaignant s’est levé et a pris la fuite en courant. Il a été arrêté à une certaine distance de là. Durant son arrestation, l’AI no 2 a placé le genou sur le dos du plaignant tout en lui passant les menottes.

Le plaignant s’est plaint de douleur au dos et il a été transporté à l’hôpital, où selon le diagnostic, il avait une fracture par compression à la vertèbre L2, laquelle fracture était stable.

Analyse et décision du directeur

Le 27 avril 2017, vers 3 h 35, le SPNO a reçu un appel signalant des troubles dans une résidence à Sturgeon Falls, Nipissing Ouest. L’AI no 1, l’AI no 2 et l’AT no 1 ont été dépêchés en réponse à l’appel. L’AT no 1 et l’AI no 1 sont arrivés en premier à la résidence et ont pris les escaliers pour se rendre à l’appartement au deuxième étage, où l’AI no 1 a frappé à la porte et où les deux agents ont annoncé qu’ils faisaient partie de la police. Puis, l’AI no 1 a entendu un bruit sourd, et l’AI no 2 a annoncé par la radio qu’un homme venait de sauter d’une fenêtre. L’AI no 2, alors qu’il s’approchait de la résidence, a vu le corps du plaignant rouler sur le trottoir au côté est du bâtiment et puis, il a observé le plaignant se lever et s’enfuir en courant.

Il n’est pas contesté que le plaignant est tombé de la fenêtre au deuxième étage du bâtiment et qu’il a atterri sur le sol en contrebas.

L’AI no 2 a indiqué que, durant l’arrestation du plaignant, il avait mis son genou sur la partie supérieure du dos du plaignant, tout près de l’épaule gauche, pour le menotter. Il a expliqué également qu’il n’était pas nécessaire pour lui ni pour l’AI no 1 d’user d’une quelconque force contre le plaignant, puisque celui‐ci avait été docile tout au long de l’arrestation. L’AI no 2 a souligné tout particulièrement qu’aucune force n’avait été appliquée dans la région du coccyx du plaignant. Au moment de l’arrestation, le plaignant a dit à l’AI no 2 qu’il avait sauté de la fenêtre à l’étage supérieur et avait atterri sur les fesses et s’était fait mal au coccyx.

L’AI no 1, dans sa déclaration, a également précisé que le plaignant n’avait pas résisté et qu’il coopérait en obéissant aux ordres qu’il lui donnait et qu’aucune force n’avait été appliquée au bas de son dos. L’AI no 1 pensait aussi qu’il avait entendu le plaignant dire qu’il s’était fait mal au derrière lorsqu’il avait sauté de la fenêtre. Les dossiers médicaux du plaignant confirment qu’il a fourni la même explication concernant sa blessure au médecin qui l’a évalué.

Au moment de l’inspection de l’appartement où était survenu le vol qualifié, un agent de police a constaté qu’une fenêtre était ouverte dans la salle de séjour.

Dans ce dossier, il est clair que la blessure du plaignant a été causée par ses propres gestes sans intervention directe des agents de police qui avaient répondu à l’appel et qui n’étaient même pas encore entrés dans l’appartement quand le plaignant avait décidé de s’échapper rapidement en passant par la fenêtre au deuxième étage; que l’AI no 1 et l’AT no 1 accomplissaient leurs fonctions en bonne et due forme lorsqu’ils avaient frappé à la porte de l’unité au deuxième étage et avaient annoncé qu’ils étaient des agents de police et qu’ils étaient là pour enquêter à la suite d’un appel concernant des troubles; et qu’à aucun moment ni l’un ni l’autre agent n’avait eu de contact physique ni aucune interaction verbale significative avec le plaignant avant qu’il saute de la fenêtre. Le geste posé par le plaignant en passant par la fenêtre au deuxième étage était clairement attribuable à une décision consciente de sa part de tenter de s’esquiver à la police et de réussir à s’échapper. Il ressort clairement de cette preuve qu’on ne peut aucunement rejeter la faute sur l’AI no 1 ni sur l’AT no 1, qui exerçaient simplement leurs fonctions comme ils étaient censés le faire et qu’ils n’ont joué aucun rôle dans la fuite du plaignant par la fenêtre, autre que le fait d’annoncer leur présence.

Par ailleurs, en dépit de l’affirmation du plaignant qu’une seconde raison qui pourrait expliquer sa blessure était que l’AI no 2 avait placé le genou sur son dos pendant le menottage, je conclus que la description de l’arrestation et du menottage fournie par les deux agents de police, et confirmée par le plaignant, n’incluait pas de recours à une force significative parce que le plaignant ne résistait pas et obtempérait complètement. Les deux agents ont indiqué qu’absolument aucune force n’avait été appliquée au bas du dos du plaignant et que l’AI no 2 avait placé son genou sur la partie supérieure de son dos près de l’épaule. Peu importe l’endroit exact où l’AI no 2 a mis son genou sur le dos du plaignant, la preuve fournie non seulement par l’AI no 1 et l’AI no 2, mais également par le plaignant lui‐même, semble indiquer que l’acte de l’AI no 2 consistant à placer son genou sur le plaignant pour le tenir au sol n’était pas accompagné d’une force suffisante pour avoir causé sa blessure.

Il convient de souligner qu’à aucun moment, des allégations n’ont été formulées à l’encontre de ces agents par qui que ce soit, concernant d’éventuels gestes inappropriés de leur part. Dans cette affaire, je suis convaincu que les agents ont eu recours à la force minimale requise pour menotter le plaignant, qui était le seul responsable de sa blessure, puisqu’il avait sauté d’une fenêtre au deuxième étage et était tombé à la renverse sur l’asphalte en contrebas. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables, que les gestes posés par les agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas de motifs de porter des accusations en l’espèce.

Date : 16 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.